Le Centre de Visionnage : Films et débats

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Mr-Orange
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groil_groil a écrit : sam. 12 oct. 2024 18:19 Image

Une fiction qui revisite la théorie du complot autour de l'assassinat Kennedy. Plus proche de la BD XIII que du JFK de Stone en fait, même s'il est certain que Stone l'a vu. Le film est à la fois profond et sérieux (les théories élaborées, bien que fictives, sont parfois passionnantes) tout en décrochant en permanence du réel pour offrir une fable se rapprochant parfois d'une version adulte d'Alice au pays des merveilles. Un drôle de film donc, y compris dans ses défauts, mais une certitude, j'aurais envie de le revoir.

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Moyen métrage d'Angela Schanelec comme souvent assez énigmatique, et porté sur la question du couple. La cinéaste a l'art de rendre obscur et diffus des choses simples et évidentes, ça en devient son style, je m'y perds rapidement mais je finis par aimer cela.

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Burton, perdu depuis si longtemps, réactive un de ses jouets du début afin de rechercher une innocence dans son cinéma perdue depuis si longtemps. C'est peut-être son meilleur film depuis 20 ans ou plus, qu'importe, mais c'est tout de même un ratage, dans le sens où ce film arrive beaucoup trop tard. Beetlejuice est un film de bricole, de rafistolage, mais la bricole à la sauce numérique, ça ne marche pas du tout. Un coup d'épée numérique dans l'eau, ça ne fait pas de vagues. Qui plus est, pas d'histoire, la moitié des personnages qui n'ont pas de rôle. Une seule très belle scène : celle de l'apparition de Monica Bellucci façon Frankenstein découpée en morceaux qui se reconstitue sous nos yeux. L'hommage que fait ici le cinéaste à sa nouvelle compagne est très touchant, car il la récrée véritablement, recompose son corps entier pour lui permettre d'intégrer l'univers du film au sens premier, mais sa vie à lui dans le second sens. C'est une très belle déclaration d'amour.

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J'avais oublié que c'était aussi génial. Molinaro et Veber, tout deux au top de leur forme, se payent les petits patrons de PME de Province, arrivistes et paternalistes, de beaux personnages balzaciens en puissance, ainsi que leurs supérieurs, les grands méchants, à tête de multinationales, tous plus cyniques et affreux les uns que les autres. Et au beau milieu de tout cela, une femme. Seule. Et pute. Mais la seule qui vit vraiment, et qui a compris que plus elle pourrait tirer de fric de ces ordures mieux ça vaudrait, et qu'il ne faut surtout pas avoir d'état d'âme. Sauf si... Les dialogues sont d'une richesse, d'une beauté et d'un humour à la grande finesse qui en font, dans le genre critique de la petite bourgeoisie de province, presqu'un égal de Coup de Tête.

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A Conversation with the Sun - Apichatpong Weerasethakul

Très peu de projos (sur 9 jours uniquement) et très peu de billets, uniquement 15 personnes par séance, pour le nouveau film du cinéaste qui est sans doute, à mes yeux en tout cas, le plus grand en activité (Lynch ne tournant plus). Le film se décompose en trois parties distinctes, dont la seconde est en VR (réalité virtuelle).
Première partie, d'une durée de 22mn : les gens entre dans une grande salle au milieu de laquelle trône un immense écran de cinéma sur lequel des images sont projetées recto / verso. Il va donc falloir faire constamment le tour pour voir ce qui se passe de l'autre côté. Mais, dans la salle il y a déjà des gens, ce sont les gens de la séance d'avant, qui eux sont déjà dans la partie 2 du film, mais sont parmi nous, munis de casques de réalité virtuelle, ils ne nous voient pas et ne nous entendent pas. Durant la séance il faudra constamment les éviter pour ne pas créer de chocs, des membres de l'organisation sont là pour empêcher les collisions si besoin. L'écran recto verso projette des images d'hommes et de femmes qui dorment, de villes, de paysages de jungles, certains personnages sont assis, un autre joue de la guitare, une femme étend son linge, la vie quotidienne, le repos, la méditation. On entend des voix qui disent souvent l'oubli, parlent du sommeil, de choses qu'on voulait faire mais qu'on n'a pas faites. La bande-son, sublime et omniprésente, est signée Riuychi Sakamoto, sans doute sa dernière oeuvre avant son décès. Le film est magnifique et nous met déjà dans un état proche du sommeil, d'autant que la pièce est hantée par des fantômes avec lesquels nous devons interagir pour justement ne pas entrer en contact.
Seconde partie, 22mn également : nous récupérons les casques, alors que les 15 suivants entrent dans la salle et la partie VR débute. Au début, nous ne voyons que l'écran, rien d'autre, dans le noir, l'image qu'on connaissait, celle d'un personnage qui dort. Puis, d'un coup, sans crier gare, 9 autres écrans géants apparaissent partout dans la salle, projetant tous des images différentes, à chaque fois un personnage qui dort. Je crois reconnaitre les acteurs vus dans le premier film. Et là, doucement mais avec grande force, une lumière gigantesque sort du sol, elle monte, grossis de plus en plus, et on comprend que c'est un soleil qui est en train de naitre. Il est gigantesque, il monte, monte, la sphère sort intégralement de terre, un diamètre de plusieurs mètres, puis s'élève dans les airs et illumine toute la pièce et continue de monter à l'infini. Puis, en regardant cela, je ne me rends même pas compte que mon environnement a changé. D'un coup, je m'aperçois que je suis dans des fonds marins. Alors on ne voit ni poissons ni eau, ce pourrait être le fond d'une grotte obscure, ça l'est, mais pour moi elle était sous l'eau. Peu importe, c'est une réalité qui est virtuelle, personnellement je l'ai ressentie ainsi. Et là, toutes les perceptions changent, je me surprend à faire de grandes enjambées pour éviter des rochers qui n'existent que dans mon cerveau, je m'allonge au sol pour admirer de près une plante naissante, je commence déjà à perdre pied d'avec la réalité. Puis d'un coup, en me retournant, je découvre au fond de la grotte, une immense statue, d'une vingtaine de mètres de haut, comme un petit buddha enfantin avec une tête de mort et un immense sexe turgescent. Il est aussi inquiétant que fascinant. A force de le regarder, on voit son visage lentement se déformer, comme s'il penchait d'un côté, pour s'effondrer. Sauf que ce n'est pas que son visage, tout s'effondre, le sol se dérobe sous nos pieds et nous tombons, lentement mais indéfiniment. Cette sensation est la plus forte que j'ai ressentie durant la projo. mon corps ne m'appartenais plus, je flottais littéralement, il n'y avait plus de sol, plus de dimensions, simplement une longue chute, infinie. De temps en temps au fond de l'obscurité des abimes, nous croisons un néon, rouge, puis vert, à une autre moment une silhouette d'homme, assise sur un rocher, immobile, et la chute continue... sans fin... jusqu'au moment où le soleil réapparait, plus immense que jamais, incandescent, à nous bruler les yeux, puis derrière ce soleil, dix autres, vingt autres, des centaines de soleil, qui inondent l'espace, jusqu'au moment où un soleil noir apparait également et progressivement vienne recouvrir le soleil principal totalement, comme une éclipse totale, et au moment où celle-ci se réalise, une inscription : for Riuychi. Il est l'heure d'ôter son casque, c'est littéralement impossible de retrouver le monde des vivants. C'est comme se réveiller d'un rêve profond, mais plus encore, car cela m'est arrivé plusieurs fois, j'ai ressenti la même impression qu'en me réveillant d'une anesthésie générale, où il faut tellement de temps pour comprendre ce qui vient de nous arriver, avant de rejoindre vraiment le monde des vivants. J'ai pensé beaucoup à la naissance également. Peut-être qu'un enfant qui sort du ventre de sa mère éprouve les mêmes sensations. On nous dirige ensuite, titubants, vers une salle de cinéma (la grande de Beaubourg) dans le noir complet, pour la troisième partie de l'oeuvre. Un écran 4/3 type rideau est posé et on s'assoie sur le fauteuil de notre choix, pour assister à une projo qui tourne en boucle. On a le droit de rester aussi longtemps qu'on le souhaite. Sont projetés des images de gens - ainsi qu'un chat et un chien - qui dorment. L'ensemble doit durer une dizaine de minutes, mais le temps n'a plus court, c'est une boucle, et nous voyons des gens dormir. Dans une image volontairement dégueu, type caméscope. Cette dernière partie fut pour moi le sas de décompression nécessaire pour me permettre de retourner dans la vie réelle. Comme une salle de réveil après une anesthésie ou un coma. Une aide à revenir au monde. Une fois que je me suis senti près, non sans mal, je me suis levé, et je suis sorti. Le rêve continuait pourtant. Je suis tombé né à né avec Apichatpong Weerasethakul qui a l'air d'être là à chaque projo, pour s'assurer de son bon déroulement. Je me suis approché de lui, et nous avons discuté en tête à tête pendant 5 bonnes minutes. L'homme est aussi doux et délicat, profond et plein de beaux mystères que le sont ses films. A l'écoute, il s'est presque plus intéressé à moi que l'inverse, c'était un moment de rêve, dans lequel j'ai pu lui dire combien il avait changé ma vie, qui prolongeait merveilleusement bien le rêve éveillé de sa nouvelle œuvre, l'un de ses plus grands chefs-d'œuvre assurément, qu'il faut vivre et qui ne rend sans doute pas grand chose en étant simplement raconté, mais j'ai tenu à le faire en tant que témoignage, car A Conversation with the Sun ne sera peut-être jamais remontré.

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Rahlala qu'est ce que tu donnes envie pour le Weerasethakul !
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B-Lyndon
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Putain, et dire que j'ai pas trouvé de place. Je suis malheureux comme les pierres. :(
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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cyborg
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Un post ou je parle de Godard ET de Ameur-Zaimeche et pas une seule réaction de Sokol ! Les temps ont changé :D


Bon début octobre !


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Porté par une profonde angoisse métaphysique, En Quatrième Vitesse se défait progressivement de ses oripeaux de film noir pour devenir une sidérante quête de survie face à l'absurdité du monde et de la vie. Je suis à deux doigts de penser que En Quatrième Vitesse et Hiroshima Mon Amour sont des films cousins, ou du moins sont ils motivés par les mêmes interrogations posés par l'âge atomique : comment vivre dans la terreur de l'ère nucléaire ? "Tu n'as rien vu à Hiroshima" répond ainsi en écho au "Remember me" de Christina Bailey.

Les ingrédients sont bien sur différents. "Hiroshima" se fonde dans la littérature française (Nouveau Roman) et l'imaginaire local de la deuxième guerre mondiale, tandis que "Kiss Me" pioche dans un registre très américain (le polar noir, bientôt désuet pour ne pas dire, lui aussi, déjà cadavre) et l'imaginaire de Los Angeles. Mais la blessure profonde qui les habite, et les dépasse, est la même.

Dans les deux cas l'amour tiens un rôle important, tandis que les corps en sont matière première. Si Resnais filme des caresses à répétition, les corps sont ici plus immédiatement mis à mal : pincés, écrasés, secoués, frappés, torturés. Serait-ce l'existence et la réalité "pure et dure" de ces corps, au sein d'un monde qui ne veut plus d'eux, d'un monde qui peut les annihiler en un éclair, que le réalisateur désire vérifier ? Comme tout film-noir qui se respecte, Kiss Me Deadly est parsemé de cadavres. A la différence qu'ici tout le monde n'est pas seulement "cadavre en devenir" mais est comme "déjà cadavre". De nombreux détails laissent entrevoir cet entre-deux, tels les plans de marche en gros plan à répétition, remis en perspective par la lignée de chaussures vides des malfrats au bord de la piscine. Aldrich signerait de la sorte non un film de mort-vivants, mais de vivants-morts.

Kiss Me Deadly est ainsi flottant, coincé sans cesse entre la verticalité des corps, debout comme ils le peuvent, et l'horizontalité des dépouilles qu'ils seront, qu'ils sont sans doute déjà. Les ombres s'allongeant à l'infini sur la plage finale, devant le feu destructeur, rappelle le plan d'ouverture et le faisceau des phares d'une voiture trop rapide faisant surgir le corps d'une jeune femme fantomatique. Entre ces deux point une enquête entêtée, obstinée, ou chaque indice révélé ne fait qu'obscurcir un mystère paranoïde et indémêlable. Jusqu'à la terreur, jusqu'à l'horreur de simplement être.

Si le film se révèle peu à peu implacablement immense par ses chevauchement plastiques et ses énigmes poétiques, il ne fait aussi aucun doute qu'il hante lui même le cinéma américain des plus grands. Si Tarantino à piqué deux ou trois idées, l’œuvre entière de Lynch en semble un long délayage cauchemardesque. Et l'on se prend étrangement à songer à Cocteau et son Orphée, avec qui il partage certaines références (coups d’œil vers la Grèce antique, la poésie, les bolides mécaniques...) et autre film clé dans la filmographie du même Lynch. La clé des rêves, peut-être... mais qu'en est-il de la serrure ? Peut-être ces quelques films ici évoqués tentent-ils comme ils peuvent de lui donner forme.
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sokol
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cyborg a écrit : mer. 16 oct. 2024 01:31 Un post ou je parle de Godard ET de Ameur-Zaimeche et pas une seule réaction de Sokol ! Les temps ont changé :D
J'étais en voyage, je suis allé voir la vielle, elle t'envoie le bonjour (tu parles... elle se rappelle à peine de moi... dur dur :sweat: ).

J'aime pas les films 'en costume' d'Ameur-Zaimeche, ça ne lui va pas du tout. Il est fait pour réaliser des films actuels car justement c'est un Godardien (qui n'a jamais fait un seul film historique).
https://allo-le-g.fr/viewtopic.php?p=76380#p76380
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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Pfiou ce texte sur Kiss Me Deadly m'a pris plus longtemps que je n'imaginais, j'ai du aller me coucher :D

Je continue donc ce début d'octobre :

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Ein neues Produkt - Harun Farocki - 2004

Farocki continue son exploration quasi-antropologique des coulisses de notre monde néolibéral. Cette fois ce n'est plus la construction d'un centre-commercial (Créateurs des mondes du commerce, 2005, passionant) mais celles des bureaux et espaces de coworking de multinationales. L'ensemble est peut-être déjà un peu daté (hé oui, 20 ans déjà... une seconde à l'époque de l'hyper-fluidité") mais reste passionnant pour son jargonisme volubile et les "valeurs" y étant exposées. Un peu aride néanmoins, à réserver plutôt aux connaisseurs/amateurs du réalisateur allemand.


