Le Centre de Visionnage : Films et débats

Discutez de vos récentes expériences cinématographiques et complétez vos Tops annuels !
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cyborg
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Bon et quand est-ce que vous nous faite le top des meilleurs DERNIERS films des cinéastes ?
Là à mon avis ça va être dur et il y a moyen de rigoler :D
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cyborg
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 23 févr. 2023 16:33
B-Lyndon a écrit :
jeu. 23 févr. 2023 14:37
C'est parti pour le top 3ème film :D :D :D

En vrai, un autre top qui serait intéressant, c'est le top des derniers films.
On ne pourrait de fait se concentrer que sur les cinéastes morts, mais qui parmi eux a le mieux réussi sa sortie de scène ? Sans trop fouiller, ça ne me parait pas si courant.
Ha, voilà !!!
Parfait :D
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cyborg
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Le premier qui cite "An Elephant Sitting Still" à perdu :D
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yhi
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Le cheval de Turin :o
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Narval
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Allez c'est parti !
J'ai de gros biais par contre : d'immenses lacunes dans le cinéma américain, et dans le cinéma pré années 90

1 Il est difficile d'être un dieu - Alexeï Guerman (Je défendrai cette merveille jusqu'à la fin)
2 : Le Conte de la princesse Kaguya - Isao Takahata (Plus beau film d'animation de tous l'étang)
3 : Cosmos - Andrzej Żuławski (Ovni jouissif de bout en bout)
4 : La sacrifice - Anreï Tarkovski (le plus beau final de toute filmo confondue ?)
5 : Le Cheval de Turin - Bela Tar (s'il respecte sa parole, c'est bien parti pour)
6 : 24 Frames - Abbas Kiarostami (Le fait qu'il tente des choses pareilles et réussisse en fin de carrière en dit long)
7 : Yi Yi - Edward Yang (autre film de chevet)
8 : Les Tribulations de Balthazar Kober - Wojciech Has (un de ses meilleurs)
9 : Sarabande - Ingmar Bergman (pas fan de la toute fin mais c'est de haute volée)
10 : Eyes wide Shut - Stanley Kubrick (un de ses meilleurs)
11 : Gertrud - Carl Theodor Dreyer (tu peux partir en paix)
12 : Gens de Dublin - John Hutson (un de ses meilleurs ? - j'en ai vu très peu)
13 : La nuit du chasseur - Charles Laughton (l'évidence)
14 : Once Upon A Time In America - Sergio Leone (j'ai mes réticences sur le film mais on ne peut pas nier que c'est un quelque chose)
15 : Tabou - Friedrich Wilhelm Murnau (toujours très impresionnant)

+Bonus
Le goût du saké - Yasujirō Ozu (pas mon pref de lui)
Ivan le terrible, Partie II - Sergueï Eisenstein (idem)
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
jeu. 23 févr. 2023 16:20


Je n'y crois absolument pas à ça, que Truffaut avait plus de talent. C'était peut-être un metteur en scène honnête et appliqué (au mieux...) mais un esthète ultra pauvre (y'a des films où c'est littéralement odieux - par exemple quand je voyais "Baisers volés" ado je me disais "quel charme le son dégueulasse de ces années là". et puis après j'ai découvert que la même année, Godard faisait "Le gai savoir" et revenait de "2 ou 3 choses", et là tu vois vraiment la différence sur le plan esthétique, déjà sur un point strictement sonore). Truffaut avait des goûts de merde, faut pas avoir peur de le dire. Et pas des goûts de merde à la Pialat, chez qui c'était un truc manifeste, une idée comme tu dirais, puissante et habitée (quoique à l'inverse je crois Pialat, comme Godard, incapable de faire des plans moches). Truffaut c'est vraiment qu'il y arrivait pas quoi.
Je reste persuadé que si Truffaut n'avait pas été l'immense critique qu'il était, et s'il n'avait pas fait partie du mouvement, ce n'est pas un cinéaste qui serait resté. Mais je suis peut-être un peu dur.

Pour le reste, c'est vrai ce que tu dis. Par exemple, à la Fémis, quand il s'agissait de monter un peu au créneau contre le côté plan-plan et ronflon de l'institution, c'était toujours les étudiants issus de milieu bourgeois qui étaient les plus radicaux. Les prolos, eux, qui en ont chié plus que les autres pour passer ce putain de concours, se rangeaient souvent du côté de l'administration, au nom d'un relativisme un peu mollasson. Ca me faisait souvent penser à Truffaut et Godard. Ou à Bresson qui disait aux jeunes "pour faire du cinéma, surtout pas bosser dans le cinéma, mais marcher dans la rue". Bresson qui habitait dans un sublime duplex donnant sur la Seine. Les bourgeois naissent comme des poissons dans l'eau, ils ont moins peur de déplaire parce que l'argent n'est pas un problème.
:jap: :jap: :jap:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 23 févr. 2023 16:33


En vrai, un autre top qui serait intéressant, c'est le top des derniers films.
On ne pourrait de fait se concentrer que sur les cinéastes morts, mais qui parmi eux a le mieux réussi sa sortie de scène ? Sans trop fouiller, ça ne me parait pas si courant.
Sans antisèches, celui qui me vient de suite en tête c’est «Lola Montes » de Max Ophuls, magnifiquissime film, totalement différent du rest de son œuvre
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yhi a écrit :
ven. 24 févr. 2023 13:07
Le cheval de Turin :o
Son seul mauvais film (selon moi, bien sûr)
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sokol
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1. Le livre d’image (Godard)
2. Salò (Pasolini)
3. Lola Montes (Max Ophuls)
4. L’innocent (Visconti)
5. Tabou (Murnau)
6. Bellamy (Chabrol) - le seul film de lui que j’aime énormément (probablement son meilleur)
7. Gertrud (Dreyer)
8. Visite ou mémoires et confessions (De Oliveira)
9. No home movie (Chantal Akerman)
10. L’Atalante (Jean Vigo)
10. Ex-æquo : La rue de la honte (Mizoguchi)
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
ven. 24 févr. 2023 23:48
1. Le livre d’image (Godard)

Attends-toi de devoir modifier ce passage de ta liste dans quelques mois...Je ne peux rien dire de plus :D
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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B-Lyndon
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10 derniers longs-métrages :

1. Le Garçu, Pialat
2. Gertrud, Dreyer
3. No home movie, Akerman
4. Mirage de la vie, Sirk
5. La Folle ingénue, Lubitsch
6. Mes petites amoureuses, Eustache
7. Salo, Pasolini
8. Eyes Wide Shut, Kubrick
9. L'Atalante, Vigo

10. Ces rencontres avec eux,
Straub avec Huillet :love2:
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Tamponn Destartinn
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B-Lyndon a écrit :
sam. 25 févr. 2023 14:48
sokol a écrit :
ven. 24 févr. 2023 23:48
1. Le livre d’image (Godard)

Attends-toi de devoir modifier ce passage de ta liste dans quelques mois...Je ne peux rien dire de plus :D

