Le Centre de Visionnage : Films et débats

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Mr-Orange
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Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 24 mai 2024 00:02
Ma femme qui revient de Cannes me dit que tous ceux qui ont déjà vu le Mohammad Rasoulof annoncent que c'est la Palme obligatoire (pas juste pour la situation du cinéaste, le film serait formidable) :saint:
Le Payal Kapadia (diffusé aussi demain) aurait aussi très bonne réput,
Ah j'avais zappé le Rasoulof effectivement, ça peut sentir la palme. Ça bouleverse complètement mon prono ça
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yhi
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Allez,

Palme d'or : La graine du figuier sacré
Grand prix : Anora
Prix du jury : Megalopolis & La plus précieuse des marchandises
Prix de la mise en scène : Emilia Perez
Prix de l'interprétation masculine : Ben Wishaw
Prix de l'interprétation féminine : Celeste Dalla Porta
Prix du scénario : Caught by the tides

EDIT : ça manque de femme cette théorie :blase:
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yhi
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Au-delà du dôme du tonnerre, au-delà de la vengeance, voire même au-delà du pays des éléphants de mer (Happy Feet); il y a chez George Miller cette recherche d'une direction lointaine ou d'un dépassement de soi dont on ne sait jamais s'il aboutira à la perte ou au salut du héros solitaire. 30 ans après Mad Max troisième du nom, Fury road avait réussi brillamment à nous amener au-delà du Carpenteresque dôme du tonnerre (car oui, la Pam Grier du Los Angeles de 2013 n'est elle pas au fond la Tina Turner du Thunderdome ? - vous avez 2h). Mais que faire ensuite à part marche arrière ?

Dans les ornières de la future imperator, Miller remonte le temps et vient préciser les contours du Wasteland. Furiosa chapitre, cartographie et écrit le récit de cet univers sur une trame rappelant celle des jeux vidéos où chaque nouveau lieu (des points d’intérêt sur une "map" autrement vide) se voit l'objet d'une nouvelle mission. L'effet vidéoludique se voit d'ailleurs renforcé par l'utilisation d'effets spéciaux numériques trop importante. On s'infiltre, on s'évade, on tombe dans un piège et tant d'allers et retours prétextes à des scènes d'actions, culminant en milieu de film avec la scène assez inouïe de l'assaut du camion citerne.

Mais Miller oublie que c'est le côté direct et lacunaire de Fury road qui faisait son efficacité. Les estropiés (le taiseux Max ou la manchote Furiosa) sont relégués au second plan (des seconds couteaux à l'orbite vide ou au bec de lièvre) et font place à de nouveaux protagonistes over the top. De la Furiosa increvable aidée de son bras supplémentaire au cabotinage "dément" de Chris Hemsworth à la prothèse nasale encombrante, on nous sert même un beau gosse de service au service de quelques scènes sirupeuses qui dénotent complètement. C'est que ce Furiosa doit combler une durée plus longue par un scénario plus dense. Et encore une fois Miller se prend les pieds dans le tapis. Si son héroïne ne parle pas plus que Max, elle laisse la place aux dialogues d'un tas de personnages secondaires, des stratégies des chefs de guerre aux idioties des deux fils d'Immortan Joe dont on se serait bien passé.

Love interest, comic relief, CGI... On sent que Furiosa avance dans les pas des repères balisés des films d'action et des recettes Hollywoodiennes. Fini la chevauchée fantastique en ligne droite le long de la Fury road et place au blockbuster complet, qui vient cocher les cases, mais qu'on a déjà vu. Film d'action plus que correct, mais plutôt post-scriptum trop long que l’échappée promise, Furiosa n'aura donc pas réussi à nous emmener au-delà de la Fury road. En prolongeant son générique avec des images du film de 2015, il nous donne même plutôt l'envie d'y retourner, ce qui peut être, n'est pas plus mal.
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Narval
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Content du palmarès pour le coup, de toute façon la sélection avait l'air excellente cette année. Très hâte de voir les films y compris la palme malgré mes réticences sur ce que j'ai vu de lui.
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Whiskiss
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Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 24 mai 2024 19:40
De ce que j'ai compris, d'après la presse mondiale, les 7 films qui se distinguent cette année sont ceux là :

The Seed of the Sacred Fig - Mohammad Rasoulof
All We Imagine As Light - Payal Kapadia
Anora - Sean Baker
Caught by the Tides - Jia Zhangke
Emilia Perez - Jacques Audiard
Grand Tour - Miguel Gomes
The Substance - Coralie Fargeat

A voir s'ils se partageront les 7 prix du palmarès (évidemment que non, ça se passe jamais comme ça, et puis de toute façon y a zéro prix d'interprétation masculine là dedans, a priori)
Un peu chaud pour que les "oublis" soient Jia Zhangke et Jacques Audiard (pire délit de sale gueule), et avoir à la place Andrea Arnold et un film surprise dont j'ignorai même l'existence (y en a toujours un)
Au final 6 des 7 films cités auront été récompensé... Bien vu :sol:
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sokol
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Mr-Orange a écrit :
jeu. 23 mai 2024 23:56
Bon allez, je fais mon pronostic Cannes 2024, sachant que je me foire tout le temps et que j'ai aucun retour perso d'insider :sol:

Palme d'or : Anora de Sean Baker
Grand prix : Emilia Perez de Jacques Audiard
Prix du jury : All We Imagine as Light de Payal Kapadia
Prix de la mise en scène : Grand Tour, de Miguel Gomes
T’as tout trouvé !! Impressionnant 🙏🙏🙏
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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groil_groil
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La cinéaste Sonia Kronlund réalise un documentaire fascinant sur un homme, connu sous le prénom de Alexandre, mais aussi celui de Ricardo ou de Daniel, qui s'est inventé mille vies autour du monde. Il vit avec au minimum 4 femmes en même temps, mais sans doute plus, c'est difficile de savoir vraiment, en France, en Pologne, en Argentine ou au Brésil, et à chaque fois, il construit un couple voire une famille, en faisant croire à chacune des femmes qu'elle est l'unique aimée mais qu'il doit s'absenter souvent pour son travail, qu'il invente à chaque fois, de chirurgien, ou d'ingénieur, etc. A chaque fois il ment, il adapte son récit, son caractère, ses origines, c'est un menteur de profession et il ne trouve son équilibre que de cette façon. Durant des années (combien ?) il a joué ce jeu, jusqu'au jour où l'une de ses femmes, française, a eu un doute et a commencé à percer ce mystère abyssal. Kronlund débute son film en interviewant in situ chacune de ses femmes, dont les récits, tous différents, finissent par se rejoindre sur la façon dont elles sont tombées sous l'emprise de ce bonimenteur de profession, sorte de Jean-Claude Romans qui n'aurait encore tué personne et qui se serait inventé mille vies au lieu d'une seule, plein de petits mensonges au lieu d'un gros. Au départ, elle montre des photos de lui en lui cachant le visage, sans doute pour ne pas avoir de problème juridique, et puis, d'un commun accord, elle finit par faire sauter le cache et le montre enfin, ce monstre, cet homme aux mille visages. Mais elle va plus loin : elle retrouve sa trace en Pologne et, avec l'aide d'un détective privé, parvient à le localiser. Avec l'aide d'une équipe de télévision locale, Sonia Krolund va se faire passer pour une journaliste et demander de l'interviewer (dans le cadre d'un marathon caritatif auquel il participe). Comme l'homme aime séduire et attirer l'attention sur lui, il accepte. Nous voyons donc, face à nous, et c'est absolument vertigineux, ce menteur professionnel, qui a ruiné la vie de dizaines de femmes, escroqué des centaines de personnes pour pouvoir s'assurer son train de vie, parader et tenter une nouvelle fois de séduire ses interlocutrices. Ce procédé pourrait sembler limite, car la cinéaste dépasse les bornes puisqu'elle interpénètre la réalité de son sujet, mais c'est fait avec une telle intelligence que la question de la légitimé ne se pose jamais. J'ignore ce qu'est devenu cet homme, je ne pense pas qu'il soit en prison car mentir n'est pas un délit, mais c'est peu de dire qu'il a obsédé la cinéaste qui lui a également consacré un livre, ainsi qu'un podcast et que le vertige qu'entraine la découverte de cet homme fait qu'on peut tout à fait imaginer y consacré sa vie.

