Films historiques, biopics, romanesques, musicaux et comédies sentimentales

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Zarbon Hayase
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Films historiques :

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Biopics :

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Comédie romantique :

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Film musicaux :

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Amchi
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Si je connais André Téchiné depuis longtemps en fait je n'ai vu aucun de ses films donc Souvenirs d'en France est mon tout premier de ce cinéaste et ce n'est pas une découverte extra.
Souvenirs d'en France relate en 1h30 presque 30/40 ans d'histoire d'une famille ayant une entreprise dans le Sud-Ouest de la France, de la fin des années 30 aux années 70 (il me semble si je me fie aux vêtements des gens à moins que ce soit la fin des années 60) en passant par quelques brefs flashbacks car le fondateur de l'industrie familiale vient d'Espagne.
Le casting est plutôt impressionnant mais tout cela manque d'intensité, d'émotions et de sens dramatique.
Ca se suit sans aucun enthousiasme, je suis rapidement resté indifférent à ce qui défilait sur mon écran. 4/10
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Kit
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Amchi a écrit :
jeu. 15 oct. 2020 20:58
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Si je connais André Téchiné depuis longtemps en fait je n'ai vu aucun de ses films donc Souvenirs d'en France est mon tout premier de ce cinéaste et ce n'est pas une découverte extra.
Souvenirs d'en France relate en 1h30 presque 30/40 ans d'histoire d'une famille ayant une entreprise dans le Sud-Ouest de la France, de la fin des années 30 aux années 70 (il me semble si je me fie aux vêtements des gens à moins que ce soit la fin des années 60) en passant par quelques brefs flashbacks car le fondateur de l'industrie familiale vient d'Espagne.
Le casting est plutôt impressionnant mais tout cela manque d'intensité, d'émotions et de sens dramatique.
Ca se suit sans aucun enthousiasme, je suis rapidement resté indifférent à ce qui défilait sur mon écran. 4/10
ben tu as vu un film de lui de plus que moi et je le connais depuis longtemps aussi :D
Vosg'patt de cœur
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Zarbon Hayase
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Je suis pas sur apres tu commencez par le meilleur Téchiné, je suis loin d'être un grand connaisseur de ce réalisateur j'ai juste vu Barocco, Les Sœurs Brontë, Hôtel des Amériques et La Fille du RER.
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Amchi
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[/quote]
ben tu as vu un film de lui de plus que moi et je le connais depuis longtemps aussi :D
[/quote]

T'inquiétes ça t'arrivera aussi un jour :p
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Amchi
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Zarbon Hayase a écrit :
ven. 16 oct. 2020 10:39
Je suis pas sur apres tu commencez par le meilleur Téchiné, je suis loin d'être un grand connaisseur de ce réalisateur j'ai juste vu Barocco, Les Sœurs Brontë, Hôtel des Amériques et La Fille du RER.
J'aimerais bien voir Les Sœurs Brontë.
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Zarbon Hayase
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Je doit avouer que c'est pas non plus des film que je trouve pas extra non en gros j'aime bien sans plus.
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Amchi
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poucenlair

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Ca fait longtemps que Le Conformiste était dans mon escarcelle, j'avais très envie de le voir mais en même temps je repoussais ma vision du film de peur d'avoir une déception heureusement il n'en est rien.

Ce film frôle le chef-d'œuvre (d'aucun le considère comme tel) toutefois à cause de quelques lenteurs et d'une deuxième partie moins passionnante à suivre, je ne vois pas ce film au niveau d'un tel statut.
Il n'en reste pas moins que ce soit un sublime film, la première heure est très belle presque envoutante avec ces lieux et décors évoquant une Italie fasciste quelque peu décadente voire baroque, Trintignant (dont c'est le rôle préféré de sa carrière) se mouve presque comme un fantôme cherchant sa voie (et à propos de voix j'ai vu ce film en V.O. donc en italien, et son personnage ne possède pas son timbre particulier) dans une intrigue parfois alambiquée, il est accompagné d'un casting de choix dont les charmantes Stefania Sandrelli et Dominique Sanda (l'une chaude et lumineuse, l'autre froide et mystérieuse.)

C'est un film à la fois poétique et à la fois violent, joliment mis en scène avec cette photographie voilée et brumeuse que peuvent avoir certains films des années 70, une jolie musique de Georges Delerue souligne l'ambiance élégante du Conformiste.
Un film dont on ne saisit pas tout du premier instant mais que je reverrai avec plaisir un jour. 8/10
aureliagreen
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The Secret Man - Mark Felt, film historique de Peter LANDESMAN (Mark Felt: The Man Who Brought Down the White House, 2017), sur un scénario du réalisateur, d'après l'ouvrage de Mark FELT et Jon D. O'CONNOR, avec Liam NEESON, Diane LANE, Marton CSOKAS, Tony GOLDWYN, Ike BARINHOLTZ, Josh LUCAS...

Ce film (au titre "français" particulièrement idiot) tente de raconter le rôle secret tenu lors du scandale du Watergate par le responsable du FBI Mark Felt, qui fût le fameux informateur "Deep Throat" (Gorge Profonde) des journalistes qui firent tomber Richard Nixon.

Landesman et Neeson dressent le portrait aride d'un homme aride, qui se voyait comme le garant de l'indépendance et de l'intégrité du FBI, se targant de la protéger des pressions de la Maison Blanche pour étouffer l'enquête. Un personnage droit dans ses bottes et prompt à se présenter en défenseur de la morale politique. Cependant, loin de verser dans l'hagiographie, Landesman n'hésite pas à montrer les contradictions et les côtés détestables de l'homme. Derrière ses protestations d'intégrité policière, il n'en restait pas moins un grand ancien de l'époque de Hoover, célèbre pour ses abus de pouvoir et manipulations en tout genre, et ses violations des droits des citoyens ; à ce titre, il n'hésita pas à lui apporter son concours, et à couvrir ainsi ses chantages et forfaitures ; et au moment même de l'affaire du Watergate, il allait encore se permettre de recourir à des méthodes d'enquêtes illégales – les mauvaises habitudes acquises durant ces longues années de magouilles étant manifestement très dures à perdre. Ce qui lui vaudra plus tard une condamnation (commuée par Ronald Reagan), cela étant montré sans ambiguïté par le film.

Ce long-métrage se veut comme le pendant des Hommes du Président, en en racontant l'envers du décor, et en évitant aussi tout angélisme (que l'on avait reproché à ce dernier, par son portrait un peu trop parfait des journalistes d'investigation). Au point de ne quasiment rien montrer de l'action des journalistes Woodward et Bernstein. Peut-être aurait-il du s'étendre plus longuement sur les autres facettes de l'enquête, car ce portrait très didactique, s'il recrée très bien l'ambiance de l'époque, et sans doute le caractère de Felt et les dessous du FBI d'alors, manque un peu de souffle. Sans doute victime de la trop grande fidélité à son personnage titre, homme de très peu de fantaisie. Il doit reposer surtout sur la performance de Liam Neeson et des autres acteurs, tous impeccablement sérieux, comme il se doit (malheureusement, de nombreuses scènes de Diane Lane ont été coupées, alors qu'elle y était décrite comme excellente ; elles pourraient être présentes dans une version vidéo).

Un film un peu sec, grave comme son sujet, mais qui vaut le coup d'être découvert pour sa présentation fidèle de ce moment d'Histoire important dans sa facette la moins connue.
13/20
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Amchi
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L'arrivée d'un nouveau Verhoeven en salles c'est un peu comme le retour du Messie sur Terre, il fait depuis longtemps partie de mes cinéastes préférés et Benedetta est plus réussi que son précédent film français. Déjà c'est agréable de voir une production hexagonale historique, notre passé est riche et malheureusement peu exploité au cinéma...oui je suis au courant que l'histoire de Benedetta se déroule en Italie.
C'est dommage que ce film n'échappe pas à un côté un peu kitch par moment, les apparitions du Christ ne sont pas d'une grande réussite, on sent par moment qu'un budget plus important aurait été nécessaire mais ne boudons pas notre plaisir, cette histoire est suffisamment riche pour se laisser emporter par ce film, que l'on peut qualifier de beau.
La scène ouvrant le film manque peut-être de force, elle n'a pas autant d'impact voulu mais elle sert bien le ton film et installe un climat sec qui nous heurte, dès que l'on voit la statuette de Marie de la jeune Benedetta on devine de quelle manière elle servira dans le futur.
Je ne peux pas dire que je sois totalement fasciné par ce film, s'il est clair que le vieux Paulo a encore de quoi nous faire apprécier l'un de ses films, son film a aussi un côté sulfureux qui aurait plus marché dans les années 70 ou 80 qu'à notre époque. Même les scènes de fesses ont du mal à nous choquer, en fait le plus intéressant c'est de se demander si cette nonne était une manipulatrice de première ordre ou une femme vraiment sincère, le final nous laisse dans le doute, ce qui est d'ailleurs très bien.
Les acteurs sont bons, Virginie Efira séduisante trouve surement son meilleur rôle dans une filmographie qui jusqu'à présent qui ne m'avait jamais vraiment attiré.
Le reste de la distribution sert bien le film, que ce soit Charlotte Rampling ou Lambert Wilson dans la peau d'un nonce méprisant mais charismatique.
Paul Verhoeven revient en force sans toutefois atteindre le niveau de certains de ses autres films, il nous offre mêmes des passages scabreux et pétaradants. Un bon film que je suis content d'avoir pu le voir en salles.

7/10
aureliagreen
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Fair Game, film biographique et thriller de Doug LIMAN, sur un scénario de Jez BUTTERWORTH et John-Henry BUTTERWORTH, d'après le livre de Joseph WILSON et Valerie PLAME, avec Naomi WATTS, Sean PENN, Ty BURELL, David ANDREWS, Nicholas SADLER, Tom McCARTHY, Ashley GERASIMOVICH, Quinn BROGY Geoffrey CANTOR, Adam LEFEVRE...

L'histoire du scandale autour de la divulgation de la qualité d'agent de la CIA de Valerie Plame (N. Watts) par des membres du gouvernement de George W. Bush, en représailles de l'écriture par son mari Joe Wilson (S. Penn) d'un article réfutant les affirmations du dit-gouvernement selon lesquelles l'Irak de Saddam Hussein s'était procuré de l'uranium auprès du Niger.

Une reconstitution soignée et engagée des affres à travers lesquels le couple Plame-Wilson est passé, suite à la dénonciation dont l'agente de la CIA avait été victime. Soignée, car fidèle à la vérité historique, ce qui nous change de beaucoup de films pseudo-historiques récents (Valerie Plame elle-même ayant félicité le résultat pour sa véracité), et portée par la belle prestation de Naomi Watts et Sean Penn, dignes de leurs talents, et très attachés à rendre la personnalité et les tourments de leurs modèles. Et si Doug Liman n'a pas l'habitude de ce genre de film aussi "terre-à-terre", il parvient à livrer une réalisation de qualité, aidant à donner un ton très "informationnel" à ce long-métrage. Et une œuvre engagée, bien sûr, comment pouvait-il en être autrement dans un tel contexte... À voir pour avoir une idée de quelles mesures retorses les politiciens sont capables, et les conséquences qu'elles peuvent avoir sur des vies bouleversées, y compris celles de membres des services de l'État et des grands médias.
15/20
aureliagreen
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Detroit, drame historique de Kathryn BIGELOW (2017), avec Anthony MACKY, John BOYEGA, Algee SMITH, Jacob LATIMORE, Jason MITCHELL, Zurin VILLANUEVA, Ephraim SYKES, Will POULTER, Ben O'TOOLE, Kaitlin DEVER, Hanah MURRAY...

S'attaquant à ce qui peut être considéré comme son premier vrai film historique, Kathryn BIGELOW livre une reconstitution solide des émeutes qui ravagèrent Detroit en juillet 1967, dans le but affirmé de peser sur les controverses actuelles autour du racisme et des brutalités policières, en montrant comment les choses ont bien peu changé en 50 ans – tout en n'épargnant personne, en évitant soigneusement tout manichéisme primaire. Après avoir dressé un portrait général de ces émeutes, où tout le monde peut en prendre pour son grade, le scénario se recentre sur un épisode particulier de ces événements, le drame du Algiers Motel, où des policiers blancs séquestrèrent et soumirent à des sévices plusieurs hommes noirs et deux femmes blanches. Ces longues scènes sont filmées de façon très rigoureuse, dans tous les sens du terme, et se révèlent très éprouvantes à regarder, Bigelow mettant un maximum d'intensité dans la reconstitution. Les comédiens sont eux aussi soumis à rude épreuve, leur forte implication permettant à la réalisatrice de donner sa pleine mesure au drame. Beaucoup de critiques ont reproché à Bigelow une réalisation qui serait trop froide, mais en réalité elle permet de se plonger pleinement dans la violence de la situation, et de la ressentir jusqu'au tréfonds de son être.

Elle se révèle sans doute un peu moins à l'aise dans le segment final, à vocation plus de film policier, lorsqu'il est question de l'enquête judiciaire qui suivit les exactions des policiers et du procès qui s'ensuivit ; mais cette impression vient peut-être du fait que la tension retombe forcément, quand on entre dans des situations elles normales. Cela n'empêche pas Detroit d'être une plongée réussie tant dans la fin des années 60 (on appréciera ainsi certaines mises en perspective, tels les débuts de la jurisprudence Miranda alors toute fraîche) que dans les relations toujours âpres entre police et population, notamment minorités, mais pas seulement. Et à la fin, il faudra s'y faire, comme l'histoire vient du monde réel, il n'y aura pas de vraie happy end, et les méchants ne seront pas punis.
15,5/20
aureliagreen
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La Favorite, comédie dramatique historique de Yorgos LANTHIMOS (The Favourite, 2018, Irlande-Roy.-Uni-USA), sur un scénario de Deborah DAVIS et Tony McNAMARA, avec Olivia COLMAN, Rachel WEISZ, Emma STONE, Mark GATTIS, Jennifer WHITE, Nicholas HOULT, James SMITH...

En pleine Guerre de Succession d'Espagne, le destin de la reine Anne (COLMAN), écartelée entre les obligations de sa charge, sa volonté d'en préserver les prérogatives face aux parlementaires, et la nécessité de répondre aux jeux d'influence qui se nouent entre chefs de partis et ses deux favorites, Lady Sarah Marlborough (WEISZ) et Abigail Marsham (STONE).

Le scénario ne se veut pas biographique, mais s'inspire librement de la réalité historique. Cependant, contrairement à nombre de films soit-disant historiques récents, toutes les grandes lignes historiques, les caractères des personnages, leurs fonctions et la nature de leurs relations (moins quelques "innovations" comme le saphisme entre la reine et Lady Sarah – et encore, il y a bien eu de véritables accusations dans ce sens, même si vraisemblablement purement malveillantes, à l'image de celles dirigées contre Marie-Antoinette et la duchesse de Polignac) sont respectées, ainsi que les jeux politiques d'alors entre Whigs et Tories. Lady Sarah Churchill, duchesse de Marlborough, était aussi cassante, obstinée, méprisante, hautaine et dominatrice dans la réalité, sa cousine désargentée Abigail Hill-Masham aussi retorse et manipulatrice. Et le portrait peu flatteur que le film dresse de la reine Anne est proche de celui qui a été accepté généralement, mais il est vrai qu'on discute la question de savoir s'il résulte principalement sinon uniquement de la volonté de Lady Marlborough de se venger de son éviction lorsqu'elle a écrit ses mémoires. Avec un tel lot de caractères excessifs, le style mordant et tendant vers le surréalisme de Yorgos Lanthimos trouve amplement matière à s'exprimer. Pouvant ainsi apporter un ton original, tout en tension entre le côté dramatique des enjeux, et l'aspect surréaliste sinon ridicule des jeux d'intrigues auxquels se livrent les dirigeants sensés maîtriser ces enjeux. Oscillant entre gravité et enjouement. Et soulignant au passage le contraste entre un peuple soumis aux conséquences des manœuvres de ces dirigeants et le côté fermé du petit monde que forment ces derniers.