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Perfumed Nightmare - Kidlat Tahimik - 1971

Un jeune chauffeur de jeepney (les taxi-bus locaux, aux Philippines) est fasciné par la conquête de l'espace. Il souhaite construire un pont entre la terre et la lune et écrit à une émission de radio américaine pour connaitre les premiers mots prononcés lors de notre arrivée sur cet astre. De pont, dans son village il n'y en a qu'un. Ou bien deux, peut-être, utilisé seulement pour les enterrements.

Ce pont, il l'a franchi toute sa vie, comme tout ses proches. Mais il a aussi servi -et été reconstruit plusieurs fois- par les divers colonisateurs de son pays. Bien qu'animé par les traditions et l'animisme local, son esprit est fasciné par les top-models blondes platines américaines et par le mythe du progrès dont on lui rabat les oreilles depuis son enfance. Quand enfin il peut se rendre en Europe, pris sous l'aile d'un riche amerloque entrepreneur qui le porte en affection, c'est pour mieux déchanter.

Devenu distributeur de chewing-gum il voyage entre l’Allemagne, où les toits des lieux de cultes locaux sont construit d'un triste claquement de doigts, et Paris, ou il se met souvent en scène devant un Centre Pompidou (surnommé "le supermarché de la culture") alors en construction, ou plutôt en pleine destruction d'un quartier central de la ville. C'était donc ça l'occident et son progrès inarrêtable ? Lui qui rêvait de "voler dans les airs", en vient à l'évidence : c'est plutôt le typhon originel qu'il faudrait réveiller, et non dompter, pour que sa culture à lui ait enfin voix au chapitre. Entre anthropologie, réalisme-magique et discours-politique, Perfumed Nightmare est un film génial, abordant l'anti-colonialisme sous l'angle de l'humour et d'une certaine poésie, fait suffisamment rare pour être souligné. Réalisé avec trois fois rien, le film regorge d'idées et de trouvailles, se déjouant des formes canoniques du cinéma pour mieux y imposer la vie même du bricolage.

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Version dilué de la mythique "Up Serie" produite par la BBC depuis 1964, Linklater enlève au concept tout ce qui faisait son sel : la vie et ses aléas. Fasciné par son propre concept (filmer chaque années quelques scènes les mêmes acteurs pour voir "passer le temps") qui semble se suffire à lui même, le réalisateur oublie néanmoins de le rendre intéressant. Tout y est absolument scripté et fini par ressembler à un simulacre de la classe moyenne supérieur américaine, toutes les cases se cochant progressivement.
Si l'on ajoute à cela le passages des modes et des technologies, on obtient une sorte d'ersatz de film sociologique et proto-anthropologique. Au style bien neutre, genre que l'on pourrait inclure sur un disque dur à glisser dans une sonde de la Nasa direction l'hyper-espace pour apprendre aux entités extraterrestre ce qu'était la vie dans l'occident américain au début des années 2000.

Le projet n'était pas là mais la mère, prise au piège de ses propres schémas, aurait pu faire un personnage fantastique, tout comme le "Boy" quasi-adulte qui en vient à remettre gentiment en question les modèles de notre société (espérons que c'est ici que Linklater à mis un peu de lui-même). Dommage, cela aurait pu alléger un peu ces deux heures trente longuettes qui semblent en pilotage automatique.
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Narval
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Tatami - Zar Amir Ebrahimi, Guy Nattiv
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Je suis partagé, mais c'est le positif qui l'emporte au final. Certes, le film est tellement engagé qu'il en devient lourd (dialogues peu inspirés en général), sur-signifiant (les flashbacks pour chercher l'émotion) et programmatique (on voit les choses venir très rapidement même sans connaître l'histoire), ok à tout cela. Pour ne rien arranger, il y a ces commentateurs sportifs qui pendant tout le film sont clairement pour la victoire de la judoka - Leila, le personnage central de l'histoire -, et qui semblent ignorer complètement les autres sportives : ils sont du côté du scénario. Il y a aussi l'introduction du film avec ses plans d'installation dans la ville qui sont vraiment en trop, et tout le discours final agrémenté de violons qui se contente d'enfoncer plus de portes ouvertes, mais passons.
Le film se distingue déjà par sa superbe esthétique totalement en phase avec son sujet et ses intentions. On est plongé très rapidement dans un enfer noir & blanc qui tend mentalement - du fait des couloirs anxiogènes et des salles restreintes à une sorte de vert angoissant très efficace - un vert de parking et de salles d'examens bien crade. On en sortira que très rarement pour suivre ce qui se joue dehors, avec les familles de Leila et de sa coach. En bref, on suit presque une unité de temps, de lieu et d'action et le cadre colle parfaitement avec tout cela. Si l'on ajoute le travail sur la lumière qui est vraiment superbe, tous les regards sur ces différents gestes pour mettre, rajuster ou retirer sa tenue/son foulard, bref suivre le protocole de la loi qu'elle soi religieuse ou sportive, le film est vraiment efficace et fonctionne particulièrement bien quand il se passe de parole/commentaires. Ce que j'aime aussi, c'est que l'on suit tout autant Leila que sa coach qui finissent devenir les deux personnages principaux du film. La coach (également coréalisatrice du film) est par ailleurs excellente tout du long et sa dernière scène est particulièrement réussie. Le fait qu'elle signe un film aussi vindicatif à l'encontre de son pays d'origine, le tout avec l'aide d'un réalisateur israélien, je trouve ça très fort, d'autant plus maintenant après l'attaque de l'Iran tout récemment.
Enfin, le film est largement inspiré d'évènements ayant eu lieu avec un judoka iranien. En changeant l'athlète pour une jeune mère de famille, on pourrait accuser les réalisateurs de les placer en icônes féministes de façon opportunistes, mais ce parti pris est au contraire tellement sincère qu'il m'a paraît vident que le film devait avoir pour protagonistes deux femmes qui vont trahir leur pays. Certes, peut-être que le film aurait dû aller plus loin pour explorer les conséquences que cette histoire ("L'Iran parlant même d'"humiliation publique") vont avoir sur leurs vies, mais in fine, c'est la cohésion qui l'emporte et le film peut se voir comme un manifeste contre les pressions absurdes des fédérations sportives sur les athlètes iraniennes, particulièrement les femmes.

Tralala- Arnaud Larrieu, Jean-Marie Larrieu
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Rattrapage de cet ovni que j'avais honteusement raté alors que j'adore les musicaux bien barrés. Dès le début j'ai été tout de suite saisi par la beauté du film, la maîtrise de la mise en scène et pas mal d'idées visuelles vraiment belles. Le film commence de suite par m'embarquer dans un univers assez généreux et très douillet. Pour ne rien arranger, Matthieu Amalric est particulièrement beau et émouvant tout du long et le voir en clochard musicien dans les rues de différentes villes, c'est quelque chose qui fait curieusement un bien fou. Bref le film commençait très bien.
Le problème pour moi se révèle peu à peu alors que le véritable "sujet" s'immisce dans tout cela : le vol d'indenté. Sur le papier, je trouve l'idée intrigante sachant que "Tralala" est un parfait profiteur, un laissé pour compte qui va réussir à trouver une famille de substitution. Mais malgré les nombreux efforts du scénarios pour essayer de te faire gober le truc et faire douter les personnages, j'avoue que non seulement je me fiche de toute cette intrigue, mais en plus je la trouve vraiment forcée.
Mais encore s'il n'y avait que cette question de se trouver une place dans la vie (quoi que simpliste si résumée à celle de trouver une famille), pourquoi pas. Le pire, c'est tout le jeu des anciennes amantes/mères/épouses. Ce n'est pas le premier film des Larrieu où je vois cette configuration où le héros se fait tourner autour par au moins trois femmes (soit des mères soit des amantes, bref on en revient à la maman et la putain), comme une sorte de vieux fantasme autocentré un peu rêveur et un peu gênant aussi pour les personnages féminins qui n'ont aucune autre perspective que le perso principal. Comme si un type comme Amalric pouvait avoir autant de femmes magnifiques à ses pieds et ne plus savoir quoi en faire, le tout en plus de son problème identitaire. Assez vite, ces amourettes transforment un scénario vraiment original en roman de gare caricatural, on dirait un mauvais téléfilm romantique (la scène où Maïwenn chante étant particulièrement mauvaise à ce titre). Il y a tout un tas de scène asse pénibles dans l'hôtel à Lourdes où les personnages jouent à cache cache et je vous passe bien sûr l'éternelle fille disparue enfin retrouvée, au secours. Personnellement j'aurais bien retiré une ou deux intrigues parallèles, le film étant déjà assez long comme cela pour vraiment justifier autant de personnages gravitant autour d'un seul pauvre type.
Heureusement, toute cette histoire de vol d'identité se termine de manière beaucoup plus douce-amère et moins rocambolesque, mais j'avoue avoir été asse déçu par la tournure de l'intrigue principale, qui m'a semblé presque contreproductive. Si l'on retire l'aspect musical du film, je pense que j'aurais clairement pu ne pas du tout adhérer. En l'état, il reste très beau et avec de sacrées fulgurances (notamment les scènes avec Mélanie Thierry, ou encore toute la cène de boite de nuit qui est vraiment la plus réussie du film (où tous les faux souvenirs et les fausses identités viennent se fondre au son de la musique).
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cyborg
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Flute, cette fois j'ai du aller à la piscine :D Quelle vie trépidente.
Je conclus donc la première partie d'octobre avec


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Helsinski, forever - Peter von Bagh - 2008

Amusante variation de "L.A. Plays Itself" tournant ic autour de la capitale finlandaise. Dans un sens à la fois plus étendu (il n'y a pas que des films mais aussi des peintures) et plus restreint (Helsinki ne peuple pas l'inconscient collectif de la même façon que Los Angeles). Rien de transcendant mais un intéressant portrait de ville, parsemé de quelques pensées poétiques et philosophiques. Cela m'a surtout donné envie d'aller visiter la ville, ce qui n'est pas si mal !


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Faust, une légende allemande - FW Murnau - 1926

Environ 1 siècle avant l'incroyable adaptation de Sokourov, ce fut un autre maitre du cinéma qui s'y était collé : Murnau. Dans les deux cas les expérimentations visuelles sont légions. Le style expressionniste sied particulièrement bien au monde torturé dans lequel évolue Faust, le réalisateur exploitant avec brio ses nombreux décors et accessoires. Détaillant son histoire et son aboutissement d'une lutte du bien contre le mal avec le plus grand des sérieux, le réalisateur n'hésite néanmoins pas à inclure fantaisie et humour, notamment par le biais du coquin Mephisto. Le résultat ne manque pas d'attrait et tiens encore sérieusement la route.
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cyborg
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[mention]sokol[/mention] : ha j'ignorais... Désolé d'apprendre cela pour ta maman. Elle est au Canada ou est chez elle ? Bon, j'espère que ce n'est pas trop pénible à vivre...


Pour RAZ il est vrai que ses films en costumes ne sont pas ses meilleurs, mais celui-ci est tout de même mieux que "Les Chants...". Je trouve qu'il y expérimente beaucoup de choses, encore un peu en germe, que l'on retrouve par la suite. Je citais la destruction des textes bibliques, proche de ceux du Gang, mais aussi sa liberté avec le territoire et ses représentations (le procès du christ dans des ruines par exemple, ce qui ne semble pas très raccord "dans l'idéal", mais fonctionne néanmoins), qui prend tout son sens dans le Gang.
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Tamponn Destartinn
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En attendant d'ENFIN retourner au cinéma après un mois et demi d'absence (pour le Guiraudie, what else ?), je suis heureux d'avoir de nouveau accès à la plateforme César, parfait outil pour bien vivre son post partum.

J'ai commencé par les films les plus courts, les Dupieux :

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Daaaaaaaali !

D'un côté, cela fait totalement sens que Dupieux fasse un biopic fantasque sur Dali, il y a des similitudes entre les deux artistes. D'un autre côté, je dis ça alors que je n'aime pas Dali, et ça me permet aussi de me dire que j'aime de moins en moins Dupieux.
Quatre acteurs jouent le rôle de Dali à tour de rôle. Le fait que seuls deux d'entre eux s'en donnent à coeur joie (Baer et Cohen), là où les deux autres donnent l'impression d'avoir limite la flemme (Lelouche et surtout Marmaï) est la parfaite illustration du problème de Dupieux : il a la flemme d'aller au bout d'une simple idée, dans le sens il a la flemme de bien faire. A un moment, une vraie bonne idée surgit : l'unique sujet d'intérêt du film est Anais Demoustier, et il semble l'assumer... sauf que ça dure 2 minutes, jusqu'à ce que Romain Duris surgisse pour gueuler en jouant très mal que ohlala c'est trop bizarre ou quoi cette inversion des rôles. Super.
Qui plus est, le film a exactement le même principe que le I'm not there de Haynes sur Dylan. Or, à partir du moment où tu les compares, c'est foutu pour le Dupieux.


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Le deuxième acte

Alors là, c'est simple : a priori le pire film de son auteur !
Dupieux a visiblement voulu juste faire un très très long travelling, d'ailleurs il filme les rails à la fin pour qu'on l'ait bien compris.
Pathétique.

Par contre, je reconnais la qualité de la direction photo à chaque fois.
C'est peut-être ça que Dupieux devrait faire : être directeur photo chez d'autres cinéastes.
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groil_groil
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Un Lamberto Bava rare sorti par Carlotta, et au-delà de son esthétique chic et toc 80's italienne, couleurs criardes, musique idoine et jeunes femmes dévêtues (dont la chanteuse pin-up Sabrina), une oeuvre beaucoup plus profonde et retorse qu'il n'y parait, convoquant à la fois Brian De Palma, Luis Buñuel et le Powell / Pressburger de Peeping Tom. Film qui coche a priori toutes les cases pour être une kitscherie datée (comme pourrait l'être par exemple Le Miel du Diable de Fulci) mais qui transcende tout et devient immédiatement génial et labyrinthique, entre giallo, film d'horreur et thriller mental.

