Un village du Niger, situé près des côtes, manque d'eau, et rien ne pousse, la famine règne. Quelques pontes du village ont l'idée de faire un voyage aux Pays-Bas pour démarcher un fabriquant de moulins, afin d'importer cette technique en leurs terres. Après plusieurs visites et rencontres parfois assez cocasses nos débonnaires chefs du village rentrent chez eux avec un constructeur de moulins (sans oublier de ramener deux mulets qui prennent l'avion dans la soute à bagages), qui va leur en construire un, mais surtout leur apprendre à les construire. Le film est jusque là très agréable mais plutôt anecdotique, comme un reportage TV de qualité (le film fut fait pour la TV et non le cinéma), mais cette dernière partie le rend passionnant. Parce qu'il y est véritablement question de miracle, le moulin est construit, l'eau arrive, les champs deviennent fertiles, mais aussi de transmission, le Hollandais après aux villageois à construire eux-mêmes des moulins, avec les matériaux du coin, et le miracle prend et devient cinématographique. On leur a offert à Amsterdam des bulbes de tulipes noires, ils les plantent, et ce sont des fleurs qui poussent en une heure (incroyable, mais vrai). Une heure plus tard, Jean Rouch, dont c'est le dernier long-métrage, filme un champ, il a peu sec comme un désert d'Afrique, et quelques minutes plus tard couvert de milliers de tulipes noires à perte de vue, et ce plan résonne comme une épiphanie, comme la manifestation de cette terre qui ne demandait qu'à devenir fertile.
Un homme croit reconnaitre par hasard son ancien tortionnaire alors qu'il était prisonnier des griffes du guide suprême. Il l'assomme puis s'apprête à l'enterrer vivant, mais il n'est pas sûr de lui à 100%. Et s'il enterrait un innocent ? La suite du film va donc constituer à la recherche d'autres personnes torturées par le même homme qui vont statuer sur son identité, tout en ayant un doute permanent (ils étaient yeux bandés, peu ont vu son visage). Le tout traité dans une ambiance qui tire parfois vers le comique absurde qui n'est pas forcément le meilleur moyen d'aborder des questions aussi lourdes. Car oui, le dernier Panahi est une relative déception (le fait qu'il reçoive la Palme d'Or pour ce film-là et pas un autre, pouvait déjà le laisser craindre). Pour moi, le problème principal du film vient du fait que le spectateur n'est pas informé durant le film (on ne le sait qu'à la toute fin), et que, contrairement au principe élaboré par Hitchcock, le spectateur n'est pas aussi intelligent que le metteur en scène, car ce dernier ne lui a pas donné les informations. Le suspense (malsain) qui en découle ne relève plus que de la question bête coupable ? / non coupable ? au lieu d'aborder les questions de morale et de responsabilité qu'on attend de la part d'un cinéaste de la trempe de Panahi. Donc pendant tout le film tu es gêné, en te disant qu'ils torturent peut-être un innocent, comme eux l'étaient. Lorsqu'on apprend finalement le pot aux roses, il est bien tard, mais surtout on est dans le personnage et le spectateur sont confrontés à double cas de figure où ils sont mal à l'aise et malmenés, qu'il soit coupable ou non. Heureusement il y a ce monologue final qui est très fort, ainsi que le tout dernier plan (qui dit en gros que les personnes torturées seront hantées toute leur vie par leur bourreau, que celui-ci soit puni ou non), mais tout ça est un peu scolaire et appliqué pour du Panahi. La preuve, il n'a pas été embêté par le régime iranien pour ce film, alors qu'il a fait de la prison pour plein d'autres de ses oeuvres. Celui-ci semble ne pas déranger le guide suprême, on l'autorise même à aller chercher sa Palme d'Or et à revenir au pays sans passer par la case prison comme d'habitude. Qu'est-ce qui a changé ? Cela m'étonnerait qu'il s'agisse du système de répression du régime.
On adore la trilogie Dumas / Lester à la maison, et ce weekend on montrait le second volet aux enfants, plus sombre, plus dur que le premier, mais tout aussi réussi. Seul le 3ème est, de mémoire, moins bon.
Je m'attendais à un affreux nanar intersidéral, mais pas du tout, c'est un très bon film de SF à l'humour noir et sexuel permanent, qui est sans cesse dans l'outrance mais une outrance très cadrée quand même, ce qui fait, hormis de petites longueurs à partir du moment ou 17 et 18 cohabitent, que le film est extrêmement bien construit. On pense bien évidemment à la SF de Terry Gilliam mais aussi à des univers très liés à la bande dessinée (Le réal est connaisseur), comme ceux de Möbius, Bilal, et qui offrent un film assez réjouissant (les acteurs s'en donnent à coeur joie), beaucoup plus réussi, pour rester sur le versant bande dessinée que Le Transperceneige qui était pour moi un ratage total.
En bord de mer, un gamin de 11 ans disparait quelques instants de la surveillance de sa mère. Lorsqu'il réapparait, il est étrange et irrésistiblement attiré par l'eau. Chez lui, il ne communique plus, et s'entoure d'eau, passe ses soirées dans la baignoire, etc. Jusqu'à ce que sa mère se mette aussi à dériver et à ressentir les même syndromes. Je m'énerve souvent quand je vois des gens, surtout sur les réseaux sociaux, dauber sur le cinéma français, disant que c'est de la merde, etc., alors qu'on sait tous très bien qu'il s'agit d'un plus riche au monde. Seulement... quand tu es confronté à ce genre de trucs, tu ne peux que leur donner raison. Dans ce film, il y a l'idée, que je viens de vous évoquer, qui en soi n'est pas plus mal qu'une autre, mais c'est tout ! Il n'y a rien d'autre ! C'est le zéro absolu, le vide total et abyssal. Il n'y a rien ! Le scénario est consternant, les dialogues n'en parlons pas, c'est du stéréotype au kilomètre, plus creux tu meurs, et même les acteurs sont archi mauvais; car même quand tu es assez douée comme c'est habituellement le cas de Cécile de France, comment être juste quand tu récites des âneries pareilles ? Je dirai bien "il faut le voir pour le croire", mais je ne veux pas vous infliger cela.
Il y a plusieurs mois (grosso modo à la sortie du dernier) j'avais entrepris une intégrale de NB Ceylan durant laquelle j'ai revu tous ses films. Tous sauf un, je m'étais mis de côté Nuages de Mai, l'un de ses plus beaux, et puis vous savez comment avance la barque d'un cinéphile, on passe d'une rive à l'autre, d'une filmo à l'autre, on oublie des films en route, jusqu'à y revenir enfin. J'ai eu un plaisir fou à revoir Nuages de Mai (la première fois en bluray en revanche) et je confirme qu'il s'agit d'un de ses plus beaux films, et sans doute le plus autobiographique. On y voit un effet un cinéaste qui revient chez ses parents vivants à la campagne pour faire un film où ils seraient les acteurs principaux (ils n'en ont pas forcément envie) et le couple est joué par les propres parents du cinéaste, et le cinéaste par son alter ego, qu'on verra ensuite dans Uzak. Ce film peut d'ailleurs très bien être vu comme le prologue d'Uzak (il y a aussi le personnage du cousin, héros d'Uzak, omniprésent), en tout cas comme son film miroir. Et visuellement, je crois que c'est le plus beau Ceylan, c'est à tomber de beauté, plus encore dans cette version restaurée, et on ne se remettra jamais de certaines séquences comme celle du panier de tomates, parmi d'autres, qui semblent justifier à elles seules l'invention de l'art cinématographique.
I like your hair.