Le Centre de Visionnage : Films et débats

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cyborg
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Du cinéma indé américain comme une recette inusable, ressurgissant ponctuellement sur nos écrans, entre "dramedy" et études de mœurs aux tonalités douces-amères. Somme de petites vignettes, personnages aux traits quasi-sitcomesque, fragilité et difficulté à être, rapport intello (et drôlatique) au monde et aux autres. Joan Micklin Silver dans les années 70/80, Jon Jost dans les années 90/00, Eva Victor aujourd'hui, la liste est longue. Si les saveurs se ressemblent, elles suivent les évolutions de la société. Sorry, Baby est donc parfaitement raccord avec les problématiques et les formes contemporaines progressistes, ce qui le rend pleinement sympathique. D'une façon peut-être un peu trop appliqué néanmoins, frisant parfois la liste des éléments à cocher, mais soit.
Derrière ces histoires d'amitié-amoureuses, de passage tardif à l'age adulte, de reconstruction post-traumatique, dans une mise en scène ronronnante, la proposition la plus intéressante d'Eva Victor se joue dans l'idée que l'on voit toujours "à travers" (plusieurs plans sont vus par une porte entrouverte ou une fenêtre), pour se "raccrocher à" ou se "projeter sur" : les autres mais aussi les œuvres que l'on côtoie. Tandis qu'apparaissent plus ou moins ostensiblement à l'écran 12 Angry Men, Giovanny's Room, Lolita, La Promenade au Phare, on se retrouve à être juré, se poser des questions sur l'homosexualité, subir un viol ou partir faire une marche jusqu'à... un phare. Et que dire de The Winter's Tale, pièce de Shakespeare sur les illusions de l'art, qui sert d'arme pour écrabouiller une souris ? Ce sont d'ailleurs bien avec les pages de sa thèse que l'héroïne vient obstruer la fenêtre de sa chambre pour s'abriter des regards extérieurs. La scène finale rejouera enfin ce procédé, l'héroïne venant projeter sur le tout jeune poupon de son amie ses angoisses passées, présentes et à venir.

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Si Beau Is Afraid était absolument excessif et imparfait, il n'en était pas moins captivant par son sur-régime foutraque. Version psychotique et cauchemardesque d'un Forest Gump des années 2020, faisant coïncider la traversée de la psyché malade de Joaquin Phoenix à la traversée des USA, Ari Aster s'y autorisait des sorties de routes aussi épuisantes que réjouissantes car uniques (qui de nos jours se permet d'embrasser le cinéma de la sorte, plus encore aux USA ?). Le résultat était un film malaimable, symbolique et malade, mais c'est précisément ce qui le rendait, au moins partiellement, aimable.

J'étais particulièrement curieux de découvrir Eddington qui semblait cette fois radiographier la psyché malade d'une époque et d'une nation pour la concentrer en un seul point fixe, celui du "far-west" et du mythe fondateur hyper-violent américain. Si Ari Aster saisit avec brio la folie apathique qui englue notre monde contemporain, il peine pourtant à faire corps avec elle. Le désir est tel de réaliser un portrait hyper-contemporain "sur le vif" de l'Amérique, l'application est telle de rendre lisible son propos, qu'Aster oublie d'en faire vriller son film comme il a su le faire avec le précédent. Seule la dernière partie, se transformant en FPS, parvient enfin à nous sortir quelque peu du chemin tout tracé du film. De la sorte on regrette que les points de vues ne se multiplient pas (mieux connaitre le maire pour délaisser le shériff, quitte à laisser plus de zones d'ombres qui auraient pu être salvatrices) ou que l'utilisation des réseaux sociaux soit aussi désincarné et illustratrice. On se prend à rêver de ce qu'aurait pu faire un Radu Jude avec un tel sujet, lui qui dépasse la simple bouffonerie en intégrant pleinement la diversité des régimes d'images à "N'attendez pas trop de la fin du monde". En écrivant ceci j'ai l'impression de rejouer le duel éternel Godard-Truffaut, le premier ayant pleinement théorisé et intégré la diversité des régimes d'images, le deuxième n'ayant jamais faire autre chose que de les intégrer fictionnellement dans son cinéma (je ne songe alors qu'à La Nuit Américaine, sa seule tentative de réponse à JLG). Mais je m"égare.

Aster réalise ici une sorte de néo-western noir dont le résultat est malheureusement moins sidérant qu'il n'aurait pu l'être. Je ne comprends pas très bien d’où vient soudainement cette richissime milice armée "ANTIFA" qui pourrait sortir tout droit d'un délire conspirationniste de Joe Cross mais pourtant avancée comme bien réelle (le plan du jet privé), venant de la sorte troubler le propos et la cohérence interne du film. La bonne idée d'Eddington était en effet d'être un film quasi-clos sur lui même, mettant le doigt sur l’isolationnisme et la folie qui en découle pour mieux ronger les individus et la société. Ce n'est ainsi pas pour rien que les seuls "espoirs" du film viennent de ses éléments différents (l'assistant noir, mais surtout les policiers natifs avec qui il est sans cesse question de frontière), tandis qu'une des trames en sourdine du film concerne l'inceste touchant la femme du shériff, symbole particulièrement puissant du monde en "vase clos" que dépeint le film.

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Deux femmes de milieux différents se rencontrent alors qu'elles rendent visites à leurs maris emprisonnés dans le même centre de détention. Le prétexte est assez beau pour promettre un film social fait de sororité et d'ouverture vers l'autre, jusqu'à ce que les carcans sociaux ne finissent par se rejouer inlassablement. Faut-il voir dans ce final une facilité, une faiblesse politique ou une désillusion totale ? Peut-être un peu des trois. Si le film est cinématographiquement faible c'est sans doute parce qu'il faut chercher l'esprit de son projet du côté de la littérature : La prisonnière de Bordeaux n'aurait sans doute pas fait tâche dans la vaste Comédie Humaine de Balzac, un auteur dont les orientations politiques continuent d'être sujet à débat.
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Tyra
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Grosse douche froide de mon coté, je trouve ça vraiment poussif, peu inspiré, que ce soit la première ou la deuxième partie. Ari Aster ne me semble pas savoir où il va, ni ce qu'il veut raconter. Puisqu'on parle ici de L'accident de piano comme point de comparaison, chez Dupieux je sens une sincère identification au personnage principal, aussi monstrueux soit-il, et arrive à nous donner envie de la défendre. Ici, je sens une distance ironique et hautaine envers tout le monde, y compris le personnage de Phoenix. Personnage qui me pose problème d'ailleurs, son brutal accès de violence me semble en totale contradiction avec ce qui nous est montré de lui dans un premier temps, un nigaud certes, mais animé de maladroites intentions pacifiques et réconciliatrices. Son histoire de jalousie autour de sa femme me semble un levier totalement artificiel et gratuit pour en faire le grand méchant de la deuxième partie. Quand à l'assaut final par le groupe mystérieux, c'est vraiment une facilité mille fois vue pour s'en sortir par un pirouette qui ne tranche pas.
Modifié en dernier par Tyra le mar. 12 août 2025 17:32, modifié 1 fois.
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Tyra
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Produit industriel de plus dans cette saga, qui ne prend plus la peine de bosser ses scénarios (David Koepp pourtant), ses effets spéciaux, sa mise en scène, sa vraisemblance... Cela suffit pour cartonner, donc pourquoi se gêner.
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sokol
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Tyra a écrit : mar. 12 août 2025 17:28 je trouve ça vraiment poussif, peu inspiré, que ce soit la première ou la deuxième partie. Ari Aster ne me semble pas savoir où il va, ni ce qu'il veut raconter. Puisqu'on parle ici de L'accident de piano comme point de comparaison, chez Dupieux je sens une sincère identification au personnage principal, aussi monstrueux soit-il, et arrive à nous donner envie de la défendre. Ici, je sens une distance ironique et hautaine envers tout le monde, y compris le personnage de Phoenix.
:jap: :jap: :jap:

Je pense que cela témoigne de l’inculture politique du cinéaste. Une scène en particulier en est révélatrice : vers la moitié du film, on assiste à un dîner familial chez un·e jeune militant·e du mouvement Black Lives Matter. La séquence, très brève — une à deux minutes tout au plus — semble trahie par l’embarras du réalisateur, qui ne sait manifestement pas comment aborder le sujet. Il se contente de poser le décor : un·e jeune "woke" face à sa famille, puis esquisse à peine les prémices d’un débat entre lui/elle et ses parents… avant de couper net (personnellement, c’est à ce moment-là que j’ai eu envie de quitter la salle de cinéma, même si je suis resté jusqu’à la fin)
Modifié en dernier par sokol le lun. 18 août 2025 11:29, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Kahled
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Moi j’ai adoré le Aster (pas le temps de développer, j’essaierai d’en dire peut-être plus après). :D
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sokol
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Kahled a écrit : lun. 18 août 2025 10:20 Moi j’ai adoré le Aster (pas le temps de développer, j’essaierai d’en dire peut-être plus après). :D
et de la scène que j'évoque, qu'en penses tu ?
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sokol
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cyborg a écrit : mar. 12 août 2025 16:18
Je ne comprends pas très bien d’où vient soudainement cette richissime milice armée "ANTIFA" qui pourrait sortir tout droit d'un délire conspirationniste de Joe Cross mais pourtant avancée comme bien réelle (le plan du jet privé), venant de la sorte troubler le propos et la cohérence interne du film.
Selon moi, Aster est un faquin qui, pour nous convaincre que « tout le monde a ses raisons » (c’est-à-dire que tout le monde est fou), se trompe lourdement. Il est simplement tombé dans le piège de ceux qui croient à l’existence des « wokes » — or, ce terme est un néologisme dont la vocation n’est pas la réflexion, mais la stigmatisation : tout ce qui n’est pas d’extrême droite est automatiquement qualifié de « woke »
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Kahled
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sokol a écrit : lun. 18 août 2025 10:37
Kahled a écrit : lun. 18 août 2025 10:20 Moi j’ai adoré le Aster (pas le temps de développer, j’essaierai d’en dire peut-être plus après). :D
et de la scène que j'évoque, qu'en penses tu ?
De mémoire elle ne m’a pas du tout gêné et sa concision m’a même fait marrer en fait.

Aster dans son film cherche surtout à exposer des « situations » (ce qui est le propre du cinéma). Celle que tu cites, c’est surtout une séquence qui montre comment l’incommunicabilité, même au sein d’une même famille, peut créer assez absurdement des dissensions. C’est un film qui accorde d’ailleurs une place centrale à l’absurde, en tant que phénomène qui crée une folie collective au sein de la société au point où les dissensions deviennent nébuleuses (la dernière partie, où on ne sait pas trop contre qui se bat le shérif - ça n’est jamais clairement dit - le montre clairement, c’est un sommet de tension où on ne comprend finalement pas trop contre qui il tire).

Du coup, la brièveté de la scène dont tu parles ne m’a pas gêné et m’a même parue logique en fait : pour Aster, il n’y a plus de débat, il n’y a plus que de la violence.

Quant à l’idéologie du film, je pense que celui-ci est quand même de gauche (pour répondre à ton autre commentaire où tu dis que tout ce qui n’est pas « woke » est d’extrême-droite pour les pourfendeurs de ce terme). Finalement, on voit bien que les structures dominantes (donc la police, la mairie et donc les politiciens en tant que corps électoral) sont les plus dangereuses. Il m’apparaît juste lucide sur les limites que présentent certains mouvements sociaux dans leur communication et stratégie.
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cyborg
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Malgré toutes les réserves que je peux avoir, la scène que tu cites @sokol est avant tout un ressort comique : le gamin parle de la domination blanche à ses parents, dans les termes d'un discours récité par cœur, et son père de s'escalmer "mais tu es blanc ?!". Cut.
C'est "juste" une vanne et un montage lié (j'avoue, j'ai pouffé). Il fallait pas s'attendre à ce que ça parte dans une discussion argumenté et nuancé sur les perceptions politiques intergénérationnelle, ça reste un film satirique et bouffon, tout de même.
Ça me semble beaucoup moins problématique que les "antifas milice armée richissime" qui permettent d'excuser tout le monde
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sokol
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cyborg a écrit : lun. 18 août 2025 12:32 Il fallait pas s'attendre à ce que ça parte dans une discussion argumenté et nuancé sur les perceptions politiques intergénérationnelle,
Et pourquoi pas ? Le film n'est pas construit de courtes scènes ! (ou alors la mise en scène ne compte pas ? :scared: )
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sokol
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Kahled a écrit : lun. 18 août 2025 11:30 De mémoire elle ne m’a pas du tout gêné et sa concision m’a même fait marrer en fait.
cyborg a écrit : lun. 18 août 2025 12:32 C'est "juste" une vanne et un montage lié (j'avoue, j'ai pouffé)
Allez, je vais m’aventurer sur un terrain plus que casse-gueule — mais qui ne tente rien n’a rien.