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Peut-être pas très original dans sa construction, celle d'un homme, l'avocat Roy Cohn, qui crée un monstre surpuissant, Donald Trump himself, qui va renverser le premier et l'écraser dès qu'il sera devenu plus odieux et aguerri que lui, mais j'ai littéralement adoré ce film extrêmement juste dans sa mise en scène, sa reconstitution parfaite du NY de la fin 70's et par son jeu d'acteurs absolument sidérant, Stan et (plus encore) Strong sont absolument incroyables. Et Ali Abbasi surtout, dont je n'avais pas aimé le premier Border (bien qu'original) mais dont j'avais adoré le terrifiant Les Nuits de Mashhad et qui monte encore d'un cran ici avec ce grand et réussi Apprentice.
I like your hair.
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Tamponn Destartinn
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J'aime tous les films de Guiraudie, y compris le précédent injustement boudé. Mais justement, je remarque que ceux qui marchent le mieux en terme critique ET d'entrées en salle sont ses films les plus minimalistes dans leur dispositif. Réaliser un film aussi épuré, qui fonctionne essentiellement sur la répétition, tout en brassant autant de genres différents, c'est une sorte de discret morceau de bravoure, les plus impressionnant de tous.
Je pense aussi que l'originalité de celui-ci est qu'il est tout en retenu. Ça désire de partout comme d'hab, mais cette fois ça ne baise pas. Le film joue d'ailleurs avec la frustration, pour rendre encore plus jouissives les quelques scènes clés (la confession du prêtre !)

J'ajoute une chose : il s'avère que j'ai bossé avec Alain de mars à septembre 2023, sur un projet (oui, je me la pète un peu. Même si j'ai peur que malheureusement le dit projet ne se fasse pas). Mais donc il était en prépa du film tout du long, et on a dû se mettre sur pause quand il est parti en tournage. Et c'est marrant, parce que ça a confirmé ma vision de ce mec, à savoir quelqu'un qui réalise des chefs d'oeuvre qui vont marquer l'histoire du cinéma de façon ultra pépère, comme l'air de rien, ce qui le rend bien sûr encore plus iconique.
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groil_groil
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Souleymane est un jeune Guinéen arrivé en France de manière irrégulière, empruntant le dangereux chemin des migrants. Il a déposé une demande de papiers, en se faisant passer pour réfugié politique. Pour être crédible, un mentor moyennant rémunération lui mâche et rabâche son discours, qu'il s'apprête à présenter non sans appréhension. Pour vivre il doit travailler, et comme il n'a aucun papier lui permettant d'avoir un emploi, même précaire, il est obligé d'acheter le compte Uber Eats d'un type qui se fait du pognon sans rien faire, encaissant une grosse part des recettes encaissées par ce courageux Souleymane, plein d'abnégation, et prêt à tout pour avoir ses papiers. Les trois quarts du film le montrent en train de livrer de la bouffe, à vélo, de nuit comme de jour, surtout de nuit, et avec tous les dangers possibles qui l'assaillent. Rien besoin de plus que cela, et c'est l'un des thrillers les plus passionnants et les plus glaçants qui soient. La mise en scène géniale de Lojkine le suit de manière embarquée mais sans trop d'effets non plus, et embarque le spectateur au coeur de la nuit dangereuse. Le reste du temps, Souleymane bosse sa fausse bio, dont l'entretien sera la dernière du film, mais bien évidemment un grand nombre d'embûches viennent compliquer l'ensemble et rendre incertain, même pas le résultat de l'entretien mais sa simple tenue. L'Histoire de Souleymane est donc double, celle que nous raconte magnifiquement le cinéaste, de manière extraordinaire, prenante, aussi humaniste que cruelle et qui fait que plus jamais tu ne regarderas un livreur Uber Eats de la même façon, même s'il roule sur le trottoir et manque de t'écraser, et celle que Souleymane se raconte, s'invente, pour la raconter ensuite et faire en sorte qu'il puisse rester en France et que ces deux histoires puissent se rassembler pour n'en faire plus qu'une. Un film majeur, du niveau d'un très grand Dardenne de la grande époque, mais sans jamais les plagier.

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Grand Prix du Festival de Cannes, As We Imagine As Light est un beau film ample, contemplatif, mais pas toujours, qui se déroule dans un Bombay souvent nocturne, grouillant, fascinant, et qui m'a rappelé de vifs souvenirs, pour s'achever dans une partie bucolique, à la campagne, en bord de mer, suivant tout le long le destin de trois femmes aux parcours et âges différents. Le film est dense, riche et varié, me fait parfois penser à une sorte d'Edward Yang Indien et offre des moments de mise en scène absolument sublimes : l'infirmière qui lit les poèmes du médecin de nuit, à sa fenêtre ouverte, le métro aérien passant derrière elle (mon préféré), la scène d'amour, et le réveil du noyé (sublime aussi). Son seul défaut, majeur et en même temps pas si gênant que ça, mais quand même, c'est que le film ne fait pas si Indien que ça, malgré son décorum j'entends. La jeune Payal Kapadia est malgré elle une représentante de l'internationalisation du cinéma d'auteur, ce n'est pas pour rien qu'elle est sélectionnée et primée à Cannes, et c'est un des grands malheurs de notre époque, les films d'auteurs de tous pays finissent par tous se rassembler, présentant les mêmes tics, les mêmes ressorts dramatiques, les mêmes ambiances musicales... La mondialisation touche même l'art, c'est dire si la machine arrière est impossible.

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Le film s'ouvre par un dessin animé Warner, avec générique des Looney Tunes, dont le héros est Joker. Très vite son ombre va prendre possession de lui, le foutre à poil et sans moyens, et c'est l'ombre qui fait le show. Todd Phillips donne d'entrée de jeu le "la". Son nouveau film ne sera plus que l'ombre du précédent, et son personnage l'ombre de lui-même. Film du dépouillement et de l'assèchement, ce nouveau Joker, suicide artistique évident, mais plein de panache, est sans aucun doute le film le plus théorique vu depuis des années. C'est un film sur la fin du spectacle, qui se regarde lui-même jusqu'au désenchantement, l'explosion, le pourrissement et l'effondrement, une sorte de relecture des théories de Guy Debord appliquées au mythe du super héros, totalement parasité par la comédie musicale omniprésente. Mais une comédie musicale mortifère, où les deux interprètent ne rejouent que des hits déjà usés jusqu'à la moëlle par tous les canons d'Hollywood, pour les présenter dans des versions mortifères et abstraites, un peu à la façon des scènes les plus dark des films de Bob Fosse. Le film est très statique, n'avance quasi pas, se déroule exclusivement entre l'hopital/prison et le tribunal, mais cet ennui est précisément ce qui le rend fascinant tant Todd Phillips refuse le spectacle, le désosse pour nous en montrer le squelette. C'est vraiment un film sur la mort, et la mort du spectacle, de la société de consommation. En même temps il est clairement la partie centrale d'une trilogie, on sent bien qu'il tisse un lien entre le 1 et un possible 3, quasi annoncé au dernier plan, mais vu le bide mondial que le film se prend, allez savoir si celui-ci verra le jour. Ce qui rendrait ce magnifique suicide artistique encore plus prémonitoire.
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Tyra
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Je suis resté complètement hermétique à All We Imagine as Light, malheureusement. J'ai l'impression que ceux qui ont aimé se sont laissés porter par cette atmosphère planante et éthéré. Tandis que les réfractaires comme moi ont trouvé les scènes assez vides, d'intensité, d'intérêt... Bon, j'étais peut être mal luné...

Sinon, très envie de voir Miséricorde, mais c'est pas facile pour moi en ce moment de trouver du temps... Et les Baker et Eastwood arrivent... :humpf:
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Tyra a écrit : mer. 23 oct. 2024 10:57 Je suis resté complètement hermétique à All We Imagine as Light, malheureusement. J'ai l'impression que ceux qui ont aimé se sont laissés porter par cette atmosphère planante et éthéré. Tandis que les réfractaires comme moi ont trouvé les scènes assez vides, d'intensité, d'intérêt... Bon, j'étais peut être mal luné...

Sinon, très envie de voir Miséricorde, mais c'est pas facile pour moi en ce moment de trouver du temps... Et les Baker et Eastwood arrivent... :humpf:
je vais voir Miséricorde ce soir.
Et oui la rentrée est dense. Heureusement mes enfants sont en vacances cette semaine, sans nous je veux dire, ce qui est rare, et ce qui me permet de faire 5 films au cinéma dans la semaine, ce qui est impossible sinon.
Pour la fin d'année, j'ai une liste longue comme le bras, mais je vais devoir faire des choix.
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yhi
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Tyra a écrit : mer. 23 oct. 2024 10:57 Je suis resté complètement hermétique à All We Imagine as Light, malheureusement. J'ai l'impression que ceux qui ont aimé se sont laissés porter par cette atmosphère planante et éthéré. Tandis que les réfractaires comme moi ont trouvé les scènes assez vides, d'intensité, d'intérêt... Bon, j'étais peut être mal luné...
Ça peut paraître absurde mais je l'ai beaucoup aimé en l'ayant vu avec une bonne grosse gueule de bois. Bah j'étais en symbiose avec le film finalement. Lent (ou du moins pas pressé), assoupi, calme et apaisé.
J'aurais probablement moins accroché si je l'avais vu à la sortie du boulot en début de soirée.
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sokol
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Tyra a écrit : mer. 23 oct. 2024 10:57 Je suis resté complètement hermétique à All We Imagine as Light, malheureusement.
C'est très simple : tout au début du film, la cinéaste filme la mer d'une vitesse de lumière, style : "c'est fait". De la même façon, la ville : vite fait, bien fait. C'est inadmissible pour une cinéaste qui se veut auteure.
La suite est tout simplement la confirmation de ces premiers plans. Donc, zéro cinéma
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol
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yhi a écrit : mer. 23 oct. 2024 11:46 Lent (ou du moins pas pressé), assoupi, calme et apaisé.
Il est faussement lent, faussement assoupi, faussement calme et faussement apaisé. Mais comme t'avais une grosse gueule de bois, ça te paraissait l'inverse :lol:
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len'
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Boum Boum de Laurie Lassalle

Je me suis demandé si je n'étais pas en retard pour ce film. Mais il faisait nuit, j'avais besoin de voir quelque chose et j'ai pensé aux gilets jaunes. C'est curieux, je croyais aussi être en retard quand je me suis retrouvé un jour parmi eux, encerclé par les crs (d'autres gilets). Je souhaitais aller au cinéma, j'ai loupé la séance mais je n'étais pas en retard en vérité. Ce que j'ai vu ce sont des corps désordonnés, ce que je n'ai pas vu c'est mon propre corps qui tournait en rond, en quête d'une sortie tandis que l'eau jaillissait des lances et que les tirs de flash-ball s'incrustaient dans la chair. Il y a toujours un espace, il y a toujours un temps, mais on l'oublie quand on y est, aveuglé en partie par les lacrymos mais plus sûrement par les rencontres qui se font, dans la douleur souvent, dans l'amour aussi. Ce qui rend le film présent, c'est que la réalisatrice ne peut s'empêcher d'y être. Sa caméra n'est ni une arme, ni un bouclier, ni un objet précieux auquel elle se cramponne et manipule avec précaution. Elle la tend, elle la donne, puis elle sourit. Parce qu'avant les gilets jaunes, avant les réalisateurs, avant les crs, avant les retraités, avant les jeunes, il y a les visages, chacun avec leurs bosses, avec leurs pensées qui sont comme les corps, désordonnées. C'est un lieu commun de le dire, ça ne l'est pourtant pas quand il s'agit de le filmer.
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groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 00:32 L'Histoire de Souleymane est donc double, celle que nous raconte magnifiquement le cinéaste, de manière extraordinaire, prenante, aussi humaniste que cruelle et qui fait que plus jamais tu ne regarderas un livreur Uber Eats de la même façon, même s'il roule sur le trottoir et manque de t'écraser,
Je n'ai pas vu le film (j'ai pas envie car je sais de quoi m'attendre) mais je connais le sujet vraiment du bout des doigts.

C'est assez marrant ce que tu dis par rapport à la façon dont on peut regarder (après avoir vu le film) un livreur Uber car cela m'a fait penser à ce que j'écoutais hier : une émission de critique cinématographique concernant "La masque et la plume" ( Le premier extrait qui illustre l'émission en question est d'une "masque et la plume" de 1972 où on parlait de "L'attentat" de Yves Boisset. Très justement, Burdeau dit que les invités de l'émission parle de tout, sauf de cinéma.

Je sais bien que tu sais bien parler cinéma (et comment !) mais force est de constater que la manière (Dardennienne en fait) dont ce genre de sujet est traité peut devenir un piège (on apprend "comment regarder un livreur"). Ou comme il est écrit sur Critikat : "Tout cela s’adresse avec un peu trop d’évidence à un profil type de spectateur : blanc, citadin, bourgeois de préférence, usager compulsif ou occasionnel des applications de livraison à domicile, qui pourra se reconnaître parmi les clients de Souleymane" (https://www.critikat.com/actualite-cine ... ouleymane/). Donc, je serais parti du cinéma au bout d'une demie heure.

Et même si je tenais jusqu'à la fin, c'est justement cette fin (qui est identique à celle du dernier Dardenne) qui me mettrait hors de moi : même si cette fois-ci, contrairement à "Tori et Lokita" il n'y pas mort d'homme (pusique Critikat écrit : "Percé à jour, il craque et finit par raconter la vérité, que je ne dévoilerai pas", je vois très bien ce qu'il s'est passé : quand il va à l'OFPRA pour son interview, Souleymane craque et dit la vérité; Et là, c'est NON. C'est comme la mort de Lokita : les Dardenne deviennent le modèle d'un cinéma "tout prêt" : Souleymane se fait exploiter par un autre pauvre, tout comme Lokita se faisait exploiter par Bekim, un autre étranger. Puis, à la fin de leur démarche ils échouent (ou ils meurent, ça revient au même).
Résultat: comme écrit Critikat, "le spectateur n’est jamais « avec » le héros sur un pied d’égalité, puisqu’il le regarde se débattre comme un insecte pris au piège". Tout ce que déteste.

[mention]B-Lyndon[/mention] : est-ce que tu vois mieux maintenant pourquoi je refuse le dernier Dardenne ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit : mer. 23 oct. 2024 14:26
groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 00:32 L'Histoire de Souleymane est donc double, celle que nous raconte magnifiquement le cinéaste, de manière extraordinaire, prenante, aussi humaniste que cruelle et qui fait que plus jamais tu ne regarderas un livreur Uber Eats de la même façon, même s'il roule sur le trottoir et manque de t'écraser,
Je n'ai pas vu le film (j'ai pas envie car je sais de quoi m'attendre) mais je connais le sujet vraiment du bout des doigts.

