125, rue Montmartre - Gilles Grangier
Lino Ventura y incarne Pascal, vendeur de journaux à la sauvette dans Paris, qui se lie d’amitié avec Didier (Robert Hirsch) un garçon mystérieux et dépressif qu’il sauve de la noyade. Ce dernier lui apprend qu’il a hérité d’une fortune mais que son ex-femme fait tout pour le faire interner. Pascal accepte alors de se rendre chez lui pour dérober l’argent mais se retrouve embringué dans une improbable histoire de meurtre. C’est un film noir très classique raconté ainsi. Mais le film est passionnant car il est clairement scindé en deux parties. Le début ressemble à du Duvivier, ou au Verneuil de Des gens sans importance, dans sa fine description du milieu, de cette amitié naissante, la suite davantage au Grangier que l’on connait quand il fait jouer Gabin. Les dialogues d’Audiard sont excellents et une fois n’est pas coutume ne phagocytent pas l’atmosphère du film. Mais c’est bien Ventura qui impressionne, tant il incarne une sensibilité à l’époque assez nouvelle dans son jeu, qu’il déploiera évidemment chez Melville.
Oranges sanguines - Jean-Christophe Meurisse
Celles et ceux qui ont vu Apnée (2016), le premier film de Jean-Christophe Meurisse, ne seront pas surpris : Oranges sanguines en reprend clairement les codes, le ton, la méchanceté, déclinant l’humour des Chiens de Navarre (Il faut rappeler l’irrésistible titre de l’une de leurs pièces : « La peste c’est Camus, mais la grippe est-ce Pagnol ? ») de la scène à l’écran.
Comme si les Blier et Délépine & Kervern d’aujourd’hui avaient (de nouveau) un peu de folie et d’inventivité. Celui-ci va plus loin encore, il est plus trash, plus « bête et méchant », plus dans la lignée d’une actualisation d’un C’est arrivé près de chez vous, disons.
Et il opte moins pour le parcours initiatique et franchouillard de trois clampins (Il y avait du Peretjatko dans Apnée, qui était plus doux, poétique et absurde) que pour une mixture de film à sketchs et de film choral, au point de citer sans vergogne Pulp fiction à plusieurs reprises.
Il y est donc question d’un couple de vieux participant à un concours de rock dans l’espoir d’éponger leurs dettes ; D’un ministre du budget plongé en pleine affaire de fraude fiscale ; de l’éveil d’une adolescente à la sexualité. Tout va se mélanger, y aura du viol, de la torture, des morts. Il, y aura Blanche Gardin en gynécologue, Patrice Laffont en présentateur d’émission de danse, un sanglier dans le salon d’un péquenot grimé en joker, un chien mangeant des testicules.
C’est inégal bien entendu. C’est aussi très dérangeant, cynique et violent, mais ça fait plaisir de voir une vraie comédie méchante, un vrai film punk, tour à tour léger et grave, ignoble, euphorique et triste, à travers un mélange détonnant de farce politique et d’humour régressif.
Les crimes du futur - David Cronenberg
Probablement le film qui me faisait le plus saliver depuis le début de l’année : J’étais persuadé de retrouver le Cronenberg qui me manquait, celui de Crash, de Faux-semblants, d’Existenz, de Chromosome 3 à la seule découverte du pitch : « Dans un futur proche, tandis que le corps humain est l’objet de transformations physiques nouvelles, le célèbre artiste Saul Tenser met en scène l’extraction de ses organes et tumeurs, dans des spectacles d’avant-garde ». J’en rêvais (et en tremblais) déjà. Le pire étant que ça ne s’arrête pas là : Il y a aussi ces enquêteurs du bureau des organes, le meurtre d’un enfant se nourrissant de plastique et un simili groupe terroriste sur le point de révéler l’ultime mutation génétique. J’en faisais déjà des rêves, des cauchemars. Je voyais un truc sombre dans la veine de la fin de Crash (« maybe the next time, darling ») mais à l’échelle de l’humanité tout entière. A l’échelle de la fin du monde. Je voyais le chef d’œuvre. Il restera sur le papier, malheureusement. Car le film ne m’a rien offert de plus que cette promesse sinon le relatif plaisir de la compilation. Il a glissé sur moi. L’impression d’être face à un Cronenberg de synthèse, beau mais désincarné, avec quelques fulgurances éparses (les séquences le long des ferries rouillés échoués, dans un crépuscule orangé, superbes) mais surtout beaucoup de déception (la pauvreté visuelle des machines, par exemple) et d’ennui. A vrai dire je l’ai déjà oublié.
