Plutôt qu'un Spielberg qui n'en a plus envie, je suis ravi de voir Mangold, soit l'un des meilleurs cinéastes de divertissement hollywoodien de son temps, s'emparer du mythe Indiana Jones pour lui redonner ses lettres de noblesse au moment de tirer sa révérence. D'ailleurs, Spielberg disait avoir tourné l'Arche Perdue car il n'arrivait pas à acheter les droits de Tintin, même s'il l'a tourné en fin de carrière. Là, Mangold fait du pur Spielberg car il fait du pur Tintin. Je crois que rarement, à part L'Homme de Rio, je n'ai vu un film qui fasse aussi Tintin que celui-ci. ça bouge tout le temps, ça voyage tout le temps, c'est ludique et érudit en même temps. Comme chaque épisode de Jones, il y a du fantastique, mais juste ce qu'il faut, Mangold évitant parfaitement la bascule dans le n'importe quoi. Beaucoup d'humour aussi (notamment anti-Allemand, quel pied
), et surtout une scène d'ouverture phénoménale qui pour moi définit d'emblée le film : elle prouve qu'il est possible de rajeunir Ford via effets spéciaux (le perso ressemble beaucoup au Tintin de Spielberg d'ailleurs) pour préserver le mythe Indy intact pour finalement ne pas suivre cette piste. On peut le faire, donc on ne le fait pas, et c'est Indy vieillissant et courbaturé, ne comprenant rien aux Beatles et à la révolution hippie qui est mis en scène. Et pourtant, ce personnage n'a rien d'un vieux con qui ne comprend pas son époque, il est au contraire un homme qui souhaite rétablir l'équilibre du monde via son prisme personnel. En cela il est très proche du personnage de Nanni Moretti dans son dernier film, ce sont les deux mêmes, et il est amusant de constater que les deux films sont sortis le même jour; ça dit beaucoup de notre temps.
Un des plus beaux Eastwood de la dernière période, et un des plus mal aimés aussi (heureusement, les Cahiers l'avaient défendu !) Il y a des invraisemblances de scénario et un personnage mal aimable mais peu importe, et le film tend à dire qu'on s'en fout, et n'a, il me semble, qu'un seul but : faire éclater la vérité (et par là-même sauver la vie d'un homme). En cela le film d'Eastwood me semble être un vrai film engagé, voire militant, tendant à dire, comme Rossellini ou Rouch l'ont dit avant lui, que le seul but du cinéma est d''être l'art de la vérité. Et, il y a l'une des plus belles scènes du cinéma d'Eastwood dans ce film, celle de la visite du zoo en accéléré avec sa fille, qui évoque bien évidemment celle de la visite du Louvre en trois minutes dans Bande à Part de Godard, et qui se solde par un accident (de poussette), car là aussi ça semble être une déclaration : si on veut que les choses soient bien faites, il ne faut pas les faire trop vite.
Je le prenais pour un Wilder mineur, mais en fait c'est vachement bien. Et plus que le personnage de Marlène Dietrich, c'est celui de Jean Arthur qui m'a vraiment ému, qui se révèle au fil du film, opérant une révolution totale. Je crois qu'il ne m'en manque plus qu'un et j'aurais vu tout Wilder.
J'ai emmené mon fils voir Indiana Jones, et logiquement j'ai emmené ma fille voir Miraculous, sa marotte du moment, arrivée on ne sait comment, mais elle ne jure que par ça. La seule réjouissance là-dedans, c'est que c'est une production internationale mais à l'origine française, et que le cinéaste a aussi écrit le scénario la musique et les chansons. Même si on peut trouver (beaucoup) à redire à chacune de ces fonctions, au moins c'est un projet personnel, et une création française qui cartonne dans le monde, c'est suffisamment rare pour être apprécié.
Je ne l'avais pas revu depuis des lustres et la nouvelle copie éditée par Le Chat qui Fume est une occasion idéale de se confronter à ce grand film, d'un cinéaste incroyablement audacieux, expérimental et punk dans l'âme, mais que la presse française a eu tôt fait de cataloguer comme un maniériste pompier, culpabilisant presque les gens d'aimer ce cinéma-là, qui est pourtant beaucoup plus dérangeant, novateur et risqué que le souvenir qu'on peut en garder.