T'es complètement en train d'annoncer qu'il y a un dernier film surprise de Godard qui va arriver, là :saint:
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asketoner
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Traces, Tiago Guedes

C'est un peu La Nuit du 12, version cinéma d'auteur portugais produit par Paulo Branco. Le cinéaste veut montrer la violence, son étendue, ses ramifications, sa banalité, son inscription dans une société et un paysage ; il y parvient tranquillement, en enchaînant les scènes glauques. Plutôt bien faites, les scènes. Mais lors de la dernière (qu'on voit d'emblée débarquer comme étant "la dernière", parce qu'elle a ce petit truc solennel en plus), un spectateur dans la salle a dit tout haut : "hé ben..." Hé ben ça résume tout ce qu'on retire du film.
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asketoner
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Un enfant dans la foule, Gérard Blain, 1976

C'est David Depesseville, le réalisateur d'Astrakan sorti il y a quelques semaines, qui parlait de ce film dans une interview et qui m'a donné envie de le voir. D'ailleurs Un enfant dans la foule et Astrakan ont d'étonnantes correspondances. On ne peut pas dire que Depesseville ait copié Blain, mais il a vu son film, il l'a rêvé, tordu dans tous les sens et ressuscité l'air de rien, sans hommage ni citation. Pourtant, quand l'enfant d'Astrakan achète une soucoupe à la fin de sa classe de neige pour l'offrir à sa mère adoptive, on voit tout de suite celui d'Un enfant dans la foule choisir un petit ange dans une boutique, le faire emballer dans du journal et le déposer près de sa mère qui ne pense pas à l'ouvrir.
Le film de Gérard Blain est extrêmement triste. On suit l'itinéraire d'un jeune garçon, dont le père violent disparaît assez tôt, et que sa mère n'aime pas. Il essaie d'être aimé d'elle mais n'y parvient pas. Il essaie désespérément de trouver quelqu'un qui l'aimerait, quitte à accepter les avances sexuelles des soldats et des hommes mariés. Mais personne ne l'attend jamais nulle part. La scène la plus terrible est sans doute celle où le groupe de résistants lui demande de rentrer chez lui, alors que des coups de feu éclatent partout dans Paris et qu'il habite à Saint-Denis. Il traverse les rues, seul avec sa peur, sans personne à qui la confier. Il croise le regard d'un résistant touché par une balle, sans savoir s'il est mort ou vivant. Plus tard, à la Libération, il s'agenouillera près d'une femme tondue pour avoir couché avec un Allemand et posera sa main sur son dos nu. Les scènes sont sèches et splendides. L'obscène est atteint sans la moindre violence, simplement par la mise en scène : il suffit que le professeur marié noue une cravate autour du cou du jeune adolescent pour comprendre tout ce qui se joue entre eux. A chaque fois, on se dit qu'il est trop petit pour être là, tenir ce rôle, jouer ce jeu, et pourtant on ne lui souhaite pas non plus de rentrer chez lui.
C'est un film en grande partie autobiographique. A la fin, le garçon va passer une audition pour jouer dans Les Enfants du Paradis. Ce sera le premier tournage de Gérard Blain en tant que comédien.
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cyborg
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Blain fait un cinéma terrible, terriblement sec, dur, tragique le plus souvent. Avec souvent un rapport troublant à l'inceste, voir la pédophilie d'une manière ou d'une autre... Mais pourtant toujours honnête, cinématographiquement parlant.
J'avais beaucoup aimé découvrir ses films il y a plus ou moins un an, je crois que j'ai vu tout ceux disponible en ligne.
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asketoner
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cyborg a écrit :
lun. 27 févr. 2023 16:40
Blain fait un cinéma terrible, terriblement sec, dur, tragique le plus souvent. Avec souvent un rapport troublant à l'inceste, voir la pédophilie d'une manière ou d'une autre... Mais pourtant toujours honnête, cinématographiquement parlant.
J'avais beaucoup aimé découvrir ses films il y a plus ou moins un an, je crois que j'ai vu tout ceux disponible en ligne.
Ah oui, sur la pédophilie, c'est ce que j'ai vu de plus digne. Il sait très bien de quoi il parle et ça se voit, il ne s'amuse pas à pousser plus loin que ce qui doit être montré.
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sokol
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Mais Gérard Blain c'est le beau Serge (que j'ai tant aimé en tant qu'acteur !). Bon, après, c'est Chabrol aussi qui le filme avec tellement de tendresse, à croire qu'il était amoureux de lui :D (déjà le titre !!).
Il était cinéaste également ! J'apprends.

C'est étrange car il n'est pas répertorié par Cinéclub de Caen (où il figure des auteurs moins connus comme Guy Gilles par exemple, ou ... au secours @asketoner : comment il s'appelle le cinéaste d'un film français en noir et blanc que j'ai vu durant la pandémie et qui parle d'une bande de jeune des années 60 (et il y a une fille, la petite amie d'un des mecs : le film se termine sur un terrain... je cherche en vain son titre et son auteur :( )
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cyborg
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Les coeurs verts de Édouard Luntz @sokol