Et autant le dire, il est fort bien servi par les prestations bluffantes des trois actrices principales, qui méritent pleinement les lots de prix et nominations qui se sont abattues sur elles. Rachel Weisz confirmant après Oz, un monde extraordinaire qu'elle peut incarner avec grands plaisir et efficacité des personnages "mauvais", mais Emma Stone ne lui cède en rien pour ce qui est d'animer une femme retorse et cynique. Quant à la prestation de Olivia Colman en reine Anne mal dans sa peau et écrasée par sa charge de souveraine, elle est proprement inoubliable (et cela avant même qu'elle ne fasse parler d'elle dans le rôle d'une autre reine d'Angleterre). Ces tours de force ne s'expriment pas dans le vide, le film étant soutenu par quelques autres numéros d'acteurs, tel celui de Nicholas Hoult en un ambigu Robert Harley, comte d'Oxford et comte Mortimer (qui historiquement, négociera le traité d'Utrecht mettant fin à la Guerre de Succession d'Espagne). Une réussite à tous les niveaux.
16/20
aureliagreen
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Borg/McEnroe, film historique sportif de Janus METZ (2017, Suède-Danemark-Finlande), sur un scénario de Ronnie STENDAHL, avec Sverrir GUDNASON, Shia LABEOUF, Stellan SKARSGÅRD, Tuva NOVOTNY, Leo BORG, Marcus MOSSBERG...

Une agréable recréation du parcours et de la rivalité de Björn Borg et de John McEnroe, jusqu'à leur fameuse finale de Wimbledon en 1980. Ce film est fidèle à la vérité historique, y compris lorsqu'il retrace certains événements peu connus, telles les graves difficultés de discipline que connut Borg durant son enfance et son adolescence (on notera que Björn Borg enfant – jusqu'à 13 ans – est joué par son propre fils dans la vie réelle, Leo). Les deux acteurs principaux sont bluffants dans leurs efforts pour ressembler à leurs deux modèles de la vie réelle (même si je chipoterai un peu en disant qu'à mes yeux, Shia Labeouf ressemble plus à Patrick McEnroe, le frère cadet de John, lui aussi joueur de tennis professionnel à la même époque, mais au style et à la personnalité bien différentes) ; on s'amusera de revoir les colères légendaires de McEnroe, la placidité et la concentration quasi-animale de Borg, lui conférant une allure de messie, leur opposition de style et de personnalité, leur mise en avant par les médias, forgeant une rivalité au sommet qui culmine en cette finale. Une finale qui apparaît avec le recul comme presque inévitable, bien que je me souvienne qu'à l'époque on se demandait si Jimmy Connors ne se dresserait pas entre eux (même si on s'était vite rendu compte qu'il n'avait pas la forme pour ça).

La sobriété modeste et respectueuse de la mise en scène sied à l'approche quasi-documentaire de ce long-métrage, ce que doit être une recréation historique, mêlant bien images d'archives et reconstitution filmique, sans qu'on voie les raccords, et qui grâce au brio des acteurs et à cette approche respectueuse se regarde avec grand plaisir.
15/20
aureliagreen
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The Imitation game, film historique de Morten TYLDUM (2014), sur un scénario de Graham MOORE d'après le livre de Andrew HODGES, avec Benedict CUMBERBATCH, Keira KNIGHTLEY, Matthew GOODE, Rory KINNEAR, Allen LEECH, Matthew BEARD, Charles DANCE, Mark STRONG...

Ce long-métrage se présente comme basé sur une histoire souvent peu connue du grand public, celle du décryptage par les services secrets britanniques des messages codés par les allemands à l'aide de la machine Enigma, entreprise menée sous l'auspice du génie mathématicien Alan Turing sous le point de vue duquel le film essaie de présenter les choses. La presse l'a souvent annoncé comme étant un film à récompenses, notamment pour l'acteur principal Benedict Cumberbatch, présenté comme le principal rival de Eddie Redmayne pour son interprétation d'un autre génie historique des mathématiques. Cependant, s'il a cumulé les nominations, au final il aura reçu assez peu de prix. Je ne sais pas si c'est du aux libertés prises avec la réalité historique, car cela n'émeut pas forcément les jurys. Mais il est vrai qu'elle sont très nombreuses, et souvent énormes.

Certes, le récit tente d'approcher le génie de Turing par une de ses réalisations les plus accessibles, comparativement à d'autres travaux d'un homme qui a repoussé les limites des mathématiques et qui a mis tout son talent à définir le concept d'ordinateur programmable pour accomplir de multiples tâches. Mais le sujet reste assez ardu, et il est assez difficile d'en faire œuvre de vulgarisation auprès du grand public. La tâche n'avait cependant rien d'impossible pour un scénariste habile (elle a déjà été réussie plein de fois par des documentaires), et simplifier la présentation du travail mené par Turing et son équipe ne saurait justifier de telles libertés, et pas davantage le besoin de dramatisation ou de romantisation, le récit historique étant de toute façon bien assez passionnant comme ça. Certains aspects de l'intrigue sont même si outrés qu'on peut avoir l'impression que le scénariste prend le public pour des demeurés, et ne rend pas hommage aux protagonistes de cette épopée passionnante. La qualité du film en est grandement diminuée.

D'abord, Turing n'étais pas un handicapé social incapable de s'entretenir normalement avec quelqu'un, au contraire il était de caractère plaisant et agréable. Encore une fois, Hollywood tombe dans le cliché bêta du génie sociopathe, à la suite du portrait quelque peu ridicule de John Nash dans Un homme d'exception, long-métrage auquel The imitation game a été souvent comparé.

Turing n'était en aucun cas le seul à défendre l'idée qu'il fallait une machine pour déchiffrer le code Enigma. Au contraire, tout le personnel de la marine et du renseignement jusqu'au sommet était assez intelligent pour le comprendre. Déjà, les polonais avaient développé une machine à décrypter, qui marchait parfaitement, ce que le film se garde bien de rappeler, se contentant d'une très brève allusion à son existence. Cela est d'autant plus choquant qu'elle fournit la base sur laquelle l'équipe de Turing allait mener ses recherches. Certes, la machine à écrire Enigma dont les services secrets polonais s'étaient emparés était un modèle antérieur, à 3 rotors, alors que celle à laquelle l'équipe de Turing devait s'attaquer était une version améliorée à 4 rotors, contre laquelle l'appareil de déchiffrement polonais était impuissant, mais le travail de base était bien là. Et non content de passer à l'as le tour de force des savants polonais, le film préfère faire croire que les supérieurs et collègues de Turing sont des débiles mentaux incapables de comprendre qu'ils n'ont pas 20 millions d'années devant eux. C'est une très drôle d'image des directeurs des services secrets que le scénariste essaie de faire passer, celle d'arriérés avec un siècle de retard et incapables de s'adapter à la réalité changeante du monde (cela serait-il d'ailleurs à dessein ?). Personne dans la hiérarchie ne doutait donc du principe de la recherche de mise au point d'une machine à décrypter, et personne n'a cherché à entraver cette recherche. Le portrait de Alistair Dennison est donc uniquement destiné à donner un caractère dramatique emphatique inutile (signalons qu'aux USA, les services de déchiffrage travaillaient eux aussi sur des machines à décoder, car les Japonais utilisaient un type de machine similaire dans son principe à Enigma).

Et la séquence où lors d'une soirée, l'équipe de Bletchley réalise soudain qu'il pourrait être utile d'utiliser les mots stéréotypés qu'elle a réussi à identifier est toute aussi ridicule. C'est se moquer tant de ces mathématiciens que du public. Cela faisait longtemps, dès le départ en fait, qu'ils avaient compris qu'identifier des phrases répétées était essentiel afin de limiter les possibilités du codage en cours, ça fait partie des bases de ce travail ! (sinon, il est exact que des allemands étaient assez bêtes pour commettre des erreurs aussi grossières que terminer un message par Heil Hitler !, ce qui facilita grandement le travail des décrypteurs).

Bien sûr, la scène où l'on voit l'équipe de Turing décider brusquement de faire comme s'ils n'avaient pas réussi à déchiffrer les messages afin de ne pas éveiller les soupçons des allemands est elle aussi surréaliste. Comme s'ils n'avaient pas été capables d'y réfléchir avant, et surtout comme si les services secrets n'y avaient pas pensé en premier ! Pour un peu, c'est l'équipe des décodeurs qui aurait décidé de la conduite de la guerre ! Il est à noter que les services britanniques avaient déjà eu recours à de telles tactiques, alors qu'ils avaient réussi à comprendre le système de guidage des escadrilles allemandes lors de la bataille d'Angleterre, et avaient laissé se dérouler des bombardements sur des cibles qu'ils avaient pourtant devinées. Dans la réalité, il semble que Turing ait été surpris lorsqu'il a découvert plus tard que les services secrets avaient décidé de suivre une telle conduite.

Et la scène où ils s'en entretiennent avec l'officier du renseignement Menzies ne pêche pas que par là. On ne sait pas combien de fois leurs routes se sont croisées, mais Turing n'allait pas lui rendre compte régulièrement, leurs activités étant compartimentées. Au sujet de ses collaborateurs, une grave erreur est la présence dans son équipe de l'agent double travaillant pour les soviétiques Cairncross, dont il n'est même pas certain qu'ils se soient rencontrés (il semble par contre que le MI6 connaissait effectivement sa double allégeance et l'avait laissé faire, dans les buts exposés par Menzies, pour une fois collant avec la réalité historique – il n'existe cependant pas de preuve écrite de cette utilisation, les déclassifications de documents n'ayant rien révélé de tel, mais la plupart des spécialistes sont d'accord que la situation autour de Cairncross, notamment le fait qu'il ait été laissé en possession de documents avec une insuffisance de précautions, indique que tel était le cas).

Et si on lui invente des collaborateurs, on en omet d'autres, et surtout le plus important de tous, Gordon Welchman, co-directeur de l'équipe que les scénaristes n'ont même pas pris la peine de faire figurer dans ce film. C'était lui qui avait eu l'idée de réaliser des branchements en diagonale, et non pas Hugh Alexander. Et d'autres collaborateurs ont vu leur temps de présence auprès de Turing drastiquement diminué, ainsi Joan Clarke présente beaucoup plus tard que dans la réalité, où elle travaillait à la base avant même de rejoindre l'équipe de Turing, qu'elle connaissait depuis l'université.

De façon générale, même une fois que les "bombes" furent mises au point, décrypter les messages Enigma n'était pas si facile. Cela restait un travail assez long, c'est pourquoi d'ailleurs la recherche d'imprudences restait essentielle, ainsi que les tentatives de capture de machines Enigma à bord de U-boots afin de bénéficier des clés de codage du moment et de permettre le déchiffrage en temps réel. Une des raisons pour lesquelles tout le travail sur Enigma resta classé secret si longtemps après la fin de la guerre était que ce code pouvait toujours être utile pour les Britanniques en raison de son efficacité.

D'autres écarts sont mineurs et relèvent plutôt de la romance, mais sont assez nombreux et gênants, et encore davantage de par leur accumulation avec les précédents, auxquels ils viennent s'ajouter à la liste des erreurs pour dresser un tableau très éloigné de toute réalité historique.
-La première "bombe" ne s'appelait pas Christopher, mais "Victory". Et Turing ne joua sans doute aucun rôle dans le choix de ce nom.
-Que Turing avoue à Cairncross son homosexualité aurait été très peu vraisemblable dans le contexte de l'époque, cela revenait à se mettre en danger pour rien (sans parler du marché qu'il fait avec lui, s'il avait découvert son double jeu, le Turing historique l'aurait sans doute dénoncé plutôt que de mettre ainsi en péril aussi légèrement tout son travail).
-Prétendre qu'un des membres de l'équipe avait un proche à bord d'un des bateaux prêts à être attaqués au moment où ils parviennent enfin à décoder les messages est vraiment une trop grosse ficelle !
-Ce n'est pas Turing qui avait eu l'idée du test du mot croisé (dont l'historicité est certes réelle), ni lui qui le supervisait.Et Joan Clarke n'a donc pas joint l'équipe après l'avoir passé (elle ne l'a jamais fait) ni rencontré Turing à cette occasion, le connaissant depuis longtemps et étant présente dans l'équipe des décodeurs très tôt, comme je l'ai déjà exposé. De plus, la rapidité avec laquelle on la montre être embauché dans ce travail ultra-secret n'est tout simplement pas du tout réaliste.
-Le policier qui enquêta sur lui ne soupçonna jamais qu'il avait été un espion, et n'a donc jamais investigué dans cette direction. Et dans tous les cas, il n'aurait pas été idiot au point de ne pas comprendre que le dossier militaire de quelqu'un impliqué dans des activités classifiées soit censuré, et qu'il ne devait surtout pas chercher à savoir ce qu'il pouvait bien cacher, et Turing n'aurait pas avoué comme ça tout de go ce qu'il avait fait durant la guerre, qui restait hautement classifié (là encore, on se demanderait si le but n'était pas de faire passer les agents du gouvernement, de diverses branches, pour des incompétents). De plus, l'affaire menant à sa condamnation ne se déroula pas à Manchester, mais à Wilmslow dans le Cheshire et en 1952, non en 1951.
-Le traitement de sa condamnation et de sa mort est également très orienté. Turing n'avait pas subi de castration chimique, mais uniquement des injections d'œstrogènes. Et sa condamnation n'avait probablement rien à voir avec son suicide, qui d'ailleurs n'en était probablement pas un. Il n'était pas dépressif avant sa mort, s'était entièrement remis de son traitement et si sa mort avait été hâtivement qualifiée de suicide, les éléments disponibles pointent plutôt en faveur d'un accident. Turing menait chez lui diverses expériences, certaines produisant du cyanure en grande quantité, et par négligence d'entretien, il a probablement laissé celui-ci s'accumuler dans une enceinte située dans une pièce étroite, ce qui a de bonnes chances d'avoir causé sa mort. Là, on a l'impression qu'il a été poussé au suicide parce qu'il était homosexuel, une licence inutile. En fait, on a l'impression d'avoir affaire à un pamphlet de propagande homosexuelle un peu facile, son histoire étant déjà bien assez tragique comme cela pour qu'il soit besoin d'en rajouter. On pourra certes objecter que dans la mesure où il s'agit de la version de l'histoire la plus souvent admise, y compris par les historiens, c'est un choix acceptable, d'autant qu'une incertitude demeure. Mais les scénaristes ont versé dans une certaine imprudence, en voulant mettre trop l'accent sur cet aspect moral.
-Ajoutons à cela de nombreuses erreurs techniques, comme un opérateur allemand montré en train de travailler sur une machine Enigma alors que son sous-marin est en plongée, Blechtley Park était beaucoup plus grand dans la réalité, des bombardiers allemands sont montrés bombarder Londres en 1939, il n'y avait pas de gaine isolante en PVC durant la Deuxième Guerre Mondiale ni de fluide correcteur en 1951 etc...

Pour une liste qui récapitule les erreurs qu'il contient, incluant celles déjà citées, et quelques autres (oui, il y en a encore !) :
http://www.imdb.com/title/tt2084970/goo ... =tt_trv_gf

En bref, même s'il bénéficie de bonnes qualités techniques (notamment le casting), ce long-métrage "historique" ne peut pas être considéré comme satisfaisant. Car plutôt que d'instruire le public, il préfère jouer sur les caricatures et effets faciles chers à Hollywood, à l'instar de son prédécesseur Un homme d'exception, qui prenait déjà bien des libertés avec la vérité historique, mais restait encore sensiblement en-deçà de The imitation game sur ce plan. On voit là une tendance très inquiétante chez Hollywood au sujet de ses films "historiques", et son évolution sur quatorze ans. Qui loin de chercher à éduquer le public en quoi que ce soit, participe désormais sans vergogne à son abêtissement, que ce soit par desseins ou par bêtise. Va dans ce sens que, toujours à l'image de son prédécesseur, il ait été bien considéré par les différentes académies de prix, remportant notamment l'oscar du meilleur scénario adapté ! Un comble, et un bien mauvais signe !

8/20, car la réalisation et l'interprétation ont beau être bonnes, au bout d'un moment, tant de légèreté au niveau historique, c'est trop, beaucoup trop.
Modifié en dernier par aureliagreen le mar. 31 mai 2022 13:26, modifié 1 fois.
aureliagreen
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Les heures sombres, film historique de Joe WRIGHT (Darkest Hour, 2017), sur un scénario d'Anthony McCARTEN, avec Gary OLDMAN, Lily JAMES, Kristin SCOTT THOMAS, Ben MENDELSOHN, Ronald PICKUP, Stephen DILLANE, Nicholas JONES, Samuel WEST, David SCHOFIELD...

