Le Centre de Visionnage : Films et débats

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asketoner
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B-Lyndon a écrit :
mer. 3 août 2022 22:00
Cela dit, tout de même quelques mots qui me sont venus sur :

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La Nuit du 12, Dominik Moll, 2022.


Domi Moll bande enfin ! :D
C'est un très beau film, et je le dis d'autant plus librement que, pour être honnête, je suis loin d'être un inconditionnel. J'avais déjà beaucoup aimé des passages de Seules les bêtes. Mais là, j'ai complètement décollé avec le film.

Déjà, je trouve les acteurs somptueux. Et ils le sont tous. Je veux dire qu'ils existent tous, même s'ils ont seulement quelques scènes ou quelques plans. C'est rare. Et ce, alors que le registre de jeu est pour moi très particulier, et j'imagine compliqué à tenir, à nuancer. On est pas tout à fait dans un jeu naturaliste, mais on danse un peu avec ça...comme le film danse avec les fantômes sans s'y abandonner complètement. Bastien Bouillon-Yohann est impeccable, Bouli Lanners-Marceau est bouleversant (quel acteur), la jeune actrice qui joue Nani, la meilleure amie de la victime, m'a arraché le cœur, les suspects sont formidables, Anouk Grinberg est comme d'habitude bizarre et fascinante dans le rôle de la juge...

Il s'agit d'un film qui réussit à être à la fois très "français", dans le sens qu'on sent les journées de ces flics passer, se suivre et se ressembler, les heures de bureau, la retraite qui n'existera peut-être plus et qui paraît loin, rentrer se pieuter avec les problèmes de la journée... et en même temps souterrainement tancé par la présence du Mal. C'est-à-dire que le film parvient à être à la fois quotidien et habité, tenant les deux registres avec beaucoup de finesse, de précision et d'inspiration. La scène dans la voiture où Bouillon s'agace après une journée passée à ne rien trouver est formidable, il joue ça très bien, on a tous vécu ça. Sauf que lui, c'est la mort non-élucidée d'une gamine qu'il amène chez lui. Et ce que Moll fait dire à Marceau est finalement d'une grande puissance poétique : "on combat le Mal en écrivant des rapports". C'est drôle, je viens de finir le Journal d'un curé de campagne de Bernanos, et c'est un peu ce que le pauvre curé vit, en observant sa paroisse qu'il regarde "s'enfoncer dans la nuit, disparaître...". Dans sa préface au début du livre, François Bégaudeau écrit "Le curé est mon ami parce qu'il est faible, parce qu'il n'arrive à rien". Marceau et Yohann sont mes amis, parce qu'ils sont faibles, parce qu'ils n'arrivent à rien, parce qu'ils écrivent des rapports et qu'ils ne sauveront rien, comme le curé ne sauvera pas sa paroisse, comme le curé ne se sauvera pas lui-même. Mais il y a la montagne qui nous accueille quand on pète un plomb (dernier plan déchirant de Marceau).

Car, évidemment, je ne m'y attendais pas (je savais que ça se passait plus ou moins dans les Alpes mais rien de plus), ça m'a plu de voir ces coins que je connais bien autour de Grenoble, très justement filmés, sans "exotisme" mal venu. Il y a dans la présence de ces montagnes autour de nous quelque chose qui nous permet d'accéder malgré nous à une autre dimension, mystérieuse, entêtante. Laquelle, précisément ? Le film n'y répond pas, et tant mieux, il se contente de montrer la présence de ces petites silhouettes humaines, si fragiles, qui butent toujours contre la roche. Ça donne au film un côté droit, presque un peu sec, froid. Mais un froid qui oblige les personnages à rester solide, digne. Un peu comme la mise en scène que je trouve remarquable d'intelligence. On voit les choses, Moll ne masque rien, il ne joue enfin plus au petit malin. Je songe au moment où Yohann écoute Angel in the night, une chanson fictive chantée par un déséquilibré sur la tombe de la victime le soir de l'anniversaire de sa mort, et Yohann de se laisser aller aux sonorités de la musique...Avant de se reprendre. C'est si émouvant de regarder ces hommes ensemble. D'autant qu'ils sont bien regardés, ces hommes, avec beaucoup d'empathie et de bonté. Mais pas épargnés.

En rentrant dans la salle, je craignais un peu la réflexion féministe posée dans le film comme un discours qui surplomberait le récit. C'est plutôt ce que la bande-annonce fait craindre. Finir par un cinglant "c'est quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes" est très appuyé. Dans le film, la vraie beauté de ce dialogue, c'est plutôt ce que Yohann dit plus tôt, qu'il est hanté par la conclusion que si le tueur n'est pas trouvé, c'est que ce sont tous les hommes qui ont tué Clara... Ou ce que répond la Juge : "je suis une femme...mais je suis aussi juge". En quelques dialogues, une complexité millénaire vient éclairer le récit. C'est quand même assez radical (pas ce qui se dit en soi, mais la façon dont le dialogue est structuré), ça marche, et c'est très beau. Car cet aspect du film lui permet de livrer ses scènes les plus poignantes : Nani qui n'en peut plus des questions de Yohann, le visage glacé de la mère de la victime en face du flic, les réactions défensives et butées de la compagne d'un des suspects qui semble décidée à le défendre jusqu'à la mort... Jusqu'au moment où Mouna Soualem (que je n'ai jamais vu auparavant, preuve qu'il y a dans ce film un certain génie du casting), nouvelle recrue de la PJ, parle d'un monde d'hommes dans la planque nocturne garée sur le lieu du crime, et que dehors, les parents viennent se recueillir. La lumière à ce moment-là est très belle, et la musique fait enfler une véritable émotion.

Parfois je me demande si le film n'est pas un peu court, surtout à l'endroit des séquences avec les suspects. Des scènes un peu plus fouillées, nouées, tressées, auraient pu faire plus amplement faire émerger quelque chose de ce Mal qu'on verrait contaminer un peu plus le duo de flics dans la durée, atteindre quelque chose de plus vénéneux dans la confrontation. Dans le Journal, les scènes de confrontation du curé avec les habitants de sa paroisse sont un modèle de cela...On le voit se rouler dans le Mal, presque s'y confondre...Ou pour comparer avec une autre œuvre plus proche du film, je pense à des scènes de Zodiac de Fincher (qui dure près de 3h !) auquel j'ai pas mal pensé. C'est un film également très droit, mais aussi complètement fou. Et je pense que le film de Moll peut peut-être manquer de folie...C'est le problème qui peut arriver aux films parfaitement écrits, on peut parfois rester un peu trop sur les rails. Un exemple très concret : la scène avec un des premiers suspects, un post-ado très inconséquent, pas coupable pour un sous. Elle se termine par un rire nerveux. A ce moment je me dis "génial ! une réaction inconsciente, ça peut arriver, c'est complexe !". Mais Moll coupe, et on reprend avec les deux flics qui nous indiquent un peu trop quoi penser à mon goût : "quel petit con". Alors que je ne suis pas sûr que ce soit aussi simple que ça. Il y a une candeur dans le personnage de ce garçon, comme il y a une candeur très belle chez Gaby Lacazette, un ex-copain de la victime ayant signé de son vivant un morceau où il chante qu'il voudrait la cramer, soit une description dans les détails du mode opératoire du tueur, et qui demande aux flic qu'on prévienne sa mère avant qu'on le mette en taule. Candeur insupportable, atroce, mais réelle, sur lequel Moll, par paresse, ou par manque d'attention, ne s'appuie pas. Je crois pourtant que les très grands polars, et même les plus précisément narrés, ont cette part souterraine : tout d'un coup, nous donner l'impression de quitter le récit, et plonger dans les abîmes, risquer de s'y perdre et ne plus pouvoir repartir, et repartir quand même. Il manque cette dimension cruciale au film, mais elle est là, quelque part, et pour une fois, je pense que le cinéaste avait la force et l'inspiration d'aller jusque là.
Ah ben tu vois, j'allais t'encourager à continuer d'écrire ! :D
Je suis d'accord avec toi, je pense que les scènes avec les suspects sont trop courtes, on voit des figures apparaître, pas vraiment des personnages (le gars de l'escalade indifférent, le violent, etc...). Alors que c'est l'intérêt (peut-être le seul) du film policier : entrer chez les gens, apprendre à les regarder, puis finalement les voir.
Et j'ai pensé à toi avec les montagnes grenobloises, je me suis demandé ce que tu penserais de la façon dont c'était filmé. J'ai la réponse !