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L'errance de deux puis trois femmes entre Israël, Jordanie et territoires palestiniens. Amos Gitaï, cinéaste que je connais relativement peu, rate son film alors qu'il avait une matière magnifique, d'autant plus que tout est filmé in situ. Mais il ne sait pas quoi faire de son postulat de départ, et ça se voit jusque dans sa mise en scène, hésitante, heurtée. Natalie Portman remporta la Palme de la Meilleure Actrice à Cannes 2005, mais franchement on se demande vraiment pourquoi tant son jeu est banal...
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Tamponn Destartinn
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Whiskiss a écrit :
sam. 25 mai 2024 22:10
Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 24 mai 2024 19:40
De ce que j'ai compris, d'après la presse mondiale, les 7 films qui se distinguent cette année sont ceux là :

The Seed of the Sacred Fig - Mohammad Rasoulof
All We Imagine As Light - Payal Kapadia
Anora - Sean Baker
Caught by the Tides - Jia Zhangke
Emilia Perez - Jacques Audiard
Grand Tour - Miguel Gomes
The Substance - Coralie Fargeat

A voir s'ils se partageront les 7 prix du palmarès (évidemment que non, ça se passe jamais comme ça, et puis de toute façon y a zéro prix d'interprétation masculine là dedans, a priori)
Un peu chaud pour que les "oublis" soient Jia Zhangke et Jacques Audiard (pire délit de sale gueule), et avoir à la place Andrea Arnold et un film surprise dont j'ignorai même l'existence (y en a toujours un)
Au final 6 des 7 films cités auront été récompensé... Bien vu :sol:
Bien vu à la presse, surtout.
C'est un palmarès qui suit pas mal la tendance, avec juste une surprise : le favori de dernière minute, Rasoulof, qui n'a qu'une médaille en chocolat.
Ca choque des gens. J'attends de voir avant de me prononcer, bien évidemment.




En attendant, j'ai vu trois films de la compet :
(je préviens, je n'arrive pas à écrire dessus)


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Je m'attendais vraiment à une énorme merde. Plus mauvais que le plus mauvais épisode de Dix pour Cent.
Bon. En vrai, c'est parfois un peu rigolo. Y a des idées d'image qui m'ont plu (la course poursuite des sosies, la course poursuite dans la mer... dis comme ça, on croit que c'est du Mad Max, mais pas du tout hein :D )
Mais ça n'empêche que c'est quand même nul, bien sûr. Honoré se chie de bonheur de faire des citations à tout bout de champ, en oubliant de véritablement traiter son sujet, qui aurait pu être intéressant, même si clairement dans l'entre soi. Au final, ça reste en surface et ça ne raconte pas grand chose en 2HEURES (grand crime)

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J'adore Andrea Arnold, c'était l'un des films de la compet que je voulais le plus voir (avec le Baker et le Gomes)
Ce que j'adore chez elle, c'est qu'on reconnait toujours sa pate, elle a un style singulier et personnel, mais qu'en même temps elle ne fait jamais le même film. Le renouvellement est toujours constant... jusqu'à celui-ci. Parce que pour le coup, c'est un peu Fish Tank 2. Ce n'est grave en soi, ça reste un très bon film. Mais pas un grand film. On sent les rails, on va dire.
Mais je suis dur, ça reste super.


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Je l'ai vu donc je le dis.
Mais je n'arrive pas à en parler, encore.
Je suis partagé. C'est très beau (le prix de la mise en scène n'est pas volé, sans surprise) mais... un peu comme pour les 1001 nuits, il y a un truc qui m'a manqué.
Je crois que Gomes ne me fascine pas autant que je ne le voudrais. Mais j'attends de voir comment il vieillit dans ma tête avant de me prononcer pour de bon. (je l'ai mis dans mon top trop vite, par exemple)



Ce soir, je vois le payal kapadia !! :bounce:
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sokol
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J'ai eu une expérience assez intéressante ce week-end : je suis allé voir deux films au cinéma :

1. La Fleur de Buriti deJoão Salaviza, Renée Nader Messora

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qui raconte l’histoire d'un peuple indigène au cœur de la foret brésilienne. Comme je disais dans le commentaire accompagnant la notation du film dans ma liste des films Top 2024, quand on fait une fiction durant laquelle les acteurs (amateurs, en l'occurrence) passent leur temps à regarder la caméra (le metteur en scène), soit on fait un documentaire, soit on applique la méthode Straub (mais alors, c'est tout un travail en amant, pendant des mois, voir des années qui vous attend pour obtenir le résultat des Straub). Là, les deux cinéastes brésiliens ont voulu faire une fiction "à tout prix". Raté : la preuve supplémentaire que la fiction n'est pas un but en soi, même si on a le financement pour.
Je suis resté uniquement 1h (le film dure 2h10), en respect plutôt de cette population que du travail des cinéastes puis je suis parti du cinéma. Dans une salle de 25-30 spectateurs, j'étais le seul à la quitter.

2. Le lendemain (dimanche passé) je suis allé voir "Bushman", un film américain de David Schickele (1971), inédit en France.
Une vrai merveille

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Le film dure seulement 1h15. Pourtant, 5 spectateurs d'une salle de 25-30 personnes sont partis bien avant la fin. Quant à moi, je voulais que le film continue donc j'avais presque du mal à quitter la salle.

"Bushman" est un film d'une liberté folle et pourtant, 1/5 de la salle l'a fui. Peut être parce qu'ils trouvaient qu'il n'y avait pas de scénario (le contraire de la liberté, au final), d'intrigue (effectivement, c'est un film-errance). Pourtant, même si je sais bien que les spectateurs du film brésilien n'étaient pas forcement les mêmes que ceux qui regardaient "Bushman", force est de constater que "La fleur de Buriti" n'est pas un film-à-scénario non plus ! Que s'est-il passé alors ? Qu'est ce qui fait la différence entre le visionnage du premier et du deuxième ?

Je pense que la différence s'appelle exotisme. Le spectateur du XXI siècle préfère plutôt le fake que le vrai, plutôt "s'évader" (comme disant plein de gens quand tu parles cinéma avec eux) que de vivre dans la salle la même chose que ceux sur le grand écran.

Reste à savoir comment on est arrivé là. C'est à dire : comment peut-on préférer le tourisme sur mesure à la place du voyage en toute liberté ?? La soumission à la place de la liberté ? Drôle de siècle le XXIe. En tout cas, certainement pas celui du vrai cinéma.
Modifié en dernier par sokol le lun. 27 mai 2024 13:46, modifié 4 fois.
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sokol
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groil_groil a écrit :
lun. 27 mai 2024 11:25
Natalie Portman remporta la Palme de la Meilleure Actrice à Cannes 2005, mais franchement on se demande vraiment pourquoi tant son jeu est banal...
Pour ses larmes dans la scène d’ouverture :p (plan-séquence de 4-5 minutes, c'est ça ?)
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sokol a écrit :
lun. 27 mai 2024 12:33
groil_groil a écrit :
lun. 27 mai 2024 11:25
Natalie Portman remporta la Palme de la Meilleure Actrice à Cannes 2005, mais franchement on se demande vraiment pourquoi tant son jeu est banal...
Pour ses larmes dans la scène d’ouverture :p (plan-séquence de 4-5 minutes, c'est ça ?)
OUI :D c'est exactement ça !
et c'est déjà insupportable (son jeu comme le film) dès le premier plan :D
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cyborg
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Juste pour en toucher un bref mot : je me joins à vous pour dire que le palmarès de Cannes 2024 est réjouissant, et que de nombreux films en compet' m'ont donné sacrément envie !
Bon, Sean Baker palme d'or why not. Mais franchement la donner à une jeune indienne pour son deuxième film aurait été 100% plus classe et fort de la part de Greta Gerwig, plutôt que de récompenser un énième type ricain :D En plus je suis sur que le film de Kapadia est extra, je suis si impatient de le voir. C'était une de mes selec favorie donc je suis déjà comblé avec un Grand Prix !
Pour ceux qui ont un abonnement Tënk, son 1er film (Toute une nuit sans savoir) est encore visible quelques jours !