En mai 1940, alors que la France est en train de capituler devant l'avancée de l'armée allemande, le Premier Ministre britannique, Nevilel CHAMBERLAIN (Pickup) est contraint à la démission. Pressenti pour lui succéder, Sir Winston CHURCHILL (Oldman) est déjà mis sous pression tant par les partisans de négociations de paix avec le chancelier allemand Adolf HITLER que par ceux de la résistance au régime nazi en train de déferler sur l'Europe. Mais CHURCHILL se prépare à se tenir debout dans ces heures sombres, afin de rallier tout un peuple à des décisions douloureuses.

Autant dire qu'on avait là le film à Oscars par excellence ! Avec la performance de Gary Oldman en tête bien sûr, dont la lauréatisation dans les cérémonies de prix était déjà tracée d'avance, tant on connaît leur préférence pour les interprétations de personnages historiques prestigieux. Bien sûr, ça n'a pas manqué, il a, de façon quasi-obligatoire, amassé Golden Globe, BAFTA, Oscar et une foule d'autres, prix comme nominations. Bon, c'est vrai, c'était mérité, son travail d'incarnation de cette figure historique étant remarquable, parvenant à nous faire croire à la présence de Churchill à l'écran, les maquilleurs réussissant en plus à lui donner une vraie ressemblance avec son modèle, en dépit d'une forme de visage éloignée. Et les autres acteurs sont eux aussi très impliqués, qu'il s'agisse de Ben Mendhelson en roi George VI, Ronald Pickup en Neville Chamberlain, Stephen Dillane en vicomte Halifax, Lily James en secrétaire personnelle du Lion, et de plus, la reconstitution est minutieuse, la réalisation s'attache à très bien recréer l'ambiance de l'époque... Différentes facettes de Churchill, incluant certains de ses aspects les moins reluisants, sont bien mises en évidence, son caractère butté et velléitaire, ses manies, ses prises de distance avec la réalité qui ont causé parfois des désastres, cela nous aidant à ressentir combien il était peu évident que les choses tournent comme elles ont tourné.

Mais tout ça a ce côté un peu obligé, ainsi d'introduire le film par le point de vue féminin de la secrétaire, un truc qui commence à tourner un peu au cliché. Sans oublier que quelques facilités sont prises, telle la scène du métro, car s'il est bien connu que Churchill aimait à disparaître et prendre des bains de foule pour s'enquérir de l'opinion des gens, il n'y a aucune indication qu'il l'ait fait dans le métro à ce moment-là. Cela dénote sans doute une tentative de finalement rendre plus sympathique le personnage jusqu'ici malmené, d'autant qu'on ne sait toujours pas bien comment les choses se sont réellement passées au sein du cabinet de guerre - mon opinion est que si Churchill a hésité, ce serait plutôt parce qu'il n'avait aucune certitude d'avoir encore les moyens militaires de continuer la guerre. C'est pourquoi je regrette moi aussi que le film ne se soit pas prolongé, en détaillant notamment le sauvetage de Dunkerque, aucune mention n'étant faite du "miracle" que Churchill mentionnait plus tôt et qui s'est finalement produit, une belle occasion gâchée de joindre les deux bouts. Ainsi que la trahison de l'Italie, et le début de la bataille d'Angleterre, bouclant ainsi l'histoire.

Alors, un bon film historique, qui ne prend pas trop de libertés (pas de grosses en tous cas), bien comme il faut, le type même qui allait glaner son lot de récompenses, et avec les limites qui vont avec, le film satisfaire la soif de bonne conscience du public occidental à bon compte, comme Le discours d'un roi sur un sujet si voisin il y a huit ans.
13,5/20
aureliagreen
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1917, film de guerre de Sam MENDEZ (USA/Royaume-Uni/IndeIEspagne, 2019), sur un scénario de Krysty WILSON-CAIRNS et Sam MENDEZ, avec Dean-Charles CHAPMAN, George MACKAY, Daniel Mays, Colin FIRTH, Pip CARTER, Andy APOLLO, Paul TINTO, Josef DAVIES, Billy POSTLEWAITHE, Gabriel AKUWUDIKE, Andrew SCOTT, Spike LEIGHTON, Robert MAASER, Gerran HOWELL, Adam HUGILL, Mark STRONG...

1917 est un film puissant, vraiment bien réalisé et prend souvent aux tripes, entre ses spectacles de combats traités sur un ton réellement effrayant, ses paysages ravagés, une atmosphère de dévastation digne de fin du monde, une cruauté qui baigne tout et des gradés prêts à sacrifier leurs soldats pour la gloriole. Bien évidemment, le but de Mendes était de montrer les extrémités de la guerre et ses effets sur les hommes. D'où ce choix de livrer une peinture cauchemardesque, dantesque même du conflit, une image de l'enfer sur Terre (le contexte historique est d'ailleurs précis et exact, juste avant la grande offensive désastreuse de Nivelle). Tout cela est bien exécuté de sa part, le film rentre dans le spectateur, le portrait des soldats confrontés à ces horreurs est glaçant autant qu'émouvant. Les deux acteurs principaux s'en sortent particulièrement bien.

Mais il y a un certain nombre de bizarreries de scénario, donnant l'impression que Mendes n'hésite pas à recourir à quelques artifices afin de forcer le trait, ce qui n'était pas du tout nécessaire. Au départ, l'histoire de deux soldats qui vivent des péripéties mouvementées afin d'aller sauver un régiment a sans doute été imaginée sur le modèle à succès de Il faut sauver le soldat Ryan. Cependant, aussi grand soit le souvenir que ce dernier film nous a laissé, il reste qu'il mettait en scène un sauvetage au motif plutôt futile. Là, on a affaire à des enjeux autrement plus graves, qui nécessiteraient beaucoup plus que deux caporaux pour les traiter de manière appropriée. Selon toute vraisemblance, le commandement ferait appel à une équipe beaucoup plus forte, au minimum une section. Ou alors, il aurait pu recourir à un parachutage des ordres par avion, comme il semble que cela se faisait. Seulement, dans ces conditions, bien sûr il n'y aurait pas eu de film...

Ensuite, il reste à voir si deux soldats britanniques iraient comme ça sauver un pilote allemand qui vient de combattre leurs aviateurs, mais il est vrai qu'il n'en a abattu aucun. Le comportement du pilote en question est par contre peu vraisemblable, surtout qu'en agissant ainsi il se condamne à mort, étant gravement blessé ; dans la réalité il se serait sans doute tout simplement constitué prisonnier. On peut toujours avancer qu'il a été atteint d'un coup de folie, venant juste d'échapper à la mort, mais le vrai but de la scène est d'illustrer la brutalisation à laquelle mène la guerre.

Parmi les péripéties suivantes, il est peu important de savoir si les soldats allemands que rencontre Schofield sont un groupe perdu ou une avant-garde destinée à protéger un poste avancé ou à mener des embuscades. Ce qui est sûr, par contre, c'est que le tireur qui accueille Schofield quand il traverse la rivière est un très mauvais tireur ! Puis, la traversée du village par Schofield est peu réaliste. Surtout, la scène où il rencontre la jeune française dans la cave est un peu gratuite. On peut toujours imaginer comment elle a pu se débrouiller pour maintenir en vie le bébé, mais certainement, cette séquence relève d'un passage plus ou moins obligé de nos jours dans tout film de guerre, où un soldat se doit de rencontrer des civils victimes de l'horreur de la guerre. Mais bon, vu que cette horreur est (très bien) illustrée à foison dans de nombreuses autres scènes, on pouvait s'en passer. Quant aux épreuves finales bien nombreuses traversées par Schofield pour arriver à bon port (j'aimerais au passage savoir où, entre les Flandres et l'Artois, on peut trouver un torrent aussi tempétueux), elles illustrent bien le caractère incertain du point de départ du récit.

Au final, un film brutal, d'un traitement sobre autant que percutant, et parvient à être très touchant. Mais en raison de ces facilités scénaristiques, il est pour moi au-dessous d'un Dunkerque.
14/20
Modifié en dernier par aureliagreen le ven. 17 nov. 2023 11:41, modifié 1 fois.
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robinne
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weird

@aureliagreen
Sam Mendez ? C’est le cousin espagnol de Sam Mendes ? ;)
aureliagreen
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robinne a écrit :
sam. 20 août 2022 08:57
@aureliagreen
Sam Mendez ? C’est le cousin espagnol de Sam Mendes ? ;)
Il s'agit là bien entendu d'une simple coquille ! Signalons cependant que la graphie en s se rencontre aussi en Espagne. Tout comme le nom Moran, par exemple, peut se trouver aussi bien en Irlande et Grande-Bretagne qu'en Espagne.
aureliagreen
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Le jour de mon retour, drame historique de James MARSH (The mercy, Grande-Bretagne, 2017), sur un scénario de Scott Z. BURNS, avec Rachel WEISZ, Colin FIRTH, David THEWLIS, Kerry GODLIMAN, Jonathan BAILEY, Mark GATISS, Simon McBURNEY, Anna MADELY, Andrew BUCHAN...

Ce drame relate l'histoire, vraie mais difficile à croire, de Donald Crowhurst, qui en 1968 se lança dans la course nautique autour du monde du Sunday Times. Bien qu'amateur, il envisageait de devenir le premier homme à réaliser seul un tour complet du monde sans s'arrêter. Il parvint à convaincre assez de monde pour obtenir des sponsors, mais la tâche s'avéra trop dure pour son inexpérience, et après avoir tenté de tricher en envoyant de fausses positions, tout en demeurant dans l'Atlantique Sud, et en attendant que le premier concurrent lui "repasse" devant, afin de se contenter d'une deuxième place qui devait lui permettre d'éviter les vérifications gênantes réservées au vainqueur, tout finit très mal pour lui, son plan déjà foireux tombant à l'eau lorsque le leader fut contraint df'abandonner, le laissant dans cette position inconfortable de premier qu'il s'était efforcée d'éviter. Et il succomba avant d'arriver, après avoir lentement sombré dans la folie, si on en croit son journal de bord.

Sur ce drame historique, James Marsh livre un film très sobre dans sa présentation brute des faits, sans grand génie, voire un peu terne, mais qui trouve plutôt le ton juste. Car avec l'aide de la prestation de Colin Firth, il parvient à faire ressentir combien était improbable cette histoire depuis le tout départ. On est en effet placé devant cet homme d'affaires, manifestement non bâti pour l'exploit qu'il evisageait de réaliser, et qui ne se donna pas davantage les moyens appropriés pour parvenir à cette fin, mais qui parvint malgré tout à convaincre assez de monde pour financer son expédition grâce à son bagoût, en dépit de son caractère assez terne. On se retrouve aussi consterné devant la déchéance qu'il connaît lors de la course, surtout qu'on sentait qu'elle était difficilement évitable ; hélas, la réalisation reste là un peu trop sage pour nous faire sentir pleinement l'ampleur de cette descente aux enfers, faisant juste une référence aux délires cosmiques rapportés par le journal de bord.

Ce film dresse donc un portrait assez juste de cette histoire, du personnage principal et des espoirs et angoisses que par égoïsme et prétention il a infligés à son entourage (très bonne performance de Rachel Weisz en épouse morte d'inquiétude, victime sans s'en rendre compte de l'ambition démesurée d'un mari qui au fond la méprisait, elle comme tout le monde) et au public, et pourra permettre au néophyte d'en avoir une image proche de la réalité historique. Mais au-delà de cet aspect purement documentaire, soutenu par les prestations de ses interprètes, il manque de génie et d'ampleur, restant beaucoup trop classique dans sa forme pour vraiment passionner, là où un traitement beaucoup plus puissant et angoissant était possible.
12/20
Modifié en dernier par aureliagreen le lun. 30 oct. 2023 18:12, modifié 1 fois.
aureliagreen
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La mort de Staline (The death of Stalin) comédie dramatique historique écrit et réalisé par Armando IANNUCCI (Grande-Bretagne/France/Belgique/Canada/USA, 2017), d'après la bande-dessinée de Fabien NURY et Thierry ROBIN, avec Simon RUSSELL BEAN, Jeffrey TAMBOR, Steve BUSCEMI, Michael PALIN, Adrian McLOUGHLIN, Olga KURYLENKO etc...

Une version dramatisée des suites que la mort du dictateur soviétique en 1953 induisit au sein des cercles du pouvoir pétrifiés par la nouvelle.

Hilarant détournement sur la fin du règne de Staline, dont les multiples intrigues de palais combinées aux situations ubuesques propres à tout totalitarisme constituent le cadre idéal pour déverser des torrents d'humour noir et caustique. On a plein d'occasions de s'amuser, entre le concours de flagornerie entre les hauts dignitaires, la panique qui s'empare de ces derniers lorsqu'ils découvrent l'indisponibilité du Grand Manitou, les deux sentinelles à la porte de l'appartement du despote qui n'osent pas bouger lorsqu'ils entendent le bruit produit par la chute de ce dernier, l'évacuation des sosies..., sans oublier quelques éléments qui peuvent paraître relever de l'invention, mais sont bel et bien basés sur des comportements historiques, ainsi les réflexions de Molotov sur le devenir de sa femme (oui, il était vraiment aussi fanatique), et n'en ressortent ainsi que plus sinistres. Tant Iannucci que les acteurs, en premier lieu Russell Bean en Béria et Buscemi en Krouchtchev, se laissent aller à cette danse enivrante et inspirée sur les turpitudes d'une fin de régime. Si le respect à la ligne de la réalité historique ne peut bien sûr pas être le principal souci d'une telle pochade, elle s'en sort plutôt mieux que certains soit-disant films "historiques" récents (on notera que le NKVD avait alors été rebaptisé MVD, que Malenkov a été alors nommé Premier Directeur de l'URSS, mais n'a pas siégé à la tête du Politburo - les deux titres étant distincts -, et que le procès de Béria, s'il ne fut guère plus équitable que dans le film, prit plusieurs mois). Pour ne rien gâcher, même si ça ne nous touche guère nous francophones, on notera que dans la version originale, Iannucci avait choisi de ne pas recourir à l'habitude quelque peu grotesque de demander à ses acteurs de parler avec un accent russe, ce qui rend le film plus crédible dans cette version (et de toute façon, les dirigeants soviétiques d'alors, venant de diverses régions, parlaient chacun avec leur propre accent, les acteurs du film ayant eux-mêmes conserve le leur pour coller plus près à cette vérité).

Dans sa façon de traiter aussi légèrement que possible du sujet grave d'une fin de règne, cette comédie se veut un peu être l'anti-La Chute, mais est très similaire dans ses leçons.
Une des bonnes surprises de l'année 2017.
16/20
aureliagreen
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Truth : Le prix de la vérité, film historique et journalistique écrit et réalisé par James VANDERBILT (Truth, USA/Australie, 2015), d'après le livre de Mary MAPES, avec Cate BLANCHETT, Robert REDFORD, Dennis QUAID, Elizabeth MOSS, Topher GRACE, Bruce GREENWOOD, Stacy KEACH, James Benjamin HICKEY, Dermot MULRONEY, David LYONS...

Ce drame retrace l'histoire vraie de l'enquête menée en 2004 par des journalistes de CBS au sujet du service militaire effectué par l'alors président des USA George W. Bush, soupçonné d'avoir reçu un piston durant la Guerre du Vietnam afin de ne pas y être affecté. Une enquête marquée non seulement par la polémique, inévitable s'agissant des états de service litigieux d'un président en exercice, mais par les accusations à l'encontre des journalistes impliqués d'avoir repris un faux document.

Le film de James Vanderbilt n'est pas tout-à-fait à la hauteur de son sujet, à savoir l'affaire qui a eu la peau de ce monument qu'était Dan Rather, mais au moins il retranscrit bien tous les aspects de la polémique au sujet de l'authenticité des documents qu'avaient rendus publics CBS. Il est frappant de voir comment les commentateurs les plus pointilleux et les spécialistes les plus pointus peuvent s'écharper sur des détails comme la présence d'un "th" en ordonné après un chiffre dans un texte de cette époque, et que les experts en analyse de format de texte ne peuvent pas s'accorder sur l'authenticité ou non des papiers que Mary Mapes et Dan Rather avaient présentés au public, malgré l'usage des outils informatiques les plus avancés. Cela simplement parce qu'ils ne bénéficiaient pas des textes d'origine, mais uniquement de copies, avec des possibilités de déformation. Les conditions dans lesquelles leur source (bien identifiée) les leur avait fournis était de nature à mettre la puce à l'oreille, car il était vraiment bizarre de détruire ainsi les originaux supposés. Certes, les protestations de Mary Mapes à la fin apparaissent fondées, reposant sur des constatations de pur bon sens. Toutes les données contenues dans les papiers étaient authentiques, c'est d'ailleurs demeuré l'axe de défense de Dan Rather, pour qui peu importait que les dossiers soient vrais ou non, ce qui importait était que leur contenu lui l'était, vrai.