Nous sommes tous suffisamment cinéphiles ici pour éviter de parler comme des spectateurs lambdas, donc je suis sûr que vos ricanements ne relèvent certainement pas de la bêtise. Je soupçonne plutôt un décalage générationnel. Autrement dit : vous êtes assez jeunes, et moi… un peu moins.
J’ai connu la guerre — pas directement la chaude, mais la froide, qui était en grande partie une conséquence de la Seconde Guerre mondiale et de tout ce qui en a découlé. Et vous, non. Je comprends donc que certaines choses puissent vous faire rire, comme cela me fait penser à ceux qui trouvent absurde, voire risible, que certains analystes ou politiciens évoquent la possibilité d’une guerre proche, chez nous ou à nos frontières.

Je vous demande pardon pour la rudesse de la comparaison — mais quand les temps sont durs, les mots le deviennent aussi.
Donc oui, je peux comprendre que cela fasse rire les jeunes mais, pour effacer un peu ce 'fameux' décalage générationnel, parlons mise en scène alors : pourquoi il fallait couper si vite la seule scène où l'on est chez les "woke" ?? L'occasion est en or pour voir-ce-qui-s'y-passe (Godard encore et toujours)
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cyborg
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sokol a écrit : lun. 18 août 2025 12:48
cyborg a écrit : lun. 18 août 2025 12:32 Il fallait pas s'attendre à ce que ça parte dans une discussion argumenté et nuancé sur les perceptions politiques intergénérationnelle,
Et pourquoi pas ? Le film n'est pas construit de courtes scènes ! (ou alors la mise en scène ne compte pas ? :scared: )
Mais parce que ce n'est ni le propos ni l'approche du film.
On croirait que tu aurais souhaité que le film parte sur un décrochage comme celui vu dans Hunger (Steve McQueen) ou la deuxième partie du film est une longue conversation entre les deux protagonistes. Ca n'aurait rien eu à faire là.
Et une telle scène aurait même sans doute été encore plus géante pour les idées portées par la jeune puisque Aster pointe leurs côtés "dogmatiques" bien plus que leur dimensions articulées et pertinentes (ce qu'il fait pour les deux côtés, ce qui en fait pour toi un faquin - ce que je peux comprendre).
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sokol
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cyborg a écrit : lun. 18 août 2025 15:24 Mais parce que ce n'est ni le propos ni l'approche du film.
On croirait que tu aurais souhaité que le film parte sur un décrochage comme celui vu dans Hunger (Steve McQueen) ou la deuxième partie du film est une longue conversation entre les deux protagonistes. Ca n'aurait rien eu à faire là.
Et une telle scène aurait même sans doute été encore plus géante pour les idées portées par la jeune puisque Aster pointe leurs côtés "dogmatiques" bien plus que leur dimensions articulées et pertinentes (ce qu'il fait pour les deux côtés, ce qui en fait pour toi un faquin - ce que je peux comprendre).
Mais la plupart des scènes de ce film sont bien plus longues que celle-là, non ? On voit Joaquin Phoenix dans des situations et des scènes beaucoup plus étalées. À quoi bon commencer à filmer une conversation portant, en plus, sur le sujet principal du film, si c’est pour la couper au bout de 30 ou 40 secondes ? :(
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Jean-Marie Straub
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yhi
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C'est un film sans réflexion pour montrer qu'on est dans un monde sans réflexion. Ca a le mérite d'être cohérent.
Mais le problème c'est que le film ne nourrit pas son spectateur avec quoique ce soit qui pourrait exciter un peu nos neurones. Même si le débat intellectuel (qu'espérait Sokol ?) n'est pas forcément de mise, le film n'est au final ni drôle (contrairement à d'autres modèles parodiques américains, en animation on en a des tas, de South park à Beavis & Butt head), ni malaisant (contrairement à un bon Ostlund des familles) ni cathartique (comme le voudrait être la fin ?).
Probablement parce que la réalité a déjà dépassé la fiction en fait.
Kahled
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Non mais le Aster est 100 fois mieux que tous les Ostlund réunis hein. :D

Sinon, pour répondre à Sokol, je suis globalement d’accord avec ce qu’a dit Cyborg sur la fameuse scène du dîner.
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yhi
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Ostlund pousse les curseurs du cynisme au maximum mais il a le mérite de poser des situations. On peut réprouver sa vision du monde ou les mécanismes employés mais au moins c'est dialectique. Le Aster est surtout creux je trouve. Au mieux on peut trouver ça un peu drôle ou "bien vu" mais ça va pas plus loin.
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cyborg
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sokol a écrit : lun. 18 août 2025 16:10
cyborg a écrit : lun. 18 août 2025 15:24 Mais parce que ce n'est ni le propos ni l'approche du film.
On croirait que tu aurais souhaité que le film parte sur un décrochage comme celui vu dans Hunger (Steve McQueen) ou la deuxième partie du film est une longue conversation entre les deux protagonistes. Ca n'aurait rien eu à faire là.
Et une telle scène aurait même sans doute été encore plus géante pour les idées portées par la jeune puisque Aster pointe leurs côtés "dogmatiques" bien plus que leur dimensions articulées et pertinentes (ce qu'il fait pour les deux côtés, ce qui en fait pour toi un faquin - ce que je peux comprendre).
Mais la plupart des scènes de ce film sont bien plus longues que celle-là, non ? On voit Joaquin Phoenix dans des situations et des scènes beaucoup plus étalées. À quoi bon commencer à filmer une conversation portant, en plus, sur le sujet principal du film, si c’est pour la couper au bout de 30 ou 40 secondes ? :(
Non et je pense que c'est la ou tu fais fausse route : ce n'est pas le sujet du film.
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groil_groil
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Second visionnage avec les kids et c'est vraiment un chouette film, un des rares films d'animation récent (hors Japon car si Pokemon est bien Japonais à la base c'est bien un film américain) qui tienne la route. Une suite va sortir cette année, on ira le voir en salle.

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L'autre jour, j'évoquais la célèbre arnaque à la taxe Carbone lors d'un déjeuner, ainsi que la fabuleuse série D'Argent et de Sang qui traite le sujet, et en faisant une recherche Wikipédia pour une précision oubliée, j'ai découvert que le pataud Olivier Marchal en avait fait un film, dont je n'avais jamais entendu parler en amont. Bon le film n'est pas si mal, et est de loin ce que Marchal a fait de mieux (son seul film regardable je pense). Il prend des libertés avec l'histoire officielle (ce qui n'est pas le cas d'Argent et de Sang), mais il reste fidèle à l'esprit, et surtout, les mécanismes du montage de l'arnaque sont clairement exposés. Bon Magimel, Youn, Depardieu, tout ça quoi... mais ça va, il parvient à en faire quelque chose. Malgré tout, il est à des milliers de kilomètres du souffle, de l'extase, et de la sidération que provoquent le visionnage de la série mentionnée.

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Egalement connu sous le titre "Meurtres en Cascade", La Dernière Victime est l'un des premiers films de Jonathan Demme, 1978, sortie française 1980. C'est ce qu'on peut appeler un thriller néo-noir, très inspiré par Hitchcock, mais de manière hypertextuelle, un peu à la De Palma, c'est à dire archi référentiel et volontairement dépendant de ses références, tout en en étant conscient et en jouant avec de manière théorique. Mais Hitchcock n'est pas la seule référence du film qui s'inspire aussi beaucoup de Billy Wilder (on pense beaucoup à Fedora) ou Henry Hathaway (NIagara est clairement cité). Tout pour me plaire, donc, d'autant que c'est Roy Sheider du temps de sa superbe qui conduit le bateau, mais je ne suis pas totalement emballé pour autant et cela à cause de l'intrigue (le "plot" comme disent les anglais), qui est franchement datée (genre psychanalyse de supérette qui vient expliquer l'ensemble) et qui date et alourdit considérablement le film. ça reste néanmoins tout à fait recommandable.

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Il faut être parent pour avoir entendu parler du "Journal d'un Dégonflé", une série de romans jeunesse vaguement illustrés, américains, qui racontent les errements d'un jeune garçon. Il y a une vingtaine de tomes, et c'est un best selle et un classique chez les gosses. Bien évidemment j'ignorais de quoi il s'agissait avant que mon gamin commence à les lire. Et donc il y a aussi 4 longs métrages adaptés de l'oeuvre, ainsi que des films d'animation. Ma famille ayant vu le 1er sans moi, j'attaque directement avec le deuxième, mais ce n'est en rien gênant pour comprendre. Et, surprise, c'est vraiment très chouette, et d'ailleurs beaucoup mieux que les livres adaptés. Bien sûr, cela reste très "américain" dans l'esprit (c'est ce qu'il y a de plus fatiguant dans les livres) mais l'adaptation est plus que réussi, et l'ensemble est à la fois super bon enfant, et super drôle à différents niveaux, évoquant parfois l'esprit d'un National Lampoon's.

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Dernier film d'Andrea Arnold donc, à Cannes l'an dernier et sorti cette année (1er janvier), et franchement, je ne savais pas qu'on pouvait en 2025 encore sortir de tels films... Arnold a minimum trente ans de retard avec son vieux film social frelaté mettant en avant des déshérités mais avec une vraie esthétique tu comprends, parce que eux aussi ils ont le droit, et puis parce qu'on peut faire du beau avec du moche, tsé. Cette complaisance à filmer la misère en l'esthétisant à outrance est plus que problématique, elle pose un véritable problème moral. Et puis... pire que tout... au beau milieu du film, qui est, le talent en moins, naturaliste comme un Ken Loach ou plutôt comme un Sean Baker mais qui n'aurait rien compris à la modernité, d'un coup, un personnage se transforme littéralement en oiseau venère, avec des plumes et tout, façon Manimal, et casse la gueule à son ennemi. Et puis se retransforme un humain et on ne reparle plus du truc... La meuf a du voir l'horrible Birdman qui avait choppé tout plein d'Oscar (quelle honte ce truc) et elle s'est dit : Putain mais moi aussi je vais transformer mon personnage en oiseau et je vais gagner la Palme d'Or. C'est ainsi, donc, qu'Andrea Arnold pense qu'est la modernité cinématographique. Au secours ! Je suis consterné d'un tel navet, et pire encore qu'un truc pareil puisse être célébré de quelconque façon...

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Là encore un film dont j'ignorais totalement l'existence avant de tomber dessus par hasard. Pourtant il est de Stephen Frears, cinéaste capable du meilleur comme du pire, mais dont les films passent rarement inaperçus, surtout avec un sujet pareil, puisqu'il s'attaque ici au cas Lance Armstrong, l'un des plus grands coureurs cyclistes de tous les temps, ayant réussi l'exploit de gagner 7 Tours de France d'affilée, richissime, et ami avec les plus grands de ce monde... figure d'autant plus attachant que le gars venait de se remettre d'un cancer avant d'entreprendre cette carrière d'exception, sauf que... le type se dopait depuis le début, dans un système si bien organisé qu'il a réussit à duper les commissaires et les contrôles anti-dopage durant toute sa carrière, que son dopage était devenu un véritable système, une vraie entreprise, que tous les coureurs de son équipe étaient dopés également sans avoir leur mot à dire, et que sans dénonciation personne n'aurait jamais rien capté. Frears raconte ça de manière assez passionnante, ne se souciant pas des contraintes du biopic (Armstrong est marié, à des enfants, etc. mais on ne parle quasiment jamais de sa vie privée, ça n'intéresse pas Frears, c'est zappé), et se concentrant uniquement sur les faits concernant son incroyable ascension liée au dopage et à sa chute encore plus spectaculaire.