Heureusement que je te lis et me souviens de ce que tu aimes, parce que si tu découvres seulement maintenant l'existence de Blain c'est que tu ne me lis pas :D
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cyborg a écrit :
mar. 28 févr. 2023 09:58
Les coeurs verts de Édouard Luntz @sokol
:jap: C'est ça ! Merci !
cyborg a écrit :
mar. 28 févr. 2023 09:58
Heureusement que je te lis et me souviens de ce que tu aimes, parce que si tu découvres seulement maintenant l'existence de Blain c'est que tu ne me lis pas :D
Si si, je te lis, mais curieusement, je n'ai pas le souvenir d'avoir lu 'un bloc' de revues concernant ses films de ta part (ce que tu fais souvent, à propos d'auteurs peu connus). C'était l'an dernier ? je suis honnête : aucun souvenir ! (et je m'en veux) :cry:
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@cyborg c'est bon, j'ai tout trouvé : c'était en février mars 2022 https://allo-le-g.fr/viewtopic.php?f=10 ... start=1600 mais probablement la fracture de ton épaule m'avait bien plus traumatisé que les films que t'avais vu à ce moment-là :p
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Tu avais écrit :
cyborg a écrit :
ven. 25 févr. 2022 10:00
si l'on cherche un héritier de Bresson, qui s’empare d'un style tout en l'emmenant plus loin encore, il s'agit bien de Blain.
Or, je suis plutôt d'avis de ceux qui pensent que on ne peut faire du Bresson (il ne peut y avoir d’héritier, encore moins emmener son style encore plus loin). Bref, maintenant je suis encore plus curieux de découvrir ses films
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Bon, ce week-end c'est "Le Rebelle", 1980, puisqu'il est sur youtube (et la qualité a l'air assez bonne).
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L'action de ce film se déroule sur une île à la frontière du Brésil, du Pérou et de la Colombie. Lorsque j'ai entendu cela, j'ai tiqué : ces trois pays n'ont pas de frontière commune en bord de mer... Après un petit tour sur Google Map je constate que cette ile est bien à la frontière des 3 pays mais qu'elle est située en plein milieu du fleuve Amazone, au beau milieu de la forêt vierge, rendant l'ensemble encore plus exotique, plus sauvage et mystérieux. L'héroïne est une femme Colombienne qui arrive sur l'île (qui est techniquement sur le territoire brésilien) avec sa fille et son fils, après avoir fui la Colombie (il a suffit de traverser le fleuve mais c'est de fait plus compliqué que cela), à cause des FARC; son mari et son autre fille venant d'être tués dans l'effondrement d'un immeuble suite à la révolte du groupe armé. Elle va y chercher du travail, à scolariser ses enfants, à se refaire une vie, si difficile à construire car elle attend pour cela les indemnités de l'assurance suite à la mort de son mari et de sa fille, mais les corps n'ont pas été retrouvés, et sans corps, pas d'argent. Très beau film de la jeune cinéaste brésilienne Beatriz Seigner, qui s'inscrit parfaitement dans le courant du cinéma d'auteur sud-américain du début du 21ème siècle, tout en y apportant une touche délicate et sensible (alors que ce sont des films qui ne s'épargnent généralement rien de la monstration de la violence). Seules quelques petits relâchements narratifs laissent des bouts d'intrigues en suspens et auraient mérité un peu plus d'attention; à part ça c'est une belle découverte et une cinéaste à suivre.
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Tyra
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Trop peu de temps libre en ce moment, beaucoup de fatigue, pratiquement pas de films vus si ce n'est celui-ci, promettant, selon l'affiche, un moment "irrésistible", "jubilatoire", "hilarant"... Constatation pourtant assez rapide qu'il n'en est rien, que le film n'est pas drôle et d'ailleurs ne cherche pas à l'être (je crois quand même avoir identifié une blague : Noémie Merlant commande dans un café un "coca zéro avec du sucre" :hehe: ) et qu'au lieu d'une comédie effrénée on nous sert un vieux film tout mou ultra référencé (style le Parfum Vert), pot-pourri d'influences et citations complètement hors sujet : Hitchcock, De Palma (invraisemblables split-screen qui lui sont empruntés), polar vieillot des années 70, Desplechin (à la fin, Garrel lit une lettre en prison, le montage cut et la musique font très Deplechin, je vois au générique que le compositeur Grégoire Hetzel a ressorti tel-quel des compos de Roubaix une lumière et Les Fantômes d'Ismaël.).
Le point d'orgue du film est sensé être le moment où Garrel dévoile son amour à Merlant, où la scène jouée pour de faux devient un vrai déballage de sentiments. Sauf qu'on a déjà vu ça mille fois, en mieux.
César du meilleur scenario original, eh bien...
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sokol
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Revisionnage au cinéma (ça faisait peut être une décennie que je n'était pas retourné au ciné pour revoir le même film) de :

La Romancière, le film et le heureux hasard

Image

Comme celui en anglais l'indique, le vrai titre est : Le film de la romancière. Et ça aide beaucoup car une romancière ne peut faire un film (le nom de celui qui en fait est : réalisateur). Du coup, le titre original devient une indice supplémentaire pour comprendre que, le film dans le film (Kim Min-Hee en train de cueillir des fleurs) , n'est qu'un rêve. Ou plus précisément, une partie du rêve car la romancière n'a jamais réalisé son film.

Je m'explique :

Quand l'actrice, ivre morte s’endorme sur la table, il y a un cut net : on change totalement d'endroit, de saison, de tout : on est censé être plusieurs mois après. A partir de là, il s'agit bien d'un rêve. Plein d'indices le prouvent.
D'abord, l'actrice (Kim), est reçue par le neveu de son mari et une projectionniste sur le parking du cinéma. Le plan dure 2-3 minutes. Puis, dans le plan suivant, on passe à l’intérieur du cinéma et, comme dans un film de Lynch, la romancière apparait d'un coup: elle fait comme si elle étaient déjà avec les 3 autres (l'actrice, le neveu et la projectionniste) : ils ne se saluent même pas et font comme s'ils étaient ensemble depuis un moment (or, jusque là, le film ne contenait aucune ellipse quand il s'agissait du même lieu : tout se déroulait en une seule journée, en temps réel). Puis, l'actrice commence à regarder le film tandis que le neveu et la romancière mettent bien la minuterie pour être présents à la sortie exacte du moyen métrage que regarde Kim, donc 47 minutes plus tard (déjà, mettre la minuterie est assez absurde et surréaliste). Et, cerise sur le gâteau, ils ont disparu quand Kim sort du cinéma ! Bref, tout est décalé, comme dans un rêve.

Donc : la romancière n'a jamais réalisé son film car ce n'est qu'un film rêvé. D'ailleurs, quand elle en parle durant la beuverie, le nom du cinéaste qui le réaliserait n'est jamais cité ! Conclusion : "La romancière, le film et le heureux hasard" ("Le film de la romancière") parle avant tout des films qui n'ont jamais existé, les films qu'on se fait (l’expression française "se faire son cinéma" le dit bien).
Eric Pauwels l'aurait appelé "Le film rêvé".Godard : "L'image du livre". HSS a opté pour "Le film de la romancière".

ps:
Le dernier HSS est également un film bien autobiographique ou plus exactement, il est dédié à sa muse et sa dulcinée tant aimé, à Kim Min-Hee. On apprend qu'elle aimerait bien boire (elle adore ça !!) mais elle ne boit pas (probablement pour des raisons de santé). Le film est également une demande au mariage : dans un noir et blanc magnifique, Kim garde ses fleurs tout comme Anna Karina les gardait le jour de son mariage.

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groil_groil
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sokol a écrit :
mer. 1 mars 2023 11:32
Revisionnage au cinéma (ça faisait peut être une décennie que je n'était pas retourné au ciné pour revoir le même film) de :

La Romancière, le film et le heureux hasard

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Comme celui en anglais l'indique, le vrai titre est : Le film de la romancière. Et ça aide beaucoup car une romancière ne peut faire un film (le nom de celui qui en fait est : réalisateur). Du coup, le titre original devient une indice supplémentaire pour comprendre que, le film dans le film (Kim Min-Hee en train de cueillir des fleurs) , n'est qu'un rêve. Ou plus précisément, une partie du rêve car la romancière n'a jamais réalisé son film.