Cela laisse cependant la possibilité bien réelle que les journalistes aient été la cible d'une manipulation, destinée à détourner l'attention des révélations sur le service militaire de George W. Bush vers une polémique inutile et stérile au sujet de l'authenticité des documents, faux mais alors réalisés avec tellement de soin, tant au niveau des informations que des formats de texte de leur époque d'origine présumée, que leur fausseté en était quasi-impossible à établir (j'admets d'ailleurs que c'est la solution vers laquelle je penche). Karl Rove, l'ancien conseiller et grand expert ès coups fourrés devant l'éternel de G. W. Bush, avait répondu à l'accusation que son camp était à l'origine des dossiers en disant qu'ils n'avaient aucun intérêt à attirer l'attention sur le passé militaire de leur chef. Mais il se trouvait que les manquements de Bush lors de son service, y compris le fait qu'il avait virtuellement quitté son unité avant son terme, étaient déjà sortis plusieurs mois auparavant, et que la polémique était sur le point de gonfler, pouvant endommager sérieusement la campagne présidentielle de Bush. Son équipe avait et les moyens et les mobiles de fabriquer de tels faux aussi minutieux. Et le fait est que la presse s'est retrouvée à s'écharper stupidement et futilement sur une question secondaire, au lieu de s'intéresser au fond du problème, à savoir les complaisances dont George W. Bush avait bénéficié durant son service militaire.

Le film paraît prendre parti pour les journalistes incriminés, avec peut-être un certain manque d'objectivité. Même si les justifications insistantes de Mapes peuvent être interprétées comme étant à double-fond, une reconnaissance de ce qu'elle a très bien pu être trompée, mais le fond des documents devant pour elle être considéré comme demeurant dans tous les cas le plus important (réjoignant là l'opinion de Rather a exprimée). Il reste que la réalisation de Vanderbilt à du mal à trouver le bon ton, le film reste un peu terne, malgré les efforts de Cate Blanchett pour apporter de la passion et le portrait convaincant de Robert Redford en Dan Rather. Il en reste le portrait technique et académique d'une controverse sur le sujet grave de l'intégrité journalistique face aux coups tordus et aux pressions d'un pouvoir impérial.
11/20
aureliagreen
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Le majordome, drame historique de Lee DANIELS (The Butler, USA, 2013), sur un scénario de Danny STRONG et Will HAYGOOD, avec Forest WHITTAKER, Oprah WINFREY, David BANNER, Aml AMEEN, David OYELOWO, Adriane LENOX, Colman DOMINGO, John CUSACK, Jane FONDA, Robin WILLIAMS, James MARSDEN, Liev SCHREIBER...

Cecil Gaines, un noir né dans le sud raciste des USA au début du XXème siècle, accède au poste de majordome à la Maison-Blanche. Il y restera sous le service de 8 présidents, assistant aux combats pour la déségrégation raciale et aux vastes transformations sociales qui affectent son pays durant toute la deuxième moitié du siècle, transformations qui rejaillissent sur sa famille et ses relations avec ses enfants.

Un film anti-raciste qui se veut très polémique, sorti à peu près en même temps que 12 years a slave dont le sujet était apparenté, tous les deux étant réalisés par des afro-américains. À l'importante différence près que son récit était beaucoup plus très proche dans le temps de notre époque. En une période où l'esclavage avait été aboli aux USA, mais où les descendants des esclaves affranchis subissaient encore des formes d'oppression proches de celles qui prévalaient dans le sud ante bellum. Et la vision de certaines de ces formes de domination dans ce film met forcément mal à l'aise, et plus mal à l'aise encore que nombre de scènes de 12 years a slave. Ce long-métrage commence justement par une scène qui si elle se déroule en 1926, 41 ans après la fin de la Guerre de Sécession, ressemble fort au temps de l'esclavage (et un spectateur récent du film de Steve McQueen, comme l'étaient beaucoup à l'époque, dont moi, ne pourra que ressentir une sérieuse impression de déjà-vu, inconfortable vu que la scène se dérouler à une époque où la question des suites de l'esclavage aurait du être réglée depuis longtemps). Cependant, si cette scène a été critiquée par certains, au motif justement "qu'on n'était plus à l'époque de l'esclavage", elle est, ne leur en déplaise, parfaitement crédible. Les travailleurs des plantations n'étaient en effet guère plus que des esclaves, et un blanc pouvait maltraiter voire tuer un noir et n'en subir aucune conséquence. De toute façon, les témoins noirs ne pouvaient aller porter plainte que devant un shériff qui à ses heures perdues avait de fortes de porter une grande cagoule blanche.

Après, ce long-métrage se montre un peu touche-à-tout. Un peu trop sans doute. Car il essaie de montrer tous les aspects de l'évolution de la condition des afro-américains et de la lutte pour les droits civiques à travers le parcours d'un seul homme et de sa famille. Le film évite d'ailleurs l'écueil des infidélités à l'histoire en faisant le choix de mettre en scène un personnage fictif, même si il est directement inspiré de personnes bien réelles. Notamment le vrai majordome ayant travaillé à la Maison Blanche, Eugene Allen, sur qui la promotion du film avait mis l'accent, mais qui n'a pas vécu tout ce qui est relaté dans ce long-métrage. La même promotion insistant de même sur le scénario tiré de faits réels - ce qui n'engage il est vrai pas à grand-chose, dans la mesure où il est toujours possible de trouver des "faits réels" qui se rapprochent d'un tel sujet. Mais il est vrai que les situations dépeintes sont en effet fidèles au contexte de l'époque.
Mais les scénaristes sont donc ambitieux dans leur volonté de traiter de toutes les controverses sociales qui ont embrasé l'époque, au point parfois d'en faire un peu trop. Cecil Gaines se retrouve ainsi affublé d'un fils qui mène le combat sur place pour les droits civiques, du point de vue de l'égalité raciale et sexuelle tant que de la libération des mœurs, puis devient black panther, et d'un autre qui meurt au Vietnam, en même temps qu'il aperçoit par le bout de la lorgnette ce que différents présidents tentent en matière de promotion des droits civiques (d'un Eisenhower raciste classique qui ne veut pas agir pour faire appliquer l'intégration, mais qui se résout à le faire parce que sa fonction l'y oblige à un Reagan ambigu, en passant par un Johnson bourru et raciste mais qui se résout à imposer la loi sur les droits civiques et un Nixon qui veut promouvoir l'intégration économique des noirs tout en écrasant les black panthers – Ford et Carter étant sautés, sans doute parce qu'ils n'avaient pas fait grand-chose).
Il est difficile à qui trop embrasse de bien étreindre, et si par exemple le rôle positif potentiels des domestiques et majordomes noirs est évoqué, faute de temps cela ne peut pas atteindre pas la profondeur de l'analyse présentée par La couleur des sentiments. Car après tout, positif ou pas, il faut bien constater qu'il ne mène pas à faire changer les choses, bien des blancs vivant à leur contact ne changeant pas de position. Ce que l'histoire racontée par Le majordome fait certes ressortir, mais sans les mêmes explications, c'est au spectateur de joindre les bouts. Cependant, il faut reconnaître que le scénario parvient à brasser des sujets assez délicats, se montrant assez exhaustif sur les sérieuses divergences d'opinion entre les générations, les anciens étant enclins à ne pas faire de vagues et à essayer de séduire les blancs en jouant sur leur serviabilité, certains jeunes considérant évidemment que cela ne suffit pas, d'autres suivant par contre une voie plus conservatrice et "patriotique" en soutenant étrangement la guerre du Vietnam, une cause qui n'apparaît pas vraiment la leur (et qui les met en porte-à-faux avec les blancs progressistes). La conversation autour de Sidney Poitier est à cet égard savoureuse, car elle explore un large éventail du spectre des opinions des afro-américains d'alors à travers leur réaction envers cet acteur symbole du noir qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et inquiète certains blancs par son assurance, mais est néanmoins encore un oncle Tom pour certains noirs, qui rêvent d'une société différente, transformée, c. a. d. gauchiste, tendance Angela Davis.
Évidemment, le film prend parti, il donne finalement raison à Louis, dont le père finit après de longues années par se ranger à ses arguments. Mais il se garde bien de le condamner, la façon dont il présente son point de vue nous amenant à comprendre pourquoi il lui était difficile d'être différent de ce qu'il était à une époque où il était très dur d'être un afro-américain. Et il ressort qu'après tout, lui aussi aura joué son rôle dans la lutte vers plus d'égalité. La fin pourra paraître un peu naïve par sa présentation un peu angélique de l'élection d'Obama, dont on attendait un peu trop, mais dans le discours du film elle se comprend : il s'agit simplement de montrer tout le chemin parcouru par les afro-américains en un siècle, depuis un semi-esclavage jusqu'à la possibilité de se faire élire président.

C'est le type-même du long-métrage qui se veut pédagogique tout en regorgeant un peu trop de bons sentiments, au point de ne pas avoir remporté autant de prix que ses auteurs l'espéraient (16 quand même), alors que le sujet de l'anti-racisme devenait porteur, mais qui malgré certaines lourdeurs et une superficialité inévitable pour un tel format se montre assez convaincant.
13/20
aureliagreen
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Battle of the Sexes, comédie dramatique et film historique de Jonathan DAYTON et Valerie FARRIS (2017), sur un scénario de Simon BEAUFOY, avec Emma STONE (Billie Jean KING), Steve CARRELL (Bobby RIGGS), Andrea RISEBOROUGH (Marilyn BARNETT), Natalie MORALES (Rosemary CASALS), Sarah SILVERMAN (Gladys HELDMAN), Bill PULLMAN (Jack KRAMER), Alan CUMING (Cuthbert "Ted" TINLING), Elizabeth SHUE (Priscilla RIGGS), Jessica McNAMEE (Margaret COURT), Austin STOWELL (Larry KING) etc....

Amusante recréation du fameux "match du siècle" qui sur fond d'ascension du féminisme et de professionnalisation des circuits de tennis (de tous sexes) défraya la chronique en ce début des années 70, en opposant l'ancien champion de tennis et parieur compulsif Bobby Riggs, âgée alors de 55 ans, et l'une des deux meilleurs joueuses d'alors, Billie Jean King née Moffitt, âgée de 29 ans. La reconstruction de cette époque si proche et si progressiste est très convaincante, et pour autant que j'ai pu en juger, fidèle tant à la mode qu'aux événements ou aux personnages et à leurs caractères*. Est ainsi bien recréé le contexte qui présida à la création de la WTA et du circuit professionnel féminin, et tandis qu'Emma Stone parvient à faire vraiment croire à la présence de l'ancienne championne, on peut rester sidéré devant l'incroyable misogynie qui régnait chez les dirigeants (masculins) du tennis d'alors, notamment chez l'ancien grand champion Jack Kramer. Tout en appréciant les coulisses pas toujours glorieuses qui avaient mené au choc, comment Billie Jean King qui avait été véhémentement opposé au principe du défi lancé par Riggs (en raison de son caractère sensationnaliste et démagogique) s'était retrouvée contre son gré à devoir le relever après l'écrasement de Margaret Smith-Court, et avait failli jeter l'éponge avant l'échéance. On peut aussi apprécier de se retrouver plongé dans le monde du tennis d'avant les raquettes profilées, quand on ne tapait pas dans la balle à toute allure à chaque fois et avoir du talent et du toucher faisait vraiment la différence. Alors, bien sûr, tout cela s'inscrit dans une perspective militante progressiste, sur les droits des femmes, des homosexuels, contre le machisme ambiant, nous faisant mesurer combien les choses ont évolué dans le bon sens depuis, grâce notamment aux mêmes personnes qui apparaissent dans le film – leur combat restant d'ailleurs toujours d'actualité, quand on voit notamment certains commentaires sur le tennis féminin. Mais ça ne constitue qu'une raison de plus qui rende ce film est rafraichissant à regarder. Dommage qu'il n'ait pas remporté le succès escompté.

*Tout juste noterai-je que Ted Tinling avait une calvitie avancée, qu'il n'apparaît pas qu'en tant que grand ancien du jeu Riggs était déjà une connaissance de King, et que lors des présentations des adversaires lors de l'entrée dans l'arène, il y a une énorme bourde car le présentateur dit que King a gagné 6 fois Wimbledon, alors qu'en fait, sa sixième victoire n'a eu lieu qu'en 1975 ! Il est contestable aussi que Margaret Smith-Court ait pensé qu'elle gagnerait le tournoi après avoir deviné la relation homosexuelle de King, point qui peut être aussi dérangeant car on peut penser que le scénariste ait essayé de la présenter comme antipathique par ce biais, en raison de ses opinions très traditionalistes (qui sont bien connues et affichées publiquement).
13/20
aureliagreen
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Exodus : Gods and kings, film historique (péplum) de Ridley SCOTT (USA, 2014), sur un scénario d'Adam COOPER, Bill COLLAGE, Jeffrey CAINE, avec Christian BALE, Joel EDGERTON, Ben KINGSLEY, Sigourney WEAVER, John TURTURRO, Aaron PAUL, Ben MENDELSOHN, Maria VALVERDE...

La révolte menée par Moïse, qui prend la tête des Hébreux asservis en Égypte afin de les aider à fuir, est racontée de façon réaliste.

J'admets que j'avais vu ce film, un an après sa sortie, avec un à priori négatif. Qui s'est partiellement confirmé, seulement partiellement parce que par rapport à d'autres films récents de Ridley Scott, il est plutôt bien réalisé. Il reste qu'il recycle certains thèmes de Gladiator, difficile de ne pas être d'accord avec toutes les analyses faites à l'époque de sa sortie qui retrouvent dans les relations entre Ramsès, son père et Moïse plus ou moins celles qui opposaient Commode, Marc-Aurèle et Maximus. Du côté "historique", si la reconstitution se veut soignée mais d'un réalisme banal, avec peu de clinquant du côté des costumes, c'est sans doute là qu'il pêche le plus. D'abord parce que la volonté de vouloir donner une version historiquement "réaliste" et "sérieuse" du récit biblique de l'Exode se heurte à un paradoxe : quelle en est l'utilité, alors que les historiens réalistes et sérieux (c'est à dire non intégristes) s'accordent justement sur le caractère fictif de ce texte ?

Scott s'échine ainsi à donner une présentation ambigüe des visions de Moïse ; bien qu'à la fin, la multiplication de ses prédictions justes, même si chacune des plaies d'Égypte prise séparément se voit affublée d'une explication rationnelle, va bien dans le sens d'une intervention sinon divine, du moins paranormale, tout comme la submersion de l'armée égyptienne ; trop de coïncidences tuent la coïncidence. Mais ce qui gêne dans cette approche pseudo-naturaliste, c'est qu'on a affaire à un exercice naïf, du genre "Simplet met en cause la religion" et "Simplet vient avec ses explications de la Bible" ; dont la pertinence ne peut vraiment se concevoir que dans un milieu primitif empli des fondamentalistes littéralistes les plus bornés – et qui bien sûr, dans un tel milieu, ne peut qu'échouer. Ensuite, il pêche, bien sûr, du côté de la représentation des Égyptiens, blanchis outrageusement. Tout cela est un peu dommage, parce qu'au niveau de la réalisation, ça ne manque pas d'ampleur, les acteurs sont bons même s'ils ne livrent rien de transcendant, parvenant à rendre acceptables des personnages plus banals qu'à l'accoutumé (notamment Joel Edgerton qui plante un Ramsès peu flamboyant, bien éloigné des standards auxquels on est habitués) ; on retrouve même, en dépit de l'approche naturaliste, un sens épique qui faisait bien défaut dans Robin des Bois version 2011. Quelques scènes sont dignes de retenir l'attention, ainsi la poursuite des fuyards par l'armée égyptienne sur la route de montagne est un petit bijou de tension, le raz-de-marée de la fin, s'il est loin de l'ouverture de la Mer Rouge dans Les dix commandements, tient ses promesses.