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3ème volet, donc, consacré aux vacances d'été, et toujours aussi réjouissant et drôle. Le 4ème est prévu pour ce soir, et je verrai le premier lors d'un second tour (oui les enfants aiment beaucoup revoir les films :D )

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Les Garçons de Fengkuei est le quatrième long-métrage d'Hou Hsiao Hsien, mais le cinéaste a coutume de dire qu'il s'agit de son premier, car c'est son premier film personnel, film d'auteurs après trois films de commande, de divertissement, même s'ils cachent pas mal de choses intéressantes en sous-texte. Les Garçons de Fengkuei est donc son premier film d'auteur, personnel, racontant des souvenirs de jeunesse, et notamment de son passé de petit délinquant bagarreur, dans un pays à la répression excessive, mais raconté avec une douceur, une lumière et un sentiment général vraiment accueillants. Le résultat est superbe, beau comme les débuts de Pasolini (je ne sais pas pourquoi mais j'ai souvent pensé à Accattone), et puis surtout, quel sens de l'image, quel joyau visuel, aussi bien en terme de grain, de lumière, que de cadrage, quand tu vois ça, tu te dis mais qui est capable de filmer quelque chose d'aussi beau ?
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sokol
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cyborg a écrit : lun. 18 août 2025 21:01 Non et je pense que c'est la ou tu fais fausse route : ce n'est pas le sujet du film.
quel est le sujet du film alors ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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4ème et dernier volet sorti quelques années après les trois premiers... Et comme les acteurs initiaux ont trop vieilli, tout le cast est remplacé. Pas un acteur commun. C'est d'autant plus troublant que c'est le même réal, et que ce qui a été privilégié est la ressemblance physique d'avec les acteurs initiaux. On a donc l'impression d'être face à des clones, c'est assez déstabilisant dans un premier temps. On finit par s'habituer et le film n'est pas si mal, un tout petit peu moins bien que les 2 et 3, disons que les gags sont parfois un peu forcés, arrivent moins naturellement. Notons enfin et surtout la parenté avec National Lampoon's Vacation, matrice du genre que j'évoquais l'autre jour, ce film étant un long voyage en voiture en forme de vacances et de voyage initiatique, les points communs sont nombreux même si bien sûr la comparaison n'est pas avantageuse pour ce dernier. Mais il faut plutôt voir cela comme un hommage.

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Le nouveau film de Michel Leclerc déploie, comme les précédents, la même petite musique du cinéaste, soit de la comédie sociale engagée politiquement, essayant de capter l'air du temps, et d'en rire avec douceur tout en disant des choses sur le monde. Ici c'est une flic (Léa Drucker) qui infiltre un mouvement féministe suspecté de défendre une femme ayant assassiné son mari. Alors qu'elle est sur le point d'être démasquée, elle invente un viol fictif pour détourner l'attention et accuse un pauvre type au hasard (Benjamin Lavernhe) qui se trouve être l'exact opposé du masculiniste. Cet homme gentil et inoffensif, totalement déconstruit, se retrouve accusé de viol de toutes parts (y compris les réseaux sociaux bien sûr) sans qu'il comprenne ce qui lui arrive. A force de vouloir mélanger trop de sujets dans l'air du temps, de tous les traiter à la même hauteur sans rien hiérarchiser et de tout prendre à la légère, Leclerc se prend totalement les pieds dans le tapis et livre un film totalement fade et factice, semblant plus opportuniste qu'autre chose. Plus grave, et même si cela me semble involontaire, parce que le film semble trop vite écrit et qu'il manque de réflexion profonde, par manque de moyens mais surtout par manque de travail, il finit par dire le contraire de ce qu'il souhaite dénoncer, ce qui est parfois problématique.
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sokol
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Au cas où :

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Encore une semaine sur ARTE Replay pour, très probablement, l’un des deux ou trois plus beaux films d’Oliveira.

inratable !!! :champ:
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Tyra
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yhi a écrit : lun. 18 août 2025 19:10 C'est un film sans réflexion pour montrer qu'on est dans un monde sans réflexion. Ca a le mérite d'être cohérent.
Mais le problème c'est que le film ne nourrit pas son spectateur avec quoique ce soit qui pourrait exciter un peu nos neurones. Même si le débat intellectuel (qu'espérait Sokol ?) n'est pas forcément de mise, le film n'est au final ni drôle (contrairement à d'autres modèles parodiques américains, en animation on en a des tas, de South park à Beavis & Butt head), ni malaisant (contrairement à un bon Ostlund des familles) ni cathartique (comme le voudrait être la fin ?).
Probablement parce que la réalité a déjà dépassé la fiction en fait.
Oui, on le dit peu mais en fait, mais le film n'est pas vraiment une caricature, tous les éléments de la première partie du film (avant que Phoenix ne parte en sucette) sont des illustrations assez fidèles des antagonismes politiques US de ces dernières années... La jeune ado blanche qui hurle sur le flic noir pour lui expliquer qu'il fait de mauvais choix, cela s'est vu, les mecs qui rentrent dans les mouvements contestataires pour draguer plutôt que par conviction, c'est un fait connu et reporté... Tout le film est un peu comme ça, un pot-pourri d'anecdotes un peu folles. D'où le manque de décalage, ou d'un point de vue un peu décentré sur cette ville du Nouveau Mexique qui manque cruellement.
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sokol
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yhi a écrit : lun. 18 août 2025 19:10 C'est un film sans réflexion pour montrer qu'on est dans un monde sans réflexion. Ca a le mérite d'être cohérent.
Pas d'accord. Si on va par là, Lynch devrait faire des films qui nous endorment, puisqu’il s’agit souvent de rêves.
yhi a écrit : lun. 18 août 2025 19:10Mais le problème c'est que le film ne nourrit pas son spectateur avec quoique ce soit qui pourrait exciter un peu nos neurones. Même si le débat intellectuel (qu'espérait Sokol ?) n'est pas forcément de mise, le film n'est au final ni drôle (contrairement à d'autres modèles parodiques américains, en animation on en a des tas, de South park à Beavis & Butt head), ni malaisant (contrairement à un bon Ostlund des familles) ni cathartique (comme le voudrait être la fin ?).
Entierement, d'accord ! :jap: :jap: :jap:
yhi a écrit : lun. 18 août 2025 19:10qu'espérait Sokol ?
J’espérais un film au moins à la hauteur de cet article, qui invite au débat :
(je le poste ici car si je met juste le lien, c'est payant)
L’élection de Donald Trump, « une réponse aux “gourous antiracistes”, quatre étés après le meurtre de George Floyd »

« Lettres d’Amérique » (3/6). L’écrivain et journaliste Thomas Chatterton Williams analyse l’omniprésence de la question raciale dans le débat américain depuis 2020. Selon lui, les conséquences sont rudes.

Cet été, je publie un livre représentant une tentative sincère de donner un sens à la folie collective qui s’est emparée de certains durant l’été 2020 [Summer of Our Discontent, à paraître en 2026 chez Grasset]. Comme vous vous en souvenez peut-être, il y a cinq étés de cela, les Etats-Unis affrontaient deux calamités : la pandémie de Covid-19 et les violentes émeutes et pillages qui, pendant des mois, rythmèrent une sorte de règlement de comptes entre races, à la suite du meurtre de George Floyd par des policiers, filmé en direct dans les rues de Minneapolis (Minnesota). Le pays commença alors à se poser des questions difficiles sur lui-même, mais ce n’est qu’aujourd’hui que s’éclaircit la nature des réponses qui y furent provisoirement apportées.

L’une des questions les plus importantes, à laquelle je réfléchis depuis, revenait à se demander si, oui ou non, nous voulions vraiment devenir une société multiethnique, capable d’enfin surmonter durablement le poids d’un passé marqué par l’esclavage et l’oppression raciale, dont les effets délétères grèvent la vie de la nation depuis un temps antérieur à la date officielle de sa fondation. Dans un premier temps, alors que le meurtre de Floyd suscitait une indignation légitime et pacifique – qui, cet été-là, s’étendit partout dans le monde, jusqu’à Paris, Amsterdam, Séoul ou Helsinki –, une large majorité de la population semblait décidée à répondre par l’affirmative.

Albert Camus notait que « la révolte ne naît pas seulement, et forcément, chez l’opprimé, mais qu’elle peut naître aussi au spectacle de l’oppression ». Et justement, à l’été 2020, dans une proportion sans doute sans précédent dans l’histoire, un nombre inédit d’êtres humains s’est décidé, au nom de la lutte contre le racisme, à jeter toute prudence aux orties face à la pandémie de Covid-19 pour descendre dans la rue. Loin d’être écrite à l’avance, cette réaction à la mort d’un seul individu était extraordinaire.

Mais alors que le mécontentement perdurait, et que les manifestants légitimes et pacifistes regagnaient leurs foyers à la nuit tombée, les centres-villes ont été à la merci de nos citoyens les moins patients ou sans scrupule.
Viralité

Tout à coup, les chaînes de télévision nationale pouvaient qualifier d’« enflammées mais globalement paisibles » des manifestations dégénérant dans l’incendie de plusieurs pâtés de maisons – notamment à Kenosha, dans le Wisconsin, au mois d’août, mais aussi jusqu’à Portland et Seattle – ou dans la destruction de nombreux commerces, que leurs propriétaires soient noirs ou blancs, immigrants ou non.

Une telle description devenait possible car la violence était perçue comme la conséquence du suprémacisme blanc et des représentants de l’Etat – quelle que soit la couleur de leur peau –, seuls agents à être autorisés à l’exercer. Bref, si la violence était commise par des non-Blancs, il devenait désormais plus difficile de la condamner. Cette définition apparut comme un élément essentiel d’un dogme inédit qui se répandit comme une traînée de poudre dans tout le pays. J’avais observé cette tendance se développer pendant des années, au moins depuis le second mandat d’Obama, à partir de 2013, mais j’ai été stupéfait de voir à quel point elle était soudainement devenue une vérité admise par l’ensemble des institutions médiatiques, universitaires et culturelles les plus prestigieuses.

Après Floyd, les injonctions à ignorer ce que nos cinq sens nous montrent clairement, et ce que notre bon sens nous souffle, montèrent en puissance et en viralité. C’était une bonne chose de se réunir en masse dans les rues alors que la pandémie battait son plein, et ne pas se ranger à cet avis était « raciste ». Il était tout aussi souhaitable, et en tout cas nécessaire, de réduire en cendres tel ou tel concessionnaire automobile, puisque participer à une émeute fait partie du vocabulaire de ceux qui n’ont pas droit de cité. Et si vous daigniez formuler une objection à tout cela, vous étiez « raciste ». La lutte contre le racisme et l’injustice semblait imprégner tous les aspects de la vie quotidienne, et exiger de nous d’abandonner notre foi dans les raisonnements de cause à effet. Notre espoir de réussir, un jour, à transcender les questions raciales avec grâce – qui s’était incarné, un temps, dans la figure remarquable de Barack Obama – paraissait maintenant terriblement naïf.

Sous la nouvelle et influente tutelle de puissants et omniprésents maîtres à penser et autres gourous « antiracistes », qui dispensaient le conseil paradoxal de se focaliser sur les différences raciales à tout moment – comme, notamment, l’historien Ibram X. Kendi et la chercheuse Robin DiAngelo, spécialiste de la « blanchité » –, le pays commença à voir ou, plus exactement, à proclamer qu’on pouvait voir le racisme et l’injustice se manifester à chaque coin de rue. Selon la formulation la plus extrême de DiAngelo, le simple fait de penser, en tant que personne blanche, que l’on n’est pas raciste, constitue une preuve supplémentaire que l’on est effectivement raciste. Un argument qui, pendant un temps, a pu sembler convaincant.

« [Les] Blancs élevés dans la société occidentale sont conditionnés à accepter une vision du monde où règne la suprématie blanche parce que c’est le fondement même de notre société et de ses institutions », écrit-elle dans son ouvrage Fragilité blanche. Ce racisme que les Blancs ne voient pas [2018 ; Les Arènes, 2020], dont les ventes en librairie s’envolèrent une seconde fois après Minneapolis. « Vous n’avez pas pu passer à travers le pouvoir socialisant omniprésent de la suprématie blanche. C’est un message qui circule 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et qui n’a pas grand-chose (voire rien) à voir avec des intentions, une prise de conscience ou le fait d’être d’accord. Et c’est libérateur de le savoir parce que cela nous permet de nous concentrer sur la façon dont se manifeste notre racisme et pas sur son existence » (c’est moi qui souligne).
Retour de bâton populiste

Rétrospectivement, il est plus qu’évident que l’autodénigrement, intenable, narcissique et qui ignore délibérément la complexité de la réalité – et la capacité d’agir des non-Blancs ! –, ne pouvait qu’entraîner un retour de bâton populiste d’une ampleur telle qu’il n’est pas exagéré de dire que l’instauration d’une dictature aux Etats-Unis fait maintenant partie du champ des possibles. Quatre étés après Floyd, c’est Donald Trump, se relevant de manière si saisissante après le tir manqué de celui qui voulait l’assassiner, son visage couvert d’autobronzant strié de rigoles de sang, pour hurler « Fight ! Fight ! Fight ! » [« lutte ! »] devant une foule comme ensorcelée, qui apparaît comme la seule réponse logique à la question la plus dangereuse entre toutes, que trop peu d’Etats-Uniens gardaient à l’esprit ces dernières années.