Bref, revenons à ce que j'ai pu voir ces derniers jours :

Découverte, avec une grande joie, du réalisateur soudanais Ibrahim Shaddad. Après des études de cinéma en Allemagne, il sera membre fondateur du "Sudanese Film Group", un collectif militant pour le développement d'une scène cinématographique soudanaise, dont les activités tourneront malheureusement court après le coup d'état de 1989.
Si j'en crois sa fiche Mubi, Shaddad a tourné des films jusqu'au courant des années 2010 (il semblerait qu'il apparaisse aussi au sein du docu "Talking about the trees" dont on a beaucoup parlé lors de sa sortie en 2019 et auquel je n'avais prêté aucune attention), mais dans les tréfonds du web seules semblent disponibles ses 4 premiers courts-métrages, s'étalant de 1964 à 1994.
Je les ai vu dans le désordre mais les classe ici par leur date de sortie :

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Hunting Party - 1964

Un jeune homme noir, à l'air apeuré, erre dans une forêt. Il semble fuir un groupe de chasseur armé jusqu'aux dents. Il fini par rencontrer un bucheron faisant la sieste. Après de premiers contacts bourrus, les deux hommes finissent par se lier d'amitié et par travailler ensemble. Jusqu'à ce que resurgissent les chasseurs... Derrière ce pitch absolument incroyable pour les années 60 se cache un film à la mise en scène phénoménale, d'un niveau que je pense n'avoir jamais vu dans un film de fin d'étude. Si le film est en grande partie muet, le traitement du son (bruit, musique, dialogue) est d'une très grande acuité, venant décupler les effets d'une mise en scène qui maitrise pleinement sa plasticité et son inventivité. Le résultat global est au niveau des plus grand réalisateurs, soutenant de la sorte avec brio un message politique très clair.


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A Camel - 1981

Si il est de nos jours presque banal de réaliser des œuvres de tous types tentant d'adopter des points de vus "non-humains" (des animaux aux plantes, pierres etc), ce type de décentrement était assurément moins commun au début des années 80. C'est pourtant ce que propose The Camel, film faisant sienne la vie d'un pauvre chameau exploité pour la production d'huile. Le court-métrage dure à peine 15 minutes et il n'y en a pas une de trop, chaque plan se réinvente, sans redite ni temps morts dans les diverses idées proposés par Ibrahim Shaddah.

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The Rope - 1985

Transformer un point historique tragique (le massacre de 50.000 soudanais par l'armée turque en 1822) en un film allégorique sur la condition de tout un peuple et peut-être même de l'humanité dans son ensemble. Après quelques plans retraçant l'évènement en question, le film s'attache à suivre la longue errance de deux hommes aveugles et d'un âne dans le désert. Si le film est peut-être un peu long et la musique un peu plus appuyé que d'habitude (c'est mon seul reproche à la vue de ces 4 films !), le résultat n'en est pas moins épatant, telle une sorte de proto-Gerry avec 20 ans d'avance doublé d'un discours politique.

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Human Being - 1994

Peut-être le plus expérimentaux des films de Shaddad, une forme parfaitement en lien avec son sujet : l'arrivée d'un paysan dans une grande ville après avoir fui sa femme et la misère de la campagne, se retrouvant aussi perdu que déstabilisé par ce nouvel environnement. Nous sommes entre un portrait de ville très "années 30" et le portrait psychologique frisant la folie, dans film bourré d'énergie, de trouvailles et de plans hautement symboliques. Une réussite, une fois encore.



Qu'il est bon de découvrir ce genre de pépite ! En espérant réussir à voir d'autres de ses films un jour !
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sokol
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Cela dit, je crois que la sélection officielle 2024 n’était pas bonne. On a toute une année devant nous mais quelque chose me dit que aucun film, y compris celui de Gomes (je me méfie toujours un peu des film en costume) ne me plaira ‘à la folie’.
🤨
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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En pleines années de plomb, trois juges sont assassinés de la même façon à Naples et dans sa proche région. Un inspecteur de police (Lino Ventura, génial de l'entendre jouer en Italien) mène l'enquête dans une ville, une région, un pays totalement fagotés par la Mafia, et va se mettre de plus en plus en danger en se rapprochant de la vérité. Du pur Rosi, et du bon, un vrai film politique, sombre et d'un profond désespoir, qui dresse un constat sur l'état du pays absolument dramatique, mais réel. Le film a pour lui d'être écrit par le génial Tonino Guerra, l'un des plus grands scénaristes au monde, dans le genre l'auteur du sulfureux et toujours interdit (par la Mafia) L'Affaire Mattéi, ayant écrit 9 films pour Rosi, mais aussi pour De Santis, Fellini, les Taviani, mais surtout, scénariste d'Angelopoulos et d'Antonioni, et enfin l'auteur de Nostalghia de Tarkovski et d'Un Papillon sur l'Epaule de Deray. Son style si reconnaissable apporte ici une part d'abstraction et de poésie sourde, expérimentale, nébuleuse, qui colle si bien au film et l'élève au-dessus de la mêlée des films politiques pour en faire aussi, une oeuvre d'art.
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groil_groil
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Niveau littérature, je me suis lancé actuellement dans une grande rétrospective Alberto Moravia, l'un de mes écrivains favoris. Je compte lire ou relire une 20aine d'ouvrages. Comme c'est un auteur qui a beaucoup été adapté au cinéma, je vais essayer de voir ou revoir les films tirés des romans lorsque c'est possible. Agostino, l'un de mes romans favoris de Moravia a été adapté au cinéma par Mauro Bolognini, et je ne l'avais pas encore vu. C'est un film rare, non édité chez nous et qui ne passe jamais nulle part, alors que le cinéaste est reconnu et encensé. J'avais réussi à mettre la main sur un vieux fichier, le seul qui traine, avec une copie dégueulasse et recadrée (zoomée dans l'image d'origine en fait) à la sauvage. Mais le film est correctement sous-titré (par un bénévole) et le film est tout à fait visible ainsi, en attendant mieux. J'ai évidemment beaucoup aimé ce film, qui est l'un des plus beaux de Bolognini, l'un des cinéastes italiens que je connais le mieux d'ailleurs, mais malgré tout le talent du metteur en scène, il ne parvient pas à égaler la prose de Moravia. L'histoire est celle d'un jeune garçon, qui sort tout juste de l'enfance et débute son adolescence dans les jupes de sa mère aisée, et veuve. Ils sont en vacances à la mer (Bolognini a la riche idée de transposer l'action (non précisée dans le roman) à Venise, offrant au venisophile que je suis des plans magnifiques de la ville et du Lido où, comme pour plus tard Mort à Venise, se déroule le gros de l'action), et sa mère, femme sublime (et sublimement jouée par Ingrid Thulin) se perd dans les bras d'un amant. Agostino ne supporte pas ça, lui très proche de sa mère, et va découvrir avec beaucoup de douleur que sa mère est également une femme. Pile poil au moment où la question du désir s'impose en lui, et tous les tourments qui vont avec. En fuyant ce nouveau couple dont la proximité le dérange, il rencontre une bande de ragazzi, des gamins sous la coupe d'un pêcheur adulte qui semble entretenir avec certains d'entre eux des relations pour le moins ambiguës. Ces gamins des rues vont le moquer pour sa richesse, sa classe sociale, son comportement enfantin, et surtout sa mère, qu'ils n'hésitent pas à traiter de putain tout en bavant devant sa beauté. Au contact de ces enfants turbulents, Agostino va souffrir, mais aussi se trouver une nouvelle famille, et se apprendre enfin à ne plus se définir comme un enfant. C'est justement avec ces nouveaux yeux qu'il regarde désormais sa mère. C'est un livre et un film tragique car ils racontent l'arrachement de l'enfance d'une manière assez violente et ambiguë. Et évidemment, même si Bolognini livre un film remarquable et complexe, Moravia parvient comme personne à explorer cette psyché en pleine mutation, et pleine de questionnements. Très beau film tout de même, que j'ai hâte de revoir dans de meilleures conditions. Quand tu vois le nombre de merdes qui sortent en bluray 4k et ce genre de merveille qui n'existe même pas en dvd...