Il reste un produit qui, à la fois maîtrisé, inégal et contestable dans sa pertinence, continuera à semer la polémique, mais ne restera pas parmi les plus grands de Ridley Scott.
12/20
aureliagreen
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Agora, drame historique d'Alejandro AMENÁBAR (Espagne-Malte-Bulgarie, 2009), sur un scénario de Mateo GIL et Alejandro AMENÁBAR, avec Rachel WEISZ, Max MINGHELLA, Oscar ISAAC, Ashraf BARHOM, Micahel LONSDALE, Rupert EVANS, Homayoun ARSHADI, Sami SAMIR, Richard DORDEN, Omar MUSTAFA...

Une recréation romancée de la fin de la philosophe Hypatia (R. Weisz), dans l'Égypte romaine du début du Vème siècle, sous le règne de l'empereur Théodose, en pleine époque de graves changements politiques et religieux.

S'il avait suscité une certaine polémique de la part de croyants chrétiens, j'avais bien aimé ce film à sa sortie, pour son discours comme pour sa reconstitution, avec certaines réserves. Le propos était surtout de faire un pamphlet anti-intégrisme religieux, présenté à travers le prisme des chrétiens de la fin du IVème siècle, mais la cible étant les fondamentalistes musulmans actuels. Il pêchait cependant par certaines inexactitudes, et surtout une grosse liberté. Certes, le scénario décrit de manière historiquement juste le conflit politique entre le préfet Orestes et l'évêque Cyrille. Hypathie se retrouva prise au milieu, fut assassinée par les parabolanis au service de Cyrille afin d'affaiblir Orestes et en tant que païenne il est probable qu'elle fut maltraitée. Les parabolani étaient des serviteurs des évêques, qui s'adonnaient à la charité envers les plus pauvres, mais ils étaient fanatisés et se chargeaient de leurs besognes violentes.
Et dans l'ensemble, la description des chrétiens d'alors met l'accent sur leur fanatisme et leur intolérance, ce qui peut déplaire, mais elle est sans doute proche de la réalité. Le film ne donne cependant pas dans le manichéisme simpliste. Il décrit des chrétiens venant en aide aux démunis, et par exemple, ne fait pas l'impasse sur l'attitude choquante à nos yeux que Hypathie peut avoir envers un esclave. La présentation de l'intolérance de la religion chrétienne nouvellement dominante est simplement historique, alors il n'y avait pas lieu de faire de distinction entre fondamentalisme et christianisme. À cette période de transition particulièrement cruciale, celle de l'édit de Théodose aux conséquences que nous ressentons toujours, polythéistes et juifs en étaient les premières victimes, et quelques années plus tard la fureur des chrétiens orthodoxes se reporterait sur les "hérétiques", ariens, nestoriens, monophysistes...

Cependant, si la reconstitution historique avait été annoncée comme minutieuse lors de la sortie, il y a quelques points discutables. Je passe vite sur la représentation de soldats romains avec une tenue du 1er siècle (la lorica segmentia, sans doute montrée parce qu'elle est souvent associée, dans l'imaginaire populaire, aux légionnaires romains), pour en venir à l'épineuse question de la destruction de la "grande bibliothèque d'Alexandrie", d'abord : il y a plusieurs théories à ce sujet, le moins qu'on puisse dire est que les sources historiques sont assez confuses. Il semble en fait qu'il vaille mieux parler des destructions des diverses bibliothèques d'Alexandrie. Plusieurs écrivains antiques attribuaient la première destruction importante aux troupes de Jules César lors de combats en -48, mais il n'y a pas de sources contemporaines, la plus ancienne connue étant Plutarque, près de 140 ans après les événements. À l'époque d'Hypathie, il y avait sans doute plusieurs bibliothèques lettrées plus ou moins importantes. Le Serapeum devait bien en abriter une, puisque Hypathie est supposée y avoir étudié, mais sans doute mineure, puisque le fameux écrivain Ammien Marcellin qui visita les lieux une vingtaine d'années auparavant ne la mentionne pas. Toujours est-il qu'on en perd les traces peu après l'époque du film, ainsi que d'autres centres de savoir alexandrins d'inspiration païenne dont on sait qu'ils existaient en cette période. Ce qui présage mal du sort qui leur a alors été réservé. En revanche, les accusations contre les envahisseurs arabes ne sont plus prises au sérieux (certaines sources plaçant l'histoire du calife Omar en Mésopotamie !).

Au sujet des croyances d'Hypathie, on sait qu'elle n'était pas chrétienne et n'adhérait sans doute pas à un monothéisme rigide, mais le film la dépeint comme une sorte d'athée ou d'agnostique, mais en tant que néoplatonicienne, elle ne l'était certainement pas. Elle a pu être aussi bien poly- que mono-théiste (comme certains néoplatoniciens, mais alors d'une conception non chrétienne, ce qui en faisait une "païenne" aux yeux des chrétiens au même titre que si elle était polythéiste), et a pu correspondre avec divers chrétiens d'inspiration platonicienne, car cette philosophie avait beaucoup imprégné cette religion en cette période. Et si elle était l'une des mathématicienne les plus avancées de l'époque, l'idée qu'elle ait pu envisager un système solaire héliocentrique basé sur des trajectoires elliptiques est vraiment trop osée. En tant que néoplatonicienne, elle croyait en un ordonnancement cosmique parfait, basé sur l'harmonie des cercles, elle n'aurait donc en toute vraisemblance pas cherché du côté des ellipses pour décrire les trajectoires des planètes. L'idée que le film nous la montre avancer était vraiment trop révolutionnaire pour l'époque. À vouloir trop en faire une icône des victimes de la religion, les scénaristes en ont fait beaucoup trop, ce qui a nui à leur propos.
Ces quelques réserves ne me gâchaient pas la vision d'un film assez didactique, mais au thème assez enthousiasmant et que Amenábar parvenait, en dépit de ce grossier anachronisme, assez bien à faire résonner avec l'actualité de notre époque, aidé par le grand investissement de ses interprètes, notamment Rachel Weisz manifestement motivée par la figure historique de Hypathie.
14/20
aureliagreen
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Pentagon papers, drame historique de Steven SPIELBERG (The Post, USA, 2017), sur un scénario de Liz HANNAH et Josh SINGER, avec Meryl STREEP, Tom HANKS, Sarah PAULSON, Bob ODENKIRK, Tracy LETTS, Bradley WHITFORD, Bruce GREENWOOD, Matthew RHYS...

Au début des années 70, un analyste du Pentagone, Daniel ELLSBERG (M. Rhys), écœuré par la guerre du Vietnam, décide de copier certains documents classés secret-défense, très compromettants pour la politique menée par déjà quatre présidents. Il les transmet à certains journalistes, dont ceux du Washington Post. Le ministère de la Défense riposte en menaçant de poursuites pénales les journaux qui les publieraient. La directrice du Post, Kay Graham (M. Streep), hésite sur la position à suivre, entre menaces et désir d'informer le public sur un sujet très grave...

Spielberg avait clairement voulu livrer là le type même du film à Oscars de début d'année (2018 en l'occurence). Tout y était, sujet historique, personnages tout aussi historiques fameux et symboliques, grands moyens et application dans la recréation, propos généreux, et résultat brillant, mais satisfait dans le propos, justement.

Donc, assez peu de temps après Le pont des espions, Spielberg s'essayait à nouveau à la reconstitution minutieuse de l'ambiance d'une période à la fois encore toute proche et familière, et commençant déjà à paraître un peu lointaine ; doublée d'un double message politique marqué. Autant dire que comme d'habitude avec lui, la plongée dans cette époque troublée et pivôtale est réussie, la recréation de cette controverse cruciale, avec tous ses enjeux parfois en collision, est prenante, les images symboliques marquantes sont nombreuses, l'ode à la liberté de la presse et à la promotion de l'influence des femmes est poignante, la galerie des personnages brodés, recouvrant les enjeux déjà évoqués, passionnante (et bien sûr, Meryl Streep assure en propriétaire de journal soumise à de multiples pressions qui parvient à les surmonter pour faire triompher la vérité).

Mais quelque chose cloche. En prenant la présidence Nixon comme cible, Spielberg conçoit évidemment son film comme une machine de guerre contre les républicains de maintenant, leur interventionnisme, leur machisme et leurs atteintes aux libertés. Mais le propos est assez mal venu, parce que cela fait belle lurette que la politique étrangère des démocrates qu'il soutient est devenue aussi brutale et interventionniste, et que leur politique intérieure est aussi sécuritaire et empreinte de pressions sur les médias sur le plan intérieur. Du côté de sa célébration de la croissance de l'influence des femmes dans la société à l'encontre de tous les préjugés misogynes qu'il célèbre, en laissant manifestement entendre que leur influence accrue a rendu meilleurs tant le fonctionnement de la presse que plus largement celui de la société entière, il s'agit d'une simplification très abusive. Le film a justement comme mérite de faire ressortir combien la presse était alors audacieuse dans ses attaques contre le complexe militaro-industriel et les scandales de la politique extérieure des USA, quitte à prendre de grands risques ; mais justement, surgit là un gros problème, à savoir qu'il apparaît un énorme contraste avec la situation de la presse maintenant, devenue beaucoup plus servile dans ce domaine. On mesure la dégénérescence parcourue depuis. Et on pourrait malicieusement en conclure que la plus grande importance des femmes au sein des rédactions a entraîné une plus grande servilité de la presse... Sans chercher à attribuer à tout prix à Spielberg une intention manipulatoire, il faut admettre qu'on ne saurait lui tenir quitus de ne pas appliquer la même rigueur à critiquer la politique interventionniste d'Obama qu'il met avec celle de Nixon (d'autant que ce dernier est quand même l'homme qui a mis fin à la guerre du Vietnam) ; voire pire, de ne pas chercher à le faire pour des raisons partisanes. Il est facile de s'offusquer de politiques et de pratiques anciennes, longtemps après que tout est terminé, tout en prétendant que tout est pour le mieux dans le monde actuel, alors qu'il n'en est rien. Alors, trop marqué par le contexte trumpien dans lequel il a été tourné, ce film dessert finalement son propos, celui de la liberté de la presse et de l'émancipation de la société.
12/20 seulement pour ces raisons.
Modifié en dernier par aureliagreen le ven. 17 nov. 2023 11:51, modifié 2 fois.
aureliagreen
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12 years a slave, drame historique et biographique de Steve McQUEEN (USA/Royaume-Uni, 2013), sur un scénario de John RIDLEY, d'après l'auto-biographie de Solomon NORTHUP, avec Chiwetel EJIOFOR, Michael FASSBENDER, Lupita NYONG'O, Dwight HENRY, Bryan BATT, Kelsey SCOTT, Michael Kenneth WILLIAMS, Brad PITT...

En 1841, à Saratoga dans le nord des USA, Solomon Northup (C. Ejiofor), un afro-américain libre fut berné par deux escrocs blancs et vendu comme esclave dans le sud. C'est cette histoire vraie, que Northup raconta dans son livre, qui est dépeinte ici.

McQueen a livré une très bonne reconstruction historique, qui ne prend guère de gants et joue avec les nerfs du spectateur. Il y a seulement que le début du film pose plusieurs problèmes. C'est d'ailleurs le seul vrai reproche que j'ai à lui faire, cette peinture un peu trop idillique de la condition de Northup dans le Saratoga antebellum, qui peut donner l'impression que les noirs étaient les égaux des blancs dans le Nord des USA. Ce qui n'était dans l'ensemble pas le cas. Il n'est cependant pas irréaliste de montrer Northup avoir des relations cordiales avec certains commerçants. Mais certaines discriminations légales existaient dans les états "libres", ainsi que diverses discriminations sociales, les préjugés racistes des blancs étant répandus. La fin rappelle qu'il était interdit pour un noir de témoigner contre un blanc à Washington - mais c'était là le district fédéral, et Washington est encore le Sud, son extrême pointe - cependant de telles situations n'étaient pas inconnus dans le Nord stricto-sensu, et la même fin rappelle que Northup n'eut pas plus de succès dans ses poursuites contre ses kidnappeurs dans l'état de New York. Il faut aussi tenir compte du fait que cet état de New York était le dernier du Nord à avoir possédé des esclaves, en 1827 (il est faux en revanche de dire comme on le fait parfois qu'il n'avait aboli l'esclavage qu'en cette année, car la loi d'abolition avait été votée dès 1799, mais selon un principe progressif, elle avait fixé une date butoir pour les esclaves déjà présents, et avait établi que tous les enfants d'esclaves nés entretemps avaient un statut intermédiaire, avant leur affranchissement définitif). Soit seulement 14 ans avant le début du récit. Ce qui me gêne tout autant, c'est que l'aisance matérielle de Northup dépeinte par le film est vraisemblablement trop grande. Il apparaît comme une sorte de gentleman, portant en toutes circonstances un joli costume et possédant même une calèche. Alors même que peu de blancs d'alors avaient un tel niveau de vie. Dans son livre, Northup lui-même se décrivait comme n'ayant pas atteint la prospérité, quoiqu'ayant toujours vécu confortablement (mais le confort ne signifiait sans doute pas la même chose pour lui que pour nous).
La scène où on voit un noir entrer dans le magasin, et être rappellé par son maître méprisant, soulève d'autres questions. S'il est un esclave, cela pose des questions de vraisemblance. Je sais que quelques états non esclavagistes avaient des lois autorisant le séjour des esclaves avec leur maîtres, pour de courtes périodes. Mais je ne sais pas si c'était le cas dans celui de New York. Cependant, on pourrait tout aussi bien avoir affaire là au serviteur « libre » d'un blanc nordiste manifestement raciste. On peut alors se demander si la justification de ce passage est de rappeller que la situation des noirs n'était pas si bonne dans le Nord.

C'est un peu dommage, parce que ce film est pour le reste très juste dans sa description de l'esclavage dans le sud des USA. Mc Queen n'a pas peur de montrer des images choquantes. La comparaison des images de flagellation avec celle de La passion du Christ est difficilement évitable, mais on ne donne pas là du tout dans la même complaisance morbide et masochiste. Il s'agit simplement de faire ressentir la cruauté des maîtres d'alors. L'humiliation permanente et la déshumanisation qui va avec, l'asservissement des volontés, la satisfaction replète d'une société blanche sûre de son droit, ainsi que les relations souvent dysfonctionnelles au sein des familles de planteurs et autres blancs des plantations (et toujours au détriment des esclaves), sont dépeintes avec un réalisme cru. La classification française est certainement honteuse, une interdiction aux moins de douze ans aurait été un minimum. Le scénario, suivant en cela scrupuleusement la réalité historique, évite pour autant le manichéisme simpliste. Solomon Northup se retrouve baladé entre des maîtres tantôt compatissants, comme Ford (qui l'était peut-être encore plus dans la réalité, Northup estimant que seul son profond conditionnement culturel l'empêchait de voir le caractère pervers de l'institution esclavagiste), tantôt cruels, comme le très dérangé Epps (qui était encore pire dans la réalité, le film ne montrant que les moments où il avait ses crises de danse, mais pas ses crises de fouet, la volonté de choquer du film pouvant rencontrer des limites) ou son vendeur.

Je ne trouve donc pas que McQueen ait fait dans la demi-mesure pour livrer une simple boîte à oscars, je pense même qu'il avait alors pris quelques risques. C'est que son œuvre était loin d'être consensuelle, s'éloignant des clichés un peu faciles de l'esclavage antebellum. En cela, les nombreuses récompenses qu'il a décrochées étaient le signe d'un profond changement chez Hollywood, ainsi très bonnes prestations en matière d'interprétation n'ont pas été ignorées. Chiwetel Eiyjofor est très bon en Solomon Northup, mais les performances les plus mémorables sont sans doute celles de Michael Fassbender en esclavagiste psychopathe et de Lupita Nyong'o en esclave abusée.

Je lui mets un 15,5/20 au final, le départ me retenant de mettre plus.
aureliagreen
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Lincoln, drame historique de Steven SPIELBERG (USA-Inde, 2012), avec Daniel DAY-LEWIS, Sally FIELD, David STRATHAIN, Joseph GORDON-LEVITT, James SPADER, Hal HOLBROOK, Tommy Lee JONES, John HAWKES, Jackie EARLE HALEY, Bruce McGILL, Tim BLAKE NELSON, Joseph CROSS, Jared HARRIS...