Uncharted - Ruben Fleischer
À ceux qui ont joué aux jeux Uncharted :
- Ça parle autant dedans ou ils se foutent un peu sur la tronche, parfois ?
- Était-ce déjà sur ce ton, qui reprend grosso modo la méthode Marvel ?
- Y a t-il aussi un max de référence lourdingues au cinéma d'action ?
- Le personnage de Nathan Drake fait-il aussi puceau et débile ?
Moi je n'ai jamais joué aux jeux en question donc aucun moyen de m'attraper sur ce point. Je voulais juste voir un bon film d'action du dimanche soir.
Malheureusement on est une nouvelle fois face à un produit décliné et complètement marvellisé : Ça ressemble à tout ce qui ce fait (de mauvais) dans le genre depuis vingt ans, de Benjamin Gates à Fast and Furious (alors que ça cite grassement Indiana Jones, évidemment sans lui arriver à la cheville) et on ne tremble pour aucun personnage tout simplement car on ne peut croire ne serait-ce qu'une seconde qu'ils peuvent mourir.
Dès la première scène c'est une catastrophe : Il faut arrêter avec ces scènes d'intro qui rejouent une partie de la grosse scène centrale d'un film, ça ne sert à rien, surtout ça enlève complètement la force de cette dite-scène quand elle arrive en entière. C'est donc la scène de l'avion. Celle qui aurait pu offrir un truc pour lequel on se soutiendrait un peu du film. Raté, elle est nulle.
Un bon point néanmoins : Le film dure moins de 2h ce qui dans l'univers des blockbuster aujourd'hui fait presque office de court métrage.
Que dire d'autre si ce n'est que je n'ai rien contre Tom Holland mais alors autant en Spiderman il est correct autant là il est nul car sans masque il a vraiment le charisme d'un bigorneau à l'agonie.
Bref, ça démarre comme un très mauvais James Bond et ça se termine comme un très mauvais Pirates des Caraïbes.
C'est nul, désincarné, aseptisé.
Mais bon, fallait-il attendre autre chose de la part de Ruben Fleischer ?
La méthode Williams - Reinaldo Marcus Green
Biopic académique, calibré pour les oscars et à la conception un brin douteuse (j’y reviens) le film déploie au moins une belle idée dans son dernier tiers à savoir suivre le premier tournoi pro de Vénus Williams, à Oakland. La jeune femme a seulement quatorze ans et privilégie d’une invitation. Elle crée la sensation en éliminant sèchement Shaun Stafford (59e mondiale) au premier tour puis chute face à Arantxa Sanchez au second après avoir mené 6.2 3.1. (Il faut signaler que c’est le moment qu’avait choisi l’espagnole, alors numéro une mondiale, pour faire une pause pipi : Vénus n’a plus marqué un seul jeu ensuite). Et pour le coup, le film capte bien l’instant, ce mélange d’euphorie et d’étrangeté, l’ambiance sur le court et dans les gradins, ainsi que les émotions qui traversent la jeune joueuse. Par ailleurs, personne n’en parle, car le film est plutôt un biopic sur Richard Williams et il est donc dévoré par le jeu outrancier de Will Smith (j’y reviens, bis) mais Saniyya Sidney, qui incarne Vénus Williams (à 14 ans) est exceptionnelle.
Bref, c’est un film que j’étais très curieux de découvrir aussi pour voir comment il allait traiter de la monstruosité en général. Moins de celle des sœurs Williams, qui sont des génies du tennis et des anomalies sportives fabriquées, que de celle de leur père, qui rappelons-le avez prévu, avant même leur naissance, d’en fabriquer des championnes de tennis. Il avait un plan. Et le film ne manquera pas d’appuyer là-dessus, de façon bien lourde, pendant le film (à travers ses dires) et à la fin du film (à travers des images d’archives et un carton parfaitement clair) : Vénus serait la première joueuse noire numéro une mondiale & Serena la plus grande joueuse de l’ère Open. Evidemment, La méthode Williams n’évoquera jamais l’étrangeté de ce plan, au contraire, il sacrera volontiers Richard en tant que héros, qui avait raison sur tout : De la conception de ce plan jusqu’à son exécution hors des sentiers battus, puisqu’il refusa d’envoyer ses filles à l’Académie, de peur qu’elles se brulent les ailes. Le contre-exemple utilisé dans le film c’est bien entendu celui de Jennifer Capriati, dont le destin fut bien plus tumultueux. Bien plus humain, en somme.