Je m'explique :

Quand l'actrice, ivre morte s’endorme sur la table, il y a un cut net : on change totalement d'endroit, de saison, de tout : on est censé être plusieurs mois après. A partir de là, il s'agit bien d'un rêve. Plein d'indices le prouvent.
D'abord, l'actrice (Kim), est reçue par le neveu de son mari et une projectionniste sur le parking du cinéma. Le plan dure 2-3 minutes. Puis, dans le plan suivant, on passe à l’intérieur du cinéma et, comme dans un film de Lynch, la romancière apparait d'un coup: elle fait comme si elle étaient déjà avec les 3 autres (l'actrice, le neveu et la projectionniste) : ils ne se saluent même pas et font comme s'ils étaient ensemble depuis un moment (or, jusque là, le film ne contenait aucune ellipse quand il s'agissait du même lieu : tout se déroulait en une seule journée, en temps réel). Puis, l'actrice commence à regarder le film tandis que le neveu et la romancière mettent bien la minuterie pour être présents à la sortie exacte du moyen métrage que regarde Kim, donc 47 minutes plus tard (déjà, mettre la minuterie est assez absurde et surréaliste). Et, cerise sur le gâteau, ils ont disparu quand Kim sort du cinéma ! Bref, tout est décalé, comme dans un rêve.

Donc : la romancière n'a jamais réalisé son film car ce n'est qu'un film rêvé. D'ailleurs, quand elle en parle durant la beuverie, le nom du cinéaste qui le réaliserait n'est jamais cité ! Conclusion : "La romancière, le film et le heureux hasard" ("Le film de la romancière") parle avant tout des films qui n'ont jamais existé, les films qu'on se fait (l’expression française "se faire son cinéma" le dit bien).
Eric Pauwels l'aurait appelé "Le film rêvé".Godard : "L'image du livre". HSS a opté pour "Le film de la romancière".

ps:
Le dernier HSS est également un film bien autobiographique ou plus exactement, il est dédié à sa muse et sa dulcinée tant aimé, à Kim Min-Hee. On apprend qu'elle aimerait bien boire (elle adore ça !!) mais elle ne boit pas (probablement pour des raisons de santé). Le film est également une demande au mariage : dans un noir et blanc magnifique, Kim garde ses fleurs tout comme Anna Karina les gardait le jour de son mariage.

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et le dernier truc qui "prouve" que c'est bien un rêve c'est que lorsque le générique du film de la romancière défile, il est noté "un film de Hong Sang-soo".
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sokol
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groil_groil a écrit :
mer. 1 mars 2023 12:29
et le dernier truc qui "prouve" que c'est bien un rêve c'est que lorsque le générique du film de la romancière défile, il est noté "un film de Hong Sang-soo".
Absolument ! :jap:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Seconde guerre mondiale, dans l'équivalent de notre maquis, Milton, un partisan italien tombe sur la maison où vivait Fulvia, la jeune femme qu'il aimait et qui a fui la campagne pour la ville. Il y retrouve la servante, qui lui évoque de vieux souvenirs, notamment celui de son ami Giorgio qui était lui aussi amoureux de la jeune femme. Milton va alors se mettre en tête de retrouver son ami Giorgio, lui aussi partisan, dont il apprend rapidement qu'il vient d'être fait prisonnier par les chemises noires. Il décide alors de tout faire pour capturer un soldat fasciste pour tenter de l'échanger contre son ami, avant que celui-ci ne soit exécuté... ça fait plutôt plaisir de voir l'avant-dernier film des frères Taviani (alors âgés de 87 et 89 ans, Vittorio est mort en 2018 soit peu de temps après ce film, mais Paolo est toujours vivant) et de constater que c'est un beau film, encore plein d'envies, et d'idées visuelles (la campagne est en permanence obstruée par une brume blanche opaque et permanente, dans laquelle le personnage finit par se perdre à la fin, exactement comme les personnages d'Antonioni à la fin d'Identification d'une Femme). Le film fait aussi montre d'une belle rigueur de mise en scène qui m'a évoqué les films les plus récents (et parmi ses meilleurs) d'Andrzej Wajda. D'ailleurs, les trois sont de la même génération, et auront réussi à passer entre les modes et à proposer un cinéma personnel jusqu'au bout.
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groil_groil
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Hier soir, 23h, envie de voir une daube. On peut dire que j'ai été servi.
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
jeu. 23 févr. 2023 16:32
PS : j'en ai tellement marre de mon pseudo, c'est terrible de s'appeler comme le personnage d'un réal que j'aime plus du tout depuis 5 ans :D :D
à propos : as-tu écouté l'émission que Bégaudeau dédie à "Shining" ? C'est vraiment extraordinaire car il argumente, films à l'appui (car, il parle également des autres films de Kubrick) que, ce n'est pas le cinéma qui l'intéressait mais... la décoration (ce qu'on appelle à nos jour la direction artistique) : il était venu de la photo mais... il était resté photographe.

excellent podcast : https://soundcloud.com/la-gene-occasion ... 26-shining
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Narval
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La femme de Tchaïkovski - Kirill Serebrennikov
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Les 4 derniers films de Serebrennikov (les seuls à êtres sortis en France) forment vraiment une belle lignée. J'aime l'inventivité, la rage, la poésie qui s'échappe de chacun de ces quatre longs. Il y a des motifs récurrents (les morts se réveillant de leurs cercueils, la prouesse chorégraphique des plans séquences, les passages chantés/dansés, la folie du quotidien qui guette, l’homosexualité dissimulée), mais chaque film a vraiment une identité propre. Serebrennikov n'est pas tendre avec son pays, ses institutions, ses figures académiques et culturelles, il essaie de bousculer les images, les carcans et de faire percer d'autres valeurs et points de vue. Dans ce film en costume tout particulièrement, c'est le mythe du compositeur de génie, très respecté et même vénéré tel un tsar qui vacille. C'est aussi toute l'institution matrimoniale qui est désacralisée, rapportée à sa valeur esthétique, pratique, mondaine. En bref, les comptes sont faits avec le passé dans ce film, où chaque dialogue est repris depuis une source littéraire (dans les lettres que les deux époux s'envoyaient, les écrits de leurs proches), avec une reconstitution concrète, matérielle. Et cette idée de partir du point de vue de la "femme" (Aliona Mikhaïlova, géniale), et de s'y ternir tout du long est passionnante, car on a enfin droit au regard d'un personnage trouble, qui vient éclater les préconçus sur ce que pouvait devenir une relation mari/femme de cette époque lorsqu'elle était seulement signée pour soigner les apparences.

Dans les faits, l'histoire d'Antonina Milioukova est on ne peut plus pathétique, mais le film reste très factuel, et s'il plonge, c'est plutôt par la poésie de quelques envolée (un plan survolant un marécage, le final magnifique, mais honnêtement je l'ai vu venir). Jugée trop envahissante, incapable d'arriver à un accord (le divorce étant impossible pour elle, très croyante) elle est tout simplement écartée de son mari et elle cherchera à tout pour le reconquérir, en passant par les plus misérables états. Serebrennikov pourrait s’attarder sur ce portrait de femme tragique et tourmentée pour en livrer un film édifiant, mais j'aime aussi la dose d'inquiétude et de mystère opaque qu'il arrive à donner à cette femme, j'aime qu'elle soit aussi moralement floue, qu'elle parle de complot, qu'elle prenne un amant tout aussi misérable et qu'elle et s'en remette à la sorcellerie pour tenter de maudire son égoïste de mari. J'apprécie aussi tout spécialement son goût pour les transitions temporelles, les cassures narratives, qui ici sont rares mais vraiment bien trouvées. Il y a cette superbe scène dans la gare où Antonina accompagne son mari au train, puis, après lui avoir fait les adieux de trop, maladroits, elle s'assied dans un coin pour attendre. Elle est sur un banc, le temps passe, elle est épiée par les employés. Elle se relève plus tard, il neige, elle revient sur le quai mais son mari n'est pas encore rentré. Tout est là.