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Soirée 2 Bolognini sinon rien, avec un autre film pas facile à voir, l'excellent Marisa la Civetta (la coquette en français), film plus léger que le précédent, mais tout aussi réussi. Sur un scénario coécrit avec Pier Paolo Pasolini qui n'avait pas encore réalisé son premier film, Bolognini livre le portrait d'une jeune femme d'une petite ville de bord de mer qui cherche l'amour. Elle travaille au buffet de la gare, est d'une beauté totalement hallucinante (Marisa Allasio, sublime en effet), et est surtout une femme libre, qui s'habille en robes courtes et profonds décolletés, affolant les hommes qui perdent tous leurs moyens à ses côtés, et ayant une approche du sentiment amoureux à la fois libre et novatrice. Elle finira par trouver l'amour avec un jeune marin et le film est étonnamment assez solaire pour un film italien de l'époque avec un sujet pareil. On est assez loin d'un Pasolini ou d'un Pietrangelo (qui sont souvent d'une dureté hallucinante avec ce genre de personnages, montrant ainsi la cruauté du monde en Italie à cette époque), et plus proche d'un Dino Risi, avec tout ce que son cinéma à de solaire et de positif, sans oublier pour autant le réalisme de la situation italienne de l'époque.
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cyborg
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@sokol : il nous aurait plutôt étonné que tu sois d'un avis différent sur la sélec de Cannes :D

Néanmoins tu m'as surpris avec :

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Transformant le vert et vallonné Wyoming en lieu "over the rainbow", Ridlle of Fire se veut une relecture contemporaine des contes de fées, mélangeant influences traditionnelles, vidéoludiques, arty (tourner en 16mm, sérieux ?). Le résultat est distrayant mais traine en longueur et manque de véritable folie ou bizarrerie pour convaincre totalement, devenant de la sorte avant tout un film pour enfants.

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D'un film s'ouvrant sur un entomologiste cherchant des insectes sur une plage, nous passons à un entomologiste devenu insecte, transformant de la sorte le réalisateur (et les spectateurs !) en entomologiste. Derrière son ton oscillant entre absurde et horrifique, La Femme des Sables propose en effet une étude cinglante de la société japonaise en crise. Métamorphosé par Teshigahara en petit théâtre de l'aburde manquant de se faire engloutir, ce sont tous les aspects de la société traditionnelle qui sont "punaisés au fond de la boite" les uns à la suite des autres (rapport au travail, à la consommation, au sexe, à la religion, aux autres...) et que se dressera peu à peu le constat d'une aliénation généralisée.

Si ici l'individu est le grain de sable, c'est la plage (ou dans notre cas "le trou") qui fait société. Et ce sont les coulées de sables, trainés par la gravité, qui le contraindront à rester sur place. Mais c'est peut-être également le couple qui constituerait "le grain de sable", cellule constitutive classique de la société. Le motif nous apparait plus clairement quand, vers la moitié du film et pour quelques instants, chacun semble avoir accepté son rôle, le rapport entre les deux protagonistes s'étant normalisé, venant de la sorte éclairer la symbolique existant tout au long du film. L’extrême inverse se déroulera quand, contraint par une foule de voyeurs pervers, le couple sera réduit à copuler en public, générant sous la contrainte le geste même de la reproduction - dont l'échec du développement constituera la porte de sortie du film, tandis que le héros avait finalement trouvé comment recueillir de l'eau et donc survivre, le poussant de la sorte à accepter son statut.

Tout semble toujours filmé de trop prêt dans La Femme des Sables, au point qu'on ne sait plus forcément bien quelles sont les tailles relatives des éléments apparaissant à l'écran, démultipliant leurs sens dans un jeu d'échelle symbolique. A plusieurs reprises se sont les corps eux même qui finissent par envahir l'image, transformant l'aridité générale en une inattendue sensualité abrasive, porté par impressionnante dimension sonore (Takemitsu est à la bande originale). Et si le film est grand c'est qu'il sait jouer de la multiplicité et complexité de qu'il met en place, sans pour autant en contraindre les sens.
Modifié en dernier par cyborg le dim. 2 juin 2024 22:34, modifié 1 fois.
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Tamponn Destartinn
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FURIOSA - George Miller

Enorme claque inattendue.
J'ai l'impression d'avoir vu l'adaptation parfaite d'une bande dessinée qui n'existe pas, mais du même acabit que celles de la grande époque de la bd franco-belge de genre des années 80. Narrativement, ça n'a rien à voir avec Fury Road : c'est un récit en 5 chapitres qui recoupe 15 ans de vie d'une femme. Un personnage mille fois plus intéressant que ne l'a jamais été celui de Max. C'était déjà très clair dans Fury Road, mais cette fois elle est 100% l'héroïne et le résultat fait un bien fou. Miller met toujours à l'amende l'ensemble des films d'action récents dans sa mise en scène, mais ces moments de bravoure sont plus parsemés, au profit d'autres chapitres plus diversifiés. Même : la plus grande scène d'action du film (une attaque de convoi sur au minimum 15 minutes en temps réel) est folle, notamment dans son choix audacieux de n'utiliser aucune musique, mais le moment le plus sidérant de ce passage est l'après, quand la jeune Furiosa se retrouve éjectée du camion, seule dans le désert. C'est un long plan fixe, sans un mot on comprend le dilemme qui l'anime et la rupture de ce moment d'accalmie lance le début d'une relation amoureuse très belle, une comme je n'en avais pas vu depuis longtemps dans ce genre de film. C'est ce mélange parfaitement dosé qui fait que le film est vraiment très fort.
Sans compter un méchant étonnant, innovant et très bien incarné par un Chris Hemsworth visiblement heureux d'avoir enfin affaire à un vrai cinéaste.
Je n'ai pas une fascination pour Miller (son dernier m'a emmerdé), mais le mec tient son univers comme jamais et ça lui donne de sacrées ailes.
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cyborg
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Le magnifique court métrage "The Eloquent Peasant" m'a donné envie de voir le (malheureusement) seul long métrage de son auteur : The Night of Couting the Year.

En 1881, soit un an avant le début de la colonisation anglaise, la mort d'un chef de clan déclenche un tourment moral chez son fils, Wannis : sa tribu doit-elle continuer à vivre du pillage de tombes antiques comme elle le fait depuis des siècles ? Ne vaudrait-il pas mieux remettre ces trésors aux autorités du Caire dans un but de préservation ?

Peut-être jamais un film n'aura réussi, si bien que celui-ci, à saisir l'infinité des temps et le basculement, autant impossible qu'incontournable, entre deux époques, ici entre la tradition et la modernité. Le jeune héros, profondément déchiré, devient un être quasi-mythologique, une figure dramatique confinant au sublime. Passant la moitié du film avec une tâche de sang sur le visage et son costume -suite à une rixe- il se transforme en fantôme des temps passés, présents et futurs. Hantant chaque plan, son corps est autant spectre que statue, dans un véritable tour de force antinomique.

Si Châdi Abdessalam nous parle des époques et du temps, il est également doté d'un sens accru de l'espace. Ruines, pierres, paysages, ciels, lignes de crêtes... composent un vocabulaire visuel superbe, sur lequel viennent s'inscrire les corps des différents personnages dont chaque mouvement semble adroitement chorégraphié. On pense à la conjonction entre Antonioni, pour l'abstraction quasi-géométrique de ses corps modernes esseulés, et Pollet, pour son ineffable poétique des choses et des ruines (je me demande d'ailleurs si il n'aurait pas filmé quelques images de son Méditerranée dans ces mêmes endroits ?).

Les derniers plans ont la grandeur d'ouvrir le film vers une dimension nouvelle. Alors que le bateau des autorités repart chargé des trésors des pharaons, Abdessalam à l'incroyable puissance de nous le faire ressentir à son tour comme un pillage. Un pillage "propre", "civilisé" diraient certains, mais un pillage tout de même, annonçant de la sorte la toute proche colonisation anglaise qui va débuter. Car tout "présent" est nécessaire pillage du passé, toute velléité de "vie actuelle" nous contraignant à relativiser nos interrogation morales, étiques, politiques, artistiques. Et, comme Wannis, il ne nous reste plus qu'à courir vers l'infini et à, nous aussi, devenir un point minuscule sur la berge du fleuve.
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sokol
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cyborg a écrit :
sam. 1 juin 2024 20:28
devenant de la sorte avant tout un film pour enfants.
C'est sa force en fait. Car tout dépend de ce que tu appelles "un film pour enfants" car en Occident, tu sais bien qu'une bonne partie des dessins animés par exemple (encore plus particulièrement ceux dans lesquels les animaux parlent) sont vus par des parents qui accompagnent leurs enfants au cinéma, les premiers en prolongeant d'une certaine manière le rituel enfantin qu'ils ont vécu durant leur enfance. Or, "Riddle of fire" c'est tout le contraire de ce cinéma enfantin et infantilisant, tout en ayant comme sujet principal des enfants. Donc, c'est vachement bien qu'ils regardent ça avec leur parents (j'en ai vu plein dans la salle), plutôt que ceux que j'ai évoqué plus haut
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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@sokol et bien je n'ai pas vu cette force... Pour moi le film est plus poseur qu'autre chose. Et vraiment très ricain.



