Effets secondaires, film à suspense de Steven SODERBERGH (
Side effects, USA, 2013) sur un scénario de Scott Z. BURNS, avec Rooney MARA, Channing TATUM, Jude LAW, Catherine ZETA-JONES, Polly DRAPER, Vinessa SHAW, Ann DOWD...
Emily Taylor (R. Mara) est réunie avec son mari Martin (C. Tatum) lorsque ce dernier sort de prison, mais elle enchaîne les épisodes de dépression,et son médecin psychiatre traitant, le Dr Jonathan Banks (J Law), lui prescrit un nouveau médicament, l'Ablixa. Mais ce dernier semble avoir des effets secondaires imprévus, et elle tue son époux lors d'un épisode de somnambulisme. Emily doit négocier un accord avec le procureur pour être internée, mais le Dr Banks accepte d'autant moins ce verdict que son cabinet s'est effondré suite à cette affaire, et il décide de mener sa propre enquête...
Artiste longtemps réputé pour sa relative rareté, Soderbergh a eu tendance à enchaîner les productions, au point de perdre parfois quelque peu sa patte. Avec ce qu'il avait annoncé de façon présomptueuse comme étant peut-être sa dernière réalisation sur grand écran, il parvient néanmoins à livrer un film prenant et plutôt original, mais non sans défaut. Le film a une certaine richesse thématique, entrecroisant plusieurs sujets sans trop s'emmêler. On retrouve les critiques de l'industrie pharmaceutique coutumières de son œuvre, agrémentées de piques contre les dérives des psychiatres. Elles servent là d'accompagnement à un suspense qui se veut hitchcockien, avec machinations complexes à la clé. Effectivement, le crime est original et bien huilé. Certainement, Soderbergh réussit à trouver un ton proche du Maître du suspense. Seulement, si le récit passe bien si on n'y regarde pas de trop près, il ne manque pas d'invraisemblances.
Ce n'est pas pas sur le fait qu'on puisse tuer en étant somnambule ; dans un tel état il est bien connu que l'on peut faire plein de choses, y compris être violent, jusqu'au meurtre (ce d'autant qu'arrivent beaucoup de nouveaux médicaments aux effets difficilement prévisibles, générant des états très particuliers et difficiles à comprendre). Exactement comme dans les romans et les films, quoi (même si contrairement à la croyance populaire, ce sujet n'a été que rarement exploité au cinéma). Je suis cependant surpris de voir l'avocate d'Emily Taylor faire référence à ce qui est manifestement le cas de Scott Falater de Phoenix en 1997, qui n'avait pas été acquitté car considéré par la cour comme un simulateur (même si je considère moi-même cette décision comme très douteuse à bien des égards, car beaucoup de choses indiquaient sérieusement qu'il était vraiment somnambule, les objections avancées étant faibles, au vu de précédents les contredisant, il reste qu'il est incongru qu'une juriste évoque cette affaire dans le cadre de la jurisprudence, dans la mesure où celle-ci dessert cette dernière). Il ne manque cependant pas d'exemples probants (au milieu de quelques fraudeurs qui avaient tenté cette défense plus difficile qu'ils ne croyaient, et qui si victorieuse mène généralement à l'asile psychiatrique) :
http://www.liberation.fr/cahier-special ... sin_489025
http://en.wikipedia.org/wiki/Homicidal_sleepwalking
http://listverse.com/2013/06/07/10-terr ... epwalking/
http://health.usnews.com/health-news/fa ... ng-defense
Il est donc entièrement plausible que la paire de complices ait pu faire croire à un tel scénario, et il faut reconnaître que le crime est vraiment très bien monté, d'une façon très crédible. Mais il y a des incongruités. Notamment, il est anormal que le médecin qui ait soigné la suspecte soit ensuite choisi comme expert, puis comme médecin traitant pour l'internement de la meurtrière déclarée irresponsable pénalement. La fin est également surréaliste, car une fois qu'il a été établi que la meurtrière avait simulé sa maladie mentale, il est certain que c'était même une des conditions ayant mené à son marché avec le parquet ; car l'arrestation de sa complice n'a pu être menée à bien que dans le cadre d'un tel arrangement. La scène où on voit à la fin le procureur avec l'avocate et la mère de la victime n'a ainsi pas grand sens, car elle laisse croire que c'est à ce moment qu'il découvre la machination, en contradiction avec ce qui précède. Mais même si l'internement est un coup monté entre le procureur et le Dr Banks afin de l'empêcher de s'en tirer à bon compte, ce n'est pas intelligent. Un bon avocat n'aurait pas de mal à le faire sauter, et il y avait d'autres moyens bien plus simples de la poursuivre, du parjure (très sévèrement sanctionné aux USA, presque autant que le meurtre) à la complicité de fraude boursière, pour laquelle elle n'avait pas été jugée. Mais l'image d'Emily coincée dans un hôpital psychiatrique paraissait sans doute comme une meilleure fin.
Il faut donc accepter d'ignorer les invraisemblances pour bien goûter le récit, et il on doit reconnaître que Soderbergh parvient assez bien à surfer sur elles. Sa réalisation maîtrisée est bien aidé par de bonnes performances, notamment celle de Jude Law dans un rôle comme il les aime et de Rooney Mara, dans un lui aussi bien adapté à son caractère.
13/20