Difficile de redire quelque chose d'original d'un film que j'ai vu 50 fois et que j'ai tellement analysé... L'essentiel est que le plaisir soit toujours là, malgré l'anticipation de chaque plan ou de chaque scène. Ah, et mon bluray Carlotta présente de nombreux défauts, le son se coupe 1 à 2 secondes toute les 20 à 30 secondes, ce qui rend le visionnage impossible ou presque (heureusement que je connaissais le film par coeur) et parfois même le disque plante, l'image se bloque et il faut relancer. Avez-vous eu ce souci sur ce disque ? Est-il référencé dans la longue liste des blurays défectueux, je ne l'ai pas pourtant pas trouvé ?
C'est l'un de mes films d'enfance favoris, vu et revu, et je voulais le montrer aux enfants, qui ont beaucoup aimé (ils sont prêts pour L'Homme de Rio), et j'ai moi aussi repris un grand plaisir à revoir cette grande comédie d'aventure tel que seul Philippe de Broca en avait le secret. Le film est vraiment super, super marrant déjà, c'est une vraie comédie, et super réussie dans sa gestion de l'aventure, voyageant dans tous les coins de Grèce avec une générosité incroyable et des décors fabuleux. Il s'agit du second volet d'un dyptique entamé avec Tendre Poulet (tout aussi réussi mais un peu plus "adulte" dans mon souvenir, c'est pourquoi nous avons attaqué par celui-ci, ce qui était mon cas enfant également), mais les deux films sont indépendants et n'ont en commun que le couple de personnages principaux, la commissaire de Police (Annie Girardot) et le prof de Grec universitaire (Philippe Noiret). Les deux autres acteurs formant le quatuor sont Catherine Alric, qui n'a pas eu la carrière qu'elle méritait uniquement parce qu'elle ressemblait trop à Catherine Deneuve, et le génial Francis Perrin, qui était vraiment une super star du comique à l'époque - on allait au cinéma en famille voir LE nouveau Francis Perrin - mais dont je regrette, à part de Broca, que sa route n'ait jamais croisé celles de grands metteurs en scène, comme c'est arrivé à Menez, Richard ou Rego, ce qui lui aurait permis d'avoir une postérité bien méritée.
Je suis actuellement en pleine lecture de "Kong", l'épais roman (plus de 1100 pages) de Michel Le Bris, dans lequel il raconte la vie en forme d'épopée de Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, depuis les tranchées de la Première Guerre Mondiale où ils se sont engagés comme volontaires, et tout leur périple cinématographique, qui les a amenés à réaliser King Kong. Leur vie est une aventure folle, absolument incroyable, impensable avant de s'y plonger, et au début de leur carrière du moins, ils n'hésitaient pas à mettre leur vie en jeu pour un seul plan de cinéma. Ils ont commencé par le cinéma documentaire, et leur idée était de partir au bout du monde, dans des contrées encore inexplorées, le plus loin possible, avec le plus de dangers possibles, pour en ramener des images. Cette lecture passionnante, toujours en cours, m'a donné immédiatement envie de lancer une grande rétrospective de leur oeuvre, dont je ne connaissais que King Kong, comme la plupart d'entre nous. Grass, sorti en 1925, il y a donc pile 100 ans, est leur premier long métrage, strictement documentaire, et celui dans lequel ils se sont mis le plus en danger. Ils ont traversé, accompagnés de leur amie la journaliste Marguerite Harrison, la Turquie, la Syrie puis l'Iran, risquant leur vie chaque jour, pour y dénicher la tribu d'un peuple oublié de tous, les Bakhtiaris, je cite wikipédia : "une tribu d'Iran méridional dans leur transhumance bi-annuelle de leurs quartiers d'hiver, dans la province de Khouzistan, à leurs quartiers d'été dans la province du Tchaharmahal-et-Bakhtiari, en traversant la rivière Bazoft, l'un des affluents du fleuve Karoun et les monts enneigés du Zard Kuh, l'un des massifs des monts Zagros". Ce voyage, cette transhumance, constitue la totalité du film, nos trois auteurs, nos trois héros pourrait-on dire, s'embarquant avec la tribu et les suivant dans cette traversée hallucinante, ils sont plus de 50.000 et presque autant d'animaux, qui dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois. C'est LE film d'aventure par essence, sans doute le plus beau de tous, à tous niveaux. Dans sa construction, un voyage, dans son approche, c'est un documentaire pur, mais le scénario est écrit par la vie elle-même, ce qui est encore plus fort, par le danger couru, permanent, et par la beauté inouïe des images ramenées par nos jeunes cinéastes, qui se voient d'ailleurs autant comme des aventuriers que comme des réalisateurs. Disons que pour eux c'est la même chose, l'un ne va pas sans l'autre.