Et si La méthode Williams est incapable de rebondir là-dessus, car il ne voit pas la freaks-story mais uniquement la success-story, il ne s’arrête pas là : En effet Will Smith est partout là-dedans, il n’y en a que pour lui – on sait pourtant que Mme Williams a eu un impact considérable dans le destin de ses filles, notamment dans celui de Serena, qui était auparavant dans l’ombre de sa grande sœur. On attendait un film à la gloire de deux femmes, mais c’est encore un film à la gloire d’un homme ayant construit le destin de deux femmes. C’est un film à la gloire du père. A la gloire de Richard Williams : Les américains auront au moins la décence de titrer le film « King Williams » quand nous, français hypocrites, lui préfèreront le titre plus ambigu « La méthode Williams ». Mais il ne faut pas s’y tromper, il s’agit surtout d’un biopic maquillé à la gloire de l’acteur qui l’incarne. Il ne faut pas trop que j’y pense car je trouve ça profondément répugnant. Alors que le film en lui-même, malgré ses lourdeurs et son académisme, je le trouve plutôt attachant et même parfois émouvant, en parti car il choisit ce match, cette défaite donc en tant qu’intro d’un conte de fées qu’il gardera hors-champ.
Cinquième set - Quentin Reynaud
Il me semble avoir lu/entendu que certains trouvaient Alex Lutz trop vieux pour le rôle. D'une part c'est faux, il a quarante ans lors du tournage et incarne Thomas Edison, un joueur de 37ans : on a connu des écarts d'âge plus considérables. D'autre part, en quoi ce serait préjudiciable, étant donné que c'est un film qui ne parle que de ça ? Du temps qui passe, du refus de vieillir, de la mélancolie d'une jeunesse dorée, de la décrépitude du corps.
C'est un peu l'antithèse de la success story racontée dans La méthode Williams. Cinquième set c'est l'histoire d'un excellent joueur de tennis qui se démène depuis vingt ans dans les "tréfonds" des classements pro. Il est donc bien plus qu'un grand joueur de club mais pas suffisamment fort pour briguer les Grand Chelem, qu'il est obligé d'entamer par les qualifs à moins de viser la chance d'une wild card.
Cinquième set c'est aussi un superbe portrait de couple fragilisé par leur passion commune mais chaotique du tennis. Lui a dû composer avec une demi finale de grand chelem atteinte à dix-huit ans sans jamais réussir à briller ensuite et notamment à cause d'une blessure au genou récurrente. Elle qui a du mettre sa carrière entre parenthèse avec sa grossesse. Le film suit davantage Thomas (excellent Alex Lutz, aussi génial que lorsqu'il incarne Guy) mais ne délaisse jamais Eve (magnifique Ana Girardot).
Le film impressionne dans sa façon d'aborder le tennis. À la fois dans ses images, notamment parce que les matchs sont tournés in situ Porte d'Auteuil. Et aussi parce que Lutz est très crédible en joueur de tennis. Il y avait peut-être mieux à faire dans le découpage des rencontres : le montage est un peu bourrin, les cartons temps et score un peu lourds. Mais dans le match final on ressent la dramaturgie, il y a vraiment quelque chose, aussi grâce à la multiplication de sources d'images : aux côtés de Thomas, dans les gradins, sur la télé ou sur le grand écran place des mousquetaires.
Mais surtout c'est un film qui parle incroyablement bien de tennis. Qui le décrit très bien. Je pense que ça peut être difficile pour le non initié, ne serait-ce qu'en name-dropping et termes techniques lâchés en permanence. Le film mélange par ailleurs assez bien le réel et la fiction, jusqu'à l'utilisation de cette fausse image d'archive voyant Edison perdre en demi-finale de RG en 2001 contre Alex Corretja : Javais quinze ans seulement mais je me souviens que l'Espagnol sort Sébastien Grosjean à ce tour avant de perdre en finale contre Guga. Mais au delà de ça, on croit beaucoup en cette semaine de qualifs de Roland Garros. Rien d'étonnant puisque Quentin Reynaud y met beaucoup de lui-même dedans, lui qui était jadis classé 2/6.