C'est assez marrant ce que tu dis par rapport à la façon dont on peut regarder (après avoir vu le film) un livreur Uber car cela m'a fait penser à ce que j'écoutais hier : une émission de critique cinématographique concernant "La masque et la plume" ( Le premier extrait qui illustre l'émission en question est d'une "masque et la plume" de 1972 où on parlait de "L'attentat" de Yves Boisset. Très justement, Burdeau dit que les invités de l'émission parle de tout, sauf de cinéma.

Je sais bien que tu sais bien parler cinéma (et comment !) mais force est de constater que la manière (Dardennienne en fait) dont ce genre de sujet est traité peut devenir un piège (on apprend "comment regarder un livreur"). Ou comme il est écrit sur Critikat : "Tout cela s’adresse avec un peu trop d’évidence à un profil type de spectateur : blanc, citadin, bourgeois de préférence, usager compulsif ou occasionnel des applications de livraison à domicile, qui pourra se reconnaître parmi les clients de Souleymane" (https://www.critikat.com/actualite-cine ... ouleymane/). Donc, je serais parti du cinéma au bout d'une demie heure.

Et même si je tenais jusqu'à la fin, c'est justement cette fin (qui est identique à celle du dernier Dardenne) qui me mettrait hors de moi : même si cette fois-ci, contrairement à "Tori et Lokita" il n'y pas mort d'homme (pusique Critikat écrit : "Percé à jour, il craque et finit par raconter la vérité, que je ne dévoilerai pas", je vois très bien ce qu'il s'est passé : quand il va à l'OFPRA pour son interview, Souleymane craque et dit la vérité; Et là, c'est NON. C'est comme la mort de Lokita : les Dardenne deviennent le modèle d'un cinéma "tout prêt" : Souleymane se fait exploiter par un autre pauvre, tout comme Lokita se faisait exploiter par Bekim, un autre étranger. Puis, à la fin de leur démarche ils échouent (ou ils meurent, ça revient au même).
Résultat: comme écrit Critikat, "le spectateur n’est jamais « avec » le héros sur un pied d’égalité, puisqu’il le regarde se débattre comme un insecte pris au piège". Tout ce que déteste.

@B-Lyndon : est-ce que tu vois mieux maintenant pourquoi je refuse le dernier Dardenne ?
Sokol je t'adore, tu le sais, mais j'en ai un peu ras le bol que tu juges les films sans les avoir vus. Et même quand tu les voies, je parle de ceux que tu n'aimes pas, tu les juges avec des a priori, disons que tu plaques sur les films un schéma théorique a priori, alors que tu sais comme moi que la bonne critique est celle qui pose sa grille de lecture a posteriori. C'est d'ailleurs pour ça que je m'étais éloigné des Cahiers période Burdeau, car ils jugeaient les films avant de les avoir vus, et les lisaient uniquement à partir d'une grille théorique et critique préétablie, indépendante de ce que contenait le film, c'est pour moi la plus grande erreur de la critique : l'analyse théorique doit découler de ce qu'on voit et ne doit pas être à prêt à penser disponible en amont. Malheureusement je trouve que tu as un peu tendance à penser ainsi en ce moment, je te le dis en toute amitié tu le sais bien (rien de plus amical qu'un vrai débat critique :) ) et je pense que tu te coupes ainsi de films et de véritable plaisir de cinéma.
En ce qui concerne Souleymane tu as tout faut car :
- le film n'est jamais du côté du citadin blanc qui commande chez Uber, jamais ! C'est une honte de lire ça, et ça me revolte d'autant plus avec ce film là. Ce qui me choque aussi c'est que tu croies plus facilement un type de Critkat que moi :D
- Percé à jour oui il raconte la vérité, mais tu ne sais rien de cette vérité et tu ne sais pas où ça le conduit de dire la vérité. Vers quelque chose de pire ou de mieux ? D'ailleurs, comme tu n'iras pas voir le film, je le dis, le cinéaste ne tranche pas. Personnellement je pense que ce sera pour son bien et que sa situation va s'améliorer.
Pour conclure, parce que ton message est truffé d'erreurs, le spectateur est TOUJOURS AVEC le héros, sur un pied d'égalité en permanence, et jamais on ne le regarde comme un insecte pris au piège. C'est même tout le contraire et c'est ce qui rend ce film si précieux.
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mais tu le dis toi-même :
groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 00:32 Un film majeur, du niveau d'un très grand Dardenne de la grande époque, mais sans jamais les plagier.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Une fois n'est pas coutume mais pour le coup je suis assez d'accord avec Sokol. Je n'encourage pas la critique dogmatique sans avoir vu le film (mais tout le monde n'a pas le temps pour tout non plus) mais il décrit assez bien mon ressenti devant le film.

J'y suis allé avec l'oeil curieux suite aux bonnes critiques mais l'ensemble m'a paru bien programmatique. J'ai eu l'impression de connaître le film avant de l'avoir vu et je ne pense pas que ça ai eu une quelconque influence sur ma manière de voir les livreurs.

Ce sont des sujets sensibles et qui nous sont éloignés (en tout cas je pense que la plupart des spectateurs du film sont loin de ce monde là) et ce n'est pas facile d'y faire rentrer le spectateur. Les Dardenne en font plutôt des tragédies là où Souleymane tend plutôt vers le film d'action. Mais au final c'est le fond qui semble instrumentalisé pour satisfaire une forme cinématographique plutôt qu'une forme qui vienne a me faire penser au fond (je ne sais pas si c'est très clair).
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groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 15:11 Et même quand tu les voies, je parle de ceux que tu n'aimes pas, tu les juges avec des a priori, disons que tu plaques sur les films un schéma théorique a priori, alors que tu sais comme moi que la bonne critique est celle qui pose sa grille de lecture a posteriori.
Ça, je ne suis pas d'accord. Que j'ai ma façon (comme on a tous) de voir les films, ok, mais je ne crois pas d'avoir un schéma théorique : que je ne développe pas trop en est une chose mais être schématique... :wut: Franchement

groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 15:11 - Percé à jour oui il raconte la vérité, mais tu ne sais rien de cette vérité et tu ne sais pas où ça le conduit de dire la vérité. Vers quelque chose de pire ou de mieux ? D'ailleurs, comme tu n'iras pas voir le film, je le dis, le cinéaste ne tranche pas.
Justement ! Il fallait qu'il tranche !! Comme dit le gars du Critikat (et, on a vraiment pas besoin de voir le film pour cela)
"le double programme débouche sur l’expérience de pensée moralo-judiciaire qui donne à la fin du film son caractère franchement déplaisant : Souleymane a menti, puis avoué. Mérite-t-il de rester en France ?"
Là, je vais être catégorique (car, comme j'ai dit dès le début, je connais ce sujet vraiment du bout des doigts) : jamais un demandeur d’asile n'avoue d'avoir menti. Mais, MAIS, tant qu'un cinéaste (et pas qu'un cinéaste !!) ne fait pas sien ça :

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jamais, o grand jamais il ne tranchera, en pensant que "c'est complexe". Tu sais pourquoi ? Parce que si les racistes, les fachos (comme on dit) tranchent (en mal, mais ils tranchent quand même), c'est parce qu'ils ne sont pas d'accord avec ci-dessus : ils pensent que le colonialisme était quelque chose de bien
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sokol a écrit : mer. 23 oct. 2024 15:59 mais tu le dis toi-même :
groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 00:32 Un film majeur, du niveau d'un très grand Dardenne de la grande époque, mais sans jamais les plagier.
Oui mais Tori & Lokita était mon top 1 de l'an dernier (ou l'année d'avant je ne sais plus) ce qui prouve bien que je ne partage absolument pas ce que tu dis (mais qui fait aussi que tu n'aimeras sans doute pas Souleymane)
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sokol a écrit : mer. 23 oct. 2024 16:43
groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 15:11 Et même quand tu les voies, je parle de ceux que tu n'aimes pas, tu les juges avec des a priori, disons que tu plaques sur les films un schéma théorique a priori, alors que tu sais comme moi que la bonne critique est celle qui pose sa grille de lecture a posteriori.
Ça, je ne suis pas d'accord. Que j'ai ma façon (comme on a tous) de voir les films, ok, mais je ne crois pas d'avoir un schéma théorique : que je ne développe pas trop en est une chose mais être schématique... :wut: Franchement

groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 15:11 - Percé à jour oui il raconte la vérité, mais tu ne sais rien de cette vérité et tu ne sais pas où ça le conduit de dire la vérité. Vers quelque chose de pire ou de mieux ? D'ailleurs, comme tu n'iras pas voir le film, je le dis, le cinéaste ne tranche pas.
Justement ! Il fallait qu'il tranche !! Comme dit le gars du Critikat (et, on a vraiment pas besoin de voir le film pour cela)
"le double programme débouche sur l’expérience de pensée moralo-judiciaire qui donne à la fin du film son caractère franchement déplaisant : Souleymane a menti, puis avoué. Mérite-t-il de rester en France ?"
Là, je vais être catégorique (car, comme j'ai dit dès le début, je connais ce sujet vraiment du bout des doigts) : jamais un demandeur d’asile n'avoue d'avoir menti. Mais, MAIS, tant qu'un cinéaste (et pas qu'un cinéaste !!) ne fait pas sien ça :

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jamais, o grand jamais il ne tranchera, en pensant que "c'est complexe". Tu sais pourquoi ? Parce que si les racistes, les fachos (comme on dit) tranchent (en mal, mais ils tranchent quand même), c'est parce qu'ils ne sont pas d'accord avec ci-dessus : ils pensent que le colonialisme était quelque chose de bien
oui mais là tu fais un procès d'intention au cinéaste sans avoir vu son film. Lui il a tranché, et il est du côté de Souleymane à 100%. Et le spectateur aussi.
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groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 16:54 Oui mais Tori & Lokita était mon top 1 de l'an dernier (ou l'année d'avant je ne sais plus) ce qui prouve bien que je ne partage absolument pas ce que tu dis (mais qui fait aussi que tu n'aimeras sans doute pas Souleymane)
Et tout dernier du mien (c'était en 2022).

Cela dit, au moins les choses se rejoignent. J'avais dit exactement ceci à propos de Tori & Lokita :

"croire aux paroles de Tori à la toute fin du film, selon lesquelles "si ‘on’ avait donné des papiers à Lokita, elle ne serait pas morte"" (https://allo-le-g.fr/viewtopic.php?p=75017#p75017)

revient à croire qu'un demandeur d’asile peut avouer avoir menti.

Autrement dit : naïveté comme tu nous tiens !
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sokol a écrit : mer. 23 oct. 2024 17:16
groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 16:54 Oui mais Tori & Lokita était mon top 1 de l'an dernier (ou l'année d'avant je ne sais plus) ce qui prouve bien que je ne partage absolument pas ce que tu dis (mais qui fait aussi que tu n'aimeras sans doute pas Souleymane)
Et tout dernier du mien (c'était en 2022).

Cela dit, au moins les choses se rejoignent. J'avais dit exactement ceci à propos de Tori & Lokita :

"croire aux paroles de Tori à la toute fin du film, selon lesquelles "si ‘on’ avait donné des papiers à Lokita, elle ne serait pas morte"" (https://allo-le-g.fr/viewtopic.php?p=75017#p75017)

revient à croire qu'un demandeur d’asile peut avouer avoir menti.

Autrement dit : naïveté comme tu nous tiens !
Ce qui est de la naïveté pour certains peut être de l'humanisme pour d'autres.
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Grand bonheur de retrouver Guiraudie, son univers si particulier, codé, mêlant merveilleusement le drame sourd et l'humour franc, avec des comédiens à chaque fois impeccables (mention spéciale à David Ayala, que j'avais adoré dans la série D'Argent et de Sang, génial dans le rôle de Walter). Le film est superbe, mais je dois être honnête, je trouve que Guiraudie ne prend pas beaucoup de risques, ce qui est rare chez lui, et qu'il est vraiment en roue libre. Habituellement, chacun de ses nouveaux films arrive à me surprendre, me choquer, me proposer quelque de neuf, mais pas là. Le film est vraiment basé sur la question de territoire, de zones géographiques, mais le cinéaste n'en explore pas de nouveaux ici, et c'est dommage, même si ça reste un excellent film. Je pense aussi que mon bémol vient de la façon dont le cinéaste a construit son scénario. Il pose une situation, l'exploite jusqu'au bout, et lorsqu'il se retrouve coincé, bifurque et exploite de nouveau jusqu'à l'assèchement, et ainsi de suite. L'ensemble crée quelque chose de parfois superficiel, qui ne m'a jamais fait décrocher pour autant, mais cassait parfois la suspension d'incrédulité. Bon, j'ai l'air déçu, mais ça reste un super film, devant lequel j'ai pris beaucoup de plaisir.
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Tamponn Destartinn
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Les pistolets en plastique

Une des meilleures comédies que j'ai vu depuis longtemps, dans le sens où j'ai plus ri qu'à mon accoutumée.
Après, je trouve que le film patine sur sa fin. La rencontre finale entre les deux meilleures histoires du film (le faux coupable + les deux enquêtrices) est particulièrement décevante, ça vire à la violence ironique pas très inspirée (à force, tant d'acharnement sur ce pauvre type, ça ne m'amuse plus). Etonnamment, à l'inverse, la façon de terminer la moins bonne intrigue (celle en Argentine) est bien plus satisfaisante.
Bref, le film n'a pas grand chose à raconter, mais ce n'est pas bien grave, il n'est pas là pour ça. Ca me donne envie de rattraper la filmo de Meurisse, étant donné que c'était mon premier.
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groil_groil
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Tamponn Destartinn a écrit : jeu. 24 oct. 2024 12:59 Image

Les pistolets en plastique

Une des meilleures comédies que j'ai vu depuis longtemps, dans le sens où j'ai plus ri qu'à mon accoutumée.
Après, je trouve que le film patine sur sa fin. La rencontre finale entre les deux meilleures histoires du film (le faux coupable + les deux enquêtrices) est particulièrement décevante, ça vire à la violence ironique pas très inspirée (à force, tant d'acharnement sur ce pauvre type, ça ne m'amuse plus). Etonnamment, à l'inverse, la façon de terminer la moins bonne intrigue (celle en Argentine) est bien plus satisfaisante.
Bref, le film n'a pas grand chose à raconter, mais ce n'est pas bien grave, il n'est pas là pour ça. Ca me donne envie de rattraper la filmo de Meurisse, étant donné que c'était mon premier.
Le précédent est pour moi un chef-d'oeuvre, du niveau d'un grand Pasolini.
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sokol
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groil_groil a écrit : jeu. 24 oct. 2024 10:55 Ce qui est de la naïveté pour certains peut être de l'humanisme pour d'autres.
A mon opinion, c'est un leurre.