Et oui, va voir Becoming Father, c'est excellent.
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groil_groil
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Le 50 nuances de gris de ma génération. 3ème film d'Adrian Lyne, qui confirme ses points-forts et ses défauts. Points-forts : c'est un excellent directeur d'acteur et il sait vraiment créer des personnages, là carrément créer un couple qui devient instantanément iconique à jamais (bon, il est aidé par la plastique des deux quand même). C'est aussi un magnifique cinéaste urbain, il aime filmer la ville, et le fait merveilleusement bien dans tous ses films, comme si les personnages étaient dépendants d'elle, voire emmanaient d'elle. New York est ici un personnage déterminant du film. Mais sinon, encore une grosse faiblesse scénaristique, on ne dépasse pas le schéma, et l'évolution du film entre l'ouverture et le final est quasi inexistante. Quant au côté sulfureux du film, il est aujourd'hui (déjà qu'à l'époque, c'était pas non plus...) complètement effacé, générant plus de moments de gène que de troubles sensoriels. Que dire du film au final ? Qu'il est le symptôme, ou le témoin, d'une époque esthétique très marquée, qu'on pourrait facilement qualifier de publicitaire, mais je trouve le terme erroné car Lyne pense cinéma, ça se voit, malgré tout, et qu'aujourd'hui on ne peut voir ça qu'avec détachement.

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Là, c'est tout de suite d'un autre niveau. ça va faire 3 fois que je le revois en peu de temps et le film s'impose à moi comme l'un des grands thrillers domestiques de son époque. Je pense que c'est la première fois où Lyne est en pleine possession de ses moyens et qu'il réalise vraiment le film qu'il veut faire. Acteurs fabuleux, présence de la ville encore une fois fascinante, comme si elle donnait le rythme, le ton au film, mais Lyne soigne aussi magnifiquement tous ses intérieurs, ils ont une coloration, un style différent en fonction des gens qui les habitent et donnent du sens au film. Ici, le scénario est enfin à la hauteur de son sujet et chaque séquence s'enchaine à la suivante dans un rythme parfait, et dans un crescendo digne du genre auquel le film veut appartenir, jusqu'à un final aussi oppressant que réussi. Il y a d'ailleurs dans les bonus du bluray, Lyne qui présente la fin originale du film, qui a été filmée mais non retenue (vraisemblablement par la prod) où l'on voit le personnage de Glenn Close se suicider chez elle, Douglas accusé de son assassinat, et son épouse parvenant à l'innocenter grâce à la K7 qu'elle avait envoyé (et que Douglas écoutait dans l'autoradio et où elle annonçait qu'elle se suiciderait si elle ne parvenait pas à le garder). Cette fin est géniale, et assez noire - elle se termine sur les images du suicide (elle se tranche la gorge avec une lame de 20cm) - mais je réalise que j'aime tout autant la fin finalement retenue. Elle est plus spectaculaire, plus en harmonie avec les codes du thriller, mais en donnant le rôle de l'assassin à la femme de Douglas (simple légitime défense pour sauver la vie de son mari), elle ressert les liens entre les deux, et quelque part sauve le couple, lui promet un avenir. Bref, voici un bel, beau et grand film des 80's, lui aussi miroir parfait de son époque, mais qui sait la transcender et n'en être pas dépendant puisque le film est nettement plus intéressant aujourd'hui qu'il l'était alors.
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
mer. 3 août 2022 22:01
Je sais pas, tes comparaisons, les images des films, penser à Varda et Demy, et de quoi parlent vraiment les films, au fond...
:love2:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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Bon, je vais voir Moll alors. Par contre, "Becoming Father" ne passe pas chez moi :(
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sokol
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question : "Bandits à Orgosolo" ou "Le monde perdu" (Pescherecci) de Vittorio de Seta, méritent d’être vu ? (jamais vu un film de lui)
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cyborg
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@sokol : oui pour Orgosolo.
Je n'ai pas vu tous les épisodes de "Monde Perdu" mais je crois que oui...
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sokol
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@cyborg Merci !!
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Tyra
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Désolé Groil mais je trouve ça vraiment mauvais. Par sa structure, celle d'un couple américain dans une ville étrangère tiraillé par l'infidélité, le film fait beaucoup penser au film romain de Woody Allen, déjà un de ses plus mauvais. Ici s'ajoute, ce qui devrait rattraper un peu la chose : un regard de WA sur lui même (Wallace Shawn est vraiment un alter égo du cinéaste, jusqu'aux amours ou désamours pour tels ou tels films), une plongée dans sa cinéphilie (un peu toujours la même, Bergman, Fellini, Godard etc, à travers des pastiches totalement ratés, je sauve la partie d'échecs du Septième sceau) et dans ses angoisses, celle de la mort, et de cette chienne de vie toujours autant privée de sens. Les réflexions son paresseuses, vues 1000 fois dans sa filmographie, et l'humour quasiment absent ne sauve pas le film. Et puis, le film comporte une satire sur le milieu du cinéma, principalement à travers le personnage de Louis Garrel, celle-ci est ratée et passe complètement à coté de ce que pourrait être un cinéaste prétentieux et insupportable. La réalité ne manque pas d'exemples pourtant.. Mais je ne vois pas, en 2022, un réalisateur tenir des propos aussi débiles sur le cinéma ou la paix dans le monde.
Une chose me plait pourtant, c'est le personnage principal, plus piteux que jamais, qui rate tout ce qu'il entreprend, frôlant le pathétique lorsqu'il pense avoir une chance avec le médecin espagnol. Malheureusement raconter l'histoire d'un homme qui ratte tout de sa vie, n'implique pas de rater le film. Sauf si on aime ce genre de procédés meta. :D

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Comme j'aime plutôt le le cinéma de J.C Chandor, j'ai regardé, un peu à reculons, cette production netflix, apparemment vieux projet que devait réaliser Kathleen Bigelow, repris par Chandor donc. D'anciens militaires au passé un peu trouble forment une équipe pour faire un casse chez un narcotrafiquant richissime. Le début est peu engageant, pour deux raisons. Premièrement, le film ne nous épargne rien de cette ficelle de scénario éculée qui consiste à nous monter un faux suspense sur la réunion de l'équipe, avec hésitations des personnages, sachant qu'ils finiront tous par accepter la mission. Deuxio, le film transpire la virilité, le film d'action bas du front dont je ne suis pas franchement client. Heureusement, une fois le plan monté, le film devient autre chose, une sorte de relecture des grands John Huston, du type Le Trésor de la Sierra Madre, avec un peu de Salaire de la peur ou Sorcerer. Le coup classique de ces hommes, croyant courir après l'argent mais courant à leur mort, ou à leur ruine morale. Car évidement, passé avec succès l'étape des narcotrafiquants, ces types feront tout foirer par appât du gain, et finiront même par tuer des villageois péruviens, et disperser peu à peu le pactole dans la nature. Pas un grand film, mais un honnête film, qui prend le spectateur avide d'action musclée à revers et le sort du cadre habituel du film d'aventure, jusqu'à sacrifier brutalement une tête d'affiche du film.
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yhi
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asketoner a écrit :
mer. 3 août 2022 01:05
je pense sincèrement que c'est impossible qu'il ne sache pas ce qu'il fait. Mais : as-tu vu Destruction babies en premier ? Ca ne m'étonnerait pas. Je crois que si j'avais découvert Destruction Babies d'abord, j'aurais un peu douté de ce cinéaste.
Non, j'ai vu les deux la semaine passée et dans le même ordre que toi. Je raccorde plus sur destruction babies que j'ai moins aimé aussi. Trop répétitif pour tenir sur la longueur mais en même temps trop scénarisé (les ajouts de personnages qui viennent combler inutilement au fur et à mesure notamment) pour rentrer dans une abstraction complète.