Mon impression sur cette fidèle reconstitution historique par Spielberg de la bataille menée par le président des USA Abraham Lincoln pour imposer le 13ème amendement, abolissant l'esclavage, est assez longue, à l'image du film lui-même, car il est à mon avis indispensable de disserter sur les considérations historiques qui fournissent la matière de ce film pour en rendre compte.

Avec la moisson de titres qu'elle a engrangé, l'interprétation de Daniel Day-Lewis est la première chose à laquelle on pense lorsqu'on s'apprête à le regarder. Pour être franc, elle ne m'a pas vraiment impressionné, car je ne suis pas sûr que son rôle était si difficile. Il reste qu'il s'est immergé dans son personnage, en recréant les postures et les intonations de son modèle réel, et je n'ai guère de doutes que le véritable Lincoln était très proche de ce portrait. Les rôles historiques étant les enfants chéris des critiques des académies d'art cinématographique, il était naturel qu'il emporte autant de récompenses. Dans l'ensemble, le film est servi par une interprétation très solide d'acteurs visiblement portés par leur sujet.

À la différence de J. Edgar, qui s'attaquait à retracer la vie entière de son personnage titre, au risque de mal étreindre en embrassant trop, Spielberg a choisi de se concentrer sur une portion restreinte mais cruciale de l'histoire d'Abraham Lincoln. Approche sage mais qui a aussi ses défauts. Entrer trop vite dans le grand bain, sans présentation détaillée des nombreux personnages historiques pour les situer au spectateur, risque d'en rebuter plus d'un. D'un autre côté, le travail livré est très approfondi. Historiquement très juste, sans tendance inutile à injecter de la romantisation déplacée et de la fiction (on a là un film historique qui pour une fois assume son côté documentaire), il va au fond du jeu politique et des intrigues, révélant leurs côtés peu glorieux derrière la façade rutilante de la grande histoire. Lincoln lui-même ne manquant pas d'apparaître égratigné au passage.

Certainement, le film permettra au spectateur d'appréhender certains des enjeux de l'époque, et notamment d'écarter certaines idées reçues et conceptions simplistes. Oui, le racisme était bien au Nord un fléau répandu et au cœur des débats, sa prégnance apparaissant ainsi dans les débats envenimés entre partisans et adversaires de l'amendement anti-esclavagiste, et parfois aussi au sein des premiers. Cependant, certaines de ces idées reçues, bien qu'elles aussi combattues par le scénario, ne le sont que trop brièvement, au risque que le novice ne le remarque pas. Le format du long-métrage, concentré sur une période de temps brève vers la fin de la guerre de Sécession, en est responsable car il induit des distorsions. Il en est ainsi de la croyance que Lincoln avait déclenché la guerre afin d'anéantir l'esclavage.

Bien qu'anti-esclavagiste convaincu, il ne pensait pas au départ que lutter par la guerre pour l'abolition fût souhaitable, parce qu'irréaliste (ce dont on le voit brièvement se justifier, sans doute d'ailleurs à juste titre). Ce fut plus tard, devant la nécessité de donner un nouveau souffle à l'effort de guerre, qu'il décida de franchir le pas avec la Proclamation d'Émancipation des esclaves dans les territoires rebelles. Les sudistes avaient bien fait sécession en raison de l'esclavage. Mais Lincoln démarra la guerre non pour le leur interdire, bien que clairement abolitionniste*, mais parce qu'il voulait sauver le principe de la démocratie représentative. Un parti, ou un groupe d'électeurs quelconque, ne pouvait pas prétendre s'insurger, prendre les armes et se séparer pour la seule raison qu'il avait été défait à une élection présidentielle ou législative. Accepter ce précédent risquait en plus d'amener à une série de sécessions sans fin (et effectivement, on voit mal comment les lointains territoires de l'Ouest auraient pu ne pas finir par prendre leur indépendance). Cette motivation première de la guerre de Sécession n'apparaît qu'en filigrane, au détour de deux ou trois conversations. Le moment où elle est illustrée le plus visiblement est celui de la réplique de Grant aux envoyés confédérés. Le novice risque tout de même de ne pas la remarquer, et de continuer à croire en la représentation simpliste si répandue. La vision de Lincoln et de Grant se sera imposée par la force des armes, alors qu'après tout, il y avait une autre conception possible de la démocratie, celle qui consistait à considérer que lorsque deux communautés ne sont pas animées de volonté de coexister, elles se séparent. Ce qu'on a coutume d'appeler le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Elle aurait pu prévaloir, les pays étrangers auraient pu décider de reconnaître l'indépendance des Confederate States of America, et toute l'histoire en aurait été changée. Napoléon III fit d'ailleurs un grand forcing dans ce sens en se prévalant de cette idéologie, fort hypocritement de la part de quelqu'un qui truquait sans scrupules des plébiscites à Nice et en Savoie, son but étant de favoriser la constitution de son propre empire américain au Mexique ; si beaucoup au sein du gouvernement britannique partageaient le même désir géopolitique de briser un rival en pleine expansion et qui commençait à devenir sérieusement dangereux, aucun ne parvint à lui faire franchir le pas. Il est vrai que ni eux ni l'empereur français ne pouvait se résoudre publiquement à reconnaître un gouvernement qui faisait ouvertement profession d'esclavagisme, obstacle rédhibitoire pour tous ceux qui rêvaient de leur accorder cette reconnaissance. On comprend mieux pourquoi Lincoln était si inquiet d'envoyer un message aux "nations", une préoccupation qu'on le voit exprimer à plusieurs reprises. Un rappel historique n'aurait pas été inutile, cependant cela aurait fait un développement de plus, et si le film n'en était de toute façon pas à ça près, c'est une stratégie que Spielberg a choisi d'éviter (je vais y revenir).

Par le biais d'un long exposé de Lincoln, le long-métrage revient plus longuement sur les problèmes constitutionnels auxquels il devait faire face du fait de ses actions durant la guerre, en premier lieu la proclamation d'émancipation. C'est là que s'applique toute la rigueur documentaire voulue par Spielberg, qui pourra en rebuter plus d'un. Ce discours pourra paraître aride au non-historien et non-juriste, tandis que son aspect centré sur les méandres du fédéralisme des USA risque d'apparaître au spectateur français et européen comme trop états-unien. Indispensable cependant pour comprendre l'importance des enjeux qui motivaient sa détermination à défendre le 13ème amendement, qui visait à corriger les limitations et incertitudes juridiques de la proclamation. Le film s'étend cependant aussi sur le fait que le débat sur les pouvoirs de guerre du président ne se limitait pas à la question des compétences fédérales, mais débordait sur la limitation des libertés individuelles et les actes de tyrannie qui lui furent reprochés par ses opposants, et souvent aussi par ses partisans. Lincoln défendait une sorte de "doctrine de l'article 16" avant la lettre. Débat qui apparaîtra encore très actuel. Mais il ne faudrait pas que par le biais de ces discours historiques, qu'il retranscrit fidèlement, le film soit utilisé pour justifier les dérives du Patriot Act, par exemple. Il prendrait alors un tour malsain.
On peut regretter aussi que l'opinion personnelle de Lincoln sur la question de l'égalité des races soit à peine mentionnée vers la fin. L'homme était raciste, il l'a exprimé sans détour à certaines reprises. Mais sa position juridique paraît avoir été que l'égalité légale devait prévaloir. Néanmoins, on sait que comme d'autres, il a envisagé le départ des esclaves libérés vers d'autres pays. Il était une bonne illustration des contradictions et des angoisses d'une époque qui ne savait pas comment gérer les graves problèmes qui se présentaient à elle.

Spielberg livre là son film le plus proche d'Amistad, lui aussi centré sur l'esclavage aux USA et ce n'est sans doute pas un hasard (je fais partie de ceux qui l'avaient assez bien aimé, et je sais être dans la minorité). Un exercice très carré de reconstitution, une tentative d'aller au fond des enjeux d'une période historique importante des États-Unis. Elle a le défaut d'apparaître forcément académique, et ne peut intéresser ainsi tout le monde - ce qui ne serait pas le cas dans un monde parfait, mais hélas nous ne sommes pas dans un monde parfait ; cependant, n'est-ce pas l'occasion pour les spectateurs de se mettre à étudier cette époque et ses péripéties ? C'est là qu'est le cœur du projet de Spielberg, et si on pouvait craindre à l'époque qu'il suscite une polémique, son aura l'en aura préservé. Car il avait bel et bien fait savoir qu'il demandait aux spectateurs potentiels de se documenter auparavant. Son but est bien de faire réfléchir. Ce qui explique que ce long-métrage ne décrit pas assez tous les aspects historiques, y compris certains importants. Ce choix qui peut paraître élitiste, mais qui était sans doute sage, car un film ne se restreignant pas à une tranche historique de quelques mois et détaillant tous les enjeux aurait du faire une longueur digne de Titanic de Cameron. Spielberg parvient cependant à dresser un portrait honnête de cette période dont il fait ressentir le caractère tourmenté et indécis, et conserve assez de maîtrise de réalisation pour rendre cette œuvre captivante pour ceux qui décident de s'intéresser à l'histoire de la Guerre de Sécession, période fruciale dont les enjeux continuent de nous affecter grandement.

14/20

* S'il était allé, selon certains, jusqu'à écrire vers le début de la guerre que s'il pouvait mettre fin à la sécession en faisant en sorte que l'Union soit toute abolitionniste ou toute esclavagiste**, il serait néanmoins faux de penser que ce n'était que l'opportunisme politique qui l'a poussé à promulguer la proclamation d'émancipation. Car il avait dit dès 1858 que l'Union ne pouvait perdurer en étant à moitié libre et à moitié esclave, ce qui comme pour ses écrits de 1862, ne pouvait dire dans son esprit anti-esclavagiste que qu'elle devait devenir entièrement libérée de l'esclavage, comme il le reconnaissait en privé avec ses interlocuteurs. S'il s'opposait aux abolitionnistes militants et parfois violents comme le révérend Brown, c'était parce qu'il connaissait le coût d'une guerre et voulait l'éviter, préférant s'opposer à l'extension de l'esclavage dans les territoires de l'Ouest, une position sur laquelle il était très ferme, afin de s'assurer à terme une majorité d'états libres, qui auraient pu imposer une réforme constitutionnelle abolitionniste. Seulement, les sudistes lui avaient offert cette guerre, une guerre qui durait dans le temps, et par là l'occasion d'abolir cette institution particulière qu'il abhorrait. La proclamation d'émancipation relevait donc aussi bel et bien de ses convictions personnelles.
**Il a en réalité écrit "My paramount object in this struggle is to save the Union, and is not either to save or to destroy slavery. If I could save the Union without freeing any slave I would do it, and if I could save it by freeing all the slaves I would do it; and if I could save it by freeing some and leaving others alone I would also do that." Ce qui n'est pas vraiment pareil.
aureliagreen
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Création, film historique (biographique) de Jon AMIEL (Creation, USA, 2009), sur un scénario de John COLLEE et Jon AMIEL d'après la biographie de Randal KEYNES, avec Paul BETTANY, Jennifer CONNELLY, Ian KELLY, Martha WEST, Teresa CHURCHER, Freya PARKS, Bendict CUMBERBATCH, Toby JONES, Jeremy NORTHMAN...

Tiraillé entre la religion et la science, le naturaliste anglais Charles Darwin (P. Bettany), devenu depuis un des savants les plus influents du monde, doit faire l'équilibriste entre sa volonté de compléter son ouvrage De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle et son désir de maintenir ses liens avec sa femme (J. Connelly), demeurée attachée à sa foi, tout en surmontant la crise morale née de ses observations de la nature et les déboires de sa famille, notamment la mort de sa fille Annie.

J'attendais ce long-métrage avec une certaine curiosité, car il ne semble pas qu'il y ait eu auparavant de film biographique consacré à la vie de Charles Darwin. Jon Amiel et John Collee ont décidé pour cela une approche originale. N'évoquant qu'à la marge son voyage sur le Beagle, et axant leur long-métrage sur la vie familiale de Darwin, les tourments qui l'ont affligé et ont obéré son travail durant des années. !
Pour cela, ils se sont basés sur les thèses avancées par la biographie de Randall Keynes, Annie's box. On ne connaît pas tous les tenants et aboutissants des coulisses qui ont précédé la sortie de De l'origine des espèces. Le livre de Keynes n'explore peut-être qu'un côté de façon unilatérale ; mais il est certain que Charles Darwin a longtemps hésité à rendre public ses découvertes, au point de prendre le risque de se faire doubler par Alfred Russell Wallace, qui était parvenu indépendamment au même résultat. Il s'est opposé au révérend Innes au sujet de l'évolution et de la théologie naturelle, et la mort de sa petite Annie a sans doute joué un rôle dans la perte de sa foi.
En abordant ce sujet risqué, je craignais que ce film donne dans la simplicité. Craintes en larges parties infondées. Le scénario n'a pas trop dévié de la vérité historique, évitant de tomber dans le piège de décrire une opposition sommaire du grand naturaliste avec une Emma Darwin décrite en intégriste bigote vigoureusement opposée à la publication des découvertes de son mari, au point de faire barrage en menaçant de rompre avec lui. Il est resté mesuré de ce côté, montrant ce qui était plus probablement la réalité, le couple avoir des discussions animées voire vigoureuses, mais au final Emma soutenir son mari. Néanmoins, il est peu vraisemblable que Charles soit allé jusqu'à lui octroyer une sorte de droit de veto sur la publication. Ce passage ne relève pas vraiment de la pure licence artistique, car soutenu donc par une thèse historique, mais il est très, trop spéculatif.
Cette fidélité d'ensemble n'empêche pas le script de verser par moments dans ce qu'il convient d'appeler un parti-pris discutable. Ainsi, quand il montre Thomas Huxley comme un athée. Ce qui est trahir un homme qui avait forgé le mot “théiste” pour se décrire. Reproche qu'on peut aussi faire au portrait donné de Charles Darwin lui-même, qui n'est certes pas qualifié ouvertement d'athée, mais est suggéré comme tel. Alors qu'il s'est toujours donné comme agnostique, étant trop intelligent pour porter des conclusions radicales, se sachant jusqu'au bout ignorant sur la question des origines.
Mais il reste au film le mérite de décrire avec une assez grande fidélité la vie familiale du découvreur de la sélection naturelle. Comment il aimait profondément ses enfants, il s'est reproché de les avoir mis en danger par son mariage quasi-incestueux etc, ses déboires qui ont pu influencer ses découvertes et sa philosophie, il s'est détourné de l'image d'un Dieu bienveillant qui avait bercé sa jeunesse sous le coup de son observation de la nature et de ses tourments... Le conflit qu'il a eu avec la religion chrétienne est bien réel. Sa prise de conscience de la cruauté du monde, à l'origine de ce rejet, est illustrée par quelques passages savoureux, comme quand il parle au révérend Innes des ichneumons et de leurs charmantes habitudes de reproduction dignes de l'Alien de Giger, un sujet qui l'avait en effet fortement troublé (Stephen Jay Gould avait longuement étudié cet aspect de la vie de Darwin dans ses articles). Ou quand la caméra s'attarde sur la vie d'un petit bout de pré vue en accéléré, illustrant sa formule que la nature, sous ses allures harmonieuses, est un champ de bataille.
On comprend ainsi mieux les conflits intérieurs qui l'ont affligé. Le réalisateur a pris le parti de les rendre sous les traits d'un film d'angoisse, avec une ambiance parfois à la limite du fantastique, notamment quand Darwin est obsédé par le souvenir de sa fille. Cela accouche d'un film efficace quoique sans vraie fulgurance, à la réalisation de facture très classique, voire un peu terne, comme souvent avec Jon Amiel, mais qui suffit à servir son propos. Étant servie par une bonne interprétation, Paul Bettany étant très crédible dans le rôle-titre, aidé de plus par une vraie ressemblance physique avec son modèle historique (et probablement aussi par son expérience d'un rôle de naturaliste assez similaire dans Master and commander, le scénariste revendiquant d'ailleurs l'inspiration prise sur Darwin, bien que son Stephen Maturin était demeuré croyant lui). Le reste du casting, Jennifer Connelly (son épouse à la ville), Martha West, Jeremy Northman, Benedict Cumberbatch, Toby Jones remplissant bien son rôle.
Pas un chef-d'œuvre, mais un long-métrage honnête.
13,5/20
aureliagreen
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Naissance d'une nation, film historique de et avec Nate PARKER (The Birth of a Nation, USA, 2016), sur un scénario de Jean McGIANNI CELESTIN et Nate PARKER, avec Armie HAMMER, Penelope Ann MILLER, Jackie EARLE HALEY, Mark BOONE Jr, Colman DOMINGO, Aunjanue ELLIS, Dwight HENRY, Aja Naomi KING, Esther SCOTT...