Si le film raconte beaucoup du tennis, d'un amour indéfectible pour le tennis, quasi mélancolique, il en montre surtout les méfaits, sa capacité de destruction, morale, familiale et physique. On voit beaucoup les cicatrices, bandages, les plaies et notamment les ampoules qui recouvrent en permanence cette main ensanglantée. Si le film s'ouvre sur l'examen médical d'une rotule et se ferme sur une blessure ce n'est pas pour rien.
Top gun - Tony Scott
Je pensais l’avoir déjà vu, il y a longtemps. Puis en revoyant des extraits récemment, j’en ai douté. Je voulais le (re)voir avant Top gun, Maverick. Et je confirme : Je n’avais jamais vu ce film. Je pense que mon cerveau l’avait fabriqué à partir du morceau « Take my breath away » et des images d’Hot shots, je ne sais pas. Quoiqu’il en soit je ne m’attendais pas à grand-chose, ni à être agréablement surpris (on sait comment fonctionne ce genre de film, il vaut mieux éviter de les découvrir sur le tard) ni à ce que ce soit un navet cosmique. Mais franchement, on passe quand même pas loin de la deuxième catégorie.
Tout ce qui se joue au sol, hors des avions de chasse, c’est vraiment au mieux sans intérêt, au pire très embarrassant ou alors il faut s’en remettre à la kitcherie de sa dimension homoérotique, dans les vestiaires ou sur ce terrain de beach-volley notamment où les corps luisants sont filmés au ralenti agrémenté de positions douteuses. Pourtant, même en vol, le film ma parait assez peu passionnant car on ne comprend pas grand-chose à ce qui s’y déroule : On voit des avions faire la course, ils font du bruit et les pilotes s’envoient des vannes d’un cockpit à l’autre, super. C’est surtout très confus.
Alors on tente de s’en remettre aux personnages mais c’est encore plus compliqué : Goose, peut-être, sera le plus attachant (parce qu’Anthony Edwards aka Mark Greene dans Urgences) mais sa mort au mitan fait ni chaud ni froid. Il y aura toujours la pseudo love story entre le pilote et l’instructrice, oui mais rien de transcendant non plus, on sent que c’est un truc scénaristique ajouté, une storyline prétexte, car Pete Mitchell, au fond, est plus amoureux d’Iceman que de Charlie. Mais bon, ce qu’il en reste surtout aujourd’hui : Un très mauvais spot publicitaire en faveur de la Navy. Je l’avais noté 3 sur SC, sans le voir. Je vais le noter 3 en l’ayant vu. Comme quoi, parfois, ça ne sert à rien de voir des films.
Toute une nuit sans savoir - Payal Kapadia
Le film capte, ensemble, deux mouvements apparemment contraires, mais qui se rejoignent, se superposent, se nourrissent : Nous sommes en Inde. Des lettres d’une étudiante à son amoureux dont elle a été séparée, sont lues en off accompagnées par des images de la vie estudiantine, festives (on y danse beaucoup) ou contestataires : on y suit les assemblées générales, diverses manifestations, parfois jusqu’aux répressions policières. Une dissociation (entre l’image et la parole) qui rappelle d’emblée le somptueux News from home, de Chantal Akerman. A la différence qu’ici, ce ne sont plus des plans fixes et travellings qui impriment la ville, mais des fragments d’images enregistrées, glanées via différentes sources et régimes d’images : des plans en 16mm, d’autres en Super8, du smartphone, des vidéos de surveillance, des images télévisées, des coupures de presse. Il y a les lettres qui racontent une histoire d’amour et l’évaporation de cette histoire d’amour : Celles de L. qui raconte que son amoureux, issu d’une « caste supérieure » à la sienne, avait fui pour ne pas troubler l’ordre familial. Et cette histoire, cette déception amoureuse se transforme et ouvre sur une captation du militantisme estudiantin de New Delhi, comme si la tristesse de L. avait muté et trouvé son salut dans la révolte politique. C’est un montage qui n’est pas narratif, mais qui trouve sa voie, son rythme, son identité, façon kaléidoscope et qui peut rappeler parfois le cinéma de Marker (politique) voire celui de Mekas (intime). Le titre résonne autant avec l’incompréhension de cette femme, qui livre ses pensées, sa douleur, sa colère, qu’avec les luttes étudiantes contre une société indienne sclérosée et mortifère. C’est la voix de tout un peuple contenu dans celle d’une seule âme. Aussi passionnant que déroutant. C’est le premier long-métrage de Payal Kapadia, indienne de 36 ans. Hâte de voir les suivants.