Pour Becoming father et pour justifier un peu ma remarque, ça vient du fait que ce que je voyais de bien (ou du moins de surprenant) j'avais l'impression d'y voir une question de format (est-ce le bon mot ?) et pas vraiment une volonté de mise en scène. Si ça hurle et qu'il est question de faire ses preuves, pour moi c'est un héritage verbatim du manga dont c'est adapté. Je ne l'ai pas lu, mais c'est un peu le format standard de ce support. La durée des scènes j'ai l'impression que ça vient du fait que c'était une série avant d'être un film. Enfin globalement j'ai eu l'impression de me retrouver face à un objet un peu hybride, assez original, mais sans mettre beaucoup de crédit ou imputer une volonté forte de cinéaste derrière tout ça. C'est d'ailleurs un peu une question récurrente lorsqu'on découvre un premier film, de savoir si ce qu'on aime ou pas dedans est la part du cinéaste ou d'un hasard, chance ou malchance.
On peut faire des ponts avec Destruction babies ensuite, ça serait malhonnête de dire qu'il y en a aucun, mais tout de même, j'ai pas vraiment l'impression d'avoir découvert un auteur singulier mais plutôt content d'avoir vu deux films un peu originaux.
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asketoner
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En décalage, Juanjo Jimenez

J'ai tenu 15 minutes. C'est le néant total.
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Tyra
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... ce que laissait supposer la bande-annonce. L'impression d'un énième film où un concept fort est une fausse promesse de cinéma.
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asketoner
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@Tyra : oui le concept est fort mais il n'est même pas vraiment appliqué
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asketoner
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Les Promesses d'Hasan, Semih Kaplanoglu

Le film est très bien tissé narrativement : on part du portrait d'un homme pour faire le tour d'un village et décrire une société, ses mécanismes, la hiérarchie qui la constitue. Il y a quelque chose de très subtil sur la question de la vérité aussi : toute action se fait dans le dos des autres, mais tout se sait, et pourtant on ne dit pas tout ; seulement, de temps en temps, une révélation éclate et change (ou pas) la donne. Les scènes de négociation sont glaçantes. Et le portrait d'Hasan en homme qui ne veut pas perdre est très réussi. (Celui de sa femme également, dans l'ombre, secondant cette avidité, la prolongeant à l'endroit domestique.)
J'ai quelques reproches à faire cependant. La photographie est à tomber par terre, mais Kaplanoglu est parfois un peu lourd. Par exemple, la feuille du carnet arrachée et jetée dans la rivière, c'est bien. Mais pourquoi dix feuilles ? La pomme qui tombe de l'arbre sur la tête d'Hasan, c'est formidable. Pourquoi mille pommes ? On a compris. Le problème des rêves au cinéma, c'est qu'ils créent des ruptures dans le flux du film. Kaplanoglu les multiplie. J'aurais préféré croire qu'Hasan reçoit réellement une pomme de son verger sur la tête et qu'il se sent, de ce fait, persécuté, ou poursuivi par une malédiction. (Le briquet, par exemple, c'est une idée géniale, énigmatique et riche de significations. Ou la balle lumineuse passée sous la palissade.) Enfin, il y a peut-être aussi un peu trop de larmes, c'est-à-dire un peu trop de volonté de sauver les personnages, donc de résoudre l'histoire. A la fin, ça s'en ressent. On voit le truc.

Et sinon, c'est très très difficile de ne pas penser au Poirier Sauvage. On a l'impression de voir le film de Nuri Bilge Ceylan en moins bien. D'ailleurs je m'aperçois que j'avais plutôt aimé Miel et Lait, mais je n'en ai presque plus de souvenir...
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asketoner
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L'école du bout du monde, Pawo Choyning Dorji

Eh ben visiblement c'est pas trop compliqué de faire un film. Il suffit que les acteurs sourient !
(Et le pire, c'est que ça marche.)
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groil_groil
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J'avais été comme tout le monde très impressionné par ce film à sa sortie (ou quelques temps plus tard, je n'ai sais plus si je l'avais vu en salle ou en vhs), mais je redoutais un peu de le revoir, appréhendant le côté twist final et l'esthétique trop lié à son époque. Il n'en est rien, L'Echelle de Jacob est bien le chef-d'oeuvre de Lyne, et un chef-d'oeuvre de son époque, une sorte de pendant intime d'Angel Heart. Angel Heart, dont les producteurs sont les mêmes, Kassar & Wajda, serait le film sur l'extérieur, le Je est un Autre, et le mal qui se répend, alors que L'Echelle de Jacob est un film dont la révélation finale n'affecte que le protagoniste. Quant au twist que j'ai lu encore décrié ces derniers temps, on s'en fiche car quelque part on l'anticipe dès le départ et surtout, il ne remet absolument pas en question le film dans sa globalité, il n'en est que sa conclusion logique. Rajoutons à cela la virulente charge contre le gouvernement américain quant à sa gestion de ses soldats durant la guerre du Vietnam qui finit de donner à L'Echelle de Jacob tous les atouts d'une très grande oeuvre. Hallucinant que Lyne ait fait un film pareil, aussi sombre, et aussi sobre, dont l'ésthétique est magnifique et incroyablement maussade, et où il prouve une fois de plus qu'il sait magnifiquement filmer la ville (New York a rarement été aussi inquiétant)...
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B-Lyndon a écrit :
mer. 3 août 2022 22:00

Parfois je me demande si le film n'est pas un peu court, surtout à l'endroit des séquences avec les suspects.
Pareil. Je me suis meme dit que ca serait une excellente serie (dit par quelq'un qui n'a jamais vu de série :lol: Mais, MAIS, je me suis toujours dit que, les films que j'adore, sont ceux que, quand je les vois, j'aurais aimé qu'ils ne terminent jamais, donc qu'ils durent "comme des séries"... ).
B-Lyndon a écrit :
mer. 3 août 2022 22:00
C'est le problème qui peut arriver aux films parfaitement écrits, on peut parfois rester un peu trop sur les rails. Un exemple très concret : la scène avec un des premiers suspects, un post-ado très inconséquent, pas coupable pour un sous. Elle se termine par un rire nerveux. A ce moment je me dis "génial ! une réaction inconsciente, ça peut arriver, c'est complexe !". Mais Moll coupe, et on reprend avec les deux flics qui nous indiquent un peu trop quoi penser à mon goût : "quel petit con". Alors que je ne suis pas sûr que ce soit aussi simple que ça.
Oui et non (c'est et ce n'est pas aussi simple que ça) car, par exemple, je connais deux trois personnes (de genre féminin) de 25-30 ans, études supérieures (ou BAC+2) qui ne savent pas que nous avons une première ministre femme (le nom de Élisabeth Borne ne leur disait rien du tout). Quand je leur ai demandé pourquoi elles ne savaient pas, elles se sont mis a rire 'nerveusement' (un peu comme le jeune homme du film ;) ) en me disant qu'à la télé elles regardent que Netflix ou des séries et que le reste du temps était occupé par des activités sexuelles ou sportives et c'est tout (comme si Mme Borne les empêcherait de baiser ou regarder Netflix). Sérieux !
Donc, quand Moll coupe la scène, il coupe car il filme du coté des policiers (qui sont scandalisés par ce comportement totalement inconséquent). Moi aussi dans la vie je coupe quand quelqu'un de 30 ans me dit ne jamais avoir entendu parler de Mme Borne car, tout comme les policiers, je suis sonné, je crois pas à mes yeux (aux oreilles, plutôt). Donc, je coupe.
Moll fait pareil (et il a raison, en quelque sorte).
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Jean-Marie Straub
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As Bestas, Rodrigo Sorogoyen

Un cauchemar de droite, créé par l'algorithme du Figaro.fr : un projet de construction d'éoliennes, des bobos néo-ruraux en agriculture raisonnée, des vrais ruraux sous-éduqués qui grognent et boivent et mangent du chat (si, vraiment), des questions morales autour de la vidéo-surveillance et du racisme anti-Français.
Après, c'est indéniablement un cinéma ambitieux, qui déploie des affects, des signes, des temporalités, et qui s'en donne les moyens. Il y a de la durée qui passe dans certaines scènes et nous donnent l'impression qu'elles respirent, ou du moins qu'elles sont maîtrisées. Mais c'est terriblement grossier.
Le cinéaste accorde une scène (trop sympa) aux paysans méchants pour qu'ils s'expliquent. Et soudain, ils parlent (alors que jusqu'à présent ils se contentaient de grogner "ruralement") - mais pour dire quoi ? Qu'ils sont pauvres et conscients de l'être... Grosse surprise : les gueux ont une conscience. Sorogoyen ne parvient pas du tout à transformer ses pions en personnages.
La scène d'affrontement mère/fille est un sommet de fabrication, qui va dans le même sens. On ne voit que les enjeux, la tactique déployée. Mais rien ne vit. Ca tombe à plat. Ca sert la soupe, c'est tout.
Quant à la fin (le sourire de l'héroïne), non seulement elle est obscène, mais en plus elle sonne faux.
Comme quoi, le cinéma, ce n'est pas seulement fait pour épater.