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The Gold Diggers est un magnifique objet cinématographique dont la singularité et les expérimentations tiennent toutes leurs promesses, en faisant assurément l'un des meilleurs films britanniques.

Passant de la ruée vers l'or à notre capitalisme immatériel, Sally Potter envisage deux narrations. L'une est basée sur une narratrice blanche, se remémorant ses souvenirs d'enfance, l'autre une narratrice noire employée de bureau et cherchant à comprendre le sens de son travail. Alors que tout semble disjoindre ces deux parties, elles finissent par s’entremêler dans une explosion fracassante des sens dont l'amour et l'amitié seront les seuls vainqueurs.

Mis en image dans un noir et blanc sublime, le film saute de l'absurde au surréalisme (la scène au théâtre ou l'héroine se regarde elle même sur une scène, entourée de lourds rideaux, rejouer ses souvenirs d'enfance est lynchienne en diable avec plusieurs années d'avance !), de la comédie musicale au film d'aventure, de la discussion théorique à la romance. Potter diffracte joyeusement ses questionnements, abordant avec subtilité, humour et poésie des questions pourtant aussi brulantes que les relations de dominations, les problématiques de représentations, les jeux et sens du pouvoir, le capitalisme, le patriarcat... Le résultat est unique et enthousiasmant, confirmant qu'ambitions artistiques et politiques peuvent faire très bon ménage.


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Pariah - Dee Rees - 2011

Une adolescente noire new-yorkaise tente d'entrer dans la vie adulte malgré le rejet marqué par sa famille. A l'inverse de Gold Diggers cité plus haut, preuve si il est en est qu'un bon sujet ne fait absolument pas un bon film. Mise en scène absente, enjeux scénaristiques attendus, dialogues plats... On se croirait au mieux devant un téléfilm. Dommage.
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groil_groil
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A Rome, un homme simple plombier, va vivre une profonde crise existentielle après avoir vu un homme mourir (sans doute d'un arrêt cardiaque) dans le bus. Cet incident va le faire tout remettre en cause et l'interroger sur la brièveté et le sens de la vie. Ce n'est que le deuxième film de la carrière d'Elio Petri, et déjà le gars signe un chef-d'oeuvre existentiel, un film assez barré, presque expérimental (enfin, j'exagère la narration est toujours hyper claire), dont le fil narratif est volontairement très tenu, laissant libre court au personnage d'errer aussi bien physiquement que mentalement et d'atteindre un état quasi métaphysique. Au final ce film est presque plus proche des films d'errances métaphysiques d'un Fellini ou d'un Ferreri que de ce qu'on connait de la filmo de Petri. Superbe.

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C'est de plus en plus compliqué de continuer à défendre le cinéma d'Hong Sang-Soo. Pourtant, dieu sait que je l'ai aimé, et que j'aime encore retrouver cette petite musique si particulière qui ne ressemble qu'à lui et qui donne vraiment l'impression de vivre l'écoulement du temps et rien d'autre. Mais à tourner 3 à 4 films par an, à rechercher le minimalisme à tout prix, et surtout à se complaire des louanges internationales d'un cinéma qui est pourtant d'une modestie confondante, Hong Sang-Soo s'est enfermé dans un piège qui mêle recette toute faite à fainéantise extrême, dont le temps de préparation et de tournage d'un film semble de plus en plus correspondre à la durée (souvent très courte, ici 1h20) du film. Ici il n'y a quasiment plus rien, du tout. Deux espaces, deux histoires parallèles, mais qui ne croisent jamais, n'interagiront jamais, deux caméras posées qui se contentent d'enregistrer des platitudes. Pour se faire une idée, les deux climax de ces histoires parallèles sont d'un côté une meuf qui a perdu son chat (mais qui le retrouve 10mn après) et de l'autre une partie de pierre-feuille-ciseaux. Le discours devient si maigre que le bon sens devrait dire à HSS qu'il est temps d'arrêter mais non, il continue à sortir 3 films par an... Perso je ne sais pas si je vais continuer à les voir encore longtemps...
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groil_groil
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Une araignée super dangereuse s'introduit en France dans un immeuble de banlieue où elle se démultiplie et dont les rejetons grossissent de manière exponentielle pour semer la terreur dans l'immeuble. Le film n'invente rien et ne vaudra jamais Arachnophobia mais j'aime bien la manière honnête dont le film avance. C'est à la fois un vrai film de banlieue, que je trouve sincère à ce niveau, ni consensuel, ni putassier, et un vrai film d'horreur dans lequel transparait l'amour du genre chez le cinéaste. Je trouve le film en effet plus proche d'un Démons 2 de Lamberto Bava (qui se déroule aussi intégralement dans un immeuble) que d'un film comme La Tour (tentative de film d'horreur foirée par Nicloux, qui foire d'ailleurs tout ce qu'il fait), sur les mêmes thématiques mais qui ne prend jamais et ne brille pas par sa sincérité. Après la limite de Vermines c'est qu'il reste un film de potes, ça sent sans doute un peu trop.

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Une jeune femme est persuadée que son frère, pianiste amateur, mort en camp de concentration lorsque toute sa famille fut déportée, est réincarné dans le corps d'un piansite célèbre plusieurs années après. Ce Lelouch, qui fait partie de la liste de ceux que je n'avais pas encore vus, est aussi, de mémoire, l'une de ses premières grandes fresques transversales, traversant les genres, les époques, les styles et portés par une ou deux idées fortes, ici la réincarnation et le déportation. Des films à la fois chorale et opéra, où l'on ne peut que reconnaitre l'ampleur et l'ambition mais qui pêchent trop souvent par excès de mauvais goût et de mégalomanie. Celui-ci, même si il commence plutôt bien, même s'il expérimente pas mal (bon il n'est pas Godard non plus hein, mais le travail sur le son et sur le montage notamment sont assez ambitieux pour un cinéma populaire comme ça), se perd vite dans son récit et sa recherche permanente d'effet pour vite susciter de l'ennui voire quelques moments de gêne (du type BHL jouant son propre rôle sur le plateau d'Apostrophes de Bernard PIvot).
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Tamponn Destartinn
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Question naïve, peut-être, mais : personne ne compte aller voir Furiosa ?
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cyborg
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Moi je suis curieux. J'avais trouvé le premier volet (vu en très bonne compagnie ALEDienne à l'époque !) intéressant. Mais je ne sais pas si je trouverais le temps ou la véritable motivation !
len'
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 juin 2024 15:46
Question naïve, peut-être, mais : personne ne compte aller voir Furiosa ?
Si mais pas grand chose à en dire. C'est généreux, les scènes d'action sont brillamment filmées (Miller met encore à l'amende tous les p'tits jeunots qui font des gros films) et ça donne vraiment l'impression de voir la meilleure adaptation de bd qui n'existe pas comme t'as dit plus haut. Mais je me suis quand même ennuyé, surtout à cause de la narration je pense. J'aimais bien fury road pour sa première partie, avec de l'action qui s'enchaîne sans transition (j'espérais que ça s'arrête jamais, jusqu'au générique de fin en tout cas). Mais la deuxième partie était comme furiosa, il y a une histoire qui commence à se construire, ça parle beaucoup - surtout le méchant - et c'est tout de suite moins intéressant. Georges Miller aurait cette capacité de faire tenir tout un film hollywoodien avec juste de l'action, mais soit on l'en empêche soit c'est lui qui aime bien raconter des histoires (son précédent film suggère plutôt ça).
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Tamponn Destartinn
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len' a écrit :
jeu. 6 juin 2024 18:23
Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 juin 2024 15:46
Question naïve, peut-être, mais : personne ne compte aller voir Furiosa ?
Si mais pas grand chose à en dire. C'est généreux, les scènes d'action sont brillamment filmées (Miller met encore à l'amende tous les p'tits jeunots qui font des gros films) et ça donne vraiment l'impression de voir la meilleure adaptation de bd qui n'existe pas comme t'as dit plus haut. Mais je me suis quand même ennuyé, surtout à cause de la narration je pense. J'aimais bien fury road pour sa première partie, avec de l'action qui s'enchaîne sans transition (j'espérais que ça s'arrête jamais, jusqu'au générique de fin en tout cas). Mais la deuxième partie était comme furiosa, il y a une histoire qui commence à se construire, ça parle beaucoup - surtout le méchant - et c'est tout de suite moins intéressant. Georges Miller aurait cette capacité de faire tenir tout un film hollywoodien avec juste de l'action, mais soit on l'en empêche soit c'est lui qui aime bien raconter des histoires (son précédent film suggère plutôt ça).