Prenons un exemple pour mieux illustrer ce que je veux dire :
Quand tu écris :
groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 15:11 Percé à jour oui il raconte la vérité, mais tu ne sais rien de cette vérité et tu ne sais pas où ça le conduit de dire la vérité. Vers quelque chose de pire ou de mieux ? D'ailleurs, comme tu n'iras pas voir le film, je le dis, le cinéaste ne tranche pas.
je ne me suis pas empêché pour lire sur internet ce qui s'est passé durant son entretien à l'OFPRA.

Sur le cite de Cineclub de Caen est écrit :
Il s'écroule et raconte son histoire; celle d’un bon fils, parti chercher du travail en France et qui a subi des sévices avant d'arriver. L’agente de l'OFPRA l'informe qu'il aura sa réponse dans un mois.


Ce qui veut dire que, peut être, Souleymane aura une réponse positive de la part de l'OFPRA car il a subi des sévices dans son pays d'origine (dans ce cas, il pourrait obtenir ce qu'on appelle la protection subsidiaire (https://www.service-public.fr/particuli ... oits/F2689).
Autrement dit, involontairement, le cinéaste tombe dans le panneau administratif : mérite-t-il ou pas de rester en France. Or, et c'est un fait : 70-80% des demandes d'asiles en France ou ailleurs, sont, bien évidement, pour des raisons économiques ! Que fait-on des autres ?? Et, une fois de plus, Lojkine a pompé ça chez les Dardenne : dans leur "Tori & Lokita", Tori, puisqu'il était considéré comme un enfant sorcier dans son pays d'origine, il s'était vu reconnaître un statut de réfugié. Il a mérité ses papier. Mais les autres ??

Un comble : je viens d'apprendre que l'acteur principal de" L'histoire de Souleymane est lui-même exactement dans cette situation et, peut-être, suite à sa quatrième demande de régularisation, il sera régularisé grâce à la participation à ce film https://www.radiofrance.fr/francecultur ... es-2535684
Quid aux autres milliers de demandeurs d'asile ??

Tu vois ce que je volais dire par "naïveté comme tu nous tiens !" ?
Modifié en dernier par sokol le jeu. 24 oct. 2024 14:19, modifié 3 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tamponn Destartinn a écrit : jeu. 24 oct. 2024 12:59
Une des meilleures comédies que j'ai vu depuis longtemps, dans le sens où j'ai plus ri qu'à mon accoutumée.
Après, je trouve que le film patine sur sa fin.
:jap: :jap: :jap:

La fin est un peu raté mais pas trop grave : on prend un tel pied durant tout le reste :love: :love: :love:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil a écrit : jeu. 24 oct. 2024 14:04
Le précédent est pour moi un chef-d'oeuvre, du niveau d'un grand Pasolini.

Oui, ma compagne m'avait dit à propos d'Orange Sanguine : "c'est pas pour moi, mais c'est 100 % pour toi"
Et je ne sais comment dire : quand elle pense ça, c'est souvent très très bon signe :D

Mais bêtement, c'était l'époque où j'allais quasiment au cinéma qu'avec elle. Donc dès qu'elle avait déjà vu un truc, lié au boulot, souvent je zappais
Modifié en dernier par Tamponn Destartinn le jeu. 24 oct. 2024 16:30, modifié 1 fois.
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sokol a écrit : jeu. 24 oct. 2024 14:14
Tamponn Destartinn a écrit : jeu. 24 oct. 2024 12:59
Une des meilleures comédies que j'ai vu depuis longtemps, dans le sens où j'ai plus ri qu'à mon accoutumée.
Après, je trouve que le film patine sur sa fin.
:jap: :jap: :jap:

La fin est un peu raté mais pas trop grave : on prend un tel pied durant tout le reste :love: :love: :love:


Oui, voila
C'est raté car un peu feignant.
Mais après coup, j'ai pensé un truc : les autres cinéastes qui essaient de faire du cinéma dans le même genre sont Kervern / Delépine et un peu Dupieux. (peut être Bozon, mais je le connais moins bien - et je compte plus trop y remédier...). Et au jeu des comparaisons, soudainement, ce film de Meurisse parait mille fois supérieur !
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cyborg
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Les vacances du cinéaste - Van Der Keuken - 1974

Étrangement, l'esprit même du film me fut décrit par une lecture ultérieure qui n'en a pourtant aucun lien : le chapitre sur les glaciers dans "Histoire d'une montagne" de Elisée Reclus : Dans le voisinage, on entend chanter les oiseaux sous le feuillage; des fleurs émaillent le gazon, des fruits mûrissent sous les feuilles de myrtille. Et pourtant, à côté de ce monde joyeux, voici le morne glacier, avec ses crevasses béantes, ses amas de pierres, son terrible silence, son apparente immobilité. C'est la mort à côté de la vie.t"
Ce glacier est l'équivalent du vieil homme dans le court-métrage de Van Der Keuken. Dans son état suspendu, mutique et presque immobile, paralysée par l'âge et la maladie, il devient le centre de gravité de du film. Il est le contre-point de tout ce qui l'entoure : la nature en plein été resplendissant, l'amour familial, les corps bondissants des fils du réalisateur. Ce personnage devient une sorte d'échelle de rapports et de lecture, une porte ouverte vers la mort, vrai sujet du film. Le temps suspendu des vacances devient prétexte à méditation métaphysique sur le temps suspendu définitif. Comme souvent chez VDK le film à un corps principal (ces quelques jours de repos), mais est aussi composite (les images de son ancien ami jazzman, par exemple). D'une façon magique tous les éléments se répondent d'une façon belle et mystérieuse, ouvrant à tous des visions graciles et frêles des instants qui nous composent.

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Le temps - Van der Keuken - 1983

Expérimentation formelle, tendance structurelle, sur la notion du temps. L’empilement d'allégories devient vite fatiguant, les quelques expérimentations plus originales arrivant trop tardivement pour rattraper le tir. La musique, lancinante et lourde, était suffisamment expressive par elle même. On fini par ne plus savoir qui illustre ou surligne qui... Le résultat est, quoi qu'il en soit, indigeste.


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Octobre à Madrid - Marcel Hanoun - 1967

Captivé par son premier film, Une histoire simple, puis gêné par un de ses suivants, "L'été", j'ai décidé de laisser une autre chance à Hanoun en regardant Octobre à Madrid qui trainait sur mon disque dur. Film "sur le film", Hanoun réalise ici une œuvre sur ses errances, hésitations, idées et difficultés cinématographiques. Sans être déplaisant, cet espèce de making-off méta ne brille cependant pas par son originalité et ne se distingue guère d'autres œuvres à l'esprit similaire des années 60. Pis encore le regard macho qui apparaissait clairement dans "L'été" est à nouveau bien présent dans certaines séquences (quand il caste une jeune blonde qu'il filme au téléobjectif sur une musique free-jazz, attirant sur elle tous les regards des passants. Au secours). J'arrête donc les frais.

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Getting to know the big wide world - Kira Muratova - 1978

Suite à un problème mécanique, un couple se retrouve embarqué dans le camion d'un routier, partant livrer des matériaux de construction. Un triangle amoureux ne tarde pas à se former, chaque homme représentant une certaine vision du couple et de la société. Toute l'action ou presque se déroule sur des chantiers, au point que le monde entier semble être un site de construction sans fin. Il me semble que le "film de chantier" est un genre à part entière dans le cinéma soviétique, mise en image plus ou moins propagandiste de la planification soviétique. Muratova tire partie du style pour en faire une métaphore de la vie, du couple plus précisément, et de l'amour comme cas particulier. Il y a quelque chose de très godardien dans la façon dont est abordé cette question (je crois qu'elle le revendique comme référence) qui devient le cœur et le corps d'un film parsemé d'idées de mise en scène souvent saisissante. La tonalité générale est assez légère, douce et porteuse d'espoir, drôle même à plusieurs reprises, ce qui n'est pas forcément la chose la plus courante dans le cinéma d'URSS. Le résultat est donc particulièrement réjouissant, confirmant la stature incontournable de Muratova.
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cyborg
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Blackboards - Samira Makhmalbaf - 2000

Un groupe d'homme marche dans les arides montagnes iraniennes. Sur leurs dos, des tableaux noirs d'école. Quand des bruits d'hélicoptères se font entendre au loin, ils se réfugient dans un fossé, transformant les tableaux en carapace, entre camouflages et boucliers. Tout au long du film, ces transformations se démultiplieront, les tableaux devenant tour à tout mur, civière, béquille... Quand on propose à des enfants passeurs ou à de vieux hommes réfugiés si ils veulent prendre le temps d'apprendre à lire ou à compter, bien peu acceptent. Quelques cours s’improvisent tout de même au détour d'une pause ou durant la montée d'une côte. L’élévation de l'esprit contre la peine du corps. Comment devenir autre, grandir ou s'émanciper quand la mort rode, quand le danger de la guerre se fait entendre au loin ? De ces tentatives, l'outil d'apprentissage abstrait devient applications concrètes servant à prolonger la route, à survivre. Toujours la fuite fini par gagner. Ce sont ces rapports et questions fondamentales qu'abord avec une grande singularité Blackboards, dressant au passage le portrait d'un pays et d'une société déchirée par la guerre.

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Cinq nouvelles du cerveau - Jean-Stéphane Bron

Tandis que le cerveau reste l'organe le plus mystérieux de notre corps, l'intelligence artificielle occupe l'avant de l'actualité. Ce sont tous ces enjeux que Bron tente de résumer en allant filmer 5 scientifiques aux approches tant différentes que complémentaires. Si le sujet, et la somme des points de vue, est passionnant, le film est assez plan-plan dans sa mise en scène et essais cinématographiques : la tentative de boucler début et fin tombe notamment à plat. 5 petites capsules reportages auraient largement suffit... et auraient peut-être permises de laisser plus de place à la seule scientifique femme, pourtant passionnante mais reléguée et expédiée en dernière intervenante. Dommage.

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Hirayama passe la plus clair de sa vie à éradiquer les bactéries sur les surfaces des toilettes de Tokyo. Et ça tombe bien car l'infimement petit c'est son rayon, passant le reste de ses journées à regarder les rayons du soleil, arroser ses boutures ou saluer les gens qu'il croise. Peu à peu des éléments perturbateurs s’intègrent à sa routine, le conduisant à évoluer doucement mais surement, sans pour autant remettre en cause son équilibre profond. Film méditatif et apaisé sur le quotidien, sur la simplicité d'un rapport possible au monde, Wenders réalise un film dont l'esprit global me réjouit, autant qu'il peut aussi m'ennuyer par moment. La brièveté de l'expérience aurait elle pu également servir le propos ?

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Une page folle - Teinosuke Kinugasa - 1926

Un vieille homme rend visite à sa femme, enfermée dans un asile. Peu à peu les hallucinations envahissent l'image, mais peut-être aussi tous les autres personnages. Quand le gardien ouvre la porte de la cellule, celle-ci reste à l'écran en surimpression. Mais pour qui ces barreaux sont-ils encore là ? Nous, les patients, l'équipe... où la caméra ? Kinugasa convoque l'expressionisme allemand et le cinéma soviétique pour réaliser un film unique aux incessantes expérimentations et fulgurances visuelles. C'est en poussant son médium dans ses retranchements que le réalisateur tente de représenter un sujet au combien complexe, flirtant avec l'irreprésentable : la folie. C'est cette problématique de la limite incessamment trouble et floue entre folie et raison qui occupe le cœur d'Une Page Folle. Cette porosité pourrait se résumer en une scène incroyable, durant laquelle les couloirs de l’hôpital se remplissent d'une foule en furie, laissant voir en arrière-plan la "femme folle" réaliser tranquillement ses pas de danse... Le dehors et le dedans sont ainsi sans cesse mis à mal, tandis que semblent se mélanger les corps, les temporalités et les espaces... jusqu'au plan final nous laissant supposer que tout n'est peut-être qu'un rêve du personnage principal, que l'on découvre en balayeur songeur de l'asile...
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Tyra
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Une belle qualité : réussir à trouver un équilibre assez unique à moitié film, où le body-horror, par une suite d'inventions formelles plutôt inspirées, trouve un état euphorique assez grisant dont on comprend aisément comment il a pu marquer le public cannois. Le film fonctionne bien si on accepte de le prendre comme une farce sans grande profondeur, si on ne rentre pas dans les détails. Or, le film souffre de quelques problèmes de crédibilité dans la création de son univers et de son postulat : tourné dans le sud de la France, mais se déroulant à Los Angeles, on sent cruellement cette délocalisation dans la petitesse des décors et des lieux. Plus embêtant : un manque de clarté et de cohérence concernant l'héroïne, dont on comprend qu'elle fut une star de cinéma, mais réduite au rôle de danseuse/body-training sur une chaine bas de gamme. Or ce cas de figure n'existe pas et n'a jamais existé, c'est une dénonciation assez imprécise de la condition d'actrice face à la vieillesse. Je note aussi que le film se dédouane assez facilement de son histoire potentiellement un peu misogyne (ce fut pourtant un reproche à Cannes) sur l'obsession de la jeunesse éternelle chez les actrices en prenant comme contrepoint maléfique l'éternel homme blanc de plus de 50 ans, le grand méchant lourdement désigné tout au long du film.
Formellement, le film a une bonne intention : se passer de mots et raconter beaucoup grâce aux images. Mais ici raconter veut dire montage et design sonore agressif et démonstratif, du genre à agresser les oreilles de bourdonnements sonores lorsque l'héroïne perce une olive avec un cure-dent. Vous voyez le genre...
Bon, je critique et pourrait trouver d'autres bémols, mais j'ai pris pas mal de plaisir, et je trouve ça assez au dessus de ce que propose la surfaite Ducournau (l'humour sauve bien des films).
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Tamponn Destartinn
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Vivre, Mourir, Renaitre - Gaël Morel