A savoir : si le nouvel « antiracisme » qui a émergé au cours de l’été 2020 exige que chacun d’entre nous réfléchisse à soi-même et à autrui à travers le seul prisme de l’identité raciale, alors quel effet déformant cela peut-il avoir sur les Blancs ? La réponse est arrivée l’été dernier quand, au mépris de la raison, le processus de rédemption et de re-légitimation de l’ex-président tombé en disgrâce a retrouvé un élan inexorable. C’est ce moment qui a scellé la réélection fatidique de Trump. Donnant la part belle aux réactions épidermiques et au repli sur soi, le monde qui a vu le jour dans le sang versé sur l’estrade dressée à Butler, en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024, a peu ou prou éclipsé les images et le souvenir de l’agonie de George Floyd.


En cet été caniculaire, nous nous trouvons englués dans le cauchemar créé par notre incapacité à imaginer des réponses plus satisfaisantes à cette question si urgente : comment faire advenir une société plus égalitaire, au-delà du blanc et du noir ? En suivant un « antiracisme » tous azimuts qui excusait – voire, dans sa pire version, cautionnait ou même célébrait – le non-respect de la loi, la vengeance arbitraire et le désordre, avec pour conséquence de renforcer et de reproduire exactement les mêmes visions et réflexions limitées et superficielles que le racisme qu’il cherche ostensiblement à contrecarrer, nous avons fini par conjurer une réalité politique où, par une ironie terrible, une pluralité d’Etats-Uniens d’ethnicités variées s’est unie dans le rejet pur et simple de la notion même d’union.

Thomas Chatterton Williams
Ecrivain américain vivant entre New York et Paris, il est également journaliste pour The Atlantic et professeur invité au Bard College (Etat de New York). Spécialiste des questions culturelles, il a publié Une soudaine liberté. Identités noires et cultures urbaines (Grasset, 2019), Autoportrait en noir et blanc. Désapprendre l’idée de race (Grasset, 2021) et Summer of Our Discontent (« l’été de notre mécontentement », Knopf, non traduit) à paraître en 2026, chez Grasset.

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Jean-Marie Straub
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yhi
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sokol a écrit : jeu. 21 août 2025 15:33 Pas d'accord. Si on va par là, Lynch devrait faire des films qui nous endorment, puisqu’il s’agit souvent de rêves.
Réponse de matheux : non, parce que cohérent ne veut pas dire nécessaire. (et de même, c'est pas parce que ça serait incohérent que ça ne serait pas bien)
sokol a écrit : jeu. 21 août 2025 15:33 devrait faire des films qui nous endorment, puisqu’il s’agit souvent de rêves.
Réponse de troll cinéphile : Oui, c'est ce que fait Weerasethakul :D
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yhi
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(et merci pour l'article qui est intéressant. Mais vraiment je rejoins les autres sur le fait que le débat politique réfléchi n'est pas ce qui intéresse Aster qui évolue dans le genre pur depuis le début de sa carrière. Je pense qu'il a voulu faire un film un peu parodique et cynique sur la situation, sauf que comme dit Tyra, ça manque d'un vrai point de vue)
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sokol
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yhi a écrit : jeu. 21 août 2025 18:11, sauf que comme dit Tyra, ça manque d'un vrai point de vue
Les points de vues sont toujours politiques donc, on parle de la même chose
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cyborg
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Quelque part au tournant du siècle a germé dans l'esprit malade de producteurs hollywoodiens l'idée de "Opération Espadon". On y trouve un concentré de toute l’esthétique d'une époque, sous sa forme la plus vulgaire, mais aussi de son esprit surchauffé par la perspective de "l'an 2000" et les fantasmes illimités du monde digital, encore excessivement flou pour la majorité des gens.
Nous sommes peut-être plus exactement quelque part entre la sortie de Matrix (sur lequel on essaie de capitaliser sans n'avoir RIEN compris à la dimension réflexive du projet des Wachowski - ce sont d'ailleurs les même producteurs à savoir Village Roadshow Pictures & Joel Silver) et le 11 septembre (la scène finale d'un bus soulevé par un hélicoptère qui vient s'écraser dans un gratte-ciel aurait assurément été censuré à quelques mois près, le film étant sortie en France le... 12 septembre 2001). Opération Espadon est donc avant tout une sorte de micro-capsule temporelle, témoignage d'un espace temps qui n'aura duré que le temps de quelques années. Au point que, 25 ans plus tard, on se demande si tout ceci à bien pu exister.
Ce violent flash-back d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre est peut-être le seul intérêt du film tant le reste est proche du zéro absolu. La représentation de l''informatique et de la figure du hacker sont excessivement risibles tandis que le scénario s'embrouille lui-même à force de se croire être nébuleux et spirituel. Reste néanmoins un savoir faire non négligeable dans la mise en scène de ses nombreux moments d'actions et un Travolta tellement cabotin et hors-sol qu'on le croirait sortie d'un hilarant concours d'imitation de Nicolas Cage.
Comme souvent pour les films d'actions hollywoodien une des façons les plus intéressantes de les aborder consiste à essayer de comprendre comment les USA s'y (re)présentent. Sans surprise ici nous sommes dans l'hégémonie américaine totale, porteuse inflexible de sa mission de civilisation qu'il faut défendre à coup d'attentats à travers la planète. Plus surprenant peut-être est qu'ici tout repose non sur des opérations milliaires ou coups politiques mais sur des attentats secrets que l'on pourrait sans peine relier aux théories conspirationnistes de "deep state" ayant alimenté vingt ans plus tard l'imaginaire autour de la campagne de Trump. En tout cas pour le niveau intellectuel des deux c'est plutôt raccord...


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Temps et espace constituent la structure de The Last Picture Show. L'espace y est contraint, compassé, presque clos : Anarene (ville de l'histoire) comme point gravitationnel, centre d'une force centrifuge à laquelle il est bien dur d'échapper. Le temps est plus multiple, même si il est lui aussi déformé par la chape spectrale de la ville. On évoque régulièrement le futur, dans lequel peine à se projeter la jeunesse locale, tandis que surgit sans cesse le passé plus ou moins proche.

Le résultat est un film hanté, hanté par son présent, par la mélancolie des rêves déçus, par un ailleurs qui semble toujours impossible. L'effet le plus saisissant est l'utilisation extraordinaire de la sonorité diégétique de la radio, inondant les images. Ici sans cesse les corps, les paroles, les respirations sont ponctués de prêches, de réclames et des paroles dépressives de chansons country semblant comme sortir d'outre-tombe, au point qu'elles donnent l'impression de diriger le film. Il n'y a peut-être que chez Duras, dans Nathalie Granger, qu'un choix sonore aussi fort me semble avoir été fait.

Cet effet du présent poisseux, mal circonscrit entre passé et futur se rejoue dans le choix du réalisateur de ne pas avoir réalisé un "coming-of-age movie" qui se concentre non uniquement sur les adolescents mais également sur le monde des adultes qui les entoure et qui, eux, ont "déjà vécu". La scène la plus bouleversante du film est peut-être cette virée à un étang local, sur la berge duquel le vieux "Sam the Lion" se laisse aller à l'évocation de sa jeunesse. C'est alors que la caméra effectue un lent travelling-avant-arrière sur le visage du personnage, l'extrayant un instant du présent pour le laisser habiter, et nous avec lui, un espace-temps mémoriel qui seul lui appartient. Sam est ainsi le personnage le plus central de la communauté mais aussi le plus fantomatique de tous. Quand, quelques minutes plus tard, il lance un long regard mystérieux aux deux adolescents en partance pour une virée mexicaine, c'est déjà celui d'un mort qui observe ceux qu'il laissera seul. Enfin, quand ces deux mêmes personnages assistent à la dernière séance du cinéma, c'est pour y voir un western dont ils ressortiront avec une impression de déjà-vu. Et pour cause : les plus cinéphiles auront reconnu quelques images de Red River d'Howard Hawks dans lequel Ben Johnson, l'acteur incarnant Sam Le Lion, joue un petit rôle... Quelle élégance et quelle finesse de la part de Bogdnanovitch transcendant ici la nature fantomachique de son art.

Il ne faut cependant pas oublier que Sam n'est qu'un des innombrables personnages du film, tous en lutte pour exister à leurs manières face aux jeux des apparences de l'Amérique puritaine. On reconnait d'ailleurs bien le style de McMultry, écrivain et co-scénariste du film; par la foule de personnage qui se cotoient, mais dont les enjeux et arcs narratifs restent toujours limpides et entremêlés avec adresse. Autre caractéristique, son refus de l'idéalisation passéiste d'une époque habituellement glamourisé, d'autant que le film est réalisé 20 ans après les fait qu'il narre. Ici pas de nostalgie facile ou d'esthétisation pour les années 50 : les bâtiments sont miteux, les objets poussiéreux, l'économie décadente, les relations minables et les mal-êtres insondables et étouffants. Peut-être est-ce pour cette différence d'une vision "anti-sexy", ainsi que pour son cadre rural, que le film de Bogdanovitch résonne si bien avec l'autre grand film du malaise adolescent des 50s, l'immense Rebel Without A Cause de Nicholas Ray.
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cyborg a écrit : dim. 24 août 2025 22:08
The Last Picture Show.

[...]
Le résultat est un film hanté, hanté par son présent, par la mélancolie des rêves déçus, par un ailleurs qui semble toujours impossible. L'effet le plus saisissant est l'utilisation extraordinaire de la sonorité diégétique de la radio, inondant les images. Ici sans cesse les corps, les paroles, les respirations sont ponctués de prêches, de réclames et des paroles dépressives de chansons country semblant comme sortir d'outre-tombe, au point qu'elles donnent l'impression de diriger le film. Il n'y a peut-être que chez Duras, dans Nathalie Granger, qu'un choix sonore aussi fort me semble avoir été fait.



J'adore ce film de 1971. Mais curieusement, on en parle peu — alors qu’il avait été un énorme succès, à la fois critique et commercial ! Quand on pense à cette période du Nouvel Hollywood, ce sont plutôt Les Gens de la pluie (1969) de Coppola qui viennent en tête, ou encore Mean Streets (1973) de Scorsese, ou Husbands (1970) de Cassavetes, ou Easy Rider (1969) de Hopper. Mais maintenant que je refais (exprès !) une petite liste, je me rends compte que celui-là, je l’aime peut-être même encore plus !
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ça fait plaisir de voir un film pour gosses qui soit sensible, juste, touchant et bien mis en scène. Une réussite dans le genre.

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C'est parce que tout le monde détestait Ulrich Seidl que j'ai eu envie de m'y intéresser il y a quelques années. J'y ai découvert un cinéma et un cinéaste beaucoup plus complexe et intelligent que le portrait dépeint habituellement, c'est évidemment un gros provocateur et il pousse toujours les curseurs à l'extrême (ce n'est pas un Autrichien pour rien), mais la morale n'est pas absente dans son cinéma, elle est juste mieux dissimulée que dans d'autres films, disons qu'il compte encore plus sur l'intelligence du spectateur, mais comme il le provoque et le malmène, il perd pas mal de monde en route. Safari et le film que je voulais le plus découvrir de son oeuvres (avec Sous-Sols mais que j'ai vu depuis), celui qui me faisait le plus envie mais qui me faisait aussi le plus peur. Il s'agit d'un documentaire dans lequel le cinéaste suit des chasseurs de gros gibiers, des allemands et / ou autrichiens, qui partent en Afrique, dans des circuits organisés et préparés (c'est limite si on ne leur rabat pas les animaux) et qui dézinguent des buffles, des zèbres, des girafes... et qui sont évidemment fier d'eux et qui vont te parler de beauté de la nature et toutes ces conneries. Seidl les suit, n'intervient jamais, de la traque, le meurtre, la photo bien posée / cadrée, jusqu'à la découpe des animaux, on enlève la peau intégrale bien délicatement pour qu'elle puisse servir de tapis et on découpe bien la tête pour qu'elle serve de trophée accroché au mur, réalisée par des Africains locaux qui ne disent rien, qui semblent attirés par l'appat du gain, c'est leur gagne-pain, mais en même temps tu vois bien dans les yeux qu'ils sont au courant qu'ils détruisent, en plus d'êtres vivants, leur propre patrimoine et qu'ils creusent leur propre tombe. Le film est absolument fascinant, il faut avoir le cœur bien accroché, c'est absolument essentiel et d'une intelligence rare. Car Seidl, en se privant d'intervenir comme il le fait à chaque fois dans ses documentaires, nous met face à notre propre mort, à l'extinction des races, dont la nôtre et à la mort de la planète sur laquelle nous vivons.