Merci pour ton retour.
J'avoue être surpris de l'accueil tiede du film. Après, comme je suis pas fan de Miller (ni un hater, cela dit) je me demande si le film peut surprendre en bien d'autres gens du forum.
Je trouve Furiosa beaucoup mieux écrit, dans ses dialogues et dans l'ensemble de ses scènes hors action, justement.
Ca m'a donné envie de faire une retro Mad Max (je n'ai vu que le 1 - pas aimé - et le 4 - plutôt aimé, mais vu qu'une fois. Et le 5, donc, qui est mon préféré a priori)
len'
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 juin 2024 18:28

Merci pour ton retour.
J'avoue être surpris de l'accueil tiede du film. Après, comme je suis pas fan de Miller (ni un hater, cela dit) je me demande si le film peut surprendre en bien d'autres gens du forum.
Je trouve Furiosa beaucoup mieux écrit, dans ses dialogues et dans l'ensemble de ses scènes hors action, justement.
Ca m'a donné envie de faire une retro Mad Max (je n'ai vu que le 1 - pas aimé - et le 4 - plutôt aimé, mais vu qu'une fois. Et le 5, donc, qui est mon préféré a priori)
Ah oui, je viens de voir ça, je savais pas qu'il s'effondrait au box office. Malgré ce que j'en pense, il mérite pas ça, il y a plus de mise en scène dans le désert au tout début que dans la majorité des blockbusters actuels pris ensemble.

Le 2 de la trilogie initiale est le plus emblématique, il y a toute l'essence de mad max, mais j'ai peur qu'il ait mal vieilli. Et le 3, il faut aimer Tina Turner et les années 80.
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Tyra
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 juin 2024 15:46
Question naïve, peut-être, mais : personne ne compte aller voir Furiosa ?
Vu aussi. Faut que je prenne le temps de faire un petit retour sur les films vus dernièrement.
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groil_groil
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Perso j'avais trouvé le précédent MAD MAX tellement immonde que je ne pense pas que je verrai un jour le suivant.

Sinon :

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Je n'en gardais qu'un très vague souvenir de ma prime adolescence, et j'ai bien fait de le revoir car le film est très bon. Typique des 80's, c'est un film de pur dépaysement, un film américain certes mais en territoire étranger (c'est une mode qui a disparu, c'est bien dommage), l'action se déroule à Jakarta en Indonésie et met en scène un jeune journaliste envoyé par un quotidien Australien (Mel Gibson qui joue le rôle est Australien, tout comme l'est le metteur en scène Peter Weir), qui vient couvrir les événements de 1965 où le PKI (parti communiste indonésien) pousse le peuple à la révolte sanglante et au renversement du gouvernement. Il va tomber amoureux d'une jeune et sublime jeune femme (Sigourney Weaver au sommet de sa classe intégrale) travaillant à l'Ambassade d'Angleterre. Leur liaison va être entachée par un véritable dilemme lorsque le jeune journaliste va vouloir utiliser une information confidentielle que la jeune femme, qui l'a apprise à l'Ambassade, lui communique sous le sceau du secret. Amour ou ambition, telle est la question que pose in fine ce beau film, mais qui ne se contente pas de ça, c'est même quelque chose qui arrive assez tardivement. Peter Weir accorde surtout son attention sur l'atmosphère urbaine et l'ambiance si particulière de l'Indonésie de cette époque, particulièrement bien retranscrite. Mais le truc le mieux du film c'est le duo Gibson / Weaver. Déjà ils sont au top de leur beauté, ils irradient l'écran, mais il y a un truc incroyable, c'est l'alchimie qu'il y a entre deux. Je veux dire, elle est géniale, il est génial, mais les scènes qu'ils ont ensemble sont supérieures à l'addition de leurs deux talents séparés, il se passe vraiment quelque chose de magique entre ces deux comédiens, comme on le voit rarement sur un écran. L'année de tous les dangers est in fine un des meilleurs films de Weir, et il serait temps que celui-ci soit restauré et ressorte en bluray afin qu'on puisse profiter au mieux de la superbe photo du film.
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Pile-Poil
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groil_groil a écrit :
ven. 7 juin 2024 11:06
… mais les scènes qu'ils ont ensemble sont supérieures à l'addition de leurs deux talents séparés, il se passe vraiment quelque chose de magique entre ces deux comédiens, comme on le voit rarement sur un écran.
Je l’ai vu il y a longtemps et en VF (enregistré en VHS suite à une diffusion du jeudi soir sur France 3 il y a 25 ans, au bas mot), donc mon souvenir manque sans doute de précision, mais LA scène où ils viennent de se faire doucher par une averse et ensuite s’étreignent et s’embrassent est incroyable… de sensualité. On peut littéralement lire l’émoi et la passion sur le visage de Sigourney. Les sentiments qu’ils éprouvent — mais surtout elle — sont palpables à un point que c’en est troublant. Je crois qu’elle n’a jamais été aussi belle. (Allez, dans Ghostbusters, quand elle se fait draguer par Bill Murray, elle est également renversante.)
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groil_groil
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Pile-Poil a écrit :
ven. 7 juin 2024 22:19
groil_groil a écrit :
ven. 7 juin 2024 11:06
… mais les scènes qu'ils ont ensemble sont supérieures à l'addition de leurs deux talents séparés, il se passe vraiment quelque chose de magique entre ces deux comédiens, comme on le voit rarement sur un écran.
Je l’ai vu il y a longtemps et en VF (enregistré en VHS suite à une diffusion du jeudi soir sur France 3 il y a 25 ans, au bas mot), donc mon souvenir manque sans doute de précision, mais LA scène où ils viennent de se faire doucher par une averse et ensuite s’étreignent et s’embrassent est incroyable… de sensualité. On peut littéralement lire l’émoi et la passion sur le visage de Sigourney. Les sentiments qu’ils éprouvent — mais surtout elle — sont palpables à un point que c’en est troublant. Je crois qu’elle n’a jamais été aussi belle. (Allez, dans Ghostbusters, quand elle se fait draguer par Bill Murray, elle est également renversante.)
Oui c'est exactement ça, je pensais notamment à cette scène en écrivant cela, elle est fabuleuse, mais il y en a d'autres. Et Sigourney n'a jamais été aussi belle oui, mais je dis cela d'au moins 20 films :D
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Tyra
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Film étonnamment bien reçu par la critique et le public. L'impression pourtant de voir un produit de plateforme, vaguement racoleur et clippesque, sans le minimum d'humour pour faire passer la pilule. Le film échoue complètement à créer le moindre trouble et érotisme autour de ce désir triangulaire. Guadagnino semble d'ailleurs penser qu'en 2024 des baisers homosexuels puissent encore choquer le cinéphile averti et semble ce contenter de cela. Et je passe sur les nombreuses approximations dans la peinture du milieu du tennis professionnel, qui n'était probablement pas la préoccupation premières du scénariste.
Reste la BO de Trent Reznor dont le film est finalement un bon support, et rien de plus.