Après, j'ai des réserves sur plusieurs aspects. Je ne pense pas que ces couleurs vertes presque constantes étaient nécessaires. Ajoutées au brouillard sur la ville (le film n'a pas été tourné à Moscou ou St Petersbourg et ça se sent bien, ils essaient de cacher le moindre bâtiment), le film a un arrière goût de reconstitution trop ambitieuse pour son budget, et un peu rapide par endroit. Il y a aussi les mouches par dessus le marché (le réal tenait à ce qu'il y ait beaucoup de mouches, donc il a même fait plusieurs élevages sur le plateau pour en avoir en permanence), mais cela devient vite systématique (dès qu'il y en avait ça devenait comique). Il y a quelques scènes dialoguées qui en pâtissent car le poids de la reconstitution éteint un peu les dialogues, alors que par moment les acteurs sont vraiment superbes. Je rajouterai aussi que la musique (bien que pas mal dans son genre classique revisité), ne brille ni par son originalité (on a déjà beaucoup entendu tout ça dans d'autres biopics), ni par sa nécessité. Il y en a trop, et je pense qu'elle atténue aussi beaucoup certaines scènes au lieu de les amplifier.

Reste un film assez couillu (avec de la nudité masculine qui apparemment ne passe pas du tout dans certains pays), porté par une actrice très impressionnante qu'il me tarde de retrouver plus tard et un réal qui sait comment dynamiser un film d'époque avec des percées fantastiques (notamment une séquence de rêve très chouette qui m'a rappelée le final d'Une femme douce de Loznitsa.
Modifié en dernier par Narval le ven. 3 mars 2023 10:14, modifié 2 fois.
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Celui-ci est un petit peu mieux que le précédent, mais sans être convaincant non plus. Le problème de Tarik Saleh c'est qu'il est Suédois et qu'il voudrait être Egyptien (son pays d'origine mais dont il n'a pas la nationalité). En gros ça revient à dire que le mec fait du cinéma américain alors que son souhait est de faire du cinéma indépendant. Mais il n'y parvient pas, car il est sans cesse rattrapé par son statut d'occidental/entertainer et son cinéma hésite sans cesse entre ces deux pôles sans parvenir à trouver une identité propre.
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asketoner
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The Fabelmans, Steven Spielberg

Je n'ai jamais aimé un film de Spielberg, et celui-ci ni plus ni moins que les autres.
C'est drôle parce que The Fabelmans fait le récit d'une enfance dont l'issue scénaristique est le cinéma, exactement comme Un Enfant dans la foule de Gérard Blain que j'ai vu récemment. Il ne s'agit pas du tout de la même enfance, Spielberg montre un simple adultère et une relation triangulaire à la Jules et Jim, quand Blain raconte la violence conjugale, le rejet total d'un enfant par sa mère et la pédophilie. Pourtant le film de Blain reste tout le temps digne. Et Spielberg, lui, ne peut pas s'empêcher d'utiliser une expression telle que "famille chaotique" au milieu d'une scène, comme un cheveu sur la soupe. Toujours cette façon de forcer l'émotion, de l'imposer - et moi je ne ressens rien du tout, sinon une sorte de malaise, parce que je vois trop ce qu'on cherche à me faire subir. (Mais c'est peut-être précisément la définition du cinéma hollywoodien d'auteur : on affiche ses intentions, et on insiste jusqu'à ce que tout le monde y souscrive. On ne peut pas passer à côté : tout le travail de la mise en scène est de supprimer l'à-côté.)
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asketoner
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Le Barrage, Ali Cherri

L'histoire d'un homme qui travaille après le travail. Avec d'autres hommes, il prépare des briques près d'un barrage, à partir de la boue du fleuve. Et le soir, il emprunte une moto, s'engouffre au milieu des montagnes et bâtit autre chose, une chose à soi, à partir de ce qui lui est à la fois familier et commun : cette boue de tous les jours et dans laquelle il baigne, et pour laquelle il oeuvre sans fin. Autre chose qu'une brique : un monstre, qu'on entend peut-être gronder, fragile, prêt à s'effondrer à la première pluie. Un monstre, ou bien la liberté. Une liberté possible.
Ali Cherri fait monde avec peu et tout semble grand : une blessure dans le dos, une route droite, un chien qui observe depuis les falaises. Il y a beaucoup d'énigmes dans son cinéma, des références aussi (Weerasethakul/Tarkovski/Tsai-Ming-Liang), des trucs qui semblent un peu exagérés parfois et pourtant jamais d'emphase, et des idées nombreuses, comme s'il n'était jamais à court d'imaginaire. Ca donne un film avec des profondeurs, chargé, intense, abstrait, qui se prête aussi bien à l'interprétation qu'au rêve.
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sokol
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groil_groil a écrit :
ven. 3 mars 2023 08:47
En gros ça revient à dire que le mec fait du cinéma américain alors que son souhait est de faire du cinéma indépendant.
En fait, je pense qu’il fait du cinéma américain tout en faisant semblant de faire du cinéma ‘indépendant’ parce que il (et pas que lui d’ailleurs !!) cède aux producteurs qui pensent qu’au public ciblé par tel ou tel film. Son film pouvait très bien se faire avec bien moins de moyens (pour être précis : Eugène Green aurait très bien pu le réaliser avec trois fois rien, j’en suis sûr).
Donc très souvent c’est une histoire d’argent, de production. Mais, en même temps, comme il a envie de faire un truc personnel (indépendant), le résultat est encore pire : un truc batard.
Exemple : après avoir fait un bon film suédois indépendant (Border), l’irano-suédois Ali Abbasi a fait un pseudo film iranien (Les nuits de Mashhad). Pourquoi ? Parce que les producteurs lui ont imposé cela ! Ou Albert Serra (qui, on sait très bien ce qu’il fait normalement) : il a suffit qu’il fasse un film pour un public français pas très restreint (La mort de Louis XIV) pour qu’il pond un truc bourré de champs contrechamp, éclairage “comme il faut” etc etc (chiant quoi)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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asketoner a écrit :
ven. 3 mars 2023 23:51

Le Barrage, Ali Cherri
Je voulais bien le voir celui-ci mais il ne passe pas chez moi…
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner
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sokol a écrit :
sam. 4 mars 2023 00:16
asketoner a écrit :
ven. 3 mars 2023 23:51