(Pendant le film, j'ai pensé à L'Intrusa de Leonardo di Constanzo, qui essaie à peu près de dire la même chose, mais de façon autrement plus subtile, complexe et digne.)
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sokol
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@asketoner je vais faire comme les gosses : je te l'avais dit !! :D :lol:
Modifié en dernier par sokol le mar. 9 août 2022 10:22, modifié 1 fois.
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Un milliardaire propose à un couple la somme d'un million de dollars pour passer la nuit avec la femme du-dit couple. Comme ceux-ci ont des problèmes d'argent, ils acceptent. Cette décision aura évidemment des conséquences majeures sur leur vie. Comment après "L'Echelle de Jacob", Adrian Lyne peut-il regresser à ce point et proposer ce qui est sans doute son film le plus cliché et le plus symptomatique de la vulgarité de l'époque ? Il y a un savoir-faire indéniable - le récit est par exemple mieux construit que sur Flashdance et 9 Semaines et demi - et les acteurs sont de bons acteurs - j'ai été surpris de trouver Demi Moore, que je n'aime pas du tout, étonnamment bien -, mais le film véhicule trop de clichés pour pouvoir convaincre qui que ce soit, et cette espèce de complaisance associant pognon (dollars en liquide svp), jeux de casino, pouvoir et érotisme de mauvais goût est insupportable.
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Tyra
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Double ration de Moll.
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J'aime et j'aime pas. J'aime, cet embranchement de personnages mus par la solitude et cherchant à palier celle-ci. Une solitude qui mène à la folie, à commettre, pour l'un d'entre eux, un meurtre. J'aime le mystère du film, son absence de propos (apparent, en tout cas), de conclusion, son coté insaisissable. Ce que j'aime moins, c'est qu'il m'apparait, quand même, qu'il s'agit surtout d'un film de scénario, dans lequel les scènes sont avant tout des engrenages du scénario, avant d'exister par elles même. Preuve en est, de nombreuses séquences me tiennent pour ce qu'elles cachent de l'intrigue, et lorsqu'elles livrent l'information qu'on attendait, elle ne tiennent plus par elles mêmes, on attend la séquence suivante, la prochaine pièce du puzzle.
La mise en scène de Moll est assez neutre, indécidable, comme une écriture blanche. Elle peut paraitre assez faible, en tout cas elle ne cherche jamais l'effet. A de nombreuses reprises, Moll pourrait faire naitre la peur par le hors-champs ou par des apparitions soudaines, comme dans un thriller classique, mais il ne le fait jamais.
Il y a une scène très belle où, sans explication, un homme se jette dans le gouffre dans lequel il vient de jeter le cadavre d'une femme. C'est ce genre de béance que j'aimerais voir d'avantage dans ce film, qui me reste pas mal en tête.


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C'est plaisant, ça fonctionne, indiscutablement. Mais il manque ce coté indiscernable que j'ai aimé dans Seules les bêtes. Ici le film, et surtout sa dernière partie, étouffe sous les "grandes phrases", qui d'ailleurs n'en sont pas, elles sont très faibles, sentencieuses, nous surlignent ce qu'on avait déjà vu, voir contredisent à mon avis le sens de ce qu'on a vu. Faire du cinéma ou faire des maximes, il faut choisir. Pourquoi faire de grandes phrases sur ce milieu entièrement masculin, lorsqu'on avait déjà constaté la choses par l'image ?
Pourquoi à l'inverse nous dire que tous les suspects, "tous ces hommes", avaient une raison de tuer la victime, alors que justement, aucun de ces types, aussi déplaisants qu'ils paraissaient, n'avaient de véritables raisons de tuer, faute de levier de jalousie à activer (ainsi le personnage de Yohan se contredit) ?
Pourquoi, alourdir le tout de réflexions tirées telles quelles du féminisme actuel, si ce n'est pour soulager la conscience des deux scénaristes hommes ?
Ces lourdeurs sont dommageables, parce qu'à coté de cela, les scènes de vie, qu'elles concernent la PJ ou l'amitié entre Yohan et Marceau, sont vraiment belles. Et les comédiens tous très bons.
Mais bon, il y a quand même, dans ce cinéma, une manière de découper sans surprise, où l'on devine le plan qui va suivre, une façon de scinder chaque séquence par des plans de coupe qui vont bien, quelque chose de pantouflard et scolaire.
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groil_groil
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Oublions (pour le moment) le film de Kubrick, celui de Lyne ne s'y réfert pas, et se présente comme une adaptation fidèle du chef-d'oeuvre de Nabokov. La reconstitution est parfaitement réussie, l'image très pro, les acteurs parfaits (mention spéciale pour Mélanie Griffith, parfaite dans le rôle de la mère, qu'on ne voit malheureusement pas assez longtemps, et le roman - même si je l'ai lu il y a plusieurs années - est de mémoire respecté fidèlement. Cependant, le film est extrêmement problématique. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il est ouvertement pédophile (ce qui serait le cas par exemple des photos de David Hamilton), mais le positionnement de Lyne est gênant dans le regard qu'il pose sur son Humbert Humbert (Jeremy Irons), n'insistant pas assez sur la puissance destructrice qui le brûle et la folie qui l'habite, rendant le personnage déséquilibré, malade, fou. Je reviens à Kubrick et c'est ce qu'il réussit parfaitement avec James Mason : c'est un dingue, et il est présenté comme tel, il a presque le profil d'un serial killer. Ici, non, Humbert est juste un amoureux transis, mais d'une gamine de 14 ans. Il sait que c'est mal, il le répète, mais Lyne nous met presque du côté de son personnage est c'est infiniment gênant. Je pense qu'il suit les canons du cinéma Hollywoodien de trop près et qu'il pense qu'en le jugeant au final (il est pris, puis meurt rapidement en prison), cela suffit à le condamner aux yeux du spectateur; mais non, ce n'est pas assez, le regard moral porté sur lui est définitivement problématique. S'il ne fait pas de référence au Kubrick, Lyne en fait deux ou trois à Mort à Venise de Visconti, singeant habilement un ou deux plans. Et je pense qu'on son erreur est là : il souhaite se rapprocher de la passion absolue du personnage de Visconti pour le jeune Tadzio, mais il oublie l'essentiel. Aschenbach n'a jamais de relation sexuelle avec le jeune, et il n'en veut pas, et je ne sais même pas s'il a un désir sexuel. C'est une sublimation, une quête esthétique de la beauté pure. Lyne veut rendre ce sentiment, mais son personnage n'arrête pas de baiser avec une gamine extrêmement aguicheuse et volontaire et le film est sans cesse en train de balancer entre deux sentiments dont l'un est des plus gênants.

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Contient du spoil.
Une mère d'une jeune quarantaine (sublime Diane Lane), bien mariée, aisée et plutôt heureuse, new yorkaise ayant quitté la ville en famille pour un pavillon de banlieue, se prend de passion pour un jeune bouquiniste d'origine française (Olivier Martinez, le gros wtf de l'époque). Son mari (un Richard Gere parfait dans le rôle de chef-d'entreprise papa débonnaire) commence à avoir des doutes, engage un détective privé, obtient la preuve, rencontre le jeune garçon, et dans un accès de rage le tue, puis, avant que sa femme qu'il aime toujours n'apprenne cet acte, dissimule le corps. Et la police enquête... C'est la grosse surprise de cette intégrale Lyne, je m'attendais à son pire nanar, et c'est un très bon film. Un film certes dans les cordes du cinéma hollywoodien standard, sans folie aucune, mais qui défile en un rien, dont l'intrigue monte en intensité, dont le final n'est absolument pas décevant, et qui surtout est d'une précision de mise en scène aussi merveilleuse que discrète qui laisse deviner le dernier film qu'il fera 20 ans plus tard. Parce qu'en effet, c'est fou de penser qu'après cet Infidèle, à côté du quel tout le monde est passé de mémoire, il ne trournera rien pendant 20 ans, avant de revenir cette année avec le superbe Dark Water, qui raconte peu ou prou la même histoire (un homme est persuadé que sa femme le trompe). Comme si Dark Water tentait de réparer le film précédent (je ne sais pas du tout si ce fut un échec et s'il en a souffert). Bref, Infidèle est un bon film, prenant et maitrisé, superbement interprété par les deux américains (Martinez vient malheureusement gâcher la fête), et où Lyne retrouve son envie de filmer NY, parfait !
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groil_groil
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Revu en vacances et en famille (et en 4k svp :D) uniquement parce que mon fils est fan et voulait le revoir. Du coup, ma fille de 5 ans a vu son premier film hors dessin animé les yeux grands ouverts. Je retiens deux choses : "eh ben moi j'ai rien compris, c'est pour ça que j'ai pas rigolé". Puis : "maintenant que j'ai vu un vrai film je vais pouvoir avoir un compte "Sens Critique" :lol: et je mettrais 10 au Gendarme 1. Qu'elle veut déjà revoir :D

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Bouclage de cette très agréable intégrale d'été consacrée à Adrian Lyne en revoyant son très beau dernier film sorti cette année. Voici ce que j'en écrivais en mars : Quel bonheur de voir Adrian Lyne, cinéaste conspué dans les 80's mais qui a tout de même réalisé quelques bons films (L'Echelle de Jacob, Liaison Fatale) revenir à 81 ans, après 20 ans de silence, avec un film aussi réussi, le meilleur thriller domestique vu depuis Apparences de Robert Zemeckis, un film d'une grande intégrité et d'une tension permanente, un vrai film noir et en même temps d'une grande beauté plastique. Il s'agit de la seconde adaptation du livre de Patricia Highsmith après l'excellent Eaux Profondes de Michel Deville, et Lyne se rapproche ici pas mal de l'ambiance des derniers Finchers, on pense pas mal à Gone Girl, et pas qu'à cause de Ben Affleck. Bref, une des plus belles surprises de ce début d'année.
Le film est toujours excellent en second visionnage, très beau, très maitrisé. Seul petit bémol qui surgit au second coup est le côté isolé des protagonistes. Ils n'appartiennent pas vraiment au monde mais sont dans une bulle hermétique. ça ne nuit en rien à ce très beau retour en grâce. Je reviens sur l'intégrale dans un post futur.
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Une femme Présidente de la République, qui a décidé de ne pas se représenter, et son conseiller principal sont prêts à tout pour empêcher le candidat du Front National, donné favori dans les sondages, d'accéder au poste. L'ancien journaliste (à Première) Diastème avait plutôt réussi son film "Un Français". Ici, c'est un ratage total qui se perd dans des tunnels de dialogues, un immobilisme constant et où l'on cherche encore la moindre idée de cinéma.