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Une nuit, à 2h17 du matin précisément, 17 enfants d'une même classe qui en compte 18, dans une petite bourgade américaine jusque là tranquille, se lèvent, et disparaissent de chez eux en courant. Personne ne sait où ils sont allés, les parents sont affolés à juste titre et la maitresse est la première suspectée... Evanouis est le succès surprise de cet été, et c'est mérité car c'est une vraie petite réjouissance fantastique, oscillant entre plusieurs genres et offrant un résultat assez rafraichissant. Le film est construit par chapitre où à chaque fois nous suivons l'histoire via un personnage qui change à chaque fois. Cela implique des allers retours dans le récit, des scènes que nous revoyons mais sous un autre point de vue, et chaque nouveau chapitre enrichit l'histoire globale, même si cela occasionne parfois quelques répétitions qui ralentissent un peu le rythme. Le final est assez réussi, même si il fait constater que nous ne sommes que devant une petite chose, un divertissement qui n'a pas d'autres prétentions, mais franchement, et surtout en cette saison, cela suffit amplement.

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Je n'avais pas aimé la première fois, mais je l'avais vu dans de mauvaises conditions. C'est évidemment un très beau film, relecture de Proust sous le prisme hitchcockien, sans doute l'un des films les plus classiques d'Akerman, dont la texture rappelle tout un pan du cinéma d'auteur de cette époque, de Rivette à Ruiz en passant par Monteiro.

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Deux soeurs, l'une comédienne de théâtre, l'héroïne, l'autre documentaliste, fille d'un cinéaste très célèbre en fin de carrière. Celui-ci a écrit un nouveau film spécialement pour sa fille comédienne, inspirée de sa vie. Mais ils sont fâchés. Il veut renouer les liens en lui proposant ce rôle, elle refuse catégoriquement, même de lire le scénario. Il propose finalement le rôle à une très grande comédienne américaine rencontrée en festival et qui adore son travail. Evidemment, sa fille est extrêmement perturbée de voir son rôle joué par une grande star... ça ce n'est que le pitch, le film raconte tellement plus. Il m'a littéralement bouleversé par sa justesse et son émotion, à tel point que j'en fais un Fanny & Alexandre moderne, ni plus ni moins, et bien évidemment plus par sa mise en scène que par ce qu'il raconte. J'ai vu dans ce film les plus belles idées de mise en scène de cinéma depuis des années, à commencer par l'ouverture du film, qui est l'histoire de cette famille, de la naissance des filles, du divorce, de la mort de la mère, tout cela raconté par la maison qu'ils habitent. C'est d'une intelligence, d'une évidence qui m'a cueilli de suite. Je pense aussi à deux courts moments qui m'ont bouleversé et qui m'ont confirmé que Trier était devenu un immense metteur en scène. Le premier c'est quand le père revient dans la maison le jour de l'enterrement de la mère. Les filles ne savent pas que le père est arrivé, elles ne pensent même pas qu'il viendra d'ailleurs. Elles sont à l'étage et l'une raconte que c'est en ouvrant la porte du petit poêle de l'étage qu'elle écoutait les confidences des patients de sa mère psychanalyste, les conduits faisant remonter le son. Elles s'amusent à ouvrir pour écouter ce qui se passe en bas et elles entendent la voix du père, elles apprennent sa venue ainsi. C'est beau comme Une Autre Femme de Woody Allen. L'autre moment qui m'a scotché, c'est quand elle est dans la maison et qu'elle voit le père arriver avec l'actrice américaine, car il a choisi de tourner dans la maison de famille. Elle ne veut absolument pas la croiser et elle sort en courant par la porte de derrière, puis, pour fuir la propriété, elle se glisse, dans le jardin, entre deux lattes de la palissade, profitant d'une latte manquante. Or, on a déjà vu les deux filles enfants, passer par ce passage secret pour aller à l'école dans la séquence initiale, celle de la maison. Ce rappel, mais avec des valeurs inversées, on passe du bonheur de l'enfance à la fuite du père à l'âge adulte, sans que rien d'autre ne soit dit, est bouleversante d'intelligence, d'élégance, de mesure, de modestie. C'est un geste de cinéma, beau, essentiel. Il y en a des tas des comme ça, je vous laisse découvrir les autres, ceux qui vous toucherons particulièrement. Oui Bergman est omniprésent, c'est une évidence, mais sans jamais vouloir le copier, il n'y a pas cette prétention chez Trier, son cinéma ne cherche jamais à ressembler à celui du maître mais on sent qu'il est fait du même bois. J'ai beaucoup pensé à Joyce Maynard, aussi, sans que je comprenne pourquoi, une de mes écrivain.e.s favorites, il y a la même sensibilité, le même soin de s'appuyer sur des petits détails pour raconter, en creux, beaucoup plus grand, et la faculté d'affronter la dureté de la vie avec le plus de douceur possible.

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Revoir, et pour la première fois, en salle, un de ses films préférées, c'est quelque chose de merveilleux. Plaisir intact, souvenir d'enfance, chef-d'oeuvre absolu, et c'est de ce film et d'Apocalypse Now que me viennent ma passion pour les films de rivière, et aussi le fait que j'adore ça (descendre des rivières), je ne le fais malheureusement quasiment jamais, mais j'ai descendu le Mekong alors ça les vaut tous :D

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J'avais détesté le précédent, le pire de la série, et j'avais donc snobé en salle le volet 8 et dernier, car il est la suite directe du précédent. Et c'était une erreur car ce dernier film est très réussi, tout le contraire du précédent, toujours dans l'action, sans se poser de question, et sans essayer de nous embrouiller avec le concept à la con du film précédent. Il faut bien résoudre l'énigme alors il est toujours là, mais ce n'est plus qu'un Mac Guffin pour faire courir Tom Cruise et j'ai retrouvé ici tout le plaisir que j'ai eu pendant 30 ans à suivre cet anti-James Bond (qui avait malheureusement tous les défauts de Bond dans le volume 7). Et comme c'est le dernier, on revoit plein de scènes des 7 premiers (ça dure 3 heures, il y a le temps) mais surtout plein d'acteurs qu'on est à chaque fois ravi de recroiser. Un mix entre un best-of et une tournée d'adieu, et c'est réussi sur les deux niveaux.

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Brad Pitt joue un ancien coureur de F1 qui a arrêté il y a 30 ans alors qu'on le voyait comme le rival direct de Senna, suite à un accident dans lequel il avait failli perdre la vie. Depuis, il court toujours mais en Formule 1000, à Daytona et dans ce genre d'auto-tamponneuses. Un ancien collègue, Javier Bardem, vient le chercher. Il est à la tête d'une écurie de F1, mais ils sont nuls, bons dernier, n'ont pas mis un point de l'année, et ils sont à la recherche de leur deuxième coureur. Comme ils n'ont plus rien à perdre, ils l'engagent, et le gars va courir avec ses méthodes et ses valeurs, ont va dire... peu conventionnelles. Je n'attendais strictement rien de ce film, pire, je pensais voir un navet, mais je me suis pris une bonne claque et j'ai littéralement adoré. Pas de psychologie de bazar, de l'action rien que de l'action, et de la pure mise en scène tout le long. Un des plus beaux films d'action vu depuis une bonne décennie, et l'un des plus beaux films vus ayant comme sujet le sport. Je n'ai que rarement été accroché à mon fauteuil de la sorte, c'est tout simplement captivant. Même s'il faut bien sûr passer sur la cohérence et que rien de tout cela ne serait sans doute possible dans une vraie course de F1 mais on s'en fout littéralement, on ne se pose pas la question une seconde, on n'a pas le temps. Et puis sans rien dire, sans en faire des caisses, il y a des beaux moments d'émotion, toujours très tenus, modeste, comme l'histoire d'amour, ou ce portrait du père qu'on voit à la fin. On sait juste que Pitt a perdu son père à 13 ans, que cela a sans doute conditionné l'homme qu'il est devenu, mais on n'en fait pas plus, on n'en sait pas plus, jamais de pathos. Et puis à la toute fin, après 2h40 de film, on voit ce portrait d'un père et d'un fils, et d'un fils devenu adulte regardant ce portrait, et ça suffit pour traduire toute l'émotion nécessaire.

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Notre justicier a une fois de plus refait sa vie, et s'apprête à se marier, mais voilà que sa future belle-fille est assassinée par d'affreux dealers. Le Vigilante reprend du service et dézingue par le menu tous les trafiquants de drogue de LA, et il y en a un paquet. Ce 4ème volet d'Un Justicier dans la Ville est un peu moins consternant que les deux précédents. C'est réalisé par le vieux briscard J. Lee Thomson, ce n'est pas un très bon cinéaste mais il a du métier, et au moins le film ne joue pas sur la pathos dégueulasse des trois premiers. Là c'est juste un vieux héros sur le retour qui tue des méchants, rien de plus, avec bien sûr son gros lot d'incohérences et d'absurdités dans chaque plan ou presque, mais cette économie est largement suffisante.

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En Chine, un lycéen réservé et mystérieux s'incruste peu à peu dans la famille aisée d'un de ses camarades de classe jusqu'à, symboliquement mais de plus en plus physiquement, prendre la place de ce dernier. C'est un joli film d'auteur, assez sensible, qui ressemble d'ailleurs souvent plus à du cinéma européen qu'à du cinéma chinois, mais ce n'est pas passionnant non plus. Disons que le cinéaste hésite entre plusieurs genres, n'en choisit aucun, et appuie sans cesse sur la pédale de frein. Au moins on ne peut pas lui reprocher d'en faire trop, mais ça m'a laissé sur ma fin et je pense que je l'oublierai en quelques semaines.
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groil_groil
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Dans mon récap d'hier j'ai oublié de parler d'Alpha, je ne sais pas si c'est bon signe d'oublier un film si vite. Pourtant le film m'a plu, c'est habité et dense, il y a plein de choses, on sent que Julia Ducournau est une vraie cinéaste en construction. C'est paradoxalement le film d'elle que j'aime le moins alors que c'est son plus riche, celui dans lequel elle met le plus de choses et qui est construit avec le plus de complexité. Les idées, les images sont belles, l'ambition aussi, mais elle se prend un peu les pinceaux dans son scénario, elle n'exploite pas tout ce qui pourrait en faire un très grand film, et il y a parfois des moments de confusion qui gênent l'évidence, comme le jeu sur les deux strates temporelles qui n'est pas toujours très clair, même si elle retombe sur ses pattes sur l'émouvant final. Bref, c'est une cinéaste à défendre et à encourager, plutôt que de la descendre ou l'insulter comme cela été fait honteusement aussi bien à Cannes qu'à la sortie du film. C'est une évidence qu'on lui fait payer à la fois le fait qu'elle soit une femme, une femme qui a du succès, une femme qui a gagné la Palme d'Or, une femme qui fait du cinéma de genre, une femme qui fait du cinéma de genre qui a du succès et qui gagne la Palme d'Or, il y a vraiment tout pour énerver les réacs (qu'ils soient hommes ou femmes d'ailleurs) et ils attendaient le nouveau film pour se venger, quelque soit le film et sa réussite potentielle d'ailleurs. Julia, on t'aime !