Le Barrage, Ali Cherri
Je voulais bien le voir celui-ci mais il ne passe pas chez moi…
Oui, ça devient très compliqué. Même à Paris, la durée de vie des "petits" films c'est une ou deux semaines, et ça commence dès le premier jour avec juste deux séances par jour.
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cyborg
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sokol a écrit :
sam. 4 mars 2023 00:12
Ou Albert Serra (qui, on sait très bien ce qu’il fait normalement) : il a suffit qu’il fasse un film pour un public français pas très restreint (La mort de Louis XIV) pour qu’il pond un truc bourré de champs contrechamp, éclairage “comme il faut” etc etc (chiant quoi)
Ben dis donc si c'est ça que tu as vu dans Pacifiction on a pas du voir le même film :D


Tout cela pour dire que, j'ai vu ces derniers temps

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Dernier film qu'il me restait à voir dans la filmographie de Serra. Je le redoutais tellement que j'ai de nombreuses fois repoussé son visionnage.
Sans surprise c'est malheureusement catastrophique, le type est en roue-libre totale et ne s'encombre d'absolument plus rien pour filmer ce qui ressemble à du proto-cruising entre libertins dans une forêt nocturne sans faire le moindre effort pour y intéresser le spectateur. Je n'ai pas réussi à dépasser la moitié.
Ce qui m'interroge véritablement est la forme cinématographique en elle même. On sait que Serra fait des installations vidéos pour l'art contemporain avec des films multi-écrans de plusieurs dizaines d'heures, et on aurait pu tout à fait imaginer "Liberté" sous cette forme. De même, Serra à clairement dit qu'il rêvait à l'origine de faire "La mort de Louis XIV" dans une forme "théâtrale" en mettant JP Léaud dans un lit dans une grande boite de verre suspendu au milieu du centre Pompidou (oui, il a vraiment dit & eu pour projet de faire cela) et nous pourrions tout à fait imaginer "Liberté" sous cette forme, dans une sorte d'installation-théâtre immersif étrange dans laquelle auraient erré les spectateurs. Les questions de durée, de performance, de jeu... y auraient été abordés de façon complètement différentes et, sans doute, plus pertinentes. Je crois qu'il y a donc eu erreur de medium pour ces deux projets (ou alors contrainte budgétaire : on trouve les financements qu'on peut, une fois encore...). Le résultat aurait-il était plus intéressant ? Ce n'est pas sur pour autant. Mais au moins on ne se serait pas retrouvé avec deux long-métrages bancals :D (et puis Léaud grimé en roi de France dans une cage de verre pendant 15 jours moi je crois que j'aurais voulu voir ça :lol: )


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Lettre paysanne - Safi Faye - 1975

J'ai appris l'existence de Safi Faye courant janvier, en explorant les recoins des internets et du cinéma africain. J'avais depuis lors son film ouvert dans un onglet... jusqu'à ce que je découvre qu'elle venait de décéder fin février, ce qui m'a donné l'envie de voir ce fameux Lettre paysanne, son premier long métrage.
Il s'agit également du premier long métrage d'une femme vivant en Afrique sub-saharienne à avoir bénéficié d'une sortie commerciale en salle (et en festival, le film ayant reçu à l'époque plusieurs prix, notamment à Berlin et à Ouagadougou). Faye est aussi connu pour avoir joué un petit rôle pour Jean Rouch (dans son film Petit à Petit) et c'est auprès de lui qu'elle a pu s'initier au cinéma. En parallèle de sa pratique cinématographique elle mènera d'ailleurs un travail d'ethnologue, poussant ainsi le plus loin possible l'influence de Rouch en allant filmer directement sa famille et son village d'origine.
Lettre Paysanne suit un trame narrative très fine, qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler "Sous le signe du vaudou" du béninois Pascal Abikanlou : face aux difficultés dans son village, un jeune homme part tenter sa chance à la grande ville, avant de décider de rentrer chez lui. Derrière la simplicité de l'ouvrage se trouve une critique ouverte du post-colonialisme (les aides empoissonnés offerte par l'Europe) et de la situation politique africaine. Dans un style brut de cinéma-direct, le film vaut donc surtout pour ses images aussi rare que précieuse, du Sénégal des années 70s entre tradition et modernité culturel et technique. J'ai sous le coude un autre film de Faye datant des années 80 et que j'espère pouvoir regarder bientôt.


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Baie amère - Kamara Kamalova - 1975

Alors que Faye filme en 75 la dureté de la vie au Sénégal, de l'autre côté du monde, la réalisatrice ouzbek Kamalova met en scène l'été de deux fillettes dans une bourgade ouvrière reculée au milieu des montagnes. Les paysages y sont aussi beaux que le film est bref, 1h à peine. Le quotidien des jeunes filles se déroule entre jeux et rivalités d'amourettes, entre sommets des montagnes et rivière dans la vallée. En arrière plan, l'URSS et sa marche forcée qui défigure le territoire (on y voit la construction d'un barrage qui va engloutir une partie de la vallée) et déchire les liens humains (départ forcé d'une des fillettes vers le nouveau lieu de travail de son père). Comme pouvait le laisser supposer le titre, la douceur de Baie Amère n'est que relative et la duplicité des situations ne tarde pas à se dessiner en creux : alors que le jeune garçon prétend se régaler avec des baies rouges, la jeune fille qui se laisse finalement tenter ne tarde pas à les recracher de dégout. Ce même rouge se retrouve sur le plumage de l'oiseau merveilleux dont on parle à de nombreuses reprises et qu'on finira par débusquer au détour d'une promenade éloignée du village, précipitant une fin aussi tragique qu'inattendue. Je doute que le choix d'une couleur aussi symbolique dans ce contexte ait été fait par hasard... Baie amère se révèle ainsi être un beau film sur la perte de l’innocence et le début de l'age adulte.

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Bruce Baillie - Here I Am (1962) / Mass for the Dakota Sioux (1964) / Castro Street (1966) / Quick Billy (1970) / Valentin de las Sierras (1971)

Bruce Baillie est décédé en avril 2020 en pleine crise du Covid. Je connaissais son nom mais pas son œuvre. La découverte alors de son long métrage Quixote (1965) -une road-movie expé à travers le sud des USA- m'avait ébloui, mais je n'avais jamais pris le temps d'en regarder d'autres. Voilà qui est corrigé avec une soirée passé à regarder une série de courts-métrages expérimentaux réalisés entre les années 60 et 70. Les films sont absolument magnifiques et tous dotés d'une plasticité folle, Baillie jouant sans cesse sur la texture des images et triturant surfaces, couleurs et sons d'une façon à peine croyable, faisant émerger les corps et les espaces des uns des autres, dans une sorte d'évidence cosmique. Il pousse très loin les possibles du documentaire, allant du portrait d'enfants déficients mentaux au sein d'une institution spécialisé (Here I Am) à celui d'une rue industrielle (Castro Street), tout en se moquant du cinéma narratif traditionnel : au bout de 40 min (sur 50 au total) d'images abstraites mélangeant corps, arbres et autres réjouissances abstraites, commence un faux western muet en noir et blanc dans lequel Baillie se retrouvera à errer à cheval, surimposé sur une carte des états-unis. Toujours plus loin dans l'errance de l'expérimentation et sa solitude incontournable. Quelle force.
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yhi
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cyborg a écrit :
sam. 4 mars 2023 12:52
De même, Serra à clairement dit qu'il rêvait à l'origine de faire "La mort de Louis XIV" dans une forme "théâtrale"
Tu crois pas si bien dire. C'est pas sorti en France mais entre les deux il a fait "Roi soleil" avec Luis Serrat en Louis XIV en train de crever dans une galerie d'art de Lisbonne.
Modifié en dernier par yhi le sam. 4 mars 2023 18:35, modifié 1 fois.
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sokol
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cyborg a écrit :
sam. 4 mars 2023 12:52
sokol a écrit :
sam. 4 mars 2023 00:12
Ou Albert Serra (qui, on sait très bien ce qu’il fait normalement) : il a suffit qu’il fasse un film pour un public français pas très restreint (La mort de Louis XIV) pour qu’il pond un truc bourré de champs contrechamp, éclairage “comme il faut” etc etc (chiant quoi)
Ben dis donc si c'est ça que tu as vu dans Pacifiction on a pas du voir le même film :D