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C'est évidemment, comme prévu, d'un immense absence de recul et d'une grande complaisance sur l'entre-soi bourgeois du cinéma Français. Il ne faut pas être allergique à voir tout ce petit monde, Deneuve, C. Mastroiani, Luccini, ou Melville Poupaud, jour son propre rôle. Cela-dit, c'est moins pire que prévu, parce que le film est un peu sauvé par son humour dans sa première partie. La deuxième, en revanche, qui voit C. Mastroiani partir pour l'Italie sur les traces de son père, beaucoup plus mélancolique et référencée (Fellini notamment), est finalement ratée car échouant à nous faire ressentir le spleen identitaire (à ce propos, le film ne cesse de faire penser à la trans-identité en deuxième lecture) de son personnage, et je m'y suis copieusement ennuyé. En fait, à chaque fois que Chiara se retrouve seule, cela ne marche pas, il lui faut ses sparring partners pour que les scènes décollent.
Faudrait aussi un jour questionner la mise en scène de Honnoré, qui s'obstine à ne pas faire un seul plan et filmer n'importe comment toutes les scènes.
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Tamponn Destartinn
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SEPTEMBRE SANS ATTENDRE - Jonas Trueba

Son meilleur film depuis Eva en Aout, mais ça reste en dessous.
Il recommence à casser le 4ème mur, comme pour son précédent film, mais cette fois c'est plus organique. Je vois ça moins comme un constat d'échec, la mise en abime fonctionne. Mais ça reste un artifice un peu accessoire, dont il se passait très bien avant. A ma projection, il était en master class avec sa femme (Ouf, ils ne sont pas donc pas séparés. Le film pouvait poser question tant ça ressemble à une autobiographie + qu'est-ce qu'elle est belle, bordel !), et j'ai posé la question de pourquoi il fait ça depuis deux films. Il a répond texto "je ne sais pas, par intuition au montage". Bon. Par contre, quand on lui demande quelles motivations à jouer à ce point la répétition (le film montre pendant quasi deux heures un couple qui annonce toujours la même nouvelle à différentes personnes), il est bien plus loquace : c'est parce que c'est la vie c'est ça, on passe notre temps à répéter des conversations, et il trouve ça très cinématographique, qu'importe si ça va à l'encontre d'un scénario classique. Et il a bien raison, c'est à ça qu'on reconnait son talent. C'est un cinéaste du quotidien, l'un des meilleurs de sa génération (derrière Hamaguchi), et son film est réussi parce qu'il a enfin retrouvé un sujet qui lui permet de le montrer intelligemment.
Ca sort le 28 aout, allez le voir (moi c'est le jour du terme de ma femme enceinte, j'ai bien fait d'aller à cette séance, je l'aurai probablement loupé sinon :D )
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cyborg
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All light, everywhere - Theo Anthony - 2021

La philosophie des techniques, et tout particulièrement des appareils de visions, est un de mes centres d'intérêts et de recherches principaux. Je ne m'attendais donc pas forcément à apprendre grand chose de la part de ce documentaire... erreur : tout en revenant sur les bases historiques les plus connues, qu'il parvient à présenter avec originalité, le réalisateur débusque quelques références et autres précurseurs tapis dans l'ombre.
Mieux encore, Théo Anthony prolonge cette histoire en la collant à notre actualité la plus brulante : le capitalisme de surveillance, dans toute sa complexité et sa puissance retorse. La grande idée du film est de se constituer de deux grandes parties relevant presque du found-footage. Non pas dans la source des images, tournés par les équipes du film, mais par les discours qui y sont tenus,presque préfabriqués. D'un côté une visite guidée détaillée de l'usine Tazer, par l'un des cadre de la boite, de l'autre un cours d'instruction reçus par des policiers pour utiliser les "body cam" (produites par... Taser). Entre les deux, des incursions dans l'Histoire, dans des débats citoyens sur les techniques de surveillances dans les quartiers défavorisé, l'observation d'une éclipse, la rencontre avec l'inventeur d'un "Google street view" live... La précision du montage et la multiplicité des sources rendent le film passionnant et très réussi, sur un thème particulièrement complexe : le hors-champs de tout opérateur d'appareil de vision, la boucle de rétroaction entre captation de la réalité et modelage de la réalité, l'omnipotence des données mises en réseaux etc... Un incontournable pour qui s'intéresse à toute forme de pensée contemporaine.

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The connection - Shirley Clarke - 1962

The Connection est à la fois un pur produit de son époque, et en même temps un peu plus par les questions qu'il pose à la mise en scène, à la réalité, à la forme documentaire.
Adaptation cinématographique d'une pièce du Living Theater (formation elle même expérimentale), le film est un huit-clos dans un appartement new-yorkais ou vivent un groupe de jazzmen junkies. Parmi eux, un metteur en scène et un caméraman, tachant tant bien que mal de réaliser un documentaire sur des addicts à l'héro. On entend régulièrement leurs voix, et le "réalisateur" finit par apparaitre régulièrement à l'écran, déplaçant les lumières et les micros, motivant les troupes attendant leurs shoots etc etc. Le film s'ouvre même sur un carton tentant de nous faire croire qu'il s'agit d'un film de rush de found-footage abandonnés puis remontés comme il fut possible !
Bien que les images sautent, changent de format, multiplient les raccords approximatifs, le tout est beaucoup trop propre et construit (surtout avec nos yeux de 60 ans plus tard !) pour que l'effet soit crédible. Néanmoins toute la recherche du lien entre un metteur en scène et son sujet, les tricheries plus ou moins admises, ses implications (le réal fini même par essayer la drogue lui-même, poussé par les junkies, essayant de le convaincre que son film n'en sera que meilleur - et de façon amusante les images deviennent les plus expérimentales de tout le film), le rapport entre art et vie (ou entre art et misère, on pense notamment au génial "Les vampires de la misère" de Luis Ospina en 1977) restent toujours pertinentes, et surtout traitées d'une façon assez inattendues dans un film du début des années 60.
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Tyra
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Malheureusement, celui-ci restera dans la catégorie des mauvais crus dupiesque. Je me rends compte avec le temps que ce que j'aime chez Dupieux c'est son rapport à l'idiotie, comment le personnage de l'idiot, par sa bêtise ou sa folie, sa propre logique, se réenchante le monde. Il y a souvent de cela dans les films que j'aime de lui, alors qu'ici, comme dans Yannick ou Une histoire vraie, il tente d'approcher, par la satyre, des sujets de société, ou par des métalepses à n'en plus finir, le métier d'acteur. Des sujet qui, à mon avis, ne produisent pas grand chose, si ce n'est, dans ses plus mauvais moments, un humour un peu beauf.
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Narval
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Bah tiens j'en profite vu que je viens de le ratrapper aussi,

Le Deuxièmes Acte - Quentin Dupieux
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Je serai sévère mais il faut l'être avec les réalisateurs qu'on aime/qu'on a aimé. Franchement il était temps qu'il fasse une pause car ce type ne sait plus écrire de films. La scène d'intro entre Raphaël et Louis c'était le coussin de la honte pour moi, sérieusement j'avais la souffrance au corps, et cela faisait longtemps que j'avais pas eu une telle gêne au ciné. Heureusement, la suite - et notamment la scène centrale dans le bar - rattrapent l'ensemble, mais le film est beaucoup trop fermé sur lui-même et s'enfonce malheureusement trop dans son discours paresseux pour être stimulant. Le tout est en plus alourdi par les clins d'œil et ruptures fiction/réalité incessants qui ne font même plus effet à présent tellement elles ont été usitées par ses précédents films. Cela fait un moment qu'il tourne en rond avec ses délires méta et je suis persuadé qu'il n'a plus rien à dire là dessus - et qu'il est meilleur quand il s'en abstient ou qu'il intègre cela dans la fiction même - cf Yannick. Heureusement qu'il a tous les acteurs et actrices de France à disposition pour tourner ses trucs à peine branlé car ce sont vraiment eux qui donnent un peu d'épaisseur et nous éloignent du film d'étudiant de cinéma malin qui pense nous prendre par surprise (ou pire, nous donner des leçons). Tout l'humour du film se base sur la violence et tout son discours sur l'opposition entre la réalité de l'acteur et celle de son rôle (et donc de son image recréée en permanence), mais cela ne va jamais au delà de clichés de jalousie, de harcèlement et d'auto-censure, c'est très premier degré et ras des pâquerettes sur la plupart des scènes, et quand on passe du rôle à l'acteur, les virages sont à 180°C (les homophobes sont gays, les défenseurs des agresseurs etc.) bref c'est inintéressant au possible. On voit tout venir à des kilomètres - notamment le serveur qui reproduit son geste de fiction, la fausse demande en mariage...
Le seul petit espoir que j'ai, c'est ce final sur un travelling arrière, présage d'un départ du réal pour d'autres horizons ? Je lui souhaite.
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Tyra
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:jap:
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cyborg
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Montage de rushs de repérages tournés par Herzog en Afrique, qui projetait d'y faire un film de science-fiction. A la vue de ces images de paysages, ruines, animaux, quelques humains, déchets, carcasses d'avion, usines de pétrole...on ne peut que se prendre à rêver de ce qu'aurait pu être ce film avorté.
En l'état nous avons le droit à un film découpé en trois parties (Création/Paradis/Age d'or) et à des voix-off récitant des passage du Popol vuh (sur une musique venant bien sur de...Popol Vuh) mais aussi de Léonard Cohen, ou de la musique classique et même un concert semi improvisé entre un homme et une femme. Cet étrange mélange fleure bon le post-68 et ses échappées psychédéliques vers l'imagination d'un monde autre. On songe à quelques descendant plus ou moins directs (Bill Viola et son "Chott el-Djerid", en première ligne, bien sur) mais aussi à Herzog lui-même, dont beaucoup de prochains films semblent ici en gestation.
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groil_groil
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Bonheur de retrouver Bruno Podalydès autant en forme avec un film qui lui ressemble tellement et dans lequel il met tout son cinéma. Film de rivière (Comme un avion mais en mieux), film de bateau vu comme lieu où s'exerce le pouvoir (comme Liberté-Oléron), film de copains (la même bande, dont son frère, depuis toujours, quel plaisir de les retrouver et de les voir décliner leurs personnages avec le temps avec en plus Daniel Auteuil qui s'intègre parfaitement et retrouve un jeu comique qui lui va si bien), et film à l'humour à la fois ravageur et mélancolique dont le sujet est, l'air de rien, l'amour fou et désespéré. Plus réussi que le précédent, La Petite Vadrouille renoue avec tout ce que Podalydès sait faire de mieux, à savoir associer un humour très bande dessinée (Denis P. lit d'ailleurs Bob Fish de Chaland au lit), rempli de gags allant jusqu'à l'absurde (la glaviole évidemment encore présente), jusqu'à une forme presque abstraite du gag (qui peut rappeler le cinéma de Luc Moullet (Parpaillon en tête)), mêlé à un sens de la comédie qui s'inspire des grands comiques américains, des Three Stooges aux Marx Brothers. Belle et douce réussite.