Chang est le second film du duo formé par Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper. Ce coup-ci, l'idée est d'aller explorer ce qu'on appelait encore le Siam (en gros Thaïlande et Laos), pour aller filmer le monde sauvage, les animaux les plus terribles qui soient, avec en tête l'idée de filmer les tigres et les grands éléphants. Ils s'attachent particulièrement à filmer la vie quotidienne d'un village paumé au fond de la jungle du Laos, et plus précisément encore celle d'une famille de paysans du coin. Ceux-ci vont d'ailleurs capturer un bébé éléphant, pour les aider dans leurs tâches, qu'ils vont nommer Chang, qui donne son titre au film (mais que la mère va vite venir délivrer). Le film est encore un film documentaire, mais les deux cinéastes se sont parfois permis de faire rejouer des scènes qu'ils ont découverts sur le vif, aux locaux. Des scènes de la vie de tous les jours essentiellement, même si absolument rien n'est inventé. On pourra dire avec le recul que c'est sans doute là que se marque les prémices de leur entrée dans la fiction, même si on est encore très loin de King Kong. Car le film ne raconte rien d'autre que la vie quotidienne de ce village et de cette jungle sauvage, surtout, les cinéastes et les villageois, à la même enseigne, étant face à des léopards, grands pythons ou boas, ours, tigres, et des éléphants par centaines. C'est beau, passionnant, sauvage, et là aussi c'est un des plus beaux documentaires vus, surtout qu'il a bientôt 100 piges, et c'est un des plus beaux films de jungle qu'on puisse imaginer, car là aussi tout est vrai, c'est la vie qui fait film.
J'ai avancé un peu dans le temps pour montrer King Kong (1933) aux enfants, qui n'ont d'ailleurs pas du tout aimé, trop de temps à passer et sans conscience de l'histoire du cinéma, il est impossible d'apprécier un film pareil découvert aujourd'hui. Bon, moi je le connaissais déjà et je suis très heureux de le revoir dans le contexte de cette rétrospective des films de Cooper & Schoedsack, tant le film prend une ampleur complètement différente une fois qu'on connait leur vie et qu'on sait leur appétence pour la vie sauvage et leur envie depuis toujours d'aller filmer les grands singes. D'ailleurs c'est sidérant de voir combien le début du film, les prémices de l'expédition, est autobiographique. Il s'agit de cinéastes qui partent au bout du monde pour aller filmer la vie sauvage, tout à fait la vie de nos deux cinéastes. Evidemment le film est une matrice, il donnera naissance à tout un pan du cinéma d'aventure, et sera remaké, trafiqué, repris durant tout le siècle qui suit. C'est évidemment très daté à revoir aujourd'hui, les effets spéciaux novateurs pour l'époque nous semblent du carton pâte aujourd'hui, mais c'est un bonheur tout de même, et cela même si le film souffre d'un sacré manque de rythme... Les scènes fortes : l'offrande en sacrifice, la découverte du singe, la poursuite, et surtout l'Empire State Building restent des monuments. A le revoir après les deux premiers docs du duo, je dirais que je préfère leur versant documentaire, mais que c'est vraiment passionnant de voir ici comment ils parviennent à mêler leur personnalité de cinéastes documentaires, et leur envie de fiction, qui fut surtout influée par leur producteur Lansky de la Paramount. Bref, cela reste un monument.
I like your hair.