Sublime.sokol a écrit : ↑lun. 19 juin 2023 11:05
(Hélas pour moi) je vais vous raconter une histoire : je l'ai vu il y à peu près 20 ans, sur grand écran, quand je commençais à m’intéresser réellement du cinéma. Or, non seulement je ne savais rien de Eustache mais surtout, je n'avais jamais vu un film de Bresson (comme dit Bégaudeau dans son podcast : c'est le film le plus Bressonien de l'histoire du cinéma, voir plus que ceux du maitre lui-même; à propos du posdact : @asketoner, t'es pas le seul à penser que "La maison des bois" est ce que Pialat a fait de plus beau : vous êtes au moins deux, toi et Bégaudeau).
Donc, je l'avais vu il y a 20 ans. Ça m'avait surpris, dérouté, étonné, déconcerté. Bref, ne l'avais pas "compris". Et je l'ai revu avant-hier soir, toujours sur grand écran. Et :
1. Je pense que c'est le plus beau film de Eustache, le plus vrai, le moins 'tricheur' (le cinéma est déjà une grosse tricherie, qui ne le sait pas).
2. J'étais sidéré par la courteur des scènes (je n'ai pas vu mieux au cinéma, à part les films de Bresson ou "Le nouveau monde" de Malick - d'ailleurs, Malick c'est du Bresson avec de la musique donc, même si souvent c'est très réussi, ça reste un peu du sous-Bresson. C'est dit).
3. Et surtout, par la caméra : je pense que c'est le plus beau film au monde en ce qui concerne le positionnellement d'une caméra par rapport aux acteurs (et puisque pour moi "dis moi où tu pose ta caméra et je te dis ce que tu fais comme film", là, ça bat tous les records. A la limite, il y a que les Straub qui arrivaient à faire ça. Très probablement, ça doit venir également du fait que c'est un film autobiographique (même si, comme disait Eustache lui-même, "Mes petites amoureuses" c'est la partie autobiographique de sa vie qui n'a pas eu lieu - une autobiographie rêvé, on va dire).
Puis, vers 2/3 du film, j'ai pleuré. Il n'y avait aucune raison apparente (l'histoire, un personnage, une situation... ) : rien. J'ai dû pleurer pour Eustache, pour l'auteur de l’œuvre. Bergman disait que les larmes au cinéma sont toujours un peu mauvaises car elles libèrent le spectateurs de ses problèmes mais là, c'est des larmes différentes (peut être les seules qui méritent d’être versées). Ça m'arrive de verser ce 'genre' de larmes seulement devant les films de Godard (car chez lui aussi, existe une relation très forte entre l’œuvre et l'auteur, on ne peut les séparer, même durant le visionnage d'un film car même s'il n'y apparait pas, Godard était le plus grand acteur de ses propres films, il suffisait de le voir, il était toujours là, sûr). Et là, rebelote : je ne m'y attendais pas (même si dans "La maman et la putain" Veronika versait parmi les plus belles larmes au cinéma, elle ne m'a jamais fait pleurer, et c'est tant mieux car cela aurait été 'facile').
Sacré film. Et même un film sacré. Pur. Comment peut-on faire ça ?? Cela ne m'étonne pas une seule seconde qu'après celui-ci (pourtant, Eustache avait écrit son scénario il y a 10 ans mais il a tourné juste après "La maman et la putain", probablement pour profiter de la notoriété qu'il a pu obtenir avec celui-ci). On peut même le dire ainsi : faire "Mes petites amoureuses" et se donner la mort.
Du jamais vu. Littéralement.
ps: hier soir j'ai lu ce que @JanosValuska a écrit sur SensCritique à propose de ce film. Magnifique. M a g n i f i q u e. Je pense que Bégaudeau l'a lu avant son podcast : certains de ses idées y sont.
ps2 : le film est dédié aux filles (tout comme le titre indique) et pas à l'héros masculin du film. Ces plans, mais ces plans :
mon Eustache préféré,
et La Maison des Bois mon Pialat préféré.