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Dans Forrest Gump de Zemeckis, il y a une courte scène où un jeune type loue la chambre proposée par la mère de Forrest et est intrigué par la démarche brinquebalante du jeune garçon, forcée par une armature censée l'aider à se déplacer. Il demande au gamin de lui montrer comment il se déplace. Quelques temps plus tard à la télévision, Forrest et sa mère voient se déhancher ce jeune type, il s'agit d'Elvis Presley, il a copié la gestuelle de Forrest pour son déhanché qui fera sa gloire. Il y a dans cette scène qui doit durer une minute beaucoup plus de compréhension de ce qu'est Elvis que dans les 2h40 de ce long tunnel d'ennui qui ne fait qu'aligner les clichés. Jamais on a la moindre idée de qui est Elvis, de ce qu'est le rock'n'roll et de ce qu'y a apporté ce type. La raison principale, c'est qu'il n'y a jamais la moindre notion d'écoulement du temps dans Elvis, le temps n'existe pas. Le film se contente d'aligner des images arrêtées, des instantanés coupés de toute réalité, censés figer l'icône mais ne lui donnant jamais vie. Autre souci majeur, c'est l'instrumentalisation du personnage d'Elvis qui n'est ici qu'un pantin dans les mains du colonel Parker (horrible performance de Tom Hanks qui semble jouer comme Louis de Funès). Selon ce gros tâcheron de Luhrmann, Elvis n'existe pas sans Parker, il n'est qu'un pantin entre les mains de ce grand manitou qui l'a littéralement construit, façonné. C'est vrai qu'Hollywood adore ce genre de légendes, l'homme de l'ombre ayant façonné, créé de toutes pièces, l'artiste. On imagine tout de suite le cinéaste en plein pitch devant ses producteurs, séduit à l'idée même. D'ailleurs le scénario est bâti comme la mise en scène : il n'y a pas de temps dedans, seulement de la punchline, du produit tête de gondole, balancés comme autant de produits marketing qui assoment littéralement le spectateur (le montage donne littéralement mal au crâne, du genre 4 plans / seconde) mais qui ne crée jamais de bloc temporel ni la moindre narration. On rajoutera que l'acteur qui tient le rôle d'Elvis a bien travaillé, appris les gestuelles et les chansons par coeur, s'est donné du mal, mais il est vraiment très mauvais qu'il enfonce le film d'avantage (sans parler de la fin de vie d'Elvis où l'acteur concerve sa plastique de mannequin prépubère, WTF ?). Sinon le film n'a pas la moindre once de soupçon de poil de cul de ce que peut-être le rock'n'roll, le cinéaste passant souvent dans sa bande son du rap ou du r'n'b, c'est dire l'intérêt qu'il porte à son sujet. Ce tâcheron absolu de Luhrmann rajoute une daube à son palmarès (je pense d'ailleurs que c'est à ce jour son meilleur film, c'est dire) et le seul moment d'émotion du film, c'est le final, le dernier concert du King, et c'est le moment où le cinéaste se rend compte qu'il n'arrivera jamais à filmer ça, et il décide donc à la place de montrer les images d'archives. CQFD.

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L'ex-mari photographe d'une femme qui est aussi photographe est assassiné. En menant l'enquête elle découvre qu'il s'apprêtait à réveler un gros coup politique. Mais elle met le doigt dans un engrenage dont elle sera elle-même victime. Film de complot à la française, avec un casting remarquable (Girardot, Dutronc, Brialy, Bouise, Robin...), plutôt pas mal dans l'idée et dans l'atmosphère, qui regarde pas mal du côté de Cayatte mais qui ne l'égale jamais, à cause sans doute d'une mise en scène qui cherche un peu ce qu'elle a à dire.
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yhi
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groil_groil a écrit :
mar. 16 août 2022 08:28
Dans Forrest Gump de Zemeckis, il y a une courte scène où un jeune type...
Ha merci de me rappeler cette scène, j'ai vu Forrest Gump il y a un bon moment étant enfant et je me rappelais plus. Ce weekend, je suis allé voir le remake bollywood, et il y a donc une scène similaire et je me demandais quel était son équivalent dans la version américaine.
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Tamponn Destartinn
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:hello:

Mes films de l'été :

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(ATTENTION : JE SPOILE !)
J'y ai cru un moment. Parce que groil et un autre pote m'ont hypé, mais aussi parce que ça commence pas si mal que cela. Ben Affleck et Ana de Armas (surtout elle) font le job, et l'ambiguité du mari sur son acceptation de leur relation ouvertement libre imposée par sa femme semble prometteuse pour le thriller érotique que le film veut être. Le truc est que ça ne tient pas du tout. C'est écrit avec les pieds, et ce que j'ai un temps espéré être des subtilités ou volontés d'éviter certains clichés me sont soudainement apparues comme des incohérences de scénario et de psychologie de personnages. Leur couple n'a aucun sens, ils ne s'apportent rien mutuellement, y compris dans le petit jeu toxique dans lequel ils s'embarquent, car je ne les vois y prendre aucun plaisir. Lui encore, on peut dire que c'est un tueur en série qui dissimule cette nature par sa jalousie, même si c'est jamais vraiment évoqué dans le scénar ou la mise en scène. Mais elle ? Pourquoi ? Même quand elle comprend qu'il tue ses amants, on pense que ça va l'amener à évoluer, mais pas du tout. Rien ne change, alors que ça devrait. Si elle était une victime consentante, que ça faisait parti d'un jeu pervers entre eux... ou alors que le dernier amant était un appas pour le piéger et prouver sa culpabilité... Quitte à reprendre les codes des années 90, j'en étais à espérer un twist final, permettant de revoir les choses sous un autre angle, mais il n'en est rien. Juste, on répète encore une fois le même schéma, nous amenant à cette fin grotesque, où le film devient définitivement un nanar avec la course poursuite la plus wtf vue depuis longtemps.
Et si mes observations étaient d'ordre scénaristique, ajoutons que la photo verdâtre est dégueulasse, que d'un point de vue érotique c'est aussi complètement raté, et que si les effets de mise en scène pour montrer la jalousie montante de Ben Affleck sont au départ intéressantes, ça finit par être tellement redondant que ça en devient risible (et amène le personnage féminin à passer pour quelqu'un de beaucoup trop cruel pour être intéressant, le film cochant du même coup la dernière case qui lui manquait pour ce genre : la misogynie !)


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Intéressant, car en écrivant cette critique à la suite de l'autre, je découvre un point commun aux deux films : la redondance !
(ATTENTION : JE SPOILE AGAIN)

