Le Cercle des profileurs disparus
Posté : mer. 3 août 2022 19:03
EL a moyennement apprécié L'année du requin (2,5 étoiles) :
Des quelques grosses productions hollywoodiennes aux multiples séries B, voire Z qui se déversent chaque mois de l'été sur les services de VOD, la sharksploitation se porte bien. Mais il n'y avait bien que les frères Boukherma, déjà réalisateurs du très bon Teddy, pour la mélanger avec la comédie franchouillarde et inviter un squale sur les plages du sud-ouest. Le résultat, L'année du requin, mené par le trio Marina Foïs-Kad Merad-Jean-Pascal Zadi, est à peu près aussi improbable qu'audacieux.
PASSION REQUIN
Pour qui a déjà vu Teddy, la démarche des frangins derrière la caméra n'est pas si étonnante. Les autres, en revanche, risquent de sérieusement halluciner. Vendu plus ou moins comme une comédie estivale, le film alterne gags potaches... et authentiques séquences de shark movies, d'où l'audace nécessaire à son accompagnement dans presque 500 salles ! Croyez-le ou non, L'année du requin est très clairement un Dents de la mer (l'ombre de Spielberg plane) du terroir. Un postulat pour le moins inédit.
Dans Teddy donc, les Boukherma importaient le mythe du loup-garou dans la France rurale, avec une grosse touche de Carrie au bal du diable en prime. Un mélange des genres frondeur, qui empruntait beaucoup au cinéma de Bruno Dumont et à sa description des populations délaissées par les grosses productions parisiennes. L'intérêt résidant moins dans le grand spectacle et les transformations canines (suggérées, en raison d'évidentes limites budgétaires) que dans la fusion entre la trajectoire semée d'embuches du jeune paria joué par Anthony Bajon, l'ambiance très particulière du cadre pyrénéen et les codes du film de genre américain.
À la vision de L'année du requin, il devient évident que cet équilibre précaire provient tout simplement des deux passions du duo de metteurs en scène : le cinoche populaire et les régions françaises. Moins modeste que son prédécesseur, cette nouvelle entrée dans leur filmographie n'est autre qu'un gigantesque agrégateur de leurs envies, toutes sincères. Le générique se termine d'ailleurs en remerciant les requins, sans lesquels il n'y aurait pas de film de... requin.
Sauf que dans Teddy, l'inéluctabilité de la métamorphose et l'humilité des moyens de production suffisaient à resserrer les enjeux. Le carcan emprunté à Jaws, au contraire, éparpille les ruptures de ton façon puzzle, enchainant à un rythme effréné des saynètes qu'on croirait échappées d'un bon épisode de Camping paradis (si tant soit peu que ça existe) et d'authentiques séquences typiques du genre, dont un climax étonnamment solide sur le plan technique, sans vraiment les relier entre elles. Le tout est forcément fascinant, en dépit d'une tendance à l'éparpillement qui renforce encore son étrangeté.
EVERYTHING EVERYWHERE
Marina Foïs, Jean-Pascal Zadi et Christine Gauthier (découverte dans Teddy, justement) jouent donc les gendarmes côtiers chargés de s'occuper du gros poisson, sous la pression des saisonniers et des vacanciers. Et ce n'est pas tout ! À la fois comédie assumée, radiographie des moeurs de la région, film de flippe, quête personnelle et même satire politique, L'année du requin profite de sa nature hybride pour bouffer un peu à tous les râteliers, au gré des envies de ses auteurs.
Résultat : le film est bourré de scènes comiques aléatoires, de références à la pandémie et d'idées de toutes sortes, alignées les unes après les autres. Certaines d'entre elles font mouche, comme le personnage incarné par Kad Merad – dont la présence prouve une fois de plus l'incongruité de l'entreprise –, particulièrement touchant dans la peau d'un mari bien content de profiter enfin un peu de sa vie de couple. D'autres beaucoup moins, comme cette parodie de l'heure des pros (ou de toute autre émission tenue par des pseudo-éditorialistes), qui s'invite de manière impromptue dès que les protagonistes font un tour en voiture.
Bref, L'année du requin ne sait pas vraiment dans quelles eaux nager et affirme sa singularité en perdant son spectateur. Plus qu'une courageuse superposition de genres diamétralement opposés, il devient une compilation désordonnée et kamikaze d'hommages exaltés et d'ambitions multiples. Sans surprise, ses comédiens s'y amusent comme des petits fous, à commencer par Marina Foïs et Jean-Pascal Zadi. Et on se surprend à sourire face aux partis-pris qui défilent pêle-mêle à l'écran, l'emploi du morceau La kiffance de Naps comme running gag, par exemple.
Car si le film se plante souvent, il faut le reconnaître, son enthousiasme candide l'emporte, et rassure sur la capacité des jeunes cinéastes français à faire sauter les digues entre les genres, même si cela implique d'allégrement les inonder. Et rien que pour ça, on souhaite le meilleur à cet improbable film de requin estival, ainsi qu'à ses réalisateurs. Vivement qu'ils s'attaquent au Kaiju Eiga.