Un film déjà vu mille fois. Un sujet plus intéressant arrive en fin de film (le spleen des survivants qui ne l'avaient pas prévu), mais c'est trop tard et traité limite avec flemme.
A un moment, Morel met "Modern Love" en filmant en travelling latéral ses personnages courir dans la rue.
Faire appel aussi clairement à Carax est dangereux, ça peut rappeler au spectateur endormi ce qu'est le vrai Cinéma et à quel point en comparaison on s'emmerde de fou.
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Ulrich Seidl traine une sale réputation mais son cinéma m'intéresse, ou du moins, j'ai envie de m'intéresser à son cinéma, car son extrême noirceur n'est pour moi pas que du cynisme, je vois chez lui le désir de vraiment tenter de comprendre ses contemporains, et ce qu'il y a de plus sombre chez ses contemporains. Il n'est pas autrichien pour rien, et je vois en son cinéma, le désir d'artiste de prévenir de la montée du pire, comme un éternel recommencement. Oui, bien sûr, il le fait avec beaucoup de provocation, et pas toujours dans la dentelle, mais je trouve son geste d'une grande pertinence. Avec sa manière de toujours mêler la fiction au documentaire, sans qu'on ne sache jamais qui l'emporte sur qui, il décide ici de filmer les sous-sols des Autrichiens, ou plutôt les dérives que peuvent avoir les Autrichiens dans leurs caves. De toutes les scènes filmées, qui s'enchevêtrent les unes les autres, une seule est fictive (l'une des plus fortes) mais le cinéaste ne le dira jamais. Nous l'apprenons que par les bonus du film, ou les entretiens avec le cinéaste. Cela peut perturber, mais je l'accepte comme un postulat. Je ne vous dirai évidemment pas de laquelle il s'agit. Nous voyons alors des femmes, des hommes, des couples, au beau milieu de leur perversion, les pratiquant de la manière la plus libre qui soit, car ils sont cachés, à l'abri des regards. De celui qui possède un boa constrictor de plusieurs mètres aux nostalgiques du 3ème Reich, de la masochiste (dont on apprend vite qu'elle a tué son mari) au couple dominant / dominé (l'un des trucs les plus extrêmes du film, attention les yeux), il est intéressant de constater que quasiment tous les scènes ici filmées ont à voir avec le sexe, le pouvoir, la domination. Comment ne pas penser alors au destin de la jeune Autrichienne Natascha Kampusch, enlevée et séquestrée durant plus de 8 ans dans des circonstances atroces. C'est en cela où le cinéma de Seidl devient politique, car s'il n'évoque jamais cette jeune femme, son ombre est omniprésente.

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Film à la réputation sulfureuse, vu gamin, j'ai voulu le revoir, et j'ai prévu un cycle de la pentalogie, surtout à cause de la musique d'Hancock que j'adore (elle est d'ailleurs assez sous exploitée, par rapport à l'enregistrement qui existe en vinyle. C'est du pur cinéma de vengeance, un cinéma post-Inspecteur Harry, qui ne s'embrasse plus d'aucune morale. Ici, il y a encore une opposition tueur / flics, et même si les flics décident de laisser faire le mec, ou bien de le stopper sans le punir, parce que ça les arrange bien que le gus nettoie la ville de ses innombrables racailles (c'est New York, tout de même !), on sent que Winner prend tout de même position avec cynisme, sur ce côté donnant / donnant. Une question qu'il ne se posera plus dans les films suivants. Il reste le plaisir de voir New York à cette époque, avant Giuliani. Sinon Bronson est très mauvais acteur, ce qui n'aide pas le film / la série, et la propension qu'à son personnage à croiser systématiquement des malfrats sur sa route est vite agaçante, nous sortant de tout sentiment de réalisme possible, ce qui in fine n'est pas une mauvaise chose.

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Suite au succès monstrueux du 1er volet, les producteurs peu scrupuleux (on parle de la Canon hein) ont dans la foulée lancé un second volet, qui reprend les mêmes éléments du 1er mais en montant le niveau. Ce n'est plus la femme assassinée, c'est la fille, on change de ville pour Los Angeles (avant de revenir à NY dès le film suivant) et ça dézingue encore plus. Le cinéaste a de moins en moins de scrupules à faire sombrer son personnage dans la vengeance pure et la violence gratuite, atteignant assez vite les limites de l'acceptable.

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Fan du groupe And Also The Trees depuis toujours, c'est avec un grand bonheur que j'ai découvert ce long film documentaire de plus de 2h40 sur l'histoire du groupe, qui plus est réalisé et produit par des Français, pays où le groupe est assez populaire - toutes proportions gardées, le groupe restant dans la sphère indé depuis ses débuts. Le film est très émouvant pour qui aime le groupe, car le cinéaste le connait aussi bien que nous, et qu'il nous offre la possibilité de les voir sur leurs terres, dont ils sont si fier, cette campagne anglaise si romantique qui s'inscrit dans leur oeuvre depuis les débuts. Le film est fait de longs entretiens avec les membres, passé et présent, du groupe, se concentrant évidemment sur les deux leaders, les frères Jones, chanteur/parolier et guitariste/compositeur, dont la connivence est assez bouleversante, ainsi que sur pas mal de personnes connexes, y compris quelques journalistes français, dont certains se reconnaitront en lisant ces lignes, et dont on peut regretter que leur participation une fois montée se résume à une seule phrase ou à un lieu commun. Le film devait déjà être trop long pour conserver la valeur des échanges, mais alors pourquoi les conserver ? Malgré ma grande émotion au visionnage de ce documentaire généreux (qui n'a d'égal que celui consacré aux Swans il y a 4 ans), celui-ci m'a tout de même déçu sur certains points : les débuts professionnels du groupe sont abordés, mais on ne comprend jamais le déclic qui les fait basculer dans la musique de manière professionnel; leur rapport à The Cure, qui les lance littéralement en les prenant en première partie de leur tournée, alors qu'ils n'ont donné que 5 concerts dans leur vie, est bien sûr abordé, mais il y avait plus à faire sur ce parrainage hors du commun; surtout, on ne parle quasiment jamais de littérature dans ce film, alors que And Also The Trees est l'incarnation même du Romantisme en musique pop, comme l'est Keats en littérature ou Friedrich en peinture. On n'en parle jamais, quel dommage. Simon Jones évoque bien le moment où pour la première fois, assez tardivement bizarrement, il découvre la littérature, c'est un moment superbe, on se dit que ça y est, on va aborder ce chapitre si important de leur oeuvre, mais non le film part sur autre chose. Autres déceptions, dans la construction du film ce coup-ci : le cinéaste veut aborder absolument tous les albums du groupe, et la dissertation chronologique et paritaire devient lassante lorsque les albums sont beaucoup moins intéressants. Le film aurait gagné à se concentrer encore d'avantage sur les chefs-d'oeuvre du groupe, en faisant entrer les spectateurs dans les coulisses de leur création. Idem avec les archives live : il y en a énormément (elles sont d'ailleurs toutes dispos intégralement dans les bonus du film), mais on a l'impression que le cinéaste veut à tout prix les amortir et paradoxalement en montre presque trop, de toutes époques, de manière un peu atemporelles, pour illustrer l'évocation de telle ou telle chanson. Bien sûr c'est généreux, et toujours génial de voir ces extraits de concerts, mais je trouve que ça casse un peu le rythme du film et l'oriente vers autre chose que ce qu'il veut être. Et bien évidemment, tout ceci est du chipotage, mais disons que je suis tellement fan de ce groupe et tellement content qu'un tel film existe, que je me permets un regard exigeant, à la hauteur de l'entreprise.

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Le quotidien de quelques mannequins, entre harcèlement, drogues, solitude, hystérie et dépression. Le regard de Seidl, toujours à la frontière du documentaire et de la fiction (qui pourrait ici trancher) est dur, sans pitié, mais se veut encore une fois critique, dénonçant le regard et les pressions, surtout sexuelles, que peuvent subir ces jeunes femmes, dont la détresse est ici insondable.

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Le 3, donc, soit le 1 et le 2 en pire, disons que plus personne ne s'embarrasse de la moindre morale, et le revenge porn peut s'exercer sans limite, mais se regarde avec un intérêt qui n'en finit pas de décliner. Ce qui reste intéressant c'est de voir le basculement esthétique des 70's aux 80's, mais c'est relativement maigre.

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Le film d'Halloween vu avec les enfants. Je n'en avais jamais entendu parler avant, et c'est un film plutôt plaisant, sorte de croisement entre Harry Potter et Hugo Cabret, avec 3 bons acteurs, Jack Black, Cate Blanchett et Kyle McLachlan. L'ambiance est inquiétante pour les enfants, et les moyens mis en oeuvre pour la faire exister sont généreux et réussis. Grosse surprise de découvrir que le film a été réalisé par Eli Roth, connu pour ses films d'horreur ultra gore (Hostel et ce genre de trucs... ), et qui a visiblement une carrière parallèle dans le cinéma pour enfants où il s'en sort plutôt bien.

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Film manifeste radical, qui déplaira sans doute à pas mal de gens, le nouveau film de Coralie Fargeat est pour moi une réussite totale à la hauteur de sa déjà sulfureuse réputation. C'est un film ultra référentiel dans lequel on croise les ombres de Inland Empire, Shining, Faux Semblants, Neon Demon, Under the Skin, Rage, Society et tellement d'autres que je vous laisserai le plaisir de découvrir, qui les cite ouvertement, mais bizarrement, le film n'est jamais dépendant de ces lourdes références et trouve très rapidement un équilibre interne pour devenir un objet conceptuel et politique d'une grande force mais surtout d'une totale indépendance. Le film semble être fait de manière à s'isoler du reste du monde pour en proposer une vision autocentrée qui n'est régi qu'avec ses codes propres, sans qu'on ait à se soucier le moins du monde d'un quelconque problème de cohérence. C'est là, cela existe et on ne remet jamais le moindre élément, le moindre événement, en question. Cette actrice en fin de carrière qui ne peut plus tourner, car trop vieille, dont l'heure de gloire est derrière elle, accepte de s'injecter un produit sensé la rajeunir. Sauf que c'est une autre elle-même qui sort littéralement de son corps et les deux doivent se relayer une semaine sur deux pour vivre chacune leur tour. Elles ne peuvent jamais cohabiter (cette situation m'a rappelé deux bandes dessinée, une de Timothé Le Boucher (ces jours qui disparaissent) et une de Elizabeth Holleville (l'une des histoires des contes de la mansarde)) et leur coexistence va petit basculer en faveur de l'une d'elle, aux dépends de l'autre, jusqu'à un final extraordinaire, aussi tragique que grotesque, qui pour moi est un immense hommage conscient à un film méconnu, mais qui est sans doute le film d'horreur gore le plus politique qui soit : Society de Brian Yuzna. Car il va de soir que The Substance est un film politique, engagé, féministe, qui se réapproprie le corps féminin, et le cinéma d'horreur, et qui dit clairement qu'on peut faire subir au corps féminin tous les outrages qu'on souhaite, à partir du moment où c'est la femme qui s'en charge. Autre constat, beaucoup plus amer : le film est aussi un aveu de défaite : la star, sublime Demi Moore dans le rôle de loin le plus courageux de sa carrière, change de peau pour revivre, renaitre, aux yeux des spectateurs et des producteurs, mais elle finit elle aussi dans l'échec le plus total. La balance ne peut pas être inversée, la partie semble perdue d'avance, quoiqu'on fasse, semble nous dire Coralie Fargeat dans ce film dérangeant, passionnant, jubilatoire, qui a comme qualité principale, et ce jusqu'au bout, de rester un vrai film bis, avec toutes les outrances, les injures, les défauts et les tics visuels que cela peut engendrer. Mais on l'accepte car c'est précisément cela qu'on vient chercher dans le cinéma bis, sauf qu'ici c'est un film beaucoup plus dérangeant car, alors qu'il est habituellement ignoré, celui-ci vient se frotter, vient déranger, vient briser les lignes du cinéma maintream, il se glisse dans sa peau et en fait éclater ses viscères.
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groil_groil a écrit : dim. 3 nov. 2024 10:13.

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Film manifeste radical, qui déplaira sans doute à pas mal de gens, le nouveau film de Coralie Fargeat est pour moi une réussite totale à la hauteur de sa déjà sulfureuse réputation. C'est un film ultra référentiel dans lequel on croise les ombres de Inland Empire, Shining, Faux Semblants, Neon Demon, Under the Skin, Rage, Society et tellement d'autres que je vous laisserai le plaisir de découvrir, qui les cite ouvertement, mais bizarrement, le film n'est jamais dépendant de ces lourdes références et trouve très rapidement un équilibre interne pour devenir un objet conceptuel et politique d'une grande force mais surtout d'une totale indépendance. Le film semble être fait de manière à s'isoler du reste du monde pour en proposer une vision autocentrée qui n'est régi qu'avec ses codes propres, sans qu'on ait à se soucier le moins du monde d'un quelconque problème de cohérence. C'est là, cela existe et on ne remet jamais le moindre élément, le moindre événement, en question. Cette actrice en fin de carrière qui ne peut plus tourner, car trop vieille, dont l'heure de gloire est derrière elle, accepte de s'injecter un produit sensé la rajeunir. Sauf que c'est une autre elle-même qui sort littéralement de son corps et les deux doivent se relayer une semaine sur deux pour vivre chacune leur tour. Elles ne peuvent jamais cohabiter (cette situation m'a rappelé deux bandes dessinée, une de Timothé Le Boucher (ces jours qui disparaissent) et une de Elizabeth Holleville (l'une des histoires des contes de la mansarde)) et leur coexistence va petit basculer en faveur de l'une d'elle, aux dépends de l'autre, jusqu'à un final extraordinaire, aussi tragique que grotesque, qui pour moi est un immense hommage conscient à un film méconnu, mais qui est sans doute le film d'horreur gore le plus politique qui soit : Society de Brian Yuzna. Car il va de soir que The Substance est un film politique, engagé, féministe, qui se réapproprie le corps féminin, et le cinéma d'horreur, et qui dit clairement qu'on peut faire subir au corps féminin tous les outrages qu'on souhaite, à partir du moment où c'est la femme qui s'en charge. Autre constat, beaucoup plus amer : le film est aussi un aveu de défaite : la star, sublime Demi Moore dans le rôle de loin le plus courageux de sa carrière, change de peau pour revivre, renaitre, aux yeux des spectateurs et des producteurs, mais elle finit elle aussi dans l'échec le plus total. La balance ne peut pas être inversée, la partie semble perdue d'avance, quoiqu'on fasse, semble nous dire Coralie Fargeat dans ce film dérangeant, passionnant, jubilatoire, qui a comme qualité principale, et ce jusqu'au bout, de rester un vrai film bis, avec toutes les outrances, les injures, les défauts et les tics visuels que cela peut engendrer. Mais on l'accepte car c'est précisément cela qu'on vient chercher dans le cinéma bis, sauf qu'ici c'est un film beaucoup plus dérangeant car, alors qu'il est habituellement ignoré, celui-ci vient se frotter, vient déranger, vient briser les lignes du cinéma maintream, il se glisse dans sa peau et en fait éclater ses viscères.
Bon oui c’est pas mal du tout mais c’est franchement trop long non ? Le film surligne ses effets en permanence, je vois bien que c’est lié au genre mais c’est un peu fatigant à la longue, et surtout au final le film n’arrive à toucher pleinement son sujet que dans une scène impressionnante, avec une Demi Moore démente qui se maquille et se démaquille jusqu’à se détruire le visage. En étant aussi long le film perd en tension, et de son côté organique. Finalement, même réserves qu’avec Anora : 2h20 pour une seule scène vraiment à la hauteur de l’ambition du film.
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B-Lyndon a écrit : mar. 5 nov. 2024 08:57
groil_groil a écrit : dim. 3 nov. 2024 10:13.

