Entre ces recherches de danse, j'ai pu voir ces derniers temps :
Description d'un combat - Chris Marker
Marker, grand réalisateur de films de voyages tant dans l'espace (Sibérie, Japon...) que le temps (La Jetée, Level 5...) s'arrête en 1960 en Israel, pays alors tout juste né. Si Marker y filme comme personne les particularités locales, il s'arrête également quelques temps dans les kibboutz, formes d'organisations sociales alors révolutionnaires. C'est exactement ce que pouvait alors incarner la jeune Israel : un espoir d'une autre forme d'Etat et de vie.
En retour il est particulièrement surprenant que Marker ne reporte qu'à la toute fin, et de façon très succincte, le "problème arabe" et la coexistence de communautés sur le même territoire. Si le problème n'était pas aussi extrême et intolérable qu'il l'est devenu jusqu'à nos jours, il était déjà en germe... Ce dont Marker avait conscience (puisqu'il le mentionne) mais dont il semble plutôt embarrassé qu'autre chose (puisqu'il le contourne). Il semble que Marker ait taché d’empêcher la circulation et la diffusion de son film dès la fin des années 60, Israël ayant alors déjà largement perdu de son éclat, et le réalisateur ayant sans doute pris conscience du problème du point de vue déployé par son ouvrage. Description d'un combat est donc un bon film, un bon Marker, mais qui nécessite de nos jours une importante recontextualisation et mise en perspective historique...
Al primo soffio di vento - Franco Piavoli
Attendez, c'est à ca que vous (Asketoner, Sokol, pardon pour la mention directe
) compariez Michelangelo Frammartino et, pire encore, Artavazd Pelechian ?! J'avais déjà mes doutes en regardant Voci nel tempo, mais c'est ici absolument certain : le regard de Piavoli sur le monde est vraiment problématique. Non pas seulement bourgeois mais franchement réac, voir carrément douteux dans la représentation des personnes noires. Dans Al Primo Soffio di vento, on ne sort jamais vraiment de sa grande demeure, on s'y endors et on profite de la douce brise. Si on sort on n'y comprend rien du tout et on ne fait rien qu'à s’égarer et se perdre. On ne fait donc rien de son temps et les seuls qui travaillent ce sont les employés de la ferme, noirs bien évidemment et dont un savant effet de montage viendra comparer le langage avec le meuglement des vaches. D'ailleurs un peu plus tard on finira par observer ces quelques employés à la jumelle, pendant qu'ils dansent et batifolent naïvement au bord d'une rivière... J'oubliais la scène de rêve ou l'on imagine ces mêmes personnes lisant des livres, ou la scène de télévision sur laquelle apparait une pin-up (contre champ sur un visage qui se met à sourire), puis apparaissent des enfants africains filmés absolument n’importe comment (contre-champs, la lumière à changé et le visage tire franchement la gueule). Vraiment, ce n'est pas possible... j'ai fini le film en accéléré, voyant mes idées se confirmer les unes après les autres. J'avais déjà des doutes dès "Voix dans le temps", qui se confirment ici... J'avais encore un Piavoli sous le coude (La planète bleu) mais ça sera sans moi, et de lui je ne retiendrais que "Le Retour" dont la mise en scène d'un mythe antique avait au moins une forme audacieuse.
Sikkim - Satyajit Ray - 1971
Détour du grand Satyajit Ray par le documentaire pour immortaliser le Népal. Il y met en avant la richesse de la flore et des paysages, mais surtout de sa complexité culturelle avec la cohabitation de nombreuses cultures et vagues d'immigrations. La dernière partie du film est consacrée à une grande fête religieuse dont les danses et les costumes sont absolument extraordinaires, valant à eux seul le visionnage d'une heure.
Les enfants de Golias - Clément Schneider - 2013
Découverte d'un des premiers courts de Clément Schneider, dont le long métrage "Un violent désir de bonheur" m'avait particulièrement enthousiasmé.
Ici déjà un film d'époque & de moine : un jeune moine s'enfuit de son monastère pour découvrir le monde et se retrouve mêlé à des "goliards", sorte de saltimbanque-clercs itinérants, et à la rude réalité du temps séculier. Très belle maitrise de la mise en scène, par un réalisateur qui croit tout à fait à la force de ses images et de sa narration. On l'aurait presque vu transformé en long métrage (ce qu'est presque "Un violent..." d'une certaine façon) et quoi qu'il en soit annonciateur de beaux films à venir.
La lettre inachevée - Mikhail Kalatozov
S'ouvrant sur un acte manqué (l'oublie d'envoyer une lettre à l'être aimé) qui se transformera en pulsion de (sur)vie, La lettre inachevée est une incroyable aventure entre 5 protagonistes : 4 collègues et la nature. La mise en scène est incroyablement palpitante, plastiquement superbe, au point qu'on se demande comment Kalatozov à réussi à filmer de cette façon son oeuvre ? Groil tu citais Stalker, mais j'avais plus en tête L'Enfance d'Ivan en regardant le film, couplé à l'audace des Chevaux de Feu de Paradjanov, deux films qui lui sont pourtant postérieurs !
Surprenant David Robert Mitchell qui aborde en seulement 3 films (pour l'instant) 3 univers totalement différents, et pourtant toujours avec une certaine réussite. The Myth of the American Sleepover est un peu l'anti-American Pie parfait, remisant au placard la lourdeur des teen movies contemporains. Choisissant l'unité de temps (une nuit de fin d'été, proche de la rentrée) et de lieu (une banlieue américaine moyenne, dont les parents semblent s'être évaporés), The Myth... met en scène de jeunes corps à l’orée de leur vie d'adulte dont les envies, désirs, futurs et (déjà) nostalgies se croisent et s'émeuvent mutuellement. Pudique sans être prude, le film est une très belle variation sur cet age éphémère que l'on traverse sans s'en rendre compte mais dont chaque souvenirs compterons toujours un peu plus que les suivants.