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Et puis j'ai revu ce film hier soir. C'est drôle et fabuleux la cinéphilie car j'hésitais à revoir soit Joker et Quatre Nuits d'un Rêveur, et de savoir qu'on peut aimer des films avec un spectre aussi large m'a toujours réjoui. J'avais vu Joker initialement avec beaucoup de réticence, pensant détester alors que c'est une superbe réussite, qui doit beaucoup à Phoenix mais pas que. Le film est magnifique, une sorte de reboot scorsesien, Taxi Driver et La Valse des Pantins étant évidemment les deux matrices de Joker, passés à la moulinette de l'univers sombre d'un Alan Moore. Le résultat est vraiment beau car il évite le piège dans lequel tous les autres cinéastes de blockbusters hollywoodiens seraient tomber, à savoir en faire un film de vengeance. C'est tout le contraire ici, c'est un film de révolte.
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cyborg
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La Nouba des femmes du Mont Chenoua - Assia Djebar - 1979

1977, 15 ans après son départ, une jeune femme retourne en Algérie, sur les lieux de son enfance. Les 15 ans qui se sont écoulés sont ceux de l'indépendance nationale. Son séjour se fait donc dans un pays qui n'est pas celui qu'elle à quitté et à travers des yeux qui ne sont plus tout à fait les mêmes, sa maturité et ses années en France l'ayant nécessairement changé. Si le point de départ du film est son village natal, elle s'en éloigne peu à peu, traversant la campagne et les villages de plus en plus loin. Au fil de son périple elle va à la rencontre des femmes, celles qui sont "restées" mais surtout celles qui ont joué un rôle dans la lutte contre la colonisation. Djebar fait entendre la voix de toute celles qui comptent mais qui n'ont aucune place dans les mémoires et les récits. Il y a tout au long du film cette tension entre la double lutte nécessaire qu'ont du, et que doivent encore, mener les femmes algériennes : pour la décolonisation mais aussi pour leurs émancipations individuelles. On retrouve exactement la même problématique dans un autre très beau film, quasi-contemporain, provenant de l'autre côté du bassin méditerranéen : Leila et les loups de la libanaise Heiny Srour.

La dernière partie du film se fait dans un décrochage stylistique tendant vers le fantastique. Embarquant sur un bateau, l'héroïne (que l'on devine être l'alter-ego de la réalisatrice) longe les côtes du pays et fini par pénétrer dans une grande grotte ou sont réunies des centaines de femmes partageant un temps de fête et d'espoir : la "nouba" du titre, qui a fourni la structure du film, est aussi son point d'arrivée, dans un rêve sororal des plus ravigorant. La Nouba des femmes du Mont Chenoua n'est donc pas qu'un journal filmé, et encore moins un simple documentaire (le film est d'ailleurs produit par la télévision nationale, ce qui laisse rêveur vu de 2025) mais un vrai objet cinématographique déployant une magnifique singularité. Si Assia Djebar est connue pour être une autrice (la plus grande du pays, parait-il) on sent très vite son adresse et sa créativité à s'emparer des images, passant du cinéma direct aux mouvements de caméra les plus complexes, du témoignage à la poésie. Le résultat est un magnifique portrait d'un territoire, d'un peuple, d'un pays, d'une époque à travers une oeuvre malheureusement totalement méconnue.


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La brièveté du film, la simplicité de la caractérisation des personnages, la force prompte des situations et de leurs enchainements, donne au premier film d'Ousmane Sembène l'aspect d'une fable. Une fable à la noirceure évidente, dénonçant avec vigueur la colonisation et les spectres qui, longtemps encore, hanteront tout processus de décolonisation. La mise en scène est simple mais précise, le résultat et le message évidents, implacables. La frontalité du résultat n'est pourtant qu'un point de départ, résonnant avec les points de suspension du titre désireux de s'ouvrir vers la nécessité d'une pensée et d'un monde véritablement "post-colonial".
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sokol
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Il faut que je touche un mot puisque c'est la troisième fois que je le vois (excellent cadeau d'ARTE REPLAY) :

La lettre - de Oliveira

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À propos de "Valeur sentimentale", je disais hier qu’il s’ouvrait sur un chantage émotionnel (l’actrice principale acceptera-t-elle, ou non, de jouer dans sa pièce de théâtre ?). Je (re)regardais donc hier l’ouverture de "La Lettre", et je me disais que, il y a encore 20–25 ans, pour le même genre de film (celui-ci était aussi à Cannes et avait reçu le Prix du Jury en 1999 par Cronenberg - oh ce Palmarès ! :love:, tout comme le film norvégien a eu le Grand Prix cette année), on pouvait commencer un film calmement, sans avoir en tête l’horrible devise truffaldienne : « Si tu arrives à capter l’attention du spectateur avec ta première scène, tu as réussi ton film ».

Pourtant, "La Lettre" commence avec une situation on ne peut plus dramatique : le personnage joué par Chiara Mastroianni a vécu un premier chagrin d’amour — elle vient d’être abandonnée par un jeune homme qui voulait entretenir avec elle une relation assez libre. Du coup, elle déprime. Beaucoup.
Et pourtant, le film fout la paix au spectateur ! Aucun stress, aucun chantage émotionnel !

Ce que je veux dire, c’est : ô combien on a régressé en 20–25 ans ! Oliveira n’est plus une référence (on lui préfère désormais un faux Bergman, en surface seulement).

Et après, on s’étonne que plein de cinéastes talentueux ne trouvent plus de financements pour faire leurs films. Tu m’étonnes !
Modifié en dernier par sokol le lun. 1 sept. 2025 15:24, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn
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De Trier, je n'ai vu que Julie en 12 chapitres, que j'ai détesté.
De fait, je suis assez surpris d'avoir tant apprécié celui-ci. Ce qui aide, paradoxalement, est d'abandonner l'idée de capturer l'air du temps, de faire un discours sur la société actuelle, pour mieux se replier dans un entre-soi bourgeois. C'est en restant à ce qui semble être sa place (je ne connais pas du tout le parcours de ce réal) qu'il arrive cette fois à être véritablement universel et à livrer des portraits de personnages qui sonnent juste. Le film est aussi très beau par sa simplicité visuelle et de montage. Il n'y a jamais d'esbroufes, on comprend énormément de choses sans que ce soit surligner par un dialogue ou un effet de mise en scène lourd. Et puis, il y a Stellan Skarsgård, qui obtient un rôle à la mesure de son talent. J'ai l'impression que c'est surtout lui qui intéresse Trier, il est de son côté (pas étonnant, "Julie..." m'avait déjà fait voir Trier comme un reac, mais cette fois ça ne me gêne pas, au contraire même). Au point de probablement trop le sauver sur la dernière partie, un peu trop facilement happy ending peut-être, mais mieux vaut ça qu'un cynisme lourd. Non, vraiment, je trouve le film fascinant à force de désamorcer tous les éléments casse-gueules qu'il emmagasine. Un autre exemple : d'abord, toute la partie méta, sur le cinéma, le métier d'acteur, faire un film personnel qui ressemble plus à une psychanalyse, etc. Trier y va à fond et ce n'est pourtant jamais lourd. Enfin, une dernière chose : Trier montre une scène d'un film de son personnage réalisateur, donc il invente une scène de film dans le film, qui est là par intérêt narratif dans son histoire (c'est ce qui va toucher l'actrice américaine, mais surtout ça introduit l'idée qu'il a fait jouer sa fille quand elle était enfant). Et bien cette scène est très réussie. Déjà, elle permet une idée géniale qui est que cette gamine star de son film est sa plus jeune fille qui n'a plus rien à avoir avec le milieu, et non pas sa fille ainée devenue réellement comédienne et à qui il demande de tourner désormais. On peut ne pas le comprendre de suite, malgré les indices (yeux bleus) et justement ça participe à dire tellement de choses l'air de rien. Mais surtout, cette scène de fiction dans la fiction est réussie parce qu'on y croit. Ca sonne comme une grande scène finale d'un film d'un grand cinéaste. Ce n'est pas rien d'arriver à faire ça. C'est bête à dire, mais dans Julie en 12 Chapitres, il n'arrivait même pas à faire une fausse émission de TV, qui sonnait tellement fausse... Bref, bien joué l'artiste.

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Bon film de divertissement, qui ose mélanger plusieurs genres sans se perdre. Certes, une fois le pot aux roses révélé, je ne peux pas m'empêcher de trouver le film plus petit qu'il n'en avait l'air avec son point de départ. Mais ce n'est pas grave, on s'est bien amusé de bout en bout.
Cela dit, je vais jouer au script doctor avec deux choses à relever :
- 2h08 pour un film comme ça, c'est trop long. Et ça tombe bien, il y a un segment sur les 6 qui peut dégager sans souci : celui du flic. Il ne fait pas avancer l'intrigue, le personnage peut se contenter d'exister à travers les points de vue de l'instit et du camé. Ca évite le ventre mou (on attend trop longtemps de revenir à la fin choquante du 2nd segment) et de donner l'impression qu'on noie le poisson.
- Très étonnant de commencer par le point de vue de l'instit, et de ne pas jouer un minimum sur la question "a-t-elle des choses à cacher ?". Avec quelques minuscules modifications de scénario nécessaires, si tu inverses les deux premiers segments, et donc suit le point de vue d'un parent éploré pour commencer, l'ordre des révélations paraitrait plus fluide. Par exemple, on aurait moins l'impression que la solution est donnée trop vite. C'est vraiment étonnant d'avoir fait cela. On pourrait penser qu'ainsi, c'est moins classique et plus donc couillu, mais si c'était l'effet recherché, à mon sens c'est raté.
Bref. Entre ça et d'autres trucs, je ne peux pas dire que c'est un grand film, mais le fait que je m'embête à essayer de le "réparer" montre bien qu'il ne m'a pas laissé indifférent et qu'il vaut le coup d'oeil quoiqu'il en soit.
Modifié en dernier par Tamponn Destartinn le lun. 1 sept. 2025 15:21, modifié 1 fois.
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groil_groil
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Je le revoie régulièrement (c'est au moins la 3ème fois pour un film découvert relativement récemment) mais c'est à chaque fois un bonheur. January Man (qui est un titre préférable au titre français) est un excellent thriller néo-noir avec recherche de serial killer et tout, mais dont l'intérêt est ailleurs - d'ailleurs l'énigme plutôt astucieuse, est résolue en deux coups de cuiller à pot, comme si le cinéaste voulait passer à autre chose. Ce qui fait l'originalité du film, c'est qu'il est plein d'humour, et pour un film de ce genre c'est quasiment inexistant. Et le mariage des deux fonctionne admirablement. J'aime aussi beaucoup l'ambiance générale, ce New York sous la neige très bien rendu, au sein duquel les comédiens et l'intrigue s'épanouissent. Enfin, le casting est merveilleux : Kevin Kline, Harvey Keitel (duo aussi original qu'épatant), Susan Sarandon, Mary Elisabeth Mastrantonio, Rod Steiger, Alan Rickman, c'est un sans faute.

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J'ai envie de revoir certaines comédies françaises de cette époque en ce moment, dont plusieurs avec Blanc d'ailleurs, qui fut un magnifique comédien, et l'on ne s'en rendait pas assez compte à cette époque. Comme Anémone d'ailleurs. Ce film est super bien, et gagne à être revu aujourd'hui, sauf qu'on se rend compte que ce n'est pas du tout une comédie, mais un film assez plombant, pour ne pas dire triste, dont le seul sujet est la solitude. L'époque est captée et rendue avec beaucoup de pertinence et c'est sans doute un des meilleurs Leconte, loin de ses conneries archi populaires et irregardables aujourd'hui.

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Le cinéaste Avril Tembouret, qui est aussi un de mes amis, a notamment réalisé plusieurs très beaux documentaires concernant la bande dessinée, dont des films sur Laurent Vicomte, François Boucq, Yves Chaland... et je n'avais pas encore vu celui consacré à Pierre Christin et Jean-Claude Mézières. Le film est superbe, intime et touchant, toujours à la bonne distance, et j'y ai appris plein de choses. Et Avril réussit même l'exploit de me rendre Luc Besson, qui est interviewé car il était à l''époque en préparation de son film Valérian, sympathique, c'est qui est une véritable prouesse.

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Je n'ai regardé ce truc que parce qu'il s'agit du dernier Chris Columbus et que j'ai de la sympathie pour une partie de sa filmo. Mais en un mot, fuyez, c'est totalement inintéressant, c'est un vulgaire Cluedo à la Agatha Christie de et pour le 3ème âge, lisse comme une couche Confiance© avant utilisation, et qui en plus de tout ça est encore enlaidie par l'image formatée Netflix. J'espère que les acteurs ont bien cachetonné car il y a de quoi foutre l'intégralité de leur carrière en l'air.