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Film manifeste radical, qui déplaira sans doute à pas mal de gens, le nouveau film de Coralie Fargeat est pour moi une réussite totale à la hauteur de sa déjà sulfureuse réputation. C'est un film ultra référentiel dans lequel on croise les ombres de Inland Empire, Shining, Faux Semblants, Neon Demon, Under the Skin, Rage, Society et tellement d'autres que je vous laisserai le plaisir de découvrir, qui les cite ouvertement, mais bizarrement, le film n'est jamais dépendant de ces lourdes références et trouve très rapidement un équilibre interne pour devenir un objet conceptuel et politique d'une grande force mais surtout d'une totale indépendance. Le film semble être fait de manière à s'isoler du reste du monde pour en proposer une vision autocentrée qui n'est régi qu'avec ses codes propres, sans qu'on ait à se soucier le moins du monde d'un quelconque problème de cohérence. C'est là, cela existe et on ne remet jamais le moindre élément, le moindre événement, en question. Cette actrice en fin de carrière qui ne peut plus tourner, car trop vieille, dont l'heure de gloire est derrière elle, accepte de s'injecter un produit sensé la rajeunir. Sauf que c'est une autre elle-même qui sort littéralement de son corps et les deux doivent se relayer une semaine sur deux pour vivre chacune leur tour. Elles ne peuvent jamais cohabiter (cette situation m'a rappelé deux bandes dessinée, une de Timothé Le Boucher (ces jours qui disparaissent) et une de Elizabeth Holleville (l'une des histoires des contes de la mansarde)) et leur coexistence va petit basculer en faveur de l'une d'elle, aux dépends de l'autre, jusqu'à un final extraordinaire, aussi tragique que grotesque, qui pour moi est un immense hommage conscient à un film méconnu, mais qui est sans doute le film d'horreur gore le plus politique qui soit : Society de Brian Yuzna. Car il va de soir que The Substance est un film politique, engagé, féministe, qui se réapproprie le corps féminin, et le cinéma d'horreur, et qui dit clairement qu'on peut faire subir au corps féminin tous les outrages qu'on souhaite, à partir du moment où c'est la femme qui s'en charge. Autre constat, beaucoup plus amer : le film est aussi un aveu de défaite : la star, sublime Demi Moore dans le rôle de loin le plus courageux de sa carrière, change de peau pour revivre, renaitre, aux yeux des spectateurs et des producteurs, mais elle finit elle aussi dans l'échec le plus total. La balance ne peut pas être inversée, la partie semble perdue d'avance, quoiqu'on fasse, semble nous dire Coralie Fargeat dans ce film dérangeant, passionnant, jubilatoire, qui a comme qualité principale, et ce jusqu'au bout, de rester un vrai film bis, avec toutes les outrances, les injures, les défauts et les tics visuels que cela peut engendrer. Mais on l'accepte car c'est précisément cela qu'on vient chercher dans le cinéma bis, sauf qu'ici c'est un film beaucoup plus dérangeant car, alors qu'il est habituellement ignoré, celui-ci vient se frotter, vient déranger, vient briser les lignes du cinéma maintream, il se glisse dans sa peau et en fait éclater ses viscères.
Bon oui c’est pas mal du tout mais c’est franchement trop long non ? Le film surligne ses effets en permanence, je vois bien que c’est lié au genre mais c’est un peu fatigant à la longue, et surtout au final le film n’arrive à toucher pleinement son sujet que dans une scène impressionnante, avec une Demi Moore démente qui se maquille et se démaquille jusqu’à se détruire le visage. En étant aussi long le film perd en tension, et de son côté organique. Finalement, même réserves qu’avec Anora : 2h20 pour une seule scène vraiment à la hauteur de l’ambition du film.
Je comprends qu'on puisse trouver le film trop long, mais je ne partage pas ce sentiment, je trouve sa durée et son rythme parfaits, même dans la lassitude qu'ils parviennent à instaurer, correspondant pour moi à l'état d'esprit des personnages, qui finissent même pas s'ennuyer de ce postulat pourtant on ne peut plus original. J'aime comment elle épuise le truc pour un final orgiaque entre Society et Carrie qui me parait complètement jubilatoire et qui justifie tout ce qui précède.
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cyborg
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Ouvrant son film par un long travelling automobile, Guiraudie passe du cadre urbain de Viens je t'emmène au film campagnard. Dans les derniers instants du plan, quand la voiture parcourt les petites rues du village, les images deviennent agitées, floues presque. Celles-ci suffisent à nous remémorer les premiers courts métrages de l'auteur, Les héros sont immortels et Tout droit jusqu'au matin , dans lesquels de jeunes gens erraient nuitamment dans les rues de petits villages, attendant des rendez-vous qui ne venaient pas, taguant les murs et jouant au chat et à la souris avec les autorités locales. Si l'oisiveté domine, les esprits, eux, sont ailleurs et bien actifs : les discours, pensés ou prononcés, rêvent d'une vie différente, imaginent des activités en devenir et des mondes à réinventer.

Mais fini le spleen post-adolescent, Guiraudie vient d'avoir 60 ans. Et s'il retourne ici à ses premières amours ce n'est pas pour endosser un regard nostalgique, mais simplement plus mature, plus dense. Le temps suspendu n'est plus celui de la nuit mais celui du deuil, tandis que la question du désir semble désormais se regarder elle-même, au sein d'un monde ou rien ne s'est passé comme on l'aurait voulu. Que faire de nous, de nos envies, de nos rêves passés, quand le monde que nous imaginions pour demain est désormais celui du jour, peut-être même déjà celui d'hier ?

Cette approche très consciente d'elle même se retrouve aussi dans les références convoquées par le film. Si les aplats criards de l'affiche font penser au côté sombre des années 60-70 (je pense aux drames sociaux-pervers de Chabrol, tel Le Boucher), Miséricorde se révèle peu à peu comme le fils bâtard de deux parangons du cinéma : Mais qui a tué Harry (Hitchcock, 1955) et Théorème (Pasolini, 1968). Le film de Pasolini n'est-il pas celui d'un jeune homme, inconnu de tous, s'infiltrant dans le quotidien d'une famille, pour mieux tenter et mettre à mal tout ceux qui la composent ? Tandis que chez Hitchcock, c'est une sublime et chatoyante campagne d'automne qui sert de cadre à 4 ou 5 personnages, revenant toujours dans les mêmes quelques lieux, répétant et réinventant sans cesse leurs activités pour les faire changer, allant jusqu'à finir par réenterrer le cadavre ouvrant le film.

Mais ici la cadavre final est celui du fils, qu'on vient allonger près de celui, encore tiède, du père. Il n'y a donc pas de figure ni de schéma tout prêt dans Miséricorde, plutôt des occasions de perturber et tordre les structures existantes pour questionner la normativité de nos désirs et de nos êtres. Et rien ne s'y passera comme on aurait pu s'y attendre. A ce titre, loin d'être anecdotique, l'absence quasi totale de scènes de sexe gay, pourtant omniprésentes dans ses derniers films, doit également être analysée. A la portée un brin provocante et assurément militante de ces corps nus parcourant son œuvre, Guiraudie semble avoir ici préféré une approche moins frontale. L'homo-érotisme lattant (qui n'est pas sans faire penser à Douglas Sirk), élargit ainsi peut-être la question du désir vers un cadre plus large, sans pour autant en diluer la puissance.

La scène de retournement clé du film se passe ainsi à l’abri du monde, dans le confessionnal, lorsque le curé se confie à l'oreille du criminel, projetant sur lui son intimité la plus profonde. Scène à laquelle répondra quelques instants plus tard une autre scène de confession, cette fois face à un paysage depuis le haut d'une falaise, durant laquelle le dit-criminel énonce au curé son mal être devant un monde ou tout semble aller à vau-l'eau, quoi que l'on dise, fasse, consomme, pense. Apparait ici un rapport entre le microcosme du village et sa somme de désir et le macrocosme d'un monde et de son fonctionnement, l'un ne pouvant exister sans l'autre.

Alors qu'un sentiment général de répétition et de stagnation semble dominer le film, celui-ci n'est pourtant aucunement figé. Il s'ouvre au contraire sans cesses à des réinventions possibles, telle une recherche vivante sans réponse toute faite. L'humour grinçant -parfois hilarant, le curé m'ayant fait pleurer de rire- vient de la sorte déjouer la question morale qui plane sur le film. C'est alors que Miséricorde se prend à ressembler à un cauchemar climatisé très Henry Millerien. Un cauchemar dans ce qu'il à de plus XXIèm siècle, dans lequel nous sommes tous et toutes plongés de force et dont il nous est impossible de pleinement nous réveiller pour s'échapper, à l'instar du héros, que tous les personnages (et avec eux les spectateurs) ne cessent de venir border...
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cyborg
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Turumba - Kidlat Tahimik - 1981

Une petite famille de fabricants de jouets en papier-mâchés se voit perturbée par une commande inattendue : 20.000 mascottes pour les Jeux Olympiques de Munich.
Ce que Tahimik perd en expérimentation visuelle de Perfumed Nightmare est regagné en clarté du propos politique. L'auteur s'attaque ici, sous un angle qui n'est pas si éloigné du conte, à l'essence même du colonialisme économique : surproduction, modernisation forcée, dissolution des liens traditionnels, règne de l'argent... L'angle partiellement documentaire et le ton souvent humoristique, parfont un film essentiel pour exposer la face invisibilisé (depuis l'occident) de l'impérialisme et du libéralisme global.


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Un orage dans la tête - Clément Perrot - 2023

Une journée d'été pour quelques enfants du Nord-Pas-de-Calais trainant entre et autour de leurs HLM.
Étrange rencontre entre Sharon Lockhart (période Pine Flat), la longueur et rigueur plastique en moins, et Bruno Dumont, le drame social en moins, le premier film de Clément Perrot fini malheureusement par ne pas dépasser sa note d'intention. Il en manque pourtant peu, et je reste très curieux de voir l'évolution de ce tout jeune auteur.


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Alreadymade - Barbara Visser - 1923

Une grande affaire agite le monde de l'art depuis quelques années : et si Marcel Duchamp n'était pas l'auteur de "Fontaine", cet urinoir renversé, considéré comme "l’œuvre la plus influente du XXème siècle" ? Et si celui-ci était la création de la baronne Elsa von Freytag-Loringhoven, oubliée dans les tréfonds de l'histoire de l'art ?
Judicieusement composé à partir de found-footages, Alreadymade expose en détail les origines de l'histoire et le rôle qu'y à joué Duchamp lui-même... mais aussi la difficulté qu'ont encore les spécialistes à trancher la question, ainsi que les diverses dynamiques (au premier titre le patriarcat larvé et la spéculation) ayant conduit à la situation actuelle. Plus intéressante encore, la deuxième partie du film, par la mise en place d'un casting, d'une enquête, de recherches d'archives, se détache de Duchamp pour venir donner corps et existence à la méconnue Elsa von Freytag-Loringhoven. Hommage qui ne dit pas son nom, le film cherche à sa façon à réparer l'injustice faites aux artistes femmes perdu dans l'ombre de l'écriture de l'Histoire. Le résultat est aussi stimulant qu'essentiel.
len'
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Miséricorde d'Alain Guiraudie

J'y suis allé un dimanche, c'est en effet le bon moment pour voir ce Guiraudie parce qu'il y a tout ce qu'on peut faire habituellement ce jour-là, comme se promener à la campagne, aller à la messe, cueillir des champignons et rendre visite aux morts. C'est aussi un jour où on se réfugie, et pourtant le monde revient toujours, d'un coup, il suffit d'une chenille dans la salade. Guiraudie se balade donc, dans un territoire qu'il connaît bien mais, surtout, qu'il aime et où il se sent suffisamment à l'aise pour éprouver du désir. Sauf que ce désir est constamment freiné, la violence s'interpose à répétition, l'absurdité en découle, dans cette quête non-dite de retraite où on souhaite dormir en paix. Mais la quiétude paraît difficile voire impossible dans ce monde, la ligne droite et sans caillou n'existe pas, il n'y a que des contournements. Quand le film commence, la voiture zigzague et la vue de l'habitacle nous voile en partie l'horizon. Ici on ne sait pas où on va, on tente un chemin et on se perd un peu en se faisant courser par un chien errant, on trébuche parfois et on rigole de sa maladresse, puis on a un coup de froid qui semble venir de loin.



