Après m'être retapé JFK, j'ai voulu revoir le
Alexandre d'Oliver Stone (que j'avais seulement découvert il y a plus de 12 ans dans sa version cinoche) :
revu dans sa version définitive Ultimate Cut (et dans le genre redécouverte ça se pose là)
c'est simple, mis à part peut-être la Porte du Paradis voire Kingdom of Heaven,je n'ai jamais vu un tel gap cinématographique entre une version ciné sacrifiée et un director's cut
là où la version salle sabordait complètement les personnages, la dramaturgie et la substantifique moelle du récit par souci de rythme, ici c'est absolument tout l'inverse
En 3h30, le film alterne de manière intelligente et fluide entre passé, présent et futur. Chaque morceau se répond parfaitement cependant, malgré que ce procédé puisse questionner lors des premières minutes. Même si les scènes de batailles sont plus violentes et gores, cet Ultimate Cut se veut avant tout un vrai film de personnages, et développant à merveille chaque facette de la vie et la psyché d'Alexandre le Grand.
Que ce soient ces généraux (et les guerres intestines qui s'en suivront), ces relations amoureuses (Héphaïstion, Roxane, Boagas), ces figures paternelles (Philippe et Olympia) ou même les aspirations mythologiques du personnage (Achille, Hercule, Oedipe, Prométhée...)...chaque élément est à sa place et creusé pour faire sens.
Petit exemple : une nouvelle scène où Philippe conte les légendes des Titans, et qui sera en quelque sorte un fore-shadowing de l'ascension puis de la chute d'Alexandre.
Un passage extrêmement important pour comprendre ce qu'Oliver Stone raconte ici, et cette Cut regorge d'autres séquences de ce type.
En résulte une épopée dense, abordant à la fois la vie du personnage éponyme pour en montrer l'homme faillible, mais aussi traiter sa stature devenue mythique (et quasi mythologique) dans une vraie tragédie grecque.
L'occasion de laisser plus de temps et d'espace aux personnages, et donc aux acteurs (à voir en VO bien sûr) : Colin Farrell est excellent, mais ceux qui bénéficient le + de cette version sont clairement Val Kilmer et Angelina Jolie (cette fois non-réduits à des figures paternelles/maternelles peu congruentes).
Pour le reste,on tient là une production riche à la documentation exemplaire (Stone décrira ça comme aussi important que son JFK), aux costumes magnifiques, aux décors réalistes et détaillés (les jardins de Babylone sont sans doute le clou du spectacle), jusqu'à la très bonne BO de Vangelis !
Tout n'est pas parfait : la photographie de Rodrigo Prieto est de qualité, mais quelques segments sont un chouilla moins travaillés ; le film a quelques petits raccourcis historiques (mais pour avoir un récit plus fluide), et enfin les scènes de batailles méritaient un montage moins cuté pour laisser les morceaux de bravoure respirer
mais quoiqu'il en soit, si il faut voir Alexandre c'est dans cette version définitive, proposant un regard complexe sur une des grandes figures de l'Antiquité. Un homme,un mythe, qui tel Icare se brûlera les ailes, pour accomplir l'impossible, et finalement rapprocher les peuples dans un monde meilleur.
Au final, un très très bon film, le dernier baroud d'honneur d'Oliver Stone, et une honte absolue de pas l'avoir sorti direct dans cette version.