Je n'avais pas trop aimé la première fois, mais je crois que j'étais passé à côté. C'est un grand Gabin (un de ses plus beaux rôles), un grand Grangier (y en a plein pourtant) et un grand film tout court. Le sujet du film est magnifique, puisque Gabin joue le rôle d'un des hommes les plus puissants de La Rochelle, et voit sa femme s'enfuir quelques jours avec un amour de jeunesse. Il devient le cocu, le puissant que tout le monde se complait à conspuer puisqu'il est diminué. Mais Gabin fait fi de tout cela, puisque la seule chose qui l'intéresse c'est de retrouver sa femme, et plutôt que la désavouer, admet qu'il est responsable de sa fuite, et qu'il n'a sans doute pas su l'aimer comme il faut. C'est un point de vue incroyablement moderne, et un grand film sur le pardon.
J'adore Henry King, mais voici l'un de ses plus mauvais films, une comédie musicale veillotte, poussiéreuse et rance, au fond assez immonde et avec des personnages soit dégueulasses soit complètement cruches, dans un relent constant de misogynie ambiante. Le film emprunte le schéma du Ciel peut Attendre, mais il en est malheureusement tout l'opposé.
Une femme revient en Corse où elle a vécu pour la première fois depuis 15 ans. Ses deux filles n'en ont aucun souvenir. La femme vient pour travailler comme femme de ménage d'une famille aisée. Pendant ce temps, les deux filles profitent d'un été en apparence idyllique tout en enquêtant sur leur propre passé. Leur père, Corse mort il y a 15 ans d'un accident de voiture, et leur grand-mère, que leur mère leur a toujours été annoncée comme morte, deviennent le centre de leurs préoccupations, au beau milieu d'idylles amoureuses qui sont à cet âge-là ce qu'il y a de plus important. Le film m'a bouleversé, j'en ai été ému tout du long, j'ai trouvé l'ensemble d'une grande justesse, et, c'est pour moi le truc le plus important, d'un équilibre parfait. Le film pourrait partir dans des directions contradictoires, mais la mise en scène de Corsini lui donne un équilibre incroyable, entre gravité et légèreté, entre drame et comédie, entre nuits et jours plein de soleil; bref je suis sorti du cinéma enchanté, bercé par la sublime chanson de Léonie Pernet "Les Chants de Maldoror" qui est au centre du film.
Ceylan est devenu au fil des films l'un des plus grands cinéastes de notre époque, et son dernier opus long de 3h17 ne vient pas déroger à la règle. Il s'éloigne de plus en plus du formalisme qu'on a pu lui reprocher à une époque (c'était déjà le cas dans Le Poirier Sauvage, son précédent) pour aller au cœur des choses, ou plutôt au cœur des individus. Dans une intrigue pas si éloignée que ça de La Tâche de Philip Roth ou même de La Chasse de Thomas Vinterberg, Ceylan déjoue tout de suite les attentes : Oui, un professeur est accusé à tort par de jeunes adolescentes, mais non le cinéaste n'utilisera pas cet argument pour bâtir un suspense insoutenable qui va peu à peu emprisonner le personnage et le spectateur. Non, le spectateur sait le personnage innocent et cela suffit. D'ailleurs c'est un film qui déjoue formidablement les attentes. Il s'appelle Les Herbes Sèches, mais tout le film se passe dans la neige, les herbes sont recouvertes pendant 3h15 et on ne les voit que lors des deux dernières minutes, juste avant un plan de la jeune fille d'où tout est parti et qui se retourne pour nous fixer. Tout ça dit beaucoup de choses sur les apparences et sur la question de la vérité, de qui la détient, et de qui détient la parole. Car le film est aussi un film sur la parole, sans doute celui de Ceylan où les personnages parlent le plus, et le plus librement. Tout en aimant le film, j'y ai vu sur le coup quelque facilité, mais plus le temps passe et plus le film travaille en moi et me livre sa nature.
Très beau court de Greenaway, que je revoyais, construit comme un éphéméride ou un jeu d'enfant, autour de l'alphabet et de la maison. Aussi ludique que pertinent, et qui lui donnera sans doute plus tard l'idée du magnifique Drowning by Numbers.
Insight: Zandra Rhodes
Documentaire de Greenaway sur une célèbre couturière anglaise excentrique. Le cinéaste déjoue les pièges du genre et livre un doc tout à fait personnel.
Avec mon fils, toujours, et confirmation que ce deuxième volet est beaucoup ludique, inventif et réjouissant que le 1er.
J'en attendais pas mal, mais c'est un véritable calvaire, un film de son temps, bien odieux, qui part du principe qu'il est plus intelligent que son spectateur. Et un film de son temps, qui s'interdit de filmer les choses sous peur qu'on lui reproche ce qu'on reprochera à son héroïne. Un cinéma que j'exècre.
I like your hair.