As Besta veut aussi nous faire vivre l'enfer d'un quotidien, et n'a pour cela qu'une seule corde à son arc : l'accumulation de situations, qui sont a peu de choses près exactement les mêmes. Alors évidemment, en tant que spectateur, on le ressent, cet enfer. Mais quand ça m'amène à être soulagé de le voir enfin se faire buter, à deux doigts de m'écrier "pas trop tôt!"... c'est qu'il y a un problème. Puis arrive la seconde partie du film, que j'ai bien plus apprécié. Marina Fois n'y est pas pour rien. Mais il faut comparer au précédent film du réalisateur, Madre, pour comprendre ce que j'aime chez lui et ce que je n'aime pas.
Madre commence par un plan séquence d'une dizaine de minutes, où une mère comprend que son fils qu'elle a au téléphone est en train de se faire enlever. Puis grosse ellipse, et le vrai film démarre : cette femme vit là où son enfant a disparu, dans un deuil impossible, l'amenant à des actions que beaucoup de gens interprètent comme de la folie. Et ça, quand on y réfléchit, c'est exactement Marina Fois dans la seconde partie d'As Besta. La seule différence est que ce qui n'était qu'une scène d'intro dans le premier film (mais aussi un film en soi, car un court métrage à la base) devient un premier film de j'imagine 1h20 ou 1h30, où les séquences s'enchainent pour raconter (illustrer, même) constamment la même chose... Et donc évidemment, c'est moins bien ! Dans Madre, le seul problème de l'efficacité de sa séquence d'ouverture est que ça sonne réac : le gamin est seul sur la plage et comme par hasard il tombe direct sur un pédophile kidnappeur. Dans As Bestas, j'aurais accepté que cette première partie dure aussi longtemps si l'envie avait été de rendre plus subtil l'arrivée du drame, de montrer une situation qui s'envenime petit à petit... Mais non : on accumule les séquences "agrougrou ils sont méchants les pecnots". Je dis ça, mais heureusement il y a une scène qui sauve les meubles : quand Mélochet leur offre un verre et qu'ils parlent enfin à coeur ouvert. La scène est réussie, on comprend le point de vue des méchants. Au point même, où c'est vrai que Mélochet, putain casse-toi et va vivre ton rêve ailleurs, merde ! :D (c'est aussi pour ça que je préfère la 2nde partie avec Fois. Son perso est bien plus intéressant)
Bref, il ne sera pas très haut dans mon top 10 de l'année comme l'était Madre, mais quand même, le mec reste un gars à surveiller de près.


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Le seul film de la liste que j'ai aimé réellement !
Réjouissant récit d'apprentissage mêlant subtilement un certain académisme bien dosé avec des sujets modernes et de bonnes idées de mise en scène rares pour le genre.
Et j'aime bien l'idée de faire un film avec des enfants sur l'écologie dont l'enjeu principal pose cette simple question : faut-il manger les riches ? ^^


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Je comprends que la mise en scène peut sonner esbroufe, mais je reconnais cela dit que le montage de la première heure m'a impressionné. Le problème est que le film dure plus de 2h et qu'au bout d'un moment, il révèle son véritable enjeu : raconter une histoire d'amour toxique mais sincère. Et alors là, c'est mort : électrocardiogramme plat concernant mon intérêt sur ce point, où même Eaux profondes fait mieux !

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Bof. Encore une fois, un film pas mal foutu, mais qui cherche absolument à me faire ressentir une empathie pour des personnages qui ne me touchent pas. Lanners, c'est terrible : quand il pète son plomb, j'en ai rien à foutre !
Et donc, c'est un récit policier très balisé, très déjà vu, avec une particularité qui est surlignée au stabilo : un propos féministe post MeToo. Et là, je suis désolé, mais c'est insupportable comme le sous-texte est dans le texte. C'est trop dit, pas assez montré. Et au bout d'un moment, ça sonne même opportuniste. La seule phrase du genre que j'ai trouvé intéressante vient de la seule femme flic, quand elle dit que les hommes ne devraient pas peut être pas s'occuper seuls des crimes des hommes. D'accord Dominik, mais si on va jusque là, si t'es vraiment à fond dans ton propos, tu penses pas que tu aurais pu prendre comme co-scénariste une femme ? Parce qu'à ce stade là, je trouve ça important de vérifier au générique, et surprise : le co-scénariste s'appelle Gilles Marchand.
Bref. On en pense ce qu'on veut, de toutes façons, il n'y a pas que ça. Quand Bouillon se met à avoir son discours sur les flics qui ont toujours une enquête qui les obsèdent jusqu'à la fin de leur vie, j'ai failli rire, tellement il fut clair à ce moment là que le film avait peur d'être trop subtil. Même ce truc connu de tous, ils se sentent obligés de le formuler !
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groil_groil
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C'est LE film fantastique de Mocky, celui vendu comme différent du reste de la filmographie, et je cherchais à le voir depuis des années. La sortie récente en bluray propose une copie de grande qualité, qui magnifie la ville d'Annonay, choisie à dessein par le cinéaste pour être le lieu de ces élucubrations fantastiques, et elle s'y prête remarquablement bien (cela m'a donné envie de la visiter). Le film est co-écrit par Jean-Claude Romer, fondateur de la revue fantastique mythique Midi-Minuit, et l'ambiance du film se veut étrange, fantômatique, évanescente. Malheureusement le scénar est écrit tellement vite et mal, qu'on n'y comprend pas grand chose, et malgré les envolées lyriques visuelles assez réussies, on n'échappe pas à la terrible sensation du nanar tout du long. Mais un nanar inspiré, bricolé comme j'aime, qui fait penser à du Jean Rollin ou à du Franju au rabais. Ce n'est pas la pépite que j'attendais, mais disons que c'est suffisamment original pour valoir le coup d'oeil.

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Qu'est-ce qu'on ne ferait pas quand on aime ses enfants ... ? :D
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 17 août 2022 19:36
Bref, il ne sera pas très haut dans mon top 10 de l'année comme l'était Madre
Qu'était de la merde également, mais c'est toujours comme ça, il faut attendre le deuxième film pour s'apercevoir vraiment :D (je sais, je suis casse-couille quand je m'y mets)
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 17 août 2022 19:36
mais quand même, le mec reste un gars à surveiller de près.
Il y a rien à surveiller : il ira à Cannes et aura la Palme un jour. Comme son modèle, un certain Ruben Östlund. Comme le modèle de son modèle, un certain Haneke (tous les deux, si par hasard, 2 fois la Palme, appelle-moi con)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit :
jeu. 18 août 2022 11:32
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 17 août 2022 19:36
Bref, il ne sera pas très haut dans mon top 10 de l'année comme l'était Madre
Qu'était de la merde également, mais c'est toujours comme ça, il faut attendre le deuxième film pour s'apercevoir vraiment :D (je sais, je suis casse-couille quand je m'y mets)
Sauf que Madre était son deuxième ^^
Son premier était El Reino, film déjà très impressionnant.
(et je viens de googler pour vérifier, et... en fait il en a même fait deux avant, Stockholm et Que Dios nos perdone, dont je n'avais pas pris connaissance !)


Hormis ça, As Bestas n'est pas fait pour toi, c'est à peu près sûr.
Cannes, ça finira peut être par arriver. Je ne vois par contre pas du tout le rapport avec Ruben Östlund, qui est un cinéaste beaucoup plus cynique avec ses personnages, prenant de la distance sur eux, bref presque l'inverse ! Tu es tenté de les comparer juste parce que c'est le plus récent exemple du Tartuffe qui remporte les prix, non ?
A vrai dire, je suis surpris que As Bestas se soit cantonné à la sélection "Cannes Premières", qui est vécu par tous ceux qui y vont comme la médaille en chocolat de Thierry Fremeaux (quand t'y vas, c'est que tu n'es accepté nulle part ailleurs). Il avait la gueule d'un film en compétition, y compris dans le fait que c'est son moins bon !
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Que dios nos perdone c'est très bien aussi, je te recommande ;)
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Nope, Jordan Peele

Tellement alambiqué pour raconter si peu...
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Une journée bien remplie, Jean-Louis Trintignant

Trintignant réalise un film où chaque scène est comme un numéro de cirque, un poème, un gag, une surprise. C'est toujours intéressant de voir les films des acteurs qu'on aime, leur façon de penser le cinéma après l'avoir côtoyé de l'intérieur, parce qu'ils font ce que les cinéastes ne font pas : ils se placent à l'endroit du manque. Et Trintignant, justement, fait un film de gestes, presque sans parole - et pas non plus un film de corps (où la prouesse serait un enjeu). Non, un film composé uniquement de gestes, que des visages soutiennent sans pouvoir ni vouloir rien en dire.
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 18 août 2022 16:31
Tu es tenté de les comparer juste parce que c'est le plus récent exemple du Tartuffe qui remporte les prix, non ?
Tout à fait !
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asketoner a écrit :
sam. 20 août 2022 11:19

Tellement alambiqué pour raconter si peu...
Ce n’est pas faux.