Ce long-métrage entend retracer la vie de Nat Turner (N. Parker), un esclave du sud des USA célèbre pour avoir mené une révolte d'esclaves en 1831, depuis son enfance dans une plantation jusqu'au soulèvement qui se finit sur sa condamnation à mort et son exécution par pendaison.

Ce film mérite le qualificatif d'œuvre coup de poing, à la fois par sa mise en images brutale (au propre comme au figuré) que par son message. Il est en ça bien dans la lignée de Twelve Years a Slave. Le problème avec lui, c'est le portrait de certains des personnages historiques. Tant le principal, Nat Turner, que son maître (dont il changea en réalité, et avec lesquels ses relations étaient bonnes). Si les pratiques des esclavagistes représentées sont conformes à la vérité de l'époque, il pêche vraiment sur ce précédent point. Nat Turner était un chrétien croyant qu'on peut qualifier de fanatique, un fanatisme qui le guida dans sa révolte, sa vie étant parsemée de visions mystiques qui la façonnèrent. Son parcours était vraiment étonnant : à 21 ans, il s'enfuit de sa plantation, mais eut une vision dans laquelle Jésus ou Dieu lui dit de retourner auprès de son maître. 3 ans plus tard, en 1824, il en eut une autre lui disant que le Sauveur allait faire descendre son courroux sur le monde. Puis le 12 mai 1828, selon ses dires, il en eut une autre où le Sauveur lui confirmait la teneur de la précédente et l'instruisit qu'il serait chargé de faire appliquer le jugement de Dieu, en punissant les méchants hommes (c'est-à-dire, les esclavagistes). Il parvint à convaincre certains esclaves de la justesse de ses prophéties, et après avoir envisagé une première révolte (abandonnée car il considéra que le signe envoyé n'était pas assez probant), il considéra l'éclipse solaire du 11 février 1831 comme un signe envoyé par Dieu qu'il était temps de les appliquer, en prenant ses armes pour tuer ses ennemis comme il en avait été instruit.

La révolte qu'il organisa fut donc un mouvement apocalyptique chrétien d'opprimés, qui trouvaient en la religion une raison d'espérer que l'ordre social qui les oppressait serait anéanti. Elle était évidemment vouée à l'échec, et Turner lui-même fut effondré de voir que Jésus n'était pas descendu sur Terre après qu'il ait réalisé les actions que ce dernier l'avait requis de faire, se retrouvant réduit à prendre la fuite. Toute cette dimension religieuse est gommée du film de Nate Parker, Turner étant transformé en un activiste qui mûrit ses projets de révolte seulement après avoir été confronté aux horreurs de l'esclavage, la seule saillie mystique se trouvant à la toute fin du récit, lorsque Turner a une vision alors qu'il se retrouve sur la potence. La description de la révolte est elle-même assez juste, le déroulement des événements bien respecté, mais le portrait de Turner et de sa vie est tellement éloigné de la vérité qu'on ne peut pas considérer le film de Parker comme une réussite. Certes, on imagine bien qu'une représentation fidèle aurait pu paraître scandaleuse (et il est vrai que la publication des carnets personnels de Turner a choqué nombre de lecteurs afro-américains, qui avaient de leur héros et de ses motivations une image très différente), mais c'est dommage. Disons, que ce que présente, ce long-métrage, c'est l'histoire de Nat Turner, l'organisateur de la plus grande révolte d'esclaves aux USA au XIXème siècle, comme on aime se l'imaginer habituellement... Mais on peut considérer que le film a laissé passer une bonne occasion, celle de présenter comment la religion peut être vue par les opprimés comme une puissante incitation à les aider à trouver la force de se révolter. Cela peut expliquer qu'en dépit de son message fort, susceptible de lui donner une audience allant beaucoup plus loin que celle d'un film "communautaire" (faisant notamment par son titre un pied de nez au grotesque immondice raciste de D. W. Griffiths, qui de façon scandaleuse fut longtemps présenté comme un chef-d'œuvre révolutionnaire), il ait été un gros échec public.
On peut donc considérer ce film comme se divisant en deux parties : une première, celle antérieure à la révolte, qui relève de la fiction activiste ; une deuxième, celle décrivant la révolte et ses suites, qui est elle conforme à la vérité historique. Personnellement, je regrette que ce long-métrage, bien réalisé et bien interprété dans l'ensemble, n'ait pas profité de ces qualités pour donner œuvre entièrement historique pédagogique et instructive.

10,5/20
aureliagreen
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Jackie, film historique et biographique de Pablo LARRAIN (USA/Allemagne/France/Chili/Royaume-Uni/Chine, 2016), sur un scénario de Noah OPPENHEIM, avec Natalie PORTMAN, Peter SAASGARD, Greta GERWIG, Billy CRUDUP, John HURT, Richard E. GRANT, Caspar PHILLIPSON, John Carroll LYNCH, Beth GRANT, Max CASELLA, Sarah VERHAGEN, Hélène KUHN...

Au lendemain du 22 novembre 1963, à Dallas, juste après l'assassinat de son mari, le président des USA John Fitzgerald Kennedy (C. Phillipson), Jacqueline Kennedy, née Bouvier (N. Portman), tente de faire face à la situation et d'affronter les épreuves que lui font subir les membres du gouvernement, et toute une ribambelle de profiteurs de la situation, et ainsi de faire le point sur l'importance historique qu'est en train de prendre son défunt époux...

S'attaquer à une telle figure populaire et controversée est une tâche difficile, défi que Larrain prend pourtant le risque de relever. Il essaie de mettre d'une part en évidence d'une part l'ambiguïté de la personnalité de Jacqueline Kennedy, notamment de ses rapports avec sa propre image, d'autre part la collision entre la légende, problématique en soi, et l'histoire telle que reconnue habituellement, qui résulte entre autres de cette image et des questions qui vont avec. Télescopages qui sont d'autant plus sensibles qu'ils sont analysés dans le cadre d'un film hollywoodien, un genre qui tend habituellement à déformer l'Histoire et à se reposer sur l'image populaire des événements et des figures historiques, tout en ne contribuant pas peu à les forger. Il y a donc forcément un côté un peu mise-en-abyme dans l'exercice, impliquant une part d'auto-réflexion et de critique de l'industrie hollywoodienne (un exercice auquel Clint Eastwood s'était déjà livré dans J. Edgar, par un angle un peu différent, mais incluant aussi des dialogues montrant le point de vue – biaisé, forcément biaisé - du personnage historique de Hoover).
Une innocente, une égocentrique, une manipulatrice, Larrain montre qu'elle est tout cela à la fois. Il prend tout de même le parti de montrer que in fine, c'est la victime qui prime en elle, victime parfois complaisante certes, mais entraînée à son corps défendant dans un processus qu'elle ne maîtrise pas, malgré tous ses efforts, et ne désirait pas vraiment. Je me dissocie pourtant de l'usage fait à sa sortie par Louis Guichard du terme "hagiographie". Notamment, Larrain essaie de faire ressortir par le biais des dialogues avec le prêtre quelle est sa personnalité profonde, la vraie Jackie, meurtrie par sa vie passée et horrifiée par le drame tout récent (le seul éléments fictionnel du film, il a néanmoins été créé en collant différents véritables dialogues avec des prêtres ; dialogues montrant d'ailleurs à quel point le secours de la religion peut être vain !). Lorsque sa décision de choisir de défiler a prévalu, après bien des hésitations, on sent que c'est bien son désir authentique de défier les assassins qui a pris le dessus, même si d'autres considérations, de construire sa postérité notamment, ont joué. On pourrait d'ailleurs être inquiet du tour qu'une telle affaire prendrait de nos jours, à l'heure où les conseillers en communication ont pris les rênes, et où on chanterait aussi le refrain du défi au terrorisme.

Portrait d'une femme célèbre prisonnière de son image et emportée dans la tourmente, racontée pour une grande part sous la forme appropriée de dialogues, donc, un exercice qui sied bien à Larrain. Cependant, certaines choses ont desservi la reconstitution à mes yeux. Le manque de ressemblance physique de certains acteurs est gênant, y compris du côté de l'actrice principale ; car si Natalie Portman fait tout pour se glisser dans la peau de son illustre personnage, reprenant jusqu'au moindre de ses maniérismes et de ses expressions, et arborant bien sûr des copies fidèles des robes rouges.de son modèle, l'illusion ne prend pas toujours, la faute à un tour de taille trop mince et un visage trop fluet. Si cela peut s'oublier par moments tant le travail d'incarnation de Portman est poussé, cela reste handicapant (elle aurait du faire l'effort de prendre quelques kilos pour ce film, comme d'autres ont osé le faire avant elle). De même, la ressemblance de Peter Sasgaard avec Robert Kennedy ne fonctionne que sur certains plans. Cela n'empêche pas le film de se regarder avec un vrai plaisir, malgré ou plutôt grâce à son rythme un peu contemplatif, et son choix délibéré de ne s'intéresser qu'à une période très courte mais essentielle de la vie de son "héroïne".
14/20
aureliagreen
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Une vie entre deux océans (The light between two oceans, 2016), drame historique australien écrit et réalisé par Derek CIANFRANCE, d'après un roman de M. L. STEDMAN, avec Michael FASSBENDER, Alicia VIKANDER, Rachel WEISZ, Florence CLERY, Jack THOMPSON, Thomas UNGER etc...

Au sortir de la Première Guerre Mondiale, Tom SHERBOURNE (FASSBENDER), un ancien combattant durement éprouvé par la guerre, prend un travail de gardien de phare sur un îlot au large de l'est de l'Australie Occidentale, où il espère rencontrer dans cette solitude désolée le châtiment qu'il s'estime du pour être rentré vivant de la guerre à la place de ses camarades. À la place de cette pénitence, il rencontre l'amour avec Isabel GREYSMARK (VIKANDER), qui vient vivre avec lui sur cette île déserte. L'idylle s'épanouit dans le bonheur, en attendant d'être couronnée par la prochaine naissance d'un enfant. Cependant, ne connaissant que des fausses couches, Isabel commence à sombrer dans le désespoir. Mais un jour, Tom découvre une barque avec à bord un homme mort et un bébé encore vivant. Il s'apprête à prévenir les autorités, mais Isabel, obsédé par le désir d'avoir un enfant, le convainc d'enterrer le corps et de récupérer et élever l'enfant comme le leur. La machination se déroule d'abord bien, Isabel est sauvée de sa dépression, et le couple vit heureux avec la petite fille qu'ils ont nommée Lucy. Mais lors d'une de ses visites à terre, Tom rencontre une femme, Hannah ROENNFELDT (WEISZ), qui pourrait être la vraie mère de Lucy...

Beaucoup de spectateurs risquent de regimber devant ce drame, dont la première partie est lente et très contemplative, voire lancinante. Cette longue introduction brosse le portrait d'une famille qui se bâtit autour d'un personnage dysfonctionnel, manquant de maturité psychologique, incapable d'accepter les vicissitudes de son existence, ce qui se traduit par des tendances suicidaires ; et d'un autre qui paraît d'abord être l'élément stabilisateur de l'ensemble, mais qui se révèle tout aussi fragile et immature, incapable d'accepter qu'elle puisse vivre sans avoir d'enfant. La suite est dans l'ordre des choses pour un tel couple boiteux, entre un survivant d'une guerre cruelle, qui a brisé alors plein de destinées, qui n'accepte pas sa situation, et une femme qui n'accepte pas non plus la sienne : il essaie de se réfugier dans un bonheur qui pour aussi intense soit-il, n'es reste pas moins factice et forcément précaire. Lorsque celui-ci finit par s'effondrer de façon toute aussi naturelle, le film entre dans une phase toute différente, une période d'affrontements psychologiques éprouvants et de dilemmes douloureux. Cianfrance a une réputation de réalisateur qui n'hésite pas à faire ressortir la plus grande violence possible entre ses personnages, notamment au sein des couples. Cela se vérifie là encore, particulièrement lorsque s'exprime le ressentiment d'Isabel envers son mari alors que celui-ci cède à nouveau à ses tendances suicidaires. Le comportement toxique d'Isabel liée à une personnalité immature profitant bassement alors de l'immaturité psychologique d'un autre ordre de Tom. Il est vrai que le récit de Stedman donne à cette violence pleinement matière à s'exprimer, avec son lot de situations cruelles et extrêmes, où il peut être difficile de prendre parti pour l'un ou l'autre. Même lorsque Isabel se retrouve dans le mauvais camp, confrontée à la légitimité incontournable de la mère véritable de Lucy, laquelle est elle-même en rupture avec un père dominateur.
La réalisation joue à fond sur la sensation de malaise, portée à son paroxysme par la performance exacerbée des deux actrices dans ces scènes de confrontation, entre leurs personnages ou entre Isabel et Tom. Des scènes qui nous secouent au tréfonds de notre être, et qui ont valu à Weisz et Vikander plusieurs prix dans divers festivals. La fin verra cependant Isabel revenir à la raison, et sauver son mari de sa course à la mort, le récit refusant donc de pousser jusqu'à son terme la logique auto-destructrice qui animait leur couple. Réfutant par là certaines critiques qui voyaient une complaisance envers le "pathos".

Du travail de Cianfrance et des interprètes, notamment Weisz et Vikander sort une œuvre intense, une réflexion sur l'identité autant que sur les difficultés de la condition d'immigré britannique aux lointaines colonies d'outre-mer (ainsi lorsque Lucy, qui a encore du mal à accepter d'avoir été séparée de ceux qu'elle considérait comme ses vrais parents, est confrontée par son grand-père à la plasticité de la notion de parents, ce dernier lui offrant son exemple personnel d'homme qui avait lui aussi été contraint d'avoir deux familles dans son enfance), la définition et la reconstruction de soi, notamment à travers la nécessité de faire front aux plus graves aléas de la vie, aussi odieux nous paraissent-ils. Par son absence de concessions et son refus de tout fatalisme, elle parvient à s'élever au-dessus du simple mélodrame pour devenir une fable optimiste sur l'existence.
14/20
aureliagreen
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Un homme d'exception, film historique et biographique de Ron HOWARD (A beautiful mind, USA, 2001), sur un scénario de Akiva GOLDSMAN et Sylvia NASAR, avec Russell CROWE, Jennifer CONNELLY, Paul BETTANY, Ed HARRIS, Christopher PLUMMER, Josh LUCAS, Adam GOLDBERG, Anthony RAPP...

Une évocation très romancée de la vie tourmentée du grand mathématicien John NASH (R. Crowe), entre travail en cryptographie pour le gouvernement de son pays, recherches qui le conduiront à être primé, relation avec son épouse Alicia Nash (J. Connelly), et plongée dramatique dans la schizophrénie paranoïaque...

Ce film a reçu un très bon accueil, au point de remporter plusieurs oscars, baftas et golden globes. Son approche consensuelle, très grand public, avec trompettes retentissantes et tout, d'un sujet pourtant grave, a séduit une grande partie des critiques, ainsi que ses couleurs et son interprétation chatoyantes, dans la lignée d'un film du Hollywood de l'Âge d'Or. Mais pour ceux qui préféraient la vérité historique, ou plus simplement un traitement à la hauteur de ses thèmes, ont été assez durs. À raison à mes yeux. Déjà justement parce que le ton employé est très consensuel, et même sirupeux. Ensuite parce que ce film prend de très grandes libertés avec la vraie vie de John Nash, toutes allant, sans surprise, dans le sens de la simplification hollywoodienne, qui ne seyait que trop à cette approche lisse.