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Pareil que pour La Captive, j'ai beaucoup mieux apprécié cette seconde fois, disons que ça aide de faire une intégrale, ça permet de comprendre beaucoup plus de choses qu'on pourrait trouver agaçantes si on ne regarde que ce film. Car il y a toujours pas mal de choses agaçantes, maniérées, carrément grotesques, dans ce film, mais j'ai vu ça avec plus d'indulgence, et surtout, j'ai vu tout ce qu'Akerman met de personnel en sous-texte et qui est sans doute ce qu'il y a de mieux dans le film.

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Revu une seconde fois moins de 8 jours après la première, et c'était comme une nécessité. Le film m'a tout autant plu, tout autant ému que la première fois, je n'y ai vu aucune longueur, même j'ai trouvé qu'il passait encore plus vite le second coup. Ce qui me frappe le plus c'est que c'est vraiment un film de metteur en scène, que tout est raconté par le cinéma, c'est ce qu'il y a de plus bouleversant à mes yeux, d'autant que Trier le fait toujours avec beaucoup de discrétion. Et aussi, rarement j'avais vu un film, pas depuis longtemps en tout cas, qui enchaine aussi bien ses séquences. A chaque fois l'enchainement est super original, mais dès qu'on voit la scène elle s'impose comme la seule possible. Chaque scène est un bloc de temps comme aimait le dire Tarkovski, et la rencontre entre ces différents blocs de temps crée quelque chose d'unique et d'une grande force (émotionnelle comme cinématographique).

NB. Sokol je ne te snobbe pas hein :D mais j'ai du mal à répondre à tes griefs tant je pense l'exact opposé de toi, et puis aussi sans doute parce qu'en partant au bout de 40 mn on ne voit pas un film, et puis enfin car je sais que tu y allais en sachant que tu allais le rejeter :)

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Celui-ci est un peu plus problématique. Je l'aime bien, je trouve le personnage de Balasko très attachant, et d'ailleurs tous les personnages féminins le sont, de Lavanant (actrice géniale) à la grande colloc blonde, mais c'est quand même un film d'un autre monde où l'on fait des blagues sur le physique des meufs et où la femme est forcément considérée comme une marchandise dont le but ultime serait de la niquer (ce qu'il y a d'horrible dans les Bronzés de Leconte que j'évoquais plus haut). Pourtant je vois quand même une tendresse dans ce film, je pense que Poiré aime bien son personnage, mais je crois qu'il pensait alors normal de la malmener ainsi pour arriver à ses fins.

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Je ne comprends absolument pas comment on peut s'extasier, ou même avec de l'indulgence, face à un horrible étron pareil, qui est la négation absolue de ce qu'est le cinéma, mais qui est la négation de tout, à commencer par l'intelligence. C'est un film qui est au cinéma ce que Trump est à la politique, et qui est donc en parfait adéquation avec le pays dont il vient. J'ai souvent écrit sur les super héros comme arme de divertissement fasciste, mais en voici l'exemple parfait. Et il y a même un petit chien trop mignon avec des pouvoirs et la cape de super héros pour vendre encore plus de produits dérivés trognons... A gerber !

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En France, on ne découvre que depuis peu l'immense talent de Damiano Damiani, souvent occulté par le seul film qui était diffusé jadis, Un Génie, deux associés, une cloche, sorte de sous Leone sans grand intérêt. Mais Damiano est un immense cinéaste politique, qui a réalisé parmi les plus grands thrillers politique sur la mafia. Des films courageux et engagés. Celui-ci jouit d'une excellent réputation, mais en France il est rare et dur à trouver (jamais édité sur support, jamais diffusé en salle ni à la tv). J'ai enfin pu le voir, et c'est peu de dire qu'il est à la hauteur de sa réputation. On y suit un flic qui, fatigué, usé par son job, veut se ranger et qui devient chauffeur / garde du corps (bien que toujours employé par la police) d'un juge spécialisé sur les affaires terroristes, soumis à de nombreuses menaces, tentatives de corruption voire pire... Evidemment sa nouvelle affectation ne sera pas plus reposante, et ce sera même le contraire. Le film est prodigieux, passionnant, d'un courage rare, et d'une intégrité hallucinante. J'ai vu une copie correcte mais d'un vieux passage tv allemand sans doute copié sur VHS et c'est déjà une méchante claquouze, je rêve de revoir ce grand film, peut-être bien le meilleur de son auteur, dans de bonnes conditions, ça doit juste être hallucinant.
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Tamponn Destartinn a écrit : lun. 1 sept. 2025 14:02 la dernière partie, un peu trop facilement happy ending peut-être,
Ah d'accord.
Est-ce que tu peux me dire la fin, en la mettant en SPOILER ? Merci
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groil_groil a écrit : lun. 1 sept. 2025 14:18

NB. Sokol je ne te snobbe pas hein :D mais j'ai du mal à répondre à tes griefs tant je pense l'exact opposé de toi, et puis aussi sans doute parce qu'en partant au bout de 40 mn on ne voit pas un film, et puis enfin car je sais que tu y allais en sachant que tu allais le rejeter :)

:hello:
Ah non, il n'y a aucun problème !! :love2:

Par contre, je n’y suis pas allé pour le rejeter (sinon, je ne serais pas allé le voir, tout simplement !). C’était presque l’inverse : j’avais vraiment envie de l’aimer, mais rien n'y faisait... :cry:
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Tyra
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Team Sokol à propos du Trier, faut que je trouve le temps d'en parler.
Et oui Superman, quel étron intersidéral, s'en devenait fascinant au fur et à mesure du visionnage. L'impression d'appartenir à une autre planète que les gens qui font et aiment ce film.
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cyborg
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Formidable découverte d'une réalisatrice expérimentale, qui s'est révélée immense dès le premier film que j'ai vu d'elle : l'américaine Chick Strand (1931-2009). La diversité des formes qu'elle aborde, du documentaire (anthropologique) au found-footage, l'inscrive en plein dans l'avant-garde. Elle n'hésite pas à explorer les limites de son médium pour mieux les commenter, ou même les redéfinir. Si il y a un élément qui la caractérise c'est son utilisation permanente du gros-plan, voir du très gros-plan jusqu'à l'abstraction complète, donnant une approche très plastique à ses images, pour mieux saisir les textures, les détails et incarner au mieux la vaste question du désir qui jalonne son travail.

Quelques mots sur les courts-métrages vus, plus ou moins dans cet ordre :

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Loose ends - 1975

Un de ses films les plus connus, montage found-footage virtuose retraçant l'histoire du cinématographe depuis les images de Marey et des Lumières, jusqu'à celles des camps de la mort, tout en faisant tous les détours possibles autour de notre civilisation des images et de leur hyper-consommation jusqu'à la folie, jusqu'à l'impuissance. 23 minutes sidérantes.



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Fake fruit factory - 1986

Documentaire sur les ouvrières d'une fabrique mexicaine de fruits en papier mâchés. Tout est filmé en très gros plans, on voit les mains manipuler la matière, la palper, la peindre, tandis que quelques fois surgit le quotidien, un déjeuner ou une virée entre collègues. On entend leurs voix, parler du travail, de sexe, du patron. On devine un rapport entre ces faux-fruits et ces vrais mains, ces tâches forcées et ces rapports construits, ces corps contraints et ces voix libres. Etrange et saisissant.

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Artifical Paradise - 1986

Des corps (que l'on suppose d'un pays d'amérique du sud, indigène sans doute), filmés en pleine action dans des gros plans énormes, composés d'aplat de couleurs ou se mélangent la chair, la nature, les plantes, les muscles, les paysages. La caméra comme une prolongation du mouvement. Une tentative radicale de supprimer l'impossible, la distance entre l'auteur et son sujet, entre le sujet de l'image et les spectateurs, problématique incontournable de tout cinéma ethnographique.

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Fever Dream - 1979

Court-métrage érotique de quelques minutes, essentiellement de très gros plans de peaux, de mains, de seins, de caresse, de corps que l'on devine tous féminins. Une sensualité mise en image comme on en a rarement vu, loin de tous les carcans esthétiques du genre.


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Cartoon Le Mousse - 1979

Pur film de found-footage, faisant la part belle à des séquences en animation. Toujours aussi hypnotisant, mais peut-être aussi l'un des plus mystérieux et moins accessible. On devine une tension entre l'enfance (les cartoons) et la construction d'un foyer, les tensions du temps et de la vie qui passe, toujours avec un rapport aux corps et à l'abstraction.

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Soft fiction - 1979

Œuvre la plus connue et la plus longue de Chick Strand, un film de 50 minutes composées de 5 longues interviews de femmes, entrecoupés de mise en scènes autour d'une maison ou de la vie quotidienne. Leurs visages sont filmés en très gros plans, laissant apparaitre le moindre des expressions, et parfois quelques gestes. Ces 5 femmes témoignent d'histoires intimes et troublantes entre désirs et traumatismes, entre violences subies et relations toxiques. Si la forme du film est peut-être plus "classique" (toute proportion gardée !), ce qui s'y joue est peut-être son plus troublant, l'enchainement des propos créant une tonalité complexe à l'ensemble du film.

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Cosas de mi vida - 1976

Documentaire ethnographic sur Anselmo, un homme amérindien mexicain. Il nous raconte l'ensemble de sa vie, de son départ de sa communauté et sa grande difficulté à se reconstruire et s'intégrer à la société mexicaine, jusqu'à devenir trompettiste, avoir deux enfants avec une femme qu'il dit ne pas aimer et réussir, avec grande fierté à leur offrir une vie moderne et confortable. Le film est beau mais presque "classique" (pour qui connait les possibles du genre avant-garde) jusqu'au tour de force du dernier plan, venant dévoiler ce qui anime Chick Strand. Alors qu'Anselmo astique et nous montre fièrement son poste de télévision, la caméra s'approche jusqu'à ce que l'écran noir remplisse notre écran, puis qu'apparaisse l'une des toutes premières images du film, celui d'une danse traditionnel amérindienne. Cet effet saisissant nous raconte en un instant tout l'enjeu de la modernité, de son rapport à la tradition, au progrès, à ses pertes et à ses gains, à ses représentation.



Voilà tout ce que j'ai réussi à voir ! Elle en à pourtant pas mal d'autres. Apparemment ce sont surtout ceux dans la veine de "Cosas de mi vida" qui circule (docus fait au Mexique) mais je n'arrive pas à les dégotter pour l'instant. Je garde espoir.
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cyborg
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L'humour à t-il une date de péremption ? Dur de ne pas répondre "oui" après ce pénible visionnage qui m'aura arraché un rire avec difficulté (et encore c'est parce qu'un personnage finit par se mettre un slip sur la tête. Y a t'il quelque chose de plus drôle qu'un type qui se met un slip sur la tête ?)
J'ai cependant été ébahi par l'immense rapidité avec laquelle se campe l'histoire/les personnages (néanmoins quasiment sans épaisseur), le film démarrant "l"intrigue" en un quart de seconde. Sans doute pour laisser un maximum de place à "l'action" et à "l'humour". Mais quand rien ne tient à rien, difficile de s’intéresser à ce qui se passe...
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groil_groil
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Le film à l'époque avait beaucoup impressionné. C'était la première fois que Blanc était vraiment considéré comme metteur en scène (alors que ce n'était pas son premier film). En tant qu'acteur ce fut avec M. Hire, avant il passait pour un rigolo de service. J'avais beaucoup aimé ce film à sa sortie, même si, dès le premier coup en mai 1994 donc, j'avais été gêné par sa fin que je trouvais un brin réac (toute la partie avec Noiret en somme). Le film est toujours très cool aujourd'hui, très malin, super bien dialogué (même si les blagues tournent toujours autour du viol ou presque, on ne ferait plus ça aujourd'hui, c'est fatiguant), et assez amusant. Surtout dans sa première partie. En fait le film commence à s'essouffler un peu quand on voit les deux personnages et que le premier a compris l'existence du deuxième. Disons que cela s'essouffle car Blanc n'exploite pas assez le potentiel. Et puis surtout, en fait, je pense que c'est le film d'une autre époque, celle d'avant internet, d'avant instagram, d'avant le moment où les stars étalaient leur vie privée aux yeux de tous et se rendant, évidemment de manière factice, accessibles. Un scénario tel que celui de Grosse Fatigue ne tient pas à l'époque d'internet et d'instagram où tout serait démasqué instantanément. C'est la grosse limite du film, il fait un peu daté, mais c'est plaisant tout de même, évidemment.