Moi je parle de La mort de Louis XIV et toi tu dis Pacifiction !!
🙄😆
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@yhi : ha, je ne connaissais pas ! Il l'a donc fait !

@sokol : pardon, la formulation prêtait à confusion ;)
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sokol a écrit :
sam. 4 mars 2023 00:12
groil_groil a écrit :
ven. 3 mars 2023 08:47
En gros ça revient à dire que le mec fait du cinéma américain alors que son souhait est de faire du cinéma indépendant.
En fait, je pense qu’il fait du cinéma américain tout en faisant semblant de faire du cinéma ‘indépendant’ parce que il (et pas que lui d’ailleurs !!) cède aux producteurs qui pensent qu’au public ciblé par tel ou tel film. Son film pouvait très bien se faire avec bien moins de moyens (pour être précis : Eugène Green aurait très bien pu le réaliser avec trois fois rien, j’en suis sûr).
Donc très souvent c’est une histoire d’argent, de production. Mais, en même temps, comme il a envie de faire un truc personnel (indépendant), le résultat est encore pire : un truc batard.
Exemple : après avoir fait un bon film suédois indépendant (Border), l’irano-suédois Ali Abbasi a fait un pseudo film iranien (Les nuits de Mashhad). Pourquoi ? Parce que les producteurs lui ont imposé cela ! Ou Albert Serra (qui, on sait très bien ce qu’il fait normalement) : il a suffit qu’il fasse un film pour un public français pas très restreint (La mort de Louis XIV) pour qu’il pond un truc bourré de champs contrechamp, éclairage “comme il faut” etc etc (chiant quoi)
C'est marrant ce que tu dis sur Abbasi, car je déteste Border, et j'adore les Nuits de Masshad. Comme quoi, les producteurs ça peut aussi avoir du bon, enfin pour certains ;)
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Comme beaucoup de gens de ma génération, un des films les plus vus dans ma vie. Revu évidemment avec les enfants, mon fils le revoyait (déjà !) avec un grand plaisir (et j'ai été agréablement surpris de voir qu'il s'en souvenait si bien). Concernant ma fille (5 ans) c'était évidemment une première fois, et elle a adoré. J'ai été super surpris de constater, une fois qu'on lui avait posé les grandes bases de la Seconde guerre Mondiale, qu'elle pigeait tout ou presque et qu'elle n'était pas paumé dans le récit. Sinon plus le temps passe plus le film s'impose comme l'une des plus grandes réussites d'Oury, sa maitrise du récit est ici vraiment parfaitement fluide et d'une grande richesse.

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Je ne vais pas revenir sur le grand film qu'est Le Dossier 51, sans doute le film d'espionnage le plus "pur" et le plus théorique que soit, mais je dois quand même constater, même si ça me fait mal, que autant je l'avais adoré la première fois que je l'avais vu (ça remonte à plus de 30 ans), autant je suis systématiquement déçu à chaque fois que je le revois. Ce coup-ci j'ai essayé de comprendre pourquoi, et j'ai en fait réalisé que ça tenait au fait que le film était essentiellement un scénario. C'est simple : tu peux littéralement te passer de l'image, n'écouter que la bande son, et tu comprends absolument tout, pas un détail ne t'échappe. Et je crois que c'est ça qui m'ennuie au final. C'est un exercice brillant, un exercice certes très programmatique, tu as l'impression de suivre une dissertation, un déroulé d'exposé, mais tu acceptes de jouer le jeu car les enjeux sont forts, et l'ensemble est parfaitement maitrisé, mais je ne pense pas que ce soit un bon film car il ne se souci que du "dire" et pas du "montrer".

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Soyons franc, je déteste Bedos, ce qu'il est, ce qu'il représente, et je déteste ses films, et celui-ci s'annonçait l'un de ses voire son pire, mais je dois reconnaitre malgré moi que le type progresse et que ce film est tout à fait regardable, et même largement supérieur à toute la fange de la production française grand public. Il y a à la fois une ambition devenue rare pour ce genre de produits, et une rigueur narrative et visuelle qui font que le film est correct, proposant une sorte de croisement entre Rappeneau, Pascal Thomas, le Lelouch de Tout ça pour ça et même La Mort vous va si bien de Zemeckis (sans l'aspect fantastique). Je crois que le film n'a pas eu les égards habituels réservés à ce mec (ni presse si entrées), ce qui prouve bien que, concernant ce genre de cinéastes archi populaires et cyniques dont on n'attend rien, c'est quand le grand public et la grande presse se désintéresse de leurs films qu'ils sont regardables.
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El Agua, Elena Lopez Riera

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groil_groil a écrit :
lun. 6 mars 2023 09:41

C'est marrant ce que tu dis sur Abbasi, car je déteste Border, et j'adore les Nuits de Masshad. Comme quoi, les producteurs ça peut aussi avoir du bon, enfin pour certains ;)
Tout à fait ! Ou comme je dis souvent, ce qui compte c'est qu'on voit la différence entre deux films du même cinéastes (lequel des deux on aime, c'est un autre sujet)
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The Fabelmans s'ouvre sur une double définition du cinéma. D'un coté celle technique, donnée par le père, de le règle bien connue des 24 images par seconde et de la persistance rétinienne. De l'autre celle sensible, donnée par la mère, basée sur l'émotion et les pouvoirs de l'imagination. Cette dichotomie introductive, portant déjà en elle les germes de la séparation familiale à venir, sera l'axe central du film. Cette dichotomie sera à mon sens également le problème principal du film, Spielberg ne faisant que trop faiblement dialoguer ces deux points et préférant s'étendre sur la rupture progressive du "trouple" et le trauma, somme toute banal, étant censé en naitre.