Juré n°2 de Clint Eastwood

Cela fait presque penser à un téléfilm de l'après-midi, avec plein de sourires, un bon canapé et des cookies qui sortent du four. Le personnage principal se croit lui-même dans un téléfilm, c'est ce qu'il souhaite parce que c'est rassurant. Or, il se retrouve à son insu dans un film de cinéma qui le heurte et le projette vers un ailleurs qu'il ne contrôle pas. Son attitude consiste à repousser autant que possible ce cinéma qui le fragilise par de multiples stratégies qu'on peut apparenter encore au formatage des téléfilms américains, mais c'est un échec certain puisque c'est paradoxalement par cette attitude qu'il contribue à le nourrir. Il s'agit aussi presque d'un pléonasme de dire qu'Eastwood fait du cinéma classique - ou plus exactement utilise des outils classiques -, lui qui est imprégné de cette tradition américaine qui n'est en rien péjorative tant il travaille et révèle la complexité de cette terre avec toute l'expérience qu'il a acquise au fil du temps. Il n'y a pas de débordements, ce sont les petites touches successives, les choses qui n'ont l'air de rien, qui font pousser le film progressivement pour conclure sur un final qui tombe comme un fruit arrivé à pleine maturation.
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groil_groil
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Certes, l'image est atroce, mais ce film est, depuis cette mode des grosses productions françaises de refaire du cinéma fané, qui a du commencé au début des années 2000 avec des daubes immondes comme Belphégor ou Vidocq, le premier, oui je dis bien le premier, qui soit a peu près regardable et qui raconte quelque chose. Pas de quoi crier au chef-d'oeuvre, ça sent les César techniques en février, mais c'est tout de même, osé je espérer, le signe d'un changement.

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Le dernier Assayas s'est fait défoncer à sa sortie, pourtant c'est un film loin d'être inintéressant. Il raconte les mois de confinement passés par le cinéaste avec son frère Michka et leurs deux compagnes, dans la maison familiale à la campagne. On lui a reproché son côté bourgeois, alors qu'il s'agit juste de la maison de leurs parents, chacun a ou a eu des parents, non ? Pas de quoi fouetter un chat. Le film se divise en deux types de scènes, très tranchées. D'un côté les discussions des 4 ou des 2, qui parlent de grands sujets ou de 3 fois rien, et parfois ces scènes peuvent être gênantes. Le cinéaste a changé les noms de ses protagonistes, mais l'évidente autobiographie (c'est qui plus est tourné dans la vraie maison de famille) nous fait rentrer dans une intimité où l'on n'a parfois pas grand chose à faire. L'autre partie, récurrente, venant entrecouper chacun des chapitres et rythmer le film, est fait d'images sans personnages, de plans souvent fixes sur la maison, dans chacune des pièces, dans le jardin, dans les alentours, accompagnés d'une voix-off qui n'est plus celle de l'acteur jouant le rôle du cinéaste (Macaigne, toujours excellent), mais celle d'Olivier Assayas qui raconte son enfance à la première personne en s'attachant à des détails des lieux qu'il nous montre. Ces moments-là sont d'une grâce et d'une beauté rare, pas si loin d'un cinéma post-Nouvelle Vague proche d'Eustache dans l'esprit, qui personnellement m'ont beaucoup ému.

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Palme d'or entièrement méritée, film absolument magnifique, qui donne vraiment envie de croire à nouveau au cinéma, tant celui-ci semble proposer quelque chose d'à la fois stimulant, semblant brasser tout ce que le cinéma a pu produire de beau jusqu'au aujourd'hui, tout en en tirant la quintessence. Je ne sais pas comment exprimer ce sentiment, mais la vision d'Anora est extrêmement galvanisante, comme si le film prouvait à lui tout seul que le Cinéma, avec un grand C, est vivant, dynamique et en parfaite santé. Le film peut donner l'impression d'avoir quelques longueurs au moment où les images défilent, mais tout trouve sa justification dans l'ensemble, d'une cohérence et d'une émotion rare, avec un basculement en son milieu qui transforme le film sans en changer pour autant son essence, mais simplement en le tirant encore vers le haut.

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Une sorte de mix parfait entre Toledano / Nakache et Michel Leclerc. Le film est pas mal, sans être génial, et doit beaucoup à ses trois interprètes principaux qui sont excellents. Ce qu'il y a de bien c'est que c'est tout de même du cinéma social, mais avec un humour et un décalage permanent qui font que l'ensemble n'est absolument jamais manichéen ni donneur de leçon.

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Une sorte de mix parfait entre Le 7ème Juré (le plus beau film de Georges Lautner) et 12 Hommes en colère, mais l'intelligence d'Eastwood fait qu'il ne fait pas que mixer ces deux références, il va beaucoup plus loin, offrant une réflexion pertinente sur la question des limites du pouvoir de la Justice. Il est tout simplement incroyable de voir qu'après le poussif et grabataire Cry Macho, film qui annonçait clairement la fin de l'oeuvre de cinéaste, Eastwood soit capable de revenir avec un tel grand film, aussi beau que ses grandes réussites des années 90, qui est à la fois un magnifique objet d'analyse et de réflexion sur son pays, et la Justice de son pays, tout en proposant un grand film de mise en scène, où tout est raconté par le cinéma, et pas par le scénario. Et Toni Collette est magnifique.

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Trois mondes, trois personnages. Un sans-papier est renversé par la voiture d'un jeune type aisé, qui de peur prend la fuite. Une jeune femme à sa fenêtre aperçoit l'accident. Les destins de ces trois personnes vont se croiser, leur vie va changer. Enfin l'un des trois meurt, mais sa femme prend le relai narratif. C'est pas mal, mais sans génie, la mise en scène est déjà un peu datée, un Corsini milieu de tableau.

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J'y suis allé sans grande envie, par fidélité au cinéaste, même si je trouvais que ce dernier avait une fâcheuse tendance à s'embourgeoiser, mais le film m'a littéralement bouleversé. Le grand changement dans la cinéma de Mouret, c'est qu'il a complètement laissé l'humour de côté, plus de marivaudage du tout, plus de légèreté, le cinéaste et ses personnages vieillissants, on est passé dans quelque chose de plus lourd, de plus grave dans le ton. Ici tout n'est plus que drame, et puisqu'on reste bien sûr dans l'analyse du sentiment amoureux, dans le mélodrame. Et Mouret s'impose avec élégance et évidence comme un maitre du mélodrame ! Cela doit beaucoup à ses trois actrices (sur le papier le casting ne m'excitait pourtant pas des masses mais le résultat est magnifique), mais la mise en scène de Mouret atteint un degré de perfection idéale pour servir le genre, sans parler de l'idée initiale de donner la gestion du narratif à un mort (superbe idée remontant à Sunset Blvd), mais je ne vous dis pas qui pour vous préserver cette surprise.

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Film emblématique du genre Pink, mouvement japonais fin 60s début 70s qui mêle le cinéma de genre, l'érotisme, l'expérimental et le cinéma d'auteur, sorte de croisement entre le giallo et le cinéma d'Alain Robbe Grillet pour faire vite. Partant d'une intrigue qui imite le polar, le film quitte vite ses rails, partant dans un délire visuel expérimental symptomatique des délires expérimentaux de l'époque, mais assez réjouissant visuellement.

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Film d'animation magnifique visuellement, réalisé sans aucune parole, les personnages étant tous des animaux, cernés avec le plus de réalisme possible. La qualité de l'image tente à la fois de rendre compte de ce réalisme tout en tendant vers une esthétique propre au jeu vidéo. C'est aussi la limite du film qui a certes une thématique super importante, réchauffement climatique tout ça, qui certes est vraiment prenant dans sa mise en scène toujours en mouvement, donnant cette impression de temps réel, mais qui au final ne raconte pas grand chose, ou pas suffisamment par rapport à la promesse, donnant l'impression de voir un mix entre L'Odyssée de Pi et un nouveau jeu Zelda. Beaucoup de vieux dans la salle sinon, on sent les prescriptions Télérama :D

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Bon, comme tout le monde j'avais lu partout que Audiard avait fait un bon film, deux prix à Cannes, tout ça, le gros pataud aurait changé ? Que nenni, son Emilia Perez est lourdaud, lourdingue, prétentieux, incroyablement opportuniste, mais surtout ne marche absolument jamais. Le scénario est bête à manger du foin, ce personnage qui devient gentil en changeant de sexe, non mais au secours, aucune situation ne fonctionne, les scènes de comédie musicale sont totalement ratées (les chansons OMG) mais surtout tombent comme un cheveu sur la soupe et ne viennent jamais enrichir le récit. L'ensemble est poussif, mais surtout tellement con qu'on frôle le coussin de la honte à de nombreuses reprises. Je ne comprends surtout vraiment comment les actrices de ce film ont pu gagner un Prix d'Interprétation Féminine globale. Quel camouflet ! Non mais Selena Gomez ou Adriana Paz ont gagné une Palme de Meilleure Actrice pour ça ? Alors que Mikey Madison dans Anora ne l'a pas eu ??? Un peu de sérieux tout de même... Bon au final, je me demande si ce n'est pas le pire film de l'affreux Audiard...
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yhi
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groil_groil a écrit : dim. 17 nov. 2024 09:48 Alors que Mikey Madison dans Anora ne l'a pas eu ???
Il y a plus le droit de cumuler les prix à Cannes je crois. Donc les prix généraux peuvent "voler" des prix tout autant mérités.
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Tamponn Destartinn
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yhi a écrit : dim. 17 nov. 2024 13:58
groil_groil a écrit : dim. 17 nov. 2024 09:48 Alors que Mikey Madison dans Anora ne l'a pas eu ???
Il y a plus le droit de cumuler les prix à Cannes je crois. Donc les prix généraux peuvent "voler" des prix tout autant mérités.
Le fait est qu'Emilia Perez a eu deux prix (actrices + prix du jury)
L'interdiction de cumuler ne concerne que la Palme.
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Tamponn Destartinn
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Je ne sais pas si c'est le désir de concrétiser certaines images fortes qui a amené le concept à la réalisatrice, ou si c'est l'idée du concept qui a fini par l'amener à réaliser ces images. Le fait est que le film fait appel comme rarement à notre suspension consentie de l'incrédulité pour maintenir le chateau de cartes, en échange de quoi il nous apporte une allégorie fun et efficace, dont l'absence de finesse fait partie intégrante du sujet. J'ai accepté le contrat avec grand plaisir sur quasi tout : osef de cette société secrète ultra abstraite qui ne demande aucune contrepartie, osef que l'aérobic passe de plan B de fin de carrière à tremplin pour devenir une nouvelle icone, osef de sentir un vrai monde extérieur tangible... Je pourrais continuer la liste longtemps, mais je suis sincère quand je dis que je m'en fous. Du moment que c'est là pour servir l'allégorie et que ça marche. Là où le bat blesse, c'est le choix de faire d'Elisabeth (Moore) et Sue (Qualley) deux personnes distinctes. Quand Sue apparait pour la première fois (dans une scène absolument dingue, il faut le souligner), j'ai cru que le personnage de Demi Moore était quelque part en elle. Ça restait abstrait, mais ça me paraissait logique. Quand, finalement, il est clair que c'est juste quelqu'un d'autre (même pas son clone, comme le prouve la couleur des yeux ou bien le fait de voir des images de Demi Moore jeune) je ne comprends plus trop bien l'intérêt pour Elisabeth. Qu'est-ce qu'elle en retire ? Elle se fait juste remplacer de manière encore plus violente qu'au départ... En plus, cela rend le personnage de Sue creux, car elle est autre mais n'existe jamais vraiment, sauf à la fin, trop tardivement. D'ailleurs, en plus des citations évidentes entre Cronenberg et Kubrick, j'ai beaucoup pensé à la BD française Ces jours qui disparaissent, qui tient bien plus la route dans son concept, notamment dans la place laissé au double parfait ET dans l'explication de qui est qui.

Bon. C'est bête, mais ça ne m'empêche pas d'aimer le film. Le plaisir que j'ai passé devant me contredit dans mes objections. Par exemple, sa durée de 2h20. Normalement je l'attaquerai : il est scandaleux pour un film de cette durée (qui plus est aussi minimaliste) de rester autant en surface sur les personnages, blablabla. Mais le truc est que je ne me suis jamais emmerdé ! Je pense que Coralie Fargeat a très bien pensé son point de départ (jusqu'à la naissance de Sue) et son point d'arrivée (à partir du dernier transfert), que ces deux moments cumulés doivent représenter une heure de film et qu'il s'agit d'un des meilleurs moments de cinéma que j'ai vu cette année. Mais qu'entre les deux, elle a été bloquée par l'obligation de faire passer pas mal de temps, sans pouvoir s'autoriser une simple ellipse. Elle a donc improvisé un récit, parfois avec talent (la meilleure scène est au milieu, avec Demi Moore qui se remaquille à outrance), mais c'est fragile. Je pourrais faire un parallèle avec Beau is Afraid, qui m'avait perdu après une première heure exceptionnelle, mais à l'inverse cette fois, je me répète, malgré tous les défauts je ne me suis jamais ennuyé. Bref. Tout ça pour dire que je dois décanter un peu pour savoir où le placer dans mon top ^^
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Tyra
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cyborg a écrit : lun. 11 nov. 2024 19:31 Miséricorde se révèle peu à peu comme le fils bâtard de deux parangons du cinéma : Mais qui a tué Harry (Hitchcock, 1955) et Théorème (Pasolini, 1968). Le film de Pasolini n'est-il pas celui d'un jeune homme, inconnu de tous, s'infiltrant dans le quotidien d'une famille, pour mieux tenter et mettre à mal tout ceux qui la composent ? Tandis que chez Hitchcock, c'est une sublime et chatoyante campagne d'automne qui sert de cadre à 4 ou 5 personnages, revenant toujours dans les mêmes quelques lieux, répétant et réinventant sans cesse leurs activités pour les faire changer, allant jusqu'à finir par réenterrer le cadavre ouvrant le film.

Bien vu pour Mais qui a tué Harry, le parallèle est évident, je ne sais pas si c'est une influence revendiquée par l'auteur, ça donne envie de revoir ce Hitchcock, plutôt mineur dans mon souvenir.
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sokol
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Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tyra a écrit : lun. 18 nov. 2024 16:34 Bien vu pour Mais qui a tué Harry, le parallèle est évident, je ne sais pas si c'est une influence revendiquée par l'auteur, ça donne envie de revoir ce Hitchcock, plutôt mineur dans mon souvenir.
Par contre, je crois que [mention]cyborg[/mention] se plante en évoquant "Théorème" (Guiraudie lui-même, dans une émission de France Culture sur son film, s'étonne de cette référence en expliquant qu'il n'en a jamais pensé) : "Miséricorde" a bien plus à voir avec un autre film de Pasolini : "Salo". Mais, la première fois (au XX siècle), cette histoire a eu lieu comme une tragédie (Salo), la seconde fois (au XXIe), comme une farce (Miséricorde)
Modifié en dernier par sokol le lun. 18 nov. 2024 20:14, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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