Il y a quelque chose de très évident pour le réal de Blade 2, La Forme de l'Eau et Hellboy d'adapter le classique de Mary Shelley. Pourtant, cette nouvelle version de Frankenstein s'articule comme la plus fidèle vis-à-vis du matériau-source, tout en étant emprunt d'un romantisme personnel pour Guillermo Del Toro.
La trame globale est similaire, et pourtant détone complètement avec la quasi intégralité des autres représentations du monstre dans le zeitgeist cinématographique. De plus, Del Toro y injecte ses obsessions, de manière absolument congruentes au récit, qui les embrassent avec une cohérence déconcertante : Prométhée, la monstruosité de l'Homme, la relation contrariée au père (et donc à Dieu), le cycle de la violence...
La direction artistique est absolument somptueuse (toutes les séquences au sein du domaine écossais ou le préambule en Suisse sont d'un gothisme délectable), et la photographie de Laustsen continue à faire de vraies merveilles dans sa collaboration avec Guillermo.
La mise en scène est autant à l'aise dans l'intime que dans le spectaculaire (ou même la violence graphique). Mais ce qui fait sortir du lot cette adaptation tient bien sûr dans le traitement de ses personnages : Oscar Isaac est excellent en génie aveuglé par sa quête pour dominer la mort, quitte à perpétrer les péchés du père (Charles Dance). Elizabeth (sous les traits de la délicate Mia Goth) n'est plus la fiancée transie de Frankenstein, et Christoph Waltz apporte aussi une jolie touche de perversion (il semble lui-même sorti de Nightmare Alley).
Mais la révélation est sans doute Jacob Elordi dans sa meilleure performance d'acteur à ce jour, campant le monstre avec la même sensibilité que celui de Penny Dreadful, affublé d'un maquillage tout en mosaique de peau le rendant aussi beau qu'une statue grecque, et aussi étrange que ce qu'on pourrait attendre du personnage.
Là où pendant 1h30 le récit dévie de son matériau source en terme de traitement de personnage, la dernière hrure s'avère plus centrée sur ce qu'imaginait Shelley. Une déception pour certains, mais à mon sens la rencontre de 2 grands esprits en symbiose totale : le plus grand cinéaste amoureux des monstres qui s'attelle enfin à la matrice de sa fibre artistique, tout en exorcisant lui-même sa propre relation conflictuelle avec son père. La fin du métrage est éloquente à ce niveau : Guillermo Del Toro a bouclé la boucle !
Une très bonne adaptation qui fait office figure de référence tout simplement.
4/5
Faut vraiment que j'actualise mon classement des films de 2025 mdr