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Je viens de dévorer les 1100 pages du roman, et j'ai enchainé son adaptation cinématographique dans la foulée, le soir même. Le roman, sans être un chef-d'oeuvre de l'histoire de la littérature, est un formidable page-turner, super bien écrit, enlevé, rythmé et respirant l'intelligence. En quelques mot, le pitch : Theodore Dekker est un jeune américain qui est victime d'un attentat dans un musée new yorkais alors qu'il visite avec sa mère, une exposition consacrée aux grands maîtres flamands. Survivant et hagard, au milieu des décombres, il découvre un vieil homme qui avant de mourir lui remet une bague en lui demandant de se rendre à une adresse qu'il lui communique. Il lui conseille aussi d'embarquer avec lui une petite toile d'un grand maitre hollandais, Le Chardonneret de Fabritius, plutôt que de la laisser se détruire. Le jeune homme parvient tant bien que mal a quitter le musée en ruines avant que les secours ne le prennent en charge. Il apprend rapidement que sa mère n'a pas survécu à l'attentat. Il est donc orphelin, son père ayant disparu sans laisser d'adresse, avec sous le bras ce tableau à la valeur inestimable, qu'il cache sans prévenir personne qu'il l'a en sa possession. Evidemment ce tableau va changer sa vie à jamais. Le roman déjoue rapidement les attentes : le tableau ne sera pas le centre du livre, mais accompagnera le personnage dont l'évolution au fil des ans est le vrai sujet du récit. Je ne vous en dit pas plus, moins on en sait mieux c'est. Je me réjouissais donc de découvrir le film, c'est une grosse prod, y a des moyens, y a Kidman, et y a du temps, 2h30 de métrage, suffisamment pour rentrer dans le détail et bien raconter les choses. Mais non le film est un échec total. Pourquoi ? Parce que le cinéaste fait dans la rétention. Il veut ménager ses effets et ne montre rien quand il faut. Le roman était pourtant suffisamment riche, mais il avait une grande qualité c'est sa linéarité. Et c'est ça qui le rend passionnant. Là, Crowley refuse de montrer l'attentat, il ne le montrera que par bribes, tout le long du film, mais cette séquence initiale d'où tout découle n'est jamais montrée in extenso. Et sans cette séquence le film ne peut pas exister. Et pire encore, la mère, qui est un personnage primordial sur la première partie du film, avant l'attentat, est simplement effacée du film. On ne la voit jamais, sauf au dernier plan au bout de 2h30 de film. Mais à ce moment-là on s'en fout, c'est beaucoup trop tard, on avait besoin de s'attacher à elle, et de souffrir autant que souffre Théo de l'avoir perdue, mais il ne se passe rien, on ne la connait pas, ce n'est même pas un personnage. Pareil pour le tableau qui n'est montré que beaucoup trop tard. Bref, le cinéaste préfère garder pour lui que de partager avec son spectateur, tant pis pour lui, on ne s'intéresse pas à ses jouets. Et puis plein de scènes sont ratées, mal filmées, pas mises en valeur, et les personnages sont nuls, Hobie, le père, deux rôles centraux sont joués par des acteurs insipides et n'ayant rien à apporter au film. Quelle déception...
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sokol
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groil_groil a écrit : mer. 3 sept. 2025 16:55
:hello:

Est-ce que tu consultes parfois les notifications du forum quand un membre te mentionne ?
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"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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sokol a écrit : jeu. 4 sept. 2025 16:24
groil_groil a écrit : mer. 3 sept. 2025 16:55
:hello:

Est-ce que tu consultes parfois les notifications du forum quand un membre te mentionne ?
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Salut, oui je les consulte, mais je ne t'ai pas répondu à celle-ci en effet. Tous les noms de cinéastes sur ce site sont rentrés en majuscules sans accent, il suffit donc de faire une recherche sans accent pour trouver le cinéaste désiré. Et puis, de toute façon, je ne sais pas généré une majuscule avec accent depuis mon ordi :D
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Kit
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@groil_groil
:hello: avec Michel Blanc connais-tu Je hais les acteurs de Gérard Krawczyk de 1986 ? avec une ribambelle d'acteurs connus, je l'avais adoré au cinoche à l'époque
https://fr.wikipedia.org/wiki/Je_hais_les_acteurs
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groil_groil
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Kit a écrit : ven. 5 sept. 2025 08:59 @groil_groil
:hello: avec Michel Blanc connais-tu Je hais les acteurs de Gérard Krawczyk de 1986 ? avec une ribambelle d'acteurs connus, je l'avais adoré au cinoche à l'époque
https://fr.wikipedia.org/wiki/Je_hais_les_acteurs
Merci. Je l'ai peut-être vu à la fin des 80's mais je ne m'en souviens quasi pas, je réessaierai peut-être.
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Tyra
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J'avais détesté Julie en 12 chapitres. Ici point de détestation, mais plutôt de l'incompréhension. Sur ce qu'est ce film, ce qu'il essaie de faire, de raconter. Cette forme, bizarre, tantôt visant les hauteurs bergmaniennes, mais plus souvent tombant dans l'illustration pop (moins que pour le précédent, quand même). Ces "hauteurs" psychologiques Bergmaniennes se rapprochant très vites des petites mesquineries bourgeoises des plus mauvais Assayas.
Et puis, je ne comprends pas la construction du film : lorsqu'à la toute fin, la sœur de l'héroïne lui dit de lire le scénario qu'à écrit son père, car ce serait un moyen pour lui de renouer avec elle, on se dit :"mais oui, ce n'était pas le sujet du film ?". Et la scène de lecture qui en découle, extrêmement décevante, il n'y avait pas moyen de faire passer ça par le jeu d'actrice, par les répétitions, quelque chose de concret ? Et ce regard final père/fille, il n'y avait pas mieux comme idée que ce trope vu mille fois ?
Autre chose à noter : le film parle de dépression, mais lorsque l'héroïne est au plus bas (pas loin du suicide, on le comprend), elle disparait littéralement le film, n'intéresse plus le cinéaste et c'est dommage. J'ai heureusement aimé des petites choses, notamment le beau personnage la sœurs, quelques plans par-ci par là, mais c'est maigre.

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Il est question d'extra-terrestres dans ce film, moi je me sens extra-terrestre devant un truc comme ça. Les yeux m'en tombent devant un tel film, tant tout est laid, bête, sans aucun sens du rythme, aucune science du tempo comique (ce qu'il y avait un peu dans les Gardiens de la Galaxy). Ce qui rassure, c'est que le film ne marche pas très bien. Mais c'est probablement due à la faible popularité de Superman hors USA, qu'à la grande médiocrité de ce produit.
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sokol
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Tyra a écrit : ven. 5 sept. 2025 17:58
[Ces "hauteurs" psychologiques Bergmaniennes se rapprochant très vites des petites mesquineries bourgeoises des plus mauvais Assayas.
Ah ben, Assayas est français, donc on ‘détecte’ facilement ses petites mesquineries, tandis que Trier, qui est norvégien, les rend inévitablement moins ‘détectable’ les siennes
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Kit
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groil_groil a écrit : ven. 5 sept. 2025 08:45
sokol a écrit : jeu. 4 sept. 2025 16:24
groil_groil a écrit : mer. 3 sept. 2025 16:55
:hello:

Est-ce que tu consultes parfois les notifications du forum quand un membre te mentionne ?
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Salut, oui je les consulte, mais je ne t'ai pas répondu à celle-ci en effet. Tous les noms de cinéastes sur ce site sont rentrés en majuscules sans accent, il suffit donc de faire une recherche sans accent pour trouver le cinéaste désiré. Et puis, de toute façon, je ne sais pas généré une majuscule avec accent depuis mon ordi :D
la Table des caractères dans les outils Windows te propose les majuscules avec accent, je l'ai épinglée dans ma barre des tâches, le truc négatif c'est que ça fait perdre du temps, mais on a guère besoin que du É
Modifié en dernier par Kit le sam. 6 sept. 2025 02:10, modifié 1 fois.
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@B-Lyndon
!!

asketoner a écrit : dim. 25 avr. 2021 11:03

Lovers Rock, Steve McQueen, 2020

Après la grosse déconvenue de Mangrove, j'avais abandonné l'idée de voir un autre film de Steve McQueen parmi les 5 réalisés pour la BBC, et puis je me suis laissé entraîner parce que ce sont des films récents. J'ai bien fait, car celui-là n'a rien à voir avec le précédent. On retrouve toute la radicalité du cinéaste, capable d'imposer 40 minutes de danse dans un film d'1h10, et de donner la sensation d'une durée, d'un étirement, d'un épuisement du temps, jusqu'à l'usure - et jusqu'à la métamorphose. Le film se situe à la fin des années 70 en Angleterre, les Noirs ne peuvent pas entrer dans les boîtes de nuit, des soirées privées s'organisent. C'est à l'une d'elles que nous assistons : de la tombée de la nuit au lever du jour, lorsque deux amoureux, qui viennent de se rencontrer en dansant, quittent la maison où la fête a lieu pour trouver un coin où faire l'amour. J'ai une fois de plus pensé à Kechiche (je pense beaucoup à Kechiche dernièrement (d'ailleurs je pense qu'on peut inventer une famille Kechiche/Puiu/McQueen qui tient à peu près)), mais un Kechiche aux personnages sans tourment. J'étais d'ailleurs un peu gêné au début, par la faiblesse de caractérisation des personnages - et puis en fait on s'aperçoit, peu à peu, que le tourment visé par McQueen est plus politique : le regard des Blancs dans la rue, la violence des hommes sur les femmes, la piété des familles caribéennes qui s'ajoute aux interdictions gouvernementales, etc... D'ailleurs la danse chez lui va bien plus loin. Je parlais de métamorphose un peu plus haut, c'est bien de cela qu'il s'agit. Deux "scènes-trop-longues" forment les chambres d'écho du film : la première avec les femmes répétant a capella les paroles d'une chanson (Silly games) tandis que des couples se forment parmi les danseurs (scène impressionnante de tenue et de grâce), la deuxième avec les hommes, un peu plus tard dans la nuit, quand les femmes sont parties, qui entrent peu à peu en transe en tentant d'intégrer parmi eux un jeune homme malheureux dont la violence à peine contenue pourrait à tout moment déborder.
C'est étonnant de voir à quel point Steve McQueen parvient à passer d'un type de cinéma à un autre totalement opposé d'un film à l'autre. Mangrove est un gros scénario fabriqué pour émouvoir, que McQueen se contente de décorer ; Lovers Rock est un film risqué, qui ne tient à rien, entretient son propre mystère sans jamais trop clairement le dévoiler, et n'est regardable que parce qu'une idée du cinéma le soutient fortement.


Magnifique film toujours visible sur ARTE REPLAY
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B-Lyndon a écrit : mer. 5 janv. 2022 18:27
sokol a écrit : mer. 5 janv. 2022 14:40 Image

:eek:
Bon, je comprends mieux : c'est son chef d’œuvre. C'est splendide bien sur.
Mais : il est impossible que Tarkovski n'ait pas pu voir ce film : tout son "Miroir" y est déjà !

ps: à mon opinion, il s'agit d'un des plus importants (beau, oui, mais surtout important) films du milieu des années 60, c'est une évidence, au même titre qu'un Muriel, Les chevaux de feu, Non réconciliés, Blow up, Les parapluies de Cherbourg ou Persona (et même Pierrot le fou même si je ne porte pas dans mon coeur ce film).

Ah bah enfin !!!
Je pense que tu as raison d'ailleurs, c'est sans doute son plus beau film, si je le revoyais lui et Cleo je pense que mon opinion évoluerait
Un des films les plus cruels de l'Histoire du cinema est aussi l'un des plus doux

(C'est marrant j'ai revu Le Plaisir d'Ophuls hier et je n'ai pas cessé de penser au Varda)
C’est marrant, je ne me souvenais pas que tu avais écrit ça. Or, il y a quelques mois, j’ai revu Le Plaisir et j’ai aussitôt pensé à… Varda !

😆😍
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Comment peut-on avoir envie d’aller voir un film, présenté avec une affiche pareille ??

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:mrgreen2:
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