Mais le problème (puisque je l’ai vu quasiment dans la même semaine que “La nuit du 12”, film que j’ai aimé ni plus ni moins que toi), ce dernier ne m’a pas vraiment travaillé après. Or Nope, bon, ce n’est pas le plus inoubliable des films récents, ok, mais je me suis quand même posé quelques questions.
Cela dit, il y a de forte chance que tu as un peu lâché le film en cour de visionnage et là, quand ça arrive, à mon opinion, il fait partir de la salle (or, par exemple, à aucun moment de “La nuit du 12” je me suis dit :je peux partir).
Là, ça pouvait (je suis conscient). Pourtant, c’est un film qu’à la fin, malgré ça, me permet de me poser quelques question malgré tout.
Autrement dit: selon moi, Nope est moins (un tout petit peu quand même, pas beaucoup non plus) vendeur que “La nuit du 12”, non ?
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@sokol franchement la nuit du 12, quand on m'en dit du mal je suis d'accord et quand on m'en dit du bien je suis aussi d'accord, mais alors nope, je ne vois même pas à quoi je pourrais penser un jour si je repensais à ce film. Pour moi il n'y a pas le début d'une trace de cinéma dans ce gros machin. Mais si toi tu y repenses de temps en temps, à quoi penses-tu ? (C'est une question sans ironie, je ne vois vraiment pas où mettre ma pensée dans ce film.)
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Exemple : la chaussure qui tient toute seule en l'air, j'aime bien l'image a priori, mais j'en fais quoi ? Et qu'en fait le film à part "nous la montrer" ?
Autre exemple : les scènes qui sont interrompues par un écran noir, pour reprendre autrement : que nous cachent-elles alors qu'on voit tout tout le temps ? Comme si le geste de cacher suffisait à faire croire qu'il y a plus à voir/connaître/sentir que ce qui est montré. Du pur cinéma d'esbroufe. Tarantino qui voudrait devenir Haneke.
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sokol
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asketoner a écrit :
dim. 21 août 2022 01:04
. Mais si toi tu y repenses de temps en temps, à quoi penses-tu ? (C'est une question sans ironie, je ne vois vraiment pas où mettre ma pensée dans ce film.)
Aux rapports entre la science fiction et le cinéma par exemple. Aux rapports entre les animaux et les humains aussi.
Mais je répète : je ne pense pas tous les jours, loins de là. Mais puisqu’on parle, j’ai évoqué un peu.
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Les vacances, ce moment idéal pour revoir des films chéris. Celui-ci c'est une fois par an. Je ne reviens pas dessus si ce n'est que : 1. chef-d'oeuvre. 2. Aussi bien que le roman de Patricia Highsmith. 3. Mille fois mieux que Plein Soleil.

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Je ne sais pas ce qu'il y a de plus consternant entre le film, qui est vraiment un ersatz de film noir / film intra Hollywood, qu'on te vend comme un autre Sunset Boulevard, et qui n'est pas loin du navet fainéant et surjoué, ou les bonus avec le triumvirat de la critique à la papa, Tavernier, Brion, Guériff qui tous les 3 chacun leur tour se branlent sur le film en répétant strictement la même chose se résumant à chef-d'oeuvre absolu, mon coeur qui bat, pris aux tripes, chef-d'oeuvre absolu. La condescendance absolue de la critique française envers cette merde de Nicholas Ray (qui a calmé, réalisé quelques magnifiques films quand même hein) m'a toujours laissé, au bas mot, pantois.

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Idem Ripley, une fois l'an, avec un bonheur grandissant chaque année, rarement vu un film qui dépeignait aussi bien les années 80 et l'Amérique de l'époque, avec tout ce que ça peut avoir de contradictoire. J'adore ce film, ces trois acteurs merveilleux, la mise en scène de Nichols, la photo sublime de Ballhaus, la musique de Carly Simon... <3

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Mon préféré de la série, même si ça ne signifie pas grand chose. Les enfants étaient pliés, quel bonheur <3
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asketoner
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@groil_groil : ah mais je suis tellement content de te lire sur le violent ! je déteste ce film
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asketoner
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Vesper, Kristina Buozyte & Bruno Samper

Après l'algorithme du Figaro (As Bestas), voilà celui de la Biocoop ! Et malgré tous ses efforts pour être original, le film a très peu de personnalité.
L'étonnement ressenti en regardant Vesper est purement culturel : on voit ce qu'un blockbuster européen cherche à nous dire (la fidélité au père et l'inceste, l'anticapitalisme...), et par défaut tout ce que les équivalents étasuniens passent sous silence.
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Tamponn Destartinn
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C'est une réaction à vif, je peux être amené à changer d'avis.
Pour différentes raisons, j'avais envie d'aimer le film avant de le voir.
Le fait est que ça a de la gueule, une vraie personnalité malgré les emprunts évidents à Spielberg, et pas que ses films d'Aliens (on pense surtout Les dents de la mer et Jurassic Park). J'aime le spectacle proposé, tout comme j'aime l'idée de parler justement de notre folie à penser avant tout spectacle face à l'horreur + de l'exploitation animale, qui est un mélange thématique très bienvenue. Bref, le film a beaucoup d'arguments positifs pour lui.
Après, il y a deux défauts qui, ensemble, provoquent un cocktail dommageable. Je trouve que le film ne place pas assez les motivations qui poussent les personnages à rester pour filmer et que l'enjeu (et la thématique principale) en prend un coup dans l'aile. Et en même temps, comme le dit ask, le récit est alambiqué, notamment avec le personnage de Jupe, qui a le droit à une backstory étrange dans le sens où elle aurait été plus pertinente pour le vrai personnage principal, expliquant encore mieux son rapport différent des autres au comportement animal. Là, comme Jupe ne semble n'avoir absolument rien appris de son trauma, on se demande ce que ça fout là. Le personnage prend trop de place ou pas assez. Mais donc, oui, le récit se perd en sous intrigues, oubliant à côté de clarifier ses enjeux primaires, et c'est une double faute ravageuse.
Heureusement, la seconde partie du film (justement à la mort de Jupe, en gros) fait assez bien oublier tout cela, ne gardant que l'essentiel : un film de survie marquée par sa mise en scène.
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groil_groil
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asketoner a écrit :
lun. 22 août 2022 10:07
@groil_groil : ah mais je suis tellement content de te lire sur le violent ! je déteste ce film
Ahahaha oui j'ai vu ça sur SC
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groil_groil
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Le film (dont le titre corse signifie Les Comètes) propose de suivre plusieurs habitants - occasionnels ou pas - d'un petit village corse perché dans les montagnes sur la période estivale. Les enjeux seront donc essentiellement amoureux, mais pas que. Ce premier film est appréciable par son procédé, le cinéaste décidant de ne réaliser que des plans fixes, durant 2h07, chaque plan étant une scène en elle-même, et présentant une situation qui se clôt en même temps que le plan, même si celle-ci rentre bien évidemment en corelation avec les suivantes. C'est intéressant d'un point de vue formel et assez beau d'un point de vue esthétique, car les plans sont bien cadrés et l'image du chef-opérateur, aidée par la lumière naturelle du lieu, très belle. Le film ne convainct pas pour autant, à la fois parce que les soupçons d'intrigues posées ça et là sont tous plus inintéressants les uns que les autres, et surtout car les personnages dépeints sont tous des cons, caricaturaux et bien souvent détestables - au mieux sans intérêt -, ce qui fait qu'on ne s'attache à personne, on n'aime personne, et on ne ressent tout simplement aucun empathie. Le cinéaste comble souvent ça par de la provocation (du cul cru, soit dans les conversations (interminables tunnels de dialogues sur la fellation et les catégories de fellatrices, masturbations féminine ou masculine montrées plein cadre...) frontale et assez stupide dans son désir de choquer. C'est assez facile de voir ici que Tagnati essaie d'être le Miguel Gomes français, mais il est vraiment très loin de l'égaler dans son rapport aux personnages et l'intérêt qu'il suscite auprès du spectateur les concernant.
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Tyra
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groil_groil a écrit :
mar. 23 août 2022 09:19
asketoner a écrit :
lun. 22 août 2022 10:07
@groil_groil : ah mais je suis tellement content de te lire sur le violent ! je déteste ce film
Ahahaha oui j'ai vu ça sur SC
:hello:
Du coup je pourrais en savoir plus sur ce que vous n'aimez pas dans ce film (que j' aime pas particulièrement mais qui ne m'avait pas rebuté non plus, dans mon souvenir) ?
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Tamponn Destartinn
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 22 août 2022 16:42
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C'est une réaction à vif, je peux être amené à changer d'avis.
Pour différentes raisons, j'avais envie d'aimer le film avant de le voir.
Le fait est que ça a de la gueule, une vraie personnalité malgré les emprunts évidents à Spielberg, et pas que ses films d'Aliens (on pense surtout Les dents de la mer et Jurassic Park). J'aime le spectacle proposé, tout comme j'aime l'idée de parler justement de notre folie à penser avant tout spectacle face à l'horreur + de l'exploitation animale, qui est un mélange thématique très bienvenue. Bref, le film a beaucoup d'arguments positifs pour lui.
Après, il y a deux défauts qui, ensemble, provoquent un cocktail dommageable. Je trouve que le film ne place pas assez les motivations qui poussent les personnages à rester pour filmer et que l'enjeu (et la thématique principale) en prend un coup dans l'aile. Et en même temps, comme le dit ask, le récit est alambiqué, notamment avec le personnage de Jupe, qui a le droit à une backstory étrange dans le sens où elle aurait été plus pertinente pour le vrai personnage principal, expliquant encore mieux son rapport différent des autres au comportement animal. Là, comme Jupe ne semble n'avoir absolument rien appris de son trauma, on se demande ce que ça fout là. Le personnage prend trop de place ou pas assez. Mais donc, oui, le récit se perd en sous intrigues, oubliant à côté de clarifier ses enjeux primaires, et c'est une double faute ravageuse.
Heureusement, la seconde partie du film (justement à la mort de Jupe, en gros) fait assez bien oublier tout cela, ne gardant que l'essentiel : un film de survie marquée par sa mise en scène.
Juste pour dire que je repense bcp au film, que je me trouve très injuste avec mes deux critiques, et que je compte bien aller le revoir (pour comprendre ce qui a coincé réellement) ^^
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Tamponn Destartinn
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A y est : revu, et donc je révise bel et bien mon jugement, c'est un des meilleurs films de l'année.
J'ai été injuste dans ma précédente critique. Mes deux points négatifs me paraissent de mauvaise foi, désormais. Cela dit, j'ai un ami qui a très bien résumé la situation: le film peaufine tellement son sous-texte et les thématiques sous-jacentes, qu'il en néglige un peu la clarté des enjeux immédiats. Mais ça, c'est la sensation que j'ai eu à la première vision. Avec cette nouvelle séance, j'ai trouvé le film tellement plus limpide, évident, que j'ai pu profiter des points forts, sans retrouver les points faibles. Le fait que le personnage de Jupe, pourtant clairement traumatisé de son passé avec le singe Gordy, n'ait retenu aucune leçon et réitère la connerie de ses ainés puissance mille, c'est in fine un élément important du film. Ca me parait évident, maintenant.