La grande scène du film retenu par tous sera assurément celle du montage du film de vacances, durant laquelle Sammy se rend compte de la puissance du médium auquel il a choisi de consacrer sa vie : sous quel angle faut-il comprendre le cinéma, comme un outil servant à révéler ou à falsifier ? A témoigner ou à truquer ? A ces questionnements aussi incontournables qu'attendus, je préfère ceux d'une scène légèrement antérieure. Cherchant à dramatiser l'échange de tirs des cow-boys, Sammy à l'idée géniale de percer à même la pellicule, pour laisser passer la lumière du projecteur et éblouir un instant l’œil de ses camarades. Cette idée du "trou", à même son medium dans un esprit très "cinéma structurel", est absolument prodigieuse car ce trou est précisément le point de dialogue entre technique et émotion. Son père dira d'ailleurs à son fils qu'il pense comme un ingénieur (référence indirecte à son propre travail des débuts de l'informatique dont le fonctionnement est basé sur... des cartes perforées) tandis que Sammy cherchait au contraire à faire naitre de l'émotion. Ce trou incarne à lui seul toutes les questions du fameux "effet de réel", et donc toutes les questions des possibles de l'art. Le problème est que The Fabelmans est, précisément, un film manquant dramatiquement "de trous" et d'espace de jeu. Et les prises de risque tant conceptuelles que formelles de se retrouver rapidement étouffés par l’esthétique aseptisée de la reconstitution des années 60 qu'à choisi d'adopter Spielberg depuis déjà deux films (bien qu'elle entraine des interrogations beaucoup plus riches dans son récent remake de West Side Story).

La scène du montage du film de vacances trouve un écho ultérieur dans une autre scène, là aussi il est vrai l'une des meilleures : le moment de projection du film de la sortie scolaire. Dans un troublant écho Riefenstahlien, Sammy se rend pleinement maître de la puissance immense de son outil et projette devant tout son bal de promo une sorte de "Dieux du stade à la plage" dans un hallucinant retournement des actes antisémites dont il fut victime. Mais là encore : assez peu "de trous" et Spielberg déroule son programme de façon plutôt convenue. Heureusement -fort heureusement- Spielberg aura dans sa scène finale une idée d'un génie fabuleux : celle de faire jouer John Ford par David Lynch (que je suis heureux d'avoir eu la surprise durant le visionnage !) qui est ici pour moi le "grand trou" du film dans les perspectives qu'il ouvre par un geste hautement cinématographique ne pouvant exister que par et pour le cinéma. Faire incarner le parangon du cinéma classique (et proto-moderne) par le maitre du cinéma post-moderne (et ce en toute simplicité) est, en plus d'être une idée incroyable, porteuse d'un espoir que je n'aurais escompté trouver au sein d'un film qui, avant tout, suinte doucereusement la naphtaline.
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asketoner
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@cyborg , je suis curieux de savoir exactement quels films de Gérard Blain tu as vus.
Je viens de découvrir son premier, Les Amis, c'est superbe.
Est-ce que c'est toujours dans cette veine autobiographique ?
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groil_groil
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Pendant le film, ma femme m'a dit que le gros type (dans les 250kg facile) était en fait un acteur grimé, avec prothèses. J'ai trouvé ça dommage, pour une fois qu'on filmait un gros, il est dans chaque plan, de ne pas prendre un vrai gros, et d'enfin oser montrer, mais de préférer choisir un acteur hollywoodien et de lui faire passer 4 heures chaque matin à la table de maquillage + les effets spéciaux. Alors que les obèses ce n'est pas ce qui manque aux USA, mais c'est un pays qui refuse de montrer. C'est marrant ça, d'ailleurs, les USA sont pour tout le monde LE pays du cinéma, de l'image, alors que c'est de tous, le pays qui le plus refuse de montrer la vérité des choses. Même pour montrer une femme à grand nez on prend Kidman et on lui met une prothèse, alors quand il s'agit d'un gros... Bon sinon, ce film est l'adaptation d'une pièce de théâtre, donc on est comme le gros monsieur, on ne sort pas de sa piaule, et il n'y a guère que 4 acteurs qui lui rendent visite. Le système pourrait s'effondrer rapidement, mais Aronofsky (je cherche toujours à mettre un W dans son nom mais en fait non) s'en sort plutôt bien, il arrive à créer une dynamique dans ce postulat bien maigre (arf arf), et l'ensemble est assez réussi, même si les grosses ficelles narratives lacrymales sont souvent bien gerbantes (la fin en est le plus bel exemple). C'est clairement du cinéma à Oscar (le film est nommé pour son acteur et ses effets spéciaux, comme par hasard, ainsi que pour son actrice en second rôle), du cinéma limité et engoncé, mais pourtant il y a une fluidité, un métier, indéniable, qui rend la chose visible.

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Shyamalan alias le neuneu Oui-Oui a toujours eu un penchant catho de droite bien gênant, et quand celui-ci prend le dessus comme ici, c'est franchement à gerber. Le postulat de ce film est d'emblée ridicule. Un couple gay et leur fille adoptée d'origine asiatique (deux quotas cochés d'un coup, chapeau) vivent dans une petite maison isolée au fond d'une forêt et sont visités par 4 types (visiblement tirés au sort par le destin) qui les séquestrent en leur annonçant que le monde va être détruit par une suite de catastrophes apocalyptiques et que le seul moyen d'éviter la fin du monde, c'est le sacrifice d'un d'entre eux, mais c'est à eux de choisir lequel des trois y passera. Comment croire deux secondes à ça franchement ? Qui plus est, c'est exactement le même pitch que le naveton Mise à Mort du Cerf Sacré de Lanthimos. C'est impensable de stupidité, et qui plus est même pas original. Comme Oui-Oui n'a pas de quoi tenir un film complet avec ce pitch de court-métrage, il entrecoupe son récit de flashes-back sans intérêt sur ses personnages. Et bien évidemment le dénouement te balance une morale chrétienne radicale bien gerbante sur l'importance du sacrifice. Au secours. Tiens, dans une scène du début, les personnages regardent la TV (c'est par le biais de la TV qu'on apprend que le monde est peu à peu détruit) et on tombe sur une émission de télé-achat dont le vendeur/présentateur n'est autre que Shyamalan himself. Il résume alors parfaitmeent la situation : c'est un vendeur de breloques cheap et toc.
I like your hair.
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sokol
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asketoner a écrit :
mar. 7 mars 2023 09:42
@cyborg , je suis curieux de savoir exactement quels films de Gérard Blain tu as vus.
Je viens de découvrir son premier, Les Amis, c'est superbe.
Est-ce que c'est toujours dans cette veine autobiographique ?
Tu veux te faire engueuler (comme c'était mon cas :D ) ou quoi ? Il a dit tout là : https://allo-le-g.fr/viewtopic.php?f=10 ... start=1550 et sur la page suivante
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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@asketoner : oui c'est très bien Les Amis !

En plus d'Un Enfant dans la foule et Les Amis, j'ai vu Le Pélican (qui est rare à trouver mais que je ne l'ai pas conservé malheureusement -qui contient une scène très étrange de "voyeurisme" qui m'avait mis mal à l'aise) et Le Rebelle (qui, comme l'a dit Sokol, est sur Youtube en qualité correcte)
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