Hybride foutraque qui doit tout à la passion de ses auteurs, mais ne sait pas sur quel aileron nager, ce film de requin made in France est assurément le divertissement le plus bizarroïde de l'été. Pour le meilleur ou pour le pire, à vous de juger !
https://www.ecranlarge.com/films/critiq ... r-francais
Des quelques grosses productions hollywoodiennes aux multiples séries B, voire Z qui se déversent chaque mois de l'été sur les services de VOD, la sharksploitation se porte bien. Mais il n'y avait bien que les frères Boukherma, déjà réalisateurs du très bon Teddy, pour la mélanger avec la comédie franchouillarde et inviter un squale sur les plages du sud-ouest. Le résultat, L'année du requin, mené par le trio Marina Foïs-Kad Merad-Jean-Pascal Zadi, est à peu près aussi improbable qu'audacieux.
PASSION REQUIN
Pour qui a déjà vu Teddy, la démarche des frangins derrière la caméra n'est pas si étonnante. Les autres, en revanche, risquent de sérieusement halluciner. Vendu plus ou moins comme une comédie estivale, le film alterne gags potaches... et authentiques séquences de shark movies, d'où l'audace nécessaire à son accompagnement dans presque 500 salles ! Croyez-le ou non, L'année du requin est très clairement un Dents de la mer (l'ombre de Spielberg plane) du terroir. Un postulat pour le moins inédit.
Dans Teddy donc, les Boukherma importaient le mythe du loup-garou dans la France rurale, avec une grosse touche de Carrie au bal du diable en prime. Un mélange des genres frondeur, qui empruntait beaucoup au cinéma de Bruno Dumont et à sa description des populations délaissées par les grosses productions parisiennes. L'intérêt résidant moins dans le grand spectacle et les transformations canines (suggérées, en raison d'évidentes limites budgétaires) que dans la fusion entre la trajectoire semée d'embuches du jeune paria joué par Anthony Bajon, l'ambiance très particulière du cadre pyrénéen et les codes du film de genre américain.
À la vision de L'année du requin, il devient évident que cet équilibre précaire provient tout simplement des deux passions du duo de metteurs en scène : le cinoche populaire et les régions françaises. Moins modeste que son prédécesseur, cette nouvelle entrée dans leur filmographie n'est autre qu'un gigantesque agrégateur de leurs envies, toutes sincères. Le générique se termine d'ailleurs en remerciant les requins, sans lesquels il n'y aurait pas de film de... requin.
Sauf que dans Teddy, l'inéluctabilité de la métamorphose et l'humilité des moyens de production suffisaient à resserrer les enjeux. Le carcan emprunté à Jaws, au contraire, éparpille les ruptures de ton façon puzzle, enchainant à un rythme effréné des saynètes qu'on croirait échappées d'un bon épisode de Camping paradis (si tant soit peu que ça existe) et d'authentiques séquences typiques du genre, dont un climax étonnamment solide sur le plan technique, sans vraiment les relier entre elles. Le tout est forcément fascinant, en dépit d'une tendance à l'éparpillement qui renforce encore son étrangeté.
EVERYTHING EVERYWHERE
Marina Foïs, Jean-Pascal Zadi et Christine Gauthier (découverte dans Teddy, justement) jouent donc les gendarmes côtiers chargés de s'occuper du gros poisson, sous la pression des saisonniers et des vacanciers. Et ce n'est pas tout ! À la fois comédie assumée, radiographie des moeurs de la région, film de flippe, quête personnelle et même satire politique, L'année du requin profite de sa nature hybride pour bouffer un peu à tous les râteliers, au gré des envies de ses auteurs.
Résultat : le film est bourré de scènes comiques aléatoires, de références à la pandémie et d'idées de toutes sortes, alignées les unes après les autres. Certaines d'entre elles font mouche, comme le personnage incarné par Kad Merad – dont la présence prouve une fois de plus l'incongruité de l'entreprise –, particulièrement touchant dans la peau d'un mari bien content de profiter enfin un peu de sa vie de couple. D'autres beaucoup moins, comme cette parodie de l'heure des pros (ou de toute autre émission tenue par des pseudo-éditorialistes), qui s'invite de manière impromptue dès que les protagonistes font un tour en voiture.
Bref, L'année du requin ne sait pas vraiment dans quelles eaux nager et affirme sa singularité en perdant son spectateur. Plus qu'une courageuse superposition de genres diamétralement opposés, il devient une compilation désordonnée et kamikaze d'hommages exaltés et d'ambitions multiples. Sans surprise, ses comédiens s'y amusent comme des petits fous, à commencer par Marina Foïs et Jean-Pascal Zadi. Et on se surprend à sourire face aux partis-pris qui défilent pêle-mêle à l'écran, l'emploi du morceau La kiffance de Naps comme running gag, par exemple.
Car si le film se plante souvent, il faut le reconnaître, son enthousiasme candide l'emporte, et rassure sur la capacité des jeunes cinéastes français à faire sauter les digues entre les genres, même si cela implique d'allégrement les inonder. Et rien que pour ça, on souhaite le meilleur à cet improbable film de requin estival, ainsi qu'à ses réalisateurs. Vivement qu'ils s'attaquent au Kaiju Eiga.
Hybride foutraque qui doit tout à la passion de ses auteurs, mais ne sait pas sur quel aileron nager, ce film de requin made in France est assurément le divertissement le plus bizarroïde de l'été. Pour le meilleur ou pour le pire, à vous de juger !
https://www.ecranlarge.com/films/critiq ... r-francais