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Les Uns et les Autres est peut-être bien l'archétype du style Lelouch, avec son ampleur, sa démesure, son ambition, ses lourdeurs et son mauvais goût, tout cela mêlé... Il vaut mieux avoir un style que pas du tout, mais si celui-ci est bourré de défauts après tout. Le film est d'une grande ampleur et raconte la vie d'une famille des années 30 aux années 80 et d'un enfant perdu pendant la guerre pour lui éviter la déportation. Plein de niveaux de narrations, de raccords surprenant, et sans doute l'un de ses films les plus musicaux de tous. De la musique tout le temps, partout, de la comédie musicale, de l'opéra, de la chanson, de la danse, comme si le monde Lelouchien ne se mettait en mouvement qu'en suivant un tempo musical. C'est un beau geste dans l'idée, mais c'est aussi par là que le film pêche et que les différentes expressions du mauvais goût du cinéaste peuvent s'exprimer librement.
I like your hair.
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Tyra
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Tamponn Destartinn a écrit :
sam. 1 juin 2024 23:31
FURIOSA - George Miller

Enorme claque inattendue.
J'ai l'impression d'avoir vu l'adaptation parfaite d'une bande dessinée qui n'existe pas, mais du même acabit que celles de la grande époque de la bd franco-belge de genre des années 80. Narrativement, ça n'a rien à voir avec Fury Road : c'est un récit en 5 chapitres qui recoupe 15 ans de vie d'une femme. Un personnage mille fois plus intéressant que ne l'a jamais été celui de Max. C'était déjà très clair dans Fury Road, mais cette fois elle est 100% l'héroïne et le résultat fait un bien fou. Miller met toujours à l'amende l'ensemble des films d'action récents dans sa mise en scène, mais ces moments de bravoure sont plus parsemés, au profit d'autres chapitres plus diversifiés. Même : la plus grande scène d'action du film (une attaque de convoi sur au minimum 15 minutes en temps réel) est folle, notamment dans son choix audacieux de n'utiliser aucune musique, mais le moment le plus sidérant de ce passage est l'après, quand la jeune Furiosa se retrouve éjectée du camion, seule dans le désert. C'est un long plan fixe, sans un mot on comprend le dilemme qui l'anime et la rupture de ce moment d'accalmie lance le début d'une relation amoureuse très belle, une comme je n'en avais pas vu depuis longtemps dans ce genre de film. C'est ce mélange parfaitement dosé qui fait que le film est vraiment très fort.
Sans compter un méchant étonnant, innovant et très bien incarné par un Chris Hemsworth visiblement heureux d'avoir enfin affaire à un vrai cinéaste.
Je n'ai pas une fascination pour Miller (son dernier m'a emmerdé), mais le mec tient son univers comme jamais et ça lui donne de sacrées ailes.
Tu parles bien des qualités du films, cependant il m'est impossible de le voir au dessus de Fury Road, dont j'aimais l'abstraction, l'architecture de son récit, l'histoire d'un aller/retour. Récit dégraissé justement de toute mise en place d'un univers que nous découvrions au fur et à mesure. Le geste de mise en scène était plus important que l'univers développé, qui servait de toile de fond.
Ici, George Miller pense que son univers qu'il a créé a un intérêt en soi, comme dans n'importe quelle franchise hollywoodienne. Ce n'est plus le geste de mise en scène qui prime mais la volonté de raconter, de développer. Forcément, cela donne un film très différent, beaucoup plus elliptique, frustrant, pas toujours clair dans son déroulement d'ailleurs. Mais qui comporte des moments très forts, c'est vrai (j'adore toute la poursuite/filature d'introduction). Mais aussi un film moins heureux esthétiquement, un film de fonds verts aux effets numériques parfois inaboutis...
Et puis, le film comporte selon moi une énorme faiblesse scénaristique qui nuit totalement à la fameuse "suspension d'incrédulité" :
Comment le personnage de Fusiosa peut elle évoluer dans ce monde sans être démasquée, ou au moins, emmerdée en tant que femme ?

Dans un premier temps, elle s'évade du "harem", aidée par l'un des deux fis d'Immortal Joe. Petite ellipse temporel, elle réapparait déguisée en garçon parmi les mécanos de la forteresse. Déjà, il faut avaler une grosse couleuvre : personne ne fait le lien. A priori Immortal Joe avait l'air de tenir à elle, sa disparition l'a probablement mis sur ses gardes, il a probablement fouillé de fond en comble la forteresse, et personne parmi ces années passées, ne se pose de questions ? Bon admettons. Arrive plus tard le moment où elle lâche ses cheveux, assumant son identité de femme.... Et là, toujours pas ? Elle se présente devant Immortal Joe, devant Dementus, et aucun des deux ne se pose de questions ? Et même en admettant que personne ne la reconnaisse, c'est une femme, la seule de l'histoire, entourée d'homme ultra-violents... Personne n'a l'idée de se l'approprier (puisque qu'on tente de s'approprier tout ce qui a de la valeur dans Mad Max) ou de contester sa légitimité ?
De là aussi un constat très étonnant : la question du désir sexuel est totalement absent du film. On nous présente un monde ultra-violent, dominé par les hommes, qui passent leur temps à tuer, piller, détruire. Pourtant, dans ce monde ultra patriarcal, les femmes risquent d'être capturées, mais jamais violées. Furiosa pouvant traverser ce monde de criminels sans avoir à se défendre du moindre désir, violent ou non. Même la question est du sexe est évacué lors de sa brève histoire d'amour avec le conducteur du camion.

Bon, malgré ça j'ai pris pas mal de plaisir, parce que c'est en effet assez rare d'avoir des metteurs en scènes qui savent un peu ce qu'ils font dans la production hollywoodienne actuelle.
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sokol
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Narval a écrit :
mer. 12 juin 2024 01:01

La scène d'intro entre Raphaël et Louis c'était le coussin de la honte pour moi, sérieusement j'avais la souffrance au corps, et cela faisait longtemps que j'avais pas eu une telle gêne au ciné.
Où est le problème ?
Histoire de comprendre
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Narval
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sokol a écrit :
dim. 16 juin 2024 09:53
Où est le problème ?
Histoire de comprendre
De manière générale les personnages et leurs archétypes sont d'une lourdeur, particulièrement dans l'intro. Les positions des personnages télégraphiées, leurs dialogues approximatifs qui tournent autour du pot pendant 10 min, le jeu au ras des pâquerettes qui rend les personnages encore plus intéressants et gênants, et ça dure une éternité pour simplement poser la situation de départ d'un film qui n'a pas d'intérêt (quitte à faire un film dans le film, certains ont au moins l'intelligence d'épargner le spectateur). Quand ça commençait à parler de trans et de censure c'était juste trop j'avais envie de me casser tellement l'intention était grosse.
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