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C'est loin d'être nul, mais je m'en tamponne assez. C'est du Georges Miller, quoi. Une démonstration de talent indéniable au service de pas grand chose.
Je n'irais pas le revoir, celui là.


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Un Pixar qui redit beaucoup de choses (genre de Rebelle), mais avec une esthétique et un rythme hystérique et fatiguant en plus.
Le savoir faire du studio n'est pas pour autant absent, et j'imagine qu'une gamine de 13 ans peut tout à fait se reconnaitre là dedans et en faire un film doudou.
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groil_groil
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Revu avec beaucoup de plaisir le dernier Guiraudie, qui a certes légèrement assagi son style dans ce film, mais qui reste toujours aussi pertinent et drôle, et de fait l'un des meilleurs films de l'année.

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Quel est la mission d'un cinéaste, si ce n'est mettre ses concitoyens, à la fois ses spectateurs potentiels, mais aussi l'ensemble des individus formant une société, incluant ses dirigeants, face aux maux de son époque, et tenter d'y proposer une solution ? Celle de Meurisse est des plus violentes qui soient, mais aussi des plus décapantes, et son constat est sans appel. Terriblement drôle d'abord, pour virer ensuite à la tragédie totale et généralisée. Mais il y aura toujours ce clin d'oeil final, disant que Oui, il est nécessaire de se battre pour rétablir ce qu'on pense être l'ordre moral du monde. Film merveilleux, qui m'a laissé sur le carreau, c'est tout simplement le "Porcherie" (de Pasolini) de son époque, de notre époque. J'allais le classer 1er de mon top 2022 mais je viens de voir qu'il est sorti fin 2021, zut alors !
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asketoner
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Tyra a écrit :
mar. 23 août 2022 10:32
groil_groil a écrit :
mar. 23 août 2022 09:19
asketoner a écrit :
lun. 22 août 2022 10:07
@groil_groil : ah mais je suis tellement content de te lire sur le violent ! je déteste ce film
Ahahaha oui j'ai vu ça sur SC
:hello:
Du coup je pourrais en savoir plus sur ce que vous n'aimez pas dans ce film (que j' aime pas particulièrement mais qui ne m'avait pas rebuté non plus, dans mon souvenir) ?
C'est vraiment du gros numéro d'acteur, on attend un peu que le public applaudisse à chaque scène, non ?
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asketoner
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Maternité éternelle, Kinuyo Tanaka

Un mélodrame très acide, qui parvient très rapidement à poser des situations, des figures, des enjeux, mais qui peine un peu à leur donner corps dans une scène. Le film manque d'épaisseur et de complexité, de nuance. Mais l'émotion est là, c'est déjà beaucoup.
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sokol
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Gerry de GVS

C'était un des rares films que j'avais vu plus ou moins au début de ma cinéphilie, que j'avais aimé mais pour lequel j'avais un doute affreux (un peu au même titre que "Flandres" de Bruno Dumont). En fait, mon doute s'est révélé juste : ce n'est pas un bon film car, au fond, mine de rien, c'est un scénario filmé (ça ne doit pas être un hasard que GVS précise bien qu'il n'est pas le seul scénariste du film mais il y a aussi Casey Affleck, Matt Damon ;) ). Bref, le film manque cruellement d'écriture cinématographique et ça se voit au niveau du découpage des scènes. Comme quoi, même un film qui a la réputation d"'être un 'film expérimental' peut cacher un scénario filmé (on est des années de lumières loin des splendides "Elephant" et "Last days" - je les cite puisqu'on parle souvent d'une trilogie)

ps: si ma mémoire est bonne, c'est le film qui a gagné le tournois des années 2000, c'est ça ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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asketoner
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Leila et ses frères, Saeed Roustaee

Le propos du film est extrêmement courageux, et pas seulement "pour un film iranien". Il me semble totalement possible que des spectateurs européens passent à côté de la virulence de Leila et ses frères, par déni, occultation, ou à cause du fameux "chacun a ses raisons" qui est le motif même du conservatisme. Pour autant le film n'est pas frontal, et, de fait, les raisons de chacun des protagonistes sont exposées. Mais le seul personnage qui ne pense pas qu'à lui-même, c'est Leila, cette seule fille au milieu d'une fratrie épuisée, prête à prendre sur elle toute la haine que sa clairvoyance suscite (et même celle du spectateur, ou du moins son doute : comment aimer un personnage aussi énervé et insistant, alors que les autres sont tellement sentimentaux ?) pour sortir les siens de l'ornière misérable où la société et la tradition familiale les ont relégués. La seule dont l'égo a été suffisamment brisé (elle fait la vaisselle dans l'évier où pisse son père) pour être capable de rompre la chaîne d'humiliation qui unit cette famille. Son parcours est limpide, jusqu'à la gifle au père, mais notre regard, lui, est troublé : comment en vouloir à ces fils qui veulent avant tout briller dans le regard de leur père, ou à ce père qui cherche à tout prix à exister dans la vie opulente de son cousin ? Le film est très bon parce que les acteurs sont prodigieux et qu'on n'a pas d'autre choix que de les trouver sympathiques. Le personnage qui joue le père est tout de suite touchant avec sa moustache jaunie par le tabac - et le scénario est suffisamment bien construit pour nous le présenter d'abord dans une situation d'humiliation absolue, avant de révéler, peu à peu, la façon dont lui-même exerce un pouvoir injuste, arbitraire et sadique sur ses propres enfants. Le film ne se débarrasse pas d'un coup des affects de honte et d'empathie, de piété filiale, ou de méfiance vis-à-vis de la violence qui s'exprime (quand celle qui se tait est au contraire favorisée, instituée) : c'est peu à peu seulement que le spectateur se trouve absolument du côté de Leila, du côté du vol des pièces d'or, du côté de la gifle, du côté de son sourire de soulagement lorsque son père meurt. A l'endroit du récit, donc, le film est merveilleux, d'une épaisseur inouïe, et il ne se départit jamais de sa colère, ce qui le rend assez extraordinaire, transgressif, hors-norme, mu par une énergie rare, celle de l'artiste qui veut, grâce à son personnage, déciller le regard des spectateurs. Je pourrais dire que l'image est très laide (c'était déjà le cas de La Loi de Téhéran, au point où je n'avais pas réussi à croire en la possibilité de faire fiction avec cette image), que certaines scènes sont tellement dialoguées qu'elles font penser à une pièce de théâtre, que certains rebondissements jouent sur ce même ressort théâtral et paraissent fabriqués, et que le cinéaste a parfois la main un peu lourde au niveau de la mise en scène. On lui conseillerait volontiers de choisir parmi toutes ses idées la plus forte, plutôt que de toutes les caser dans une même scène, au point que certaines séquences semblent construites sur le modèle du kaléidoscope - mais c'est peut-être au fond cet éclatement, cet excès qui permet à la colère du film de ne jamais décroître. Oui, voilà, et c'est ce même excès qui lui permet d'attaquer aussi bien le patriarcat, les traditions familiales iraniennes, les tweets de Trump et la perversion du système monétaire mondial, sans jamais sonner faux.
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