D'abord, Nash n'a jamais connu d'hallucinations visuelles, seulement auditives. Il entendait des voix, qu'il attribuait tantôt à des communistes tantôt à des extra-terrestres, mais n'a jamais vu de compagnons imaginaires, ce classique des films sur la folie. À mille lieux du personnage d'allure débonnaire qu'incarne Russell Crowe, il pouvait de plus être menaçant, voire violent avec ses collègues, sans oublier sa femme. Le film était sensé essayer de faire ressentir la schizophrénie aux spectateurs, mais en fait il les a plutôt pris pour des simplets incapables, en leur donnant une représentation simpliste et tout simplement fausse, sans doute parce qu'il estimait qu'ils ne pourraient pas comprendre la vérité ni apprécier l'ambiguïté. Ou ne serait-ce pas parce que cette vérité simple serait moins spectaculaire et cinégénique ? On tombe là dans la logique d'un pur blockbuster clinquant et sans imagination. Alors oui, l'équipe du film a rencontré longuement John Nash, mais malgré cela le portrait qu'ils font de sa maladie n'est que fantaisie. Quant à l'appréciation positive de proches et de familles de victimes de la schizophrénie, elle est simplement incompréhensible. Tout comme l'est le fait que le scénario ait été autant récompensé (que les jurys des prix préfèrent les scénarios historiques est connu, mais cela ne justifie pas une telle complaisance).

D'autant plus que les inexactitudes ne s'arrêtent pas là. Sans même parler de plusieurs erreurs factuelles sur la biographie des Nash (leur fils n'étant pas né avant 1959, et John Nash, qui ne travaillait pas directement pour le Pentagone mais pour une entreprise militaro-industrielle, n'a pas reçu seul le prix Nobel d'économie – qui n'existe d'ailleurs pas en tant que tel, mais étant remis en même temps que la cérémonie des Nobel, est confondu avec eux), le métrage de Ron Howard présente Nash comme incapable d'éprouver un intérêt normal pour les femmes durant une grande partie de sa vie, et même d'avoir eu la moindre relation avant qu'il ne rencontre Alicia. En réalité, il avait déjà eu des relations tant hétéro- que possiblement homosexuelles (la question reste discutable sur ce dernier point, mais certainement pas sur le premier). Le portrait de John Nash dans ce long-métrage apparaît ainsi comme celui d'un John Nash bien différent du vrai John Nash. Disons que ce serait le John Nash d'un univers parallèle en quelque sorte. La raison peut en avoir été simple : l'image de l'ultra-nerd scientiste froid incapable d'analyser le monde autrement qu'en termes d'interactions entre molécules que donne le film n'est là encore qu'un cliché simpliste, destiné à caresser le public dans le sens du poil. Il nous ressort donc ce cliché répandu voulant que les savants sont tous des Pr Nimbus planqués derrière leurs microscopes, ce qui est très décevant.

Ajoutons que l'iddyle entre John et Alicia Nash était loin d'être aussi... iddylique que le présente le film, Alicia ayant notamment beaucoup moins soutenu son mari. Les deux ont divorcé en 1962, à peine cinq ans après leur mariage. Il se sont certes retrouvés... après que John ait gagné son Prix Nobel en 1994, avant de se remarier en... 2001. Là encore, cette romance apparaissait comme 'un cliché un peu pompeux pour émouvoir le public à peu de frais.

Alors, Russell Crowe peut faire beaucoup d'efforts pour essayer d'incarner la folie de John Nash, Jennifer Connelly peut être resplendissante en beauté classique, il peut y avoir un beau casting, la musique de James Horner, mais hélas on se retrouve face à ces deux questions et réponses : Un homme d'exception est-il un bon film sur la folie ? Non. Est-il un bon film sur John Nash ? Non plus. Toutes ses qualités n'en font qu'un film typique de Ron Howard. Qui, c'est vrai, n'a pas fait que du mauvais, mais qui nous a livré là un long-métrage pompeux, consensuel et démagogique avec flonflons et tout le toutim. Ce qui ne doit pas étonner car c'est le style, nettement disneyien, qui a fait son succès sur plusieurs de ses films comme Cocoon, Splash et Willow. Il n'était en conséquence pas du tout là dans son créneau, n'ayant aucunement l'expérience requise pour explorer une âme torturée, et cela se ressent. De toute façon, le sujet, pénible par nature, ne convenait sans doute pas à un film grand public, traité sur un mode plutôt blockbuster pour des raisons commerciales. Un tel thème aurait nécessité d'abord une approche vraiment sérieuse, et ensuite un David Lynch, un David Cronenberg ou un Darren Aronofski... Multiples prix ou pas, je ne parviens pas à lui mettre la moyenne (en fait , le seul prix qu'il n'ait pas eu était le seul qu'il méritait : celui de film le plus surestimé à avoir jamais été primé aux Oscars et Golden Globes !).

8/20
Modifié en dernier par aureliagreen le sam. 18 nov. 2023 10:47, modifié 1 fois.
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robinne
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weird

aureliagreen a écrit :
ven. 17 nov. 2023 11:15
Un homme d'exception
[...]
(en fait , le seul prix qu'il n'ait pas eu était le seul qu'il méritait : celui de film le plus surestimé à avoir jamais été primé aux Oscars et Golden Globes !).
Tu sembles oublier Shakespeare in love :o
aureliagreen
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Oui, je sais que certains en font un très bon candidat à ce titre, mais il est injuste d'omettre Un homme d'exception comme très sérieux concurrent.
aureliagreen
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Invasion Day, film de guerre de Roni EZRA, (9.april, Danemark, 2015), sur un scénario de Tobias LINDHOLM, avec Pilou ASBÆK, Lars MIKKELSEN, Elliott CROSSET HOVE, Simon SEARS, Martin GREIS-ROSENTHAL, Gustav DYEKJÆR GIESE, Joachim FJELSTRUP...

Au début de 1940, une unité cycliste de l'armée danoise s'entraîne, sur fond de tensions croissantes et de menace d'invasion allemande du petit royaume nordique. Le 9 avril, cette invasion a lieu. Les soldats cyclistes, accompagnés dune autre unité, elle à motos, sont envoyés en première ligne afin de stopper les troupes allemandes...

Un petit film de guerre très efficace, qui s'emploie à montrer un aspect habituellement oublié de la seconde guerre mondiale entièrement par les yeux de combattants danois lors de la très courte invasion sans déclaration de guerre de leur pays par l'armée allemande en avril 1941. La sobriété domine, Ezra s'employant à décrire avec réalisme le quotidien de simples soldats et officiers de terrain en train de se préparer, en ignorant tout de ce qui se trame à haut niveau, et tout ce qui va avec, notamment l'angoisse qui accompagne le sentiment d'impuissance qui résulte d'une telle situation, redoublant celui qui devait déjà être ressenti en raison de la disproportion des forces en leur défaveur que devaient connaître les protagonistes. Puis les combats, tout autant avec réalisme, et efficacité, sans aucune fioriture ni effet hollywoodien. Notamment, l'héroïsme qui caractérise souvent ces derniers est absent, il serait manifestement tout à fait déplacé dans une telle approche, le scénario se contentant de suivre la trame historique, que l'on sait être entièrement dépourvue de tels contenus, en raison de la même disproportion déjà citée. Les danois vont perdre, on le sait depuis le départ, et rien ne pourra le changer, et surtout pas les desiderata d'un producteur démagogique. Une belle œuvre, avec peu de moyens, qui ne cherche pas à plaire, et se veut un témoignage de ce qu'est vraiment la guerre et de son absurdité, malheureusement demeurée méconnue.
16/20
aureliagreen
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Le pont des espions, film historique de Steven SPIELBERG (Bridge of Spies, USA, 2015), sur un scénario de Matt CHARMAN, Ethan COHEN et Joel COHEN, avec Tom HANKS, Mark RYLANCE, Alan ALDA, Amy RYAN, Dominick LOMBARDOZZI, Victor VERHAEGHE, Austin STOWELL, Joshua HARBO, Rebekaah BROCKMAN, Jilaim LIEBLING, Noah SCHNAPP, Billy MAGNUSSEN...

Ce long-métrage relate l'histoire vraie de l'arrestation aux USA de l'agent soviétique Rudolf ABEL (M. Rylance), de sa défense par l'avocat James B. DONOVAN (T. Hanks), de la capture par les soviétiques du pilote d'avion-espion U2 Francis Gary POWERS (A. Stowell), puis de l'échange entre Abel et Powers qui s'ensuivit...

C'est ce qu'on appelle un bon petit Spielberg, un drame historique sur un sujet contentieux prenant, bien réalisé et solidement interprété (en dépit du recours à plusieurs noms peu voire très peu connus). Contrairement à certains films dits "historiques" récents, il n'y a que peu d'écarts par rapport à la réalité, et d'assez peu d'importance ; il y a la non mention de la présence d'un autre négociateur sur le sol soviétique, sinon, Gary Powers avait déjà quitté l'armée de l'air avec le grade de capitaine près d'un an avant de passer les tests pour la CIA (alors que le film dit qu'il est passé directement de l'un à l'autre), plus deux autres choses qui si elles sont certes elles aussi peu importantes du point de vue de la progression du récit, sont plus gênantes : l'idée même qu Powers ait subi des tortures en détention est grotesque, la scène où la demeure de Donovan est l'objet d'un canardage est une grossière et regrettable invention, dans un but démagogique de plaire au spectateur, sinon de rehausser l'intensité dramatique, comme si ce dernier n'était pas assez intelligent pour comprendre les enjeux. Tout cela sans qu'il soit besoin de tenir compte de diverses incertitudes, les événements restant marqués du sceau du secret des espions ; ce sont des difficultés avec lesquelles les scénaristes jonglant avec la nécessité de reconstruire un récit historique doivent toujours composer ; ainsi la nature du poison porté par Gary Powers est encore discutée de nos jours (certains affirmant même qu'il s'agit d'une pure invention de propagande, seulement le propre fils de Gary Powers a affirmé que son père lui en avait confirmé la réalité). Cependant, on notera que du point de vue des équipements, si la présence de bourdes, portant en général sur peu d'années d'écart, est difficilement évitable, même dans les films les mieux documentés (la série Mad Men n'y a pas échappé, par exemple), ce film en comporte un nombre plus grand que la moyenne pour une production de ce calibre, et surtout portant sur de nombreuses années (un taxi des années 70, entre autres)*.
Cela n'empêche pas Spielberg de brasser avec compétence divers sujets socio-politiques importants de ces années, englobant des liens entre politique, juridique, sécurité nationale aux complexités de la Guerre Froide et jeux d'espionnage. Il évite de verser dans le manichéisme, donne des portraits nuancés(même si sont présents d'inévitables portraits de responsables des services secrets empreints de froideur et de cynisme, dans les deux camps, cependant sans doute toujours réalistes), la reconstitution de l'ambiance de l'époque est soignée. À sa sortie il fournissait un très bon film de fin d'année, qui parvenait à fournir sa dose d'angoisse et même de surprise alors qu'on connaissait déjà la fin de l'histoire ; mais à qui il manque néanmoins la touche de génie qui aurait pu en faire un vraiment grand film, en plus de ses erreurs matérielles.
14/20

* une liste des erreurs, en effet nombreuses, ici :
https://www.imdb.com/title/tt3682448/go ... =tt_trv_gf
aureliagreen
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L'empereur de Paris, film historique et policier de Jean-François RICHET (France, 2018), sur un scénario d'Éric BESNARD et Jean-François-RICHET, avec Vincent CASSEL, Patrick CHESNAIS, August DIEHL, Olga KURYLENKO, Denis LAVANT, Freya MAYOR, Denis MÉNOCHET, Jérôme POULY, James THIERRÉE, Fabrice LUCHINI, Fayçal SAFI, Antoine LELANDAIS, Frédéric FIX...

Sous le règne de Napoléon, François Vidocq (V. Cassel), le seul homme à s'être évadé de la plus grande colonie pénitentiaire du pays, essaie de se faire oublier sous l'identité d'un simple commerçant. Mais repéré par les services de Fouché (F. Luchini), le redoutable ministre de la Police, il leur fait une offre : l'amnistie en échange de son aide pour arrêter de gros criminels...

Cette nouvelle adaptation de la vie du célèbre bagnard devenu policier influent a reçu un accueil très partagé, ce qui se comprend car tant les critiques élogieuses que les hostiles avaient de bons arguments à faire valoir. Du côté positif, la forte mise en scène de Jean-François Richet confère à cette nouvelle adaptation de la vie de Vidocq une grande puissance évocatrice, qui inspire manifestement les acteurs, et notamment Vincent Cassel dans le rôle titre (avec une mention spéciale à un Lucchini en Fouché qui n'est jamais meilleur que quand il ne fait pas du Lucchini). Elle est aussi soutenue par une remarquable peinture du Paris du début du XIXème siècle, saisissante de précision et de réalisme, souvent glaçante dans sa reconstitution des bas-fonds et coulisses (et dépourvu de tout quota négationniste qui fausse la vérité de l'époque dans un but wokiste). C'est donc une vraie fresque historique, qui n'épargne pas les ambiguïtés de Vidocq et pas davantage celles de ses supérieurs hypocrites et retors. Et qui, à l'image du Gangs of New-York de Scorsese, n'hésite pas à montrer le caractère impitoyable de la période et sa grande violence, ni trop présente ou gratuite ni édulcorée, une violence simplement "nécessaire" et sans concession, quand le sang doit couler il coule.

Cependant, on peut regretter cependant que ce grand réalisme s'accompagne d'un certain manque d'atmosphère. Pour Richet, une ruelle sombre est simplement une ruelle sombre, une habitation sordide et décrépie une habitation sordide et décrépie. On peut également regretter que tous les personnages ne soient pas également développés, ce qui n'est pas en soi gênant dans un film qui en compte tant d'importants, le scénario parvenant à faire justice à la plupart d'entre eux, mais certains auraient certainement mérité plus de présence, notamment Annette, Wenger et la baronne de Giverny.
Cela ne peut pas gâcher à mes yeux l'efficacité indéniable de ce film historique, qui confirme un certain renouveau du cinéma français en matière de films de haute volée, du genre qu'on pensait ne plus voir il n'y a pas si longtemps.

13/20
aureliagreen
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Enfant 44, drame et suspense historique de Daniel ESPINOSA (Child 44, 2015, Tchéquie/Royaume-Uni/USA/Russie/Roumanie), sur un scénario de Richard PRICE d'après le roman de Tom Rob SMITH, avec Tom HARDY, Gary OLDMAN, Noomi RAPACE, Joel KINNAMAN, Xavier ATKINS, Mark Lewis JONES, Fares FARES, Karel DOBRÝ, Agnieszka GROCHOWSKA, Petr VANEK, Jana STRYKOVÁ, Ursina LARDI, Michael NARDONE...

Au début des années 50, dans une URSS encore sous la férule de Joseph STALINE, Leo DEMIDOV (T. Hardy), un officier des services de sécurité idéaliste et pro-Staline, se met à enquêter sur une série de meurtres d'enfants, qu'il lie aux réseaux ferrés que le tueur semble emprunter. Le problème est que dans le paradis communiste, un tueur en série, qui plus est tueur d'enfants, c'est sensé ne pas exister. Saqué par ses supérieurs, dégradé et déplacé, il décide néanmoins, avec la seule aide de son épouse, de continuer son enquête, à ses risques et périls...

On a là un film sérieux et grave, sur une époque très troublée, et dont l'évocation reste douloureuse dans les pays de l'ex-URSS (au point qu'il n'a trouvé aucun distributeur en Russie). Cette quête après un impitoyable assassin d'enfants permet d'explorer intelligemment nombre de problématiques sur la période stalinienne, entre la peur exercée par le MGB sur la population (évoquée même par des biais inattendus, lorsque l'épouse de Leo Demidov lui révèle après d'être longtemps tue qu'elle l'a épousée parce qu'elle était terrifiée par lui et sa fonction d'agent de l'État, à sa grande consternation), la paranoïa induite, les blessures de la guerre, l'empreinte de la bureaucratie et les méandres de la propagande d'État qui veut qu'un tueur en série ne puisse exister au paradis ouvrier et que lorsqu'on ne puisse plus nier son existence, il soit le produit non de la cruauté de la société soviétique, mais d'une manipulation nazie... Il y a quelques raccourcis, notamment l'incroyable coïncidence qui veut que l'enquêteur et le tueur en série se soient connus dans leur enfance en orphelinat. Mais la sobriété de la réalisation et l'interprétation solide, même des personnages secondaires (avec il est vrai un casting très relevé...), parviennent à rendre efficacement l'ambiance oppressante qui convient à ce récit.
14/20
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