Coupez ! - Michel Hazanavicius
Commençons par le faux débat : Oui, Coupez ! est un remake, celui de Ne coupez pas ! un film japonais sorti en 2017 et oui il y a nettement plus de thune dedans puisque le film de Shin'ichirō Ueda était un truc d’étudiant bricolé avec rien. On pourrait donc faire les mêmes reproches à Hazanavicius qu’on le faisait à quantité d’auteurs occidentaux ayant remakés des films confidentiels qui traversent difficilement les frontières. Sauf que Coupez ! a l’honnêteté d’intégrer l’idée qu’il est un remake. C’est un remake qui n’a jamais autant parlé du film original puisqu’il l’intègre dans la diégèse même du film. Bref, le débat – si tant est qu’il en existe un – est clos.
Ce d’autant plus qu’il s’insère parfaitement dans l’identité de son auteur, Hazanavicius n’ayant quasi fait, à sa sauce bien sûr, que des déclarations d’amour au cinéma, en détournant ou pastichant ce qu’il cite, d’OSS 117 au Redoutable, en passant par The artist et bien entendu par La classe américaine, le grand détournement. C’est vrai qu’il n’avait jamais fait de remake pur. C’est chose faite. Alors loin de moi l’idée de comparer l’original et son remake, pour la simple et bonne raison que je n’ai pas vu l’original, mais s’il y a une chose que je reconnais au film d’Hazanavicius c’est de m’avoir donné envie de découvrir le film de Shin'ichirō Ueda. Bref, il ne me semble pas que ce soit un projet de substitution ou un truc crée pour que le français puisse voir un film japonais francisé. J’aurais même tendance à penser qu’il en est son prolongement. Idée géniale, donc.
Parlons un peu du film : Il faudra être solide, très solide, durant les trente-deux premières minutes, qui est un plan-séquence unique dans un centre commercial désaffecté, où une équipe tourne un film de zombies avant que le tournage soit perturbé par de vrais zombies ayant surgit suite au réveil d’une malédiction. Il faudra être solide car c’est quasi irregardable sur la durée : C’est mal joué, mal rythmé, mal filmé, l’image (façon DTV des enfers) est hideuse et la musique d’accompagnement complètement aléatoire.
Oui mais voilà, une fois qu’on a franchi cette étape, un autre film commence : Une seconde partie suivra les prémisses de ce tournage, un mois avant, une semaine avant, un jour avant, une heure avant, une minute avant. Et une troisième partie viendra saisir le contre-champ de la première partie, sorte de making-off du tournage catastrophique ayant offert les images qu’on s’est farci au préalable. Et par un miracle absolument jubilatoire, on n’a jamais eu autant envie de baffer un film pour sa première demi-heure puis de le remercier de nous l’avoir fait subir.
Car là où il y avait beaucoup de gêne (quand bien même le film rende allègrement hommage aux séries Z) c’est maintenant une avalanche de fous rires qui se relaient. Mais vraiment, je n’avais pas ris comme ça au cinéma depuis très, très longtemps. Et en grande partie – et c’est là le gros tour de force du film – car tous les acteurs sont extraordinaires alors qu’ils étaient nuls à chier pendant la première demi-heure. Tout prend sens : Une faute de rythme, une improvisation ratée, un curieux bruit, une hache abandonnée, un plan suspendu, une proéminence de zooms, un travelling tremblant. Et j’appuie là-dessus : Il y a des interprètes formidables, de Romain Duris à Grégory Gadebois, aux moins connus : Sébastien Chassagne (Irresponsable) ou Raika Hazanavicius (Les sept vies de Léa) pour ne citer qu’eux. Mention spéciale à Jean-Pascal Zadi, qui m’a fait mourir de rire : « Je suis dans les choux, moi ».
C’est vraiment une super comédie. Un nouveau très beau détournement, signé Michel Hazanavicius. Et une joyeuse célébration du groupe, de la bricole, de la fabrication d’un film. Qui parvient même in extremis, après sa demi-heure miroir de pure jubilation, à faire une sortie émouvante, d